Date : 20030124
Dossier : IMM-1860-01
Référence neutre : 2003 CFPI 76
ENTRE :
MOHAMMAD JAVED
demandeur
et
LE MINISTRE
DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LE JUGE GIBSON
[1] Les présents motifs découlent d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision dans laquelle un agent des visas à New Delhi, en Inde, a jugé que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences applicables pour immigrer au Canada. Le demandeur a présenté sa demande dans la catégorie des immigrants indépendants en tant que technicien en génie civil (CNP 2231.2). L'agent des visas lui a accordé soixante-neuf (69) points d'appréciation, dont cinq (5) pour le facteur de la personnalité, alors qu'il lui en fallait soixante-dix (70) pour avoir le droit d'immigrer au Canada. La décision qui fait l'objet du présent contrôle est datée du 28 février 2001.
[2] Le demandeur a soulevé deux (2) questions dans sa demande de contrôle judiciaire : (1) l'agent des visas a-t-il commis une erreur de droit susceptible de contrôle lorsqu'il a décidé de lui accorder cinq (5) points d'appréciation pour le facteur de la personnalité, et ce, parce qu'il a appliqué une norme beaucoup trop stricte et qu'il a tiré des conclusions déraisonnables? et (2) l'agent des visas a-t-il manqué à son obligation d'équité en omettant d'informer le demandeur de toute réserve qu'il a pu avoir en ce qui touche sa personnalité et en omettant de lui donner la possibilité de le détromper?
[3] À l'issue de l'audience relative à la présente demande de contrôle judiciaire, j'ai souligné que je rejetterais la demande du demandeur.
[4] Je suis convaincu que l'agent des visas n'a pas appliqué une norme beaucoup trop stricte pour l'octroi des points d'appréciation et n'a pas tiré de conclusions déraisonnables dans l'établissement du nombre de points d'appréciation qu'il accorderait pour le facteur de la personnalité. Je suis également convaincu que l'agent des visas n'a pas manqué à son obligation d'équité envers le demandeur.
[5] Dans Rani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[1], mon collègue le juge Beaudry a écrit aux paragraphes 37 à 40 de ses motifs :
En réponse à la question de la recherche par un agent des visas de domaines connexes dans lesquels le demandeur peut être apprécié, la présente Cour a statué qu'il incombe au demandeur de convaincre l'agent des visas qu'il a droit à un visa. Il incombe au demandeur de fournir les renseignements pertinents et l'agent des visas n'est pas tenu de procéder à une enquête approfondie prolongée pour amener le demandeur à révéler les renseignements qui l'aideraient à déterminer si celui-ci a les compétences voulues dans la profession envisagée.
Ce point de vue est étayé par la décision que la présente Cour a rendue dans l'affaire Hajariwala c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 2 C.F. 79 (C.F. 1re inst.), où le juge en chef adjoint Jerome a fait la remarque suivante, au paragraphe 7 :
Il est également important de souligner que la Loi sur l'immigration de 1976 exige à l'article 6 des personnes recherchant le droit d'établissement au Canada qu'elles répondent aux normes réglementaires de sélection fixées dans le Règlement sur l'immigration de 1978. Il incombe donc clairement au requérant de présenter toutes les données pertinentes pouvant être utiles à sa demande. La mesure dans laquelle les agents d'immigration voudront offrir de l'aide ou des conseils pourra dépendre de leurs préférences individuelles ou même faire l'objet de politiques si le ministère le juge opportun, mais une telle obligation n'est pas de celles imposées aux agents par la Loi ou le Règlement.
De même dans la décision Yu [Yu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1990), 36 F.T.R. 296], la présente Cour a fait remarquer ce qui suit :
À mon avis, il n'y a pas lieu d'invoquer l'inéquité dans le traitement de la demande simplement parce que l'agent des visas, au moment de l'entrevue de la requérante, n'a pas fait état de toutes ses préoccupations qui découlent directement de la Loi et du Règlement sur l'immigration, qu'il doit suivre scrupuleusement dans l'évaluation d'une demande. Ces documents sont à la disposition des requérants, qui doivent prouver à l'agent des visas qu'ils satisfont aux critères qui y sont définis et que leur admission au Canada y serait conforme.
Il est noté qu'en l'espèce, la demanderesse, dans l'affaire Yu, a soutenu que si on le lui avait demandé, elle aurait donné les renseignements dont l'agent des visas avait besoin. Toutefois, la maxime bien connue selon laquelle l'ignorance de la loi n'est pas une excuse sous-tend les remarques précitées. La demanderesse aurait pu consulter la Loi et le Règlement et, de son propre chef ou avec l'aide d'un avocat, elle aurait pu les examiner afin de comprendre ce qu'elle devait faire et de préparer une preuve valable pour satisfaire à cette obligation. Il n'incombait pas à l'agente des visas de dire à la demanderesse si elle s'était acquittée de son obligation, ou même jusqu'à quel point elle réussissait à s'en acquitter [...]
[6] Dans le même sens, dans Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[2], mon collègue le juge Kelen a écrit ce qui suit dans les attendus de son ordonnance de rejet d'une demande de contrôle judiciaire visant une décision rendue par un agent d'immigration à Hong Kong :
[TRADUCTION]
[...]
L'agent des visas est le mieux placé pour apprécier la « personnalité » du demandeur après l'entrevue. Lorsque l'agent des visas est appelé à déterminer si le demandeur et les personnes à sa charge sont en mesure de réussir leur installation au Canada, d'après la faculté d'adaptation du demandeur, sa motivation, son esprit d'initiative, son ingéniosité et autres qualités semblables, il n'est pas déraisonnable qu'il tienne compte des facteurs suivants : le demandeur a travaillé pour un seul employeur (pendant presque toute la durée de sa vie active), il n'a jamais travaillé dans un milieu où l'on ne parlait pas anglais, il n'a jamais voyagé à l'étranger, il n'a pas obtenu de renseignements et ne sait rien sur Toronto ou le Canada et il dépendra entièrement de son frère à Toronto. En conséquence, l'agent des visas n'a pas tenu compte de facteurs non pertinents.
[...]
En outre, la Cour est convaincue que l'agent des visas n'a pas manqué à son obligation d'équité en omettant de faire part au demandeur de ses réserves quant à sa personnalité. La Cour a conclu que l'agent des visas n'a pas l'obligation d'informer le demandeur de chaque impression défavorable, en particulier lorsque cette impression défavorable a trait à certains aspects qui ne sont pas de nature à changer. Voir Yin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1999] A.C.F. no 1078, le juge Rouleau, au paragraphe 21 [...]
Je fais mien le point de vue de mes collègues et je le considère comme étant entièrement applicable aux questions soulevées pour le compte du demandeur dans la présente demande de contrôle judiciaire.
[7] Compte tenu de la jurisprudence que je viens de citer, j'estime que l'agent des visas n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle dans la décision qu'il a prise quant au nombre de points d'appréciation qu'il accorderait au demandeur pour le facteur de la personnalité.
[8] Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Ni un ni l'autre avocat n'a recommandé qu'une question soit certifiée. Je suis convaincu que la présente demande ne soulève aucune question grave de portée générale. Aucune question ne sera donc certifiée.
« Frederick E. Gibson »
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 24 janvier 2003
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats inscrits au dossier
DOSSIER : IMM-1860-01
INTITULÉ : MOHAMMAD JAVED
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET
DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE JEUDI 16 JANVIER 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE GIBSON
DATE DES MOTIFS : LE JEUDI 24 JANVIER 2003
COMPARUTIONS :
Paul Vander Vennen POUR LE DEMANDEUR
Amina Riaz POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Paul Vander Vennen POUR LE DEMANDEUR
45, rue St. Nicholas
Toronto (Ontario)
M4Y 1W6
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Date : 20030124
Dossier : IMM-1860-01
Ottawa (Ontario), le vendredi 24 janvier 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE GIBSON
ENTRE :
MOHAMMAD JAVED
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Aucune question n'est certifiée.
« Frederick E. Gibson »
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
[1] [2002] A.C.F. no 1477 (en ligne : QL)(1re inst.).
[2] Dossier : IMM-5728-00 - ordonnance en date du 5 juin 2002 (1re inst.)