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Date : 20050608

Dossier : IMM-6615-04

Référence : 2005 CF 820

Toronto (Ontario), le 8 juin 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

ENTRE :

                                                            RICHARDNE SZABO

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Mme Richardne Szabo est une hongroise de 33 ans qui allègue une crainte bien fondée de persécution basée sur des sévices sexuels et physiques de la part de son père. Mme Szabo demande un contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et de statut de réfugié en date du 18 juin 2004, selon laquelle sa revendication n'a aucun fondement crédible et qu'elle n'est ni une réfugiée au sens de la Convention, ni une personne à protéger.

[2]                Mme Szabo a allégué que les sévices ont commencé en 1983, quand elle avait 11 ans et se sont aggravés pour arriver au viol en 1984. En 1985, elle a présenté une plainte d'agression sexuelle contre son père, soutenue par sa mère. D'après un document d'un tribunal hongrois déposé comme élément de preuve, son père a été reconnu coupable de l'infraction « d'acte indécent continuel avec une personne dont il avait la charge » et a été condamné en avril 1986 à vingt-huit mois d'emprisonnement et à trois ans de probation à condition de suivre un traitement contre l'alcoolisme.

[3]                Le père a été libéré après un an et est retourné dans la maison familiale en juillet 1987. Mme Szabo a allégué qu'il y avait eu une autre tentative de viol à son retour, mais que celle-ci n'avait pas été signalée à la police. Dans son formulaire de renseignements personnels (FRP), elle a indiqué qu'elle avait menacé de le renvoyer en prison et lui avait échappé à cette occasion. Elle n'avait pas signalé l'incident parce que la police ne l'aurait pas crue.

[4]                À la suite de cette tentative de viol, il y a eu des conflits constants entre Mme Szabo et son père, mais plus d'agression sexuelle. Son petit ami (plus tard son époux) intervint également pour la protéger de son père.


[5]                Mme Szabo a quitté le domicile en janvier 1989 et a déménagé chez son ami et les parents de celui-ci. À une occasion en 1990, son père est venu à la maison de ses beaux-parents et a causé du désordre. Il a été arrêté et détenu pendant 24 heures, mais ensuite relâché sans accusation.

[6]                En mars 1996, Mme Szabo est venue au Canada avec un permis de travail. Quand le permis a expiré en septembre 2000, on lui a refusé une prorogation de visa. Son époux n'était pas capable de venir au Canada et ils ont par la suite divorcé. Une demande de parrainage par un petit ami canadien marié, vivant toujours avec son épouse et ses enfants, a été refusée parce qu'on avait des doutes sur la bonne foi de la relation. Une demande fondée sur des considérations humanitaires (CH) a aussi été refusée. Elle n'a pas mentionné son père violent sur la demande CH, mais plutôt sa crainte de son ex-mari. Mme Szabo a alors revendiqué l'asile en 2003, sur les conseils d'un nouvel avocat.

[7]                La Commission a admis que les agressions sexuelles antérieures à 1986 ont eu lieu et que le père a été puni pour ces crimes. La Commission n'a pas trouvé crédible le récit des événements suivants par la demanderesse. La Commission a jugé que même si ces événements se sont en fait passés, Mme Szabo aurait pu obtenir la protection des autorités. La Commission a également tiré des conclusions négatives des retours de Mme Szabo en Hongrie, du fait qu'elle n'ait pas mentionné son père violent sur sa demande CH et le délai pour revendiquer l'asile.

[8]                La Commission a conclu que si elle a des problèmes avec son père à son retour en Hongrie, la protection de la police sera disponible, comme elle l'a été dans le passé, et que la Hongrie est bien capable de protéger ses citoyens de cette forme de criminalité.

[9]                La Commission a jugé que la revendication de la demanderesse n'avait aucun fondement crédible.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[10]            1.          Est-ce que la Commission a commis une erreur dans ses conclusions en matière de crédibilité?

2.          Est-ce que la Commission a commis une erreur en jugeant que la protection de l'État était disponible?

DISCUSSION ET ANALYSE

1.          La crédibilité


[11]            Mme Szabo prétend que la conclusion négative en matière de crédibilité était manifestement déraisonnable, parce qu'elle était fondée sur des déductions erronées. C'était une conclusion de vraisemblable, et elle est donc moins à l'abri d'un contrôle judiciaire : Giron c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 143 N.R. 238 (C.A.F.); Ye c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] A.C.F. no 584 (C.A.F.).

[12]            En dépit de la déclaration de la Commission qu'elle avait tenu compte des Directives du Président concernant les revendicatrices du statut de réfugié craignant d'être persécutées en raison de leur sexe, Mme Szabo soutient que la commissaire n'a pas tenu compte des éléments de preuve relatifs à son âge et à la situation en 1987, quand a eu lieu la tentative de viol. Elle avait 16 ans, et il n'y avait aucun témoin ni preuve corroborante.

[13]            D'après la demanderesse, la Commission a également dénaturé le sens de la preuve en jugeant qu'elle n'avait jamais été seule dans la maison, parce que ses grand­-parents étaient toujours là. Cette déclaration ne concernait que l'époque après que sa mère ait souffert d'un accident vasculaire cérébral en 1988, et pas avant. Il s'agissait d'une interprétation erronée des faits et d'une erreur susceptible de révision.

[14]            Mme Szabo prétend également qu'il n'était pas invraisemblable qu'elle se serait abstenue de mentionner son viol par son père dans sa demande CH à cause de la nature embarrassante de cette information. Elle ne savait pas que cela pouvait influencer l'agent d'immigration en sa faveur.

[15]            Le défendeur déclare que le comportement de la demanderesse était incompatible avec une crainte subjective. Les conclusions de crédibilité de la Commission ont été tirées en termes clairs et non équivoques et ne sont pas manifestement déraisonnables, car elles étaient soutenues par les invraisemblances dans le récit de la demanderesse, par le bon sens et la logique et les probabilités relatives à l'ensemble de l'affaire.

[16]            Le défendeur soutient également que l'explication pour laquelle la police n'a pas été contactée à propos de la tentative de viol de 1987 n'était tout simplement pas vraisemblable. Mme Szabo avait mûri de deux ans et ses plaintes contre son père avaient été crues dans le passé. La conclusion de la Commission quant à l'invraisemblance de son silence sur son viol auprès d'un agent de demande CH n'est pas abusive, parce qu'elle n'en avait pas gardé le secret. Ce viol avait été divulgué à sa famille, à la police et aux tribunaux en Hongrie.


[17]            Je pense qu'il est clair, d'après les motifs de la commissaire, que ses conclusions ont été influencées par les antécédents d'immigration de la demanderesse et le fait qu'elle n'ait pas divulgué les problèmes avec son père dans ses démarches antérieures pour demeurer au Canada, avant de revendiquer le statut de réfugié. La raison donnée par Mme Szabo de ne pas vouloir retourner en Hongrie pour faire sa demande de résidente permanente était la crainte de son ex-mari et non de son père. La commissaire semble avoir conclu que, quand cette histoire n'a pas marché, Mme Szabo a embelli la réalité des sévices sexuels qu'elle avait subis enfant, pour soutenir sa revendication du statut de réfugié. Bien que je ne sois peut-être pas arrivé à la même conclusion, je ne peux pas juger que les conclusions de vraisemblance et de crédibilité de la Commission soient manifestement déraisonnables.

[18]            Mme Szabo affirme qu'elle n'a pas signalé la tentative de viol parce qu'elle ne pensait pas qu'on la croirait. Mais on l'a bien crue quand elle a porté plainte contre son père à la suite des sévices sexuels précédents. Et elle a témoigné que son grand-père paternel, un ancien agent de police, croyait toujours en ses plaintes, contrairement à sa grand-mère. Sa mère avait soutenu sa plainte précédente. La Commission était en droit de conclure, sur la foi de cette preuve, que la crainte de persécution permanente alléguée par la demanderesse n'était pas crédible.

2.          La protection de l'État

[19]            La demanderesse soutient que la protection de l'État n'était pas et n'aurait pas été disponible pour elle, parce que la police savait que son père était le fils d'un ancien agent de police et qu'elle le traitait avec indulgence. Elle soutient également que la Commission n'a pas fait mention de la preuve documentaire qui soutenait son témoignage et n'a pas non plus signalé des éléments de preuve qui auraient contredit son témoignage sur l'absence de protection de l'État. Elle prétend que la protection de l'État ne doit pas être recherchée quand elle est inefficace : Espinoza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 343.

[20]            Le défendeur allègue que la Commission est présumée avoir pris en considération tous les renseignements soumis et qu'il n'était pas nécessaire dans la présente affaire d'analyser précisément les conditions en Hongrie : Florea c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.F.).

[21]            La preuve montre clairement en l'espèce que la protection de l'État a été offerte à la demanderesse quand elle s'est plainte des sévices sexuelles que lui avait fait subir son père et il n'y a pas de raison de croire qu'elle lui serait refusée si elle retournait en Hongrie. La Commission n'a pas commis d'erreur en jugeant que la demanderesse n'a pas réussi à fournir une preuve claire et convaincante de l'incapacité de l'État de la protéger : Canada (PG) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689.

[22]            La présente demande sera par conséquent rejetée. Aucune question grave de portée générale n'a été proposée et aucune ne sera certifiée.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la présente demande soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                                          « Richard G. Mosley »                      

                                                                                                                                                     Juge                                    

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-6615-04

INTITULÉ :                                                    RICHARDNE SZABO

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 6 JUIN 2005

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :                                   LE 8 JUIN 2005

COMPARUTIONS :

Wennie Lee                                                       POUR LA DEMANDERESSE

Patricia MacPhee                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lee & Company                                                POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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