Date : 20020115
Dossier : IMM-1107-00
Référence neutre : 2002 CFPI 43
ENTRE :
XUEYONG GAO
Demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
[1] Le demandeur demande le contrôle judiciaire d'une décision d'une agente des visas datée du 27 janvier 2000, dans laquelle celle-ci a refusé la demande de résidence permanente du demandeur comme chef à son compte (CNP 6241.3).
[2] Les questions à trancher consistent à savoir si l'agente des visas a erré :
a) en n'évaluant pas le demandeur [traduction] « avec un esprit ouvert » ;
b) en omettant d'évaluer le demandeur conformément à l'article 8 du Règlement sur l'immigration de 1978;
c) en omettant de considérer le pouvoir discrétionnaire d'acceptation en vertu du paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration de 1978 en n'accordant que deux points pour la personnalité;
d) en omettant de permettre des éclaircissements après l'entrevue des actifs du demandeur.
[3] À mon avis, l'agente des visas a examiné le dossier du demandeur avec un esprit ouvert. Elle a été directe et honnête dans ses réponses en contre-interrogatoire et je suis convaincu qu'elle a agi d'une manière professionnelle et responsable.
[4] Je dois maintenant examiner si l'agente des visas a omis d'évaluer le demandeur conformément à l'article 8 du Règlement sur l'immigration de 1978. Le demandeur soutient que l'agente des visas est censée déterminer si le demandeur sera en mesure de « réussir son installation » au Canada.
[5] Dans sa lettre de refus, l'agente des visas a écrit :
[traduction]
D'après les documents que vous avez fournis et ce que vous avez indiqué lors de l'entrevue, je ne crois pas que vous possédiez quelque qualification en tant qu'homme d'affaires. Vous n'avez pas été en mesure de prouver que vous aviez déjà exploité une entreprise prospère ou que vous aviez participé activement dans une telle entreprise. Vous n'avez aucune idée des activités commerciales de l'entreprise où vous avez affirmé avoir travaillé. Vous n'avez pas été en mesure de fournir de preuve que l'entreprise que vous projetiez de mettre sur pied serait viable en ce qu'elle vous procurerait un emploi pour vous-même, qu'elle vous permettrait de faire vivre votre femme, qui est une femme au foyer et vos deux enfants qui sont tous en Chine et que vous vous établiriez avec succès au Canada avec votre entreprise. Lors de l'entrevue, vous n'aviez aucun document justificatif prouvant que vous exploitiez actuellement une entreprise rentable. À mon avis, vous n'avez pas l'expérience poussée, les compétences, l'expertise, ni la capacité pour être en mesure de vous établir avec succès à votre compte. Pour toutes ces raisons, je ne suis pas convaincue que vous seriez en mesure de vous réussir votre installation au Canada avec l'entreprise que vous projetez de mettre sur pied.
[6] Bien que le demandeur ait demandé à être évalué en tant que travailleur autonome seulement, le demandeur a apporté avec lui à l'entrevue une offre d'emploi de chef à un salaire annuel de 33 800 $ d'un restaurant de Toronto. À mon avis, l'agente n'a pas erré en évaluant le demandeur comme chef à son compte seulement. Comme je l'ai remarqué dans Guang Lin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] C.F. 1272, un agent n'est pas obligé d'évaluer un demandeur au regard de chaque catégorie possible. En l'espèce, le demandeur a formulé sa demande relativement à la catégorie des travailleurs autonomes seulement et l'agente n'était pas tenue de l'évaluer en tant qu'immigrant indépendant. Il aurait été préférable, de la part de l'agente, des visas de demander au demandeur si cela l'intéressait d'être évalué en tant qu'immigrant indépendant, mais ce n'est pas déraisonnable de la part d'un agent des visas de conclure qu'une offre d'emploi n'était pas pertinente pour quelqu'un qui avait l'intention de démarrer sa propre entreprise au Canada.
[7] Le demandeur soutient également que l'agente des visas a erré en fondant sa décision en partie sur l'absence de propriété d'une entreprise et que la propriété d'une entreprise antérieure ne constitue pas une exigence pour un demandeur à son compte ni même pour un entrepreneur. À mon avis, il n'y a pas d'erreur susceptible de révision concernant cette question. Bien qu'un agent puisse errer s'il met trop l'accent sur le manque d'expérience antérieure relativement à l'exploitation d'une entreprise en évaluant un demandeur qui est travailleur autonome, il est également clair que cela constitue un facteur dont on peut tenir compte, pourvu que ce ne soit pas le seul facteur. Le juge Hansen a indiqué dans Alimard c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1223 (1re inst.), aux paragraphes 9 et 10 :
[9] Cette question avait déjà été traitée dans l'arrêt Hui c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 2 C.F. 96, où le juge Stone de la Cour d'appel a expliqué, à la page 102, que la définition d'entrepreneur est complète. Voici ce qu'il a dit :
[...] Le fait d'introduire dans la définition cette notion « des antécédents en affaires » ferait en sorte que certaines personnes revendiquant le statut de résidents permanents en vertu de cette catégorie ne pourraient jamais satisfaire à l'exigence voulant qu'elles soient « en mesure » de poser les gestes précisés. Suivant l'interprétation que j'en donne, le libellé de la définition n'exclut pas les requérants qui ne possèdent pas de tels antécédents, mais il exige simplement d'eux qu'ils soient « en mesure » de poser les gestes requis. S'il en était autrement, aucun requérant ne pourrait satisfaire à cette exigence sans au préalable établir qu'il a « des antécédents en affaires » . Manifestement, cette intention ne ressort pas du langage utilisé.
[10] On a cependant distingué cet arrêt d'avec d'autres affaires dans les cas où la propriété ne constituait pas le seul facteur dont l'agent des visas avait tenu compte. Par exemple, dans la décision Zhen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 1537, le juge Heald a dit :
Il ressort clairement de la décision de l'agent des visas, lue dans son intégralité, que celui-ci n'a pas jugé que la propriété de l'entreprise était le seul indice, ou l'indice le plus important, attestant que le requérant était en mesure d'établir son entreprise
[8] Je suis également d'accord avec le juge Rothstein dans la décision Lobzov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1065 (1re inst. ) où il a dit au paragraphe 6 :
6 Cependant, je suis d'accord que l'expérience de la pratique des affaires n'est pas le seul critère dont il faut tenir compte, que ce critère doit être examiné en fonction de ce que le demandeur projette de faire au Canada, et que son importance peut varier en fonction de l'entreprise projetée.
À mon avis, en l'espèce, le demandeur est préoccupé par la valeur que l'agente a donnée à différentes parties de la preuve. Ce n'était pas déraisonnable, de la part de l'agente des visas, de conclure que le demandeur était ignorant en matière d'entreprise et de transactions financières et d'en tenir compte dans sa décision. Le demandeur a également indiqué qu'il ne connaissait pas les activités commerciales de son emploi antérieur. Il a soumis un plan d'affaires préparé par son comptable et lorsqu'on l'a interrogé à ce sujet, il n'a pas pu l'expliquer. Des éléments de preuve indiquent qu'il a certaines connaissances au sujet du plan d'affaires, mais des preuves du contraire existent également. L'agente des visas pouvait décider dans le sens qu'elle l'a fait tout comme j'aurais pu en venir à une conclusion différente. Je suis également d'accord qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un sens aigu de la gestion et des affaires dans le domaine de la restauration rapide. Il ne fait pas de doute que des parties du témoignage du demandeur indiquaient qu'il était ignorant des activités commerciales et des transactions financières et que, par conséquent, l'agente n'a pas été déraisonnable en rendant la décision qu'elle a rendue.
[9] Le demandeur a également soutenu que l'agente a erré en ne tenant pas compte du pouvoir discrétionnaire d'acceptation en vertu du paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration de 1978. À mon avis, il n'existe aucune erreur concernant cette question. Le demandeur ne s'est vu accorder que 51 points et on a besoin de tenir compte de la discrétion que lorsque le demandeur a obtenu près de 70 points à l'évaluation. Voir le juge Evans de la Cour d'appel dans l'arrêt Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 528.
[10] La question suivante à trancher consiste à savoir si l'agente a erré en n'accordant que deux points au sujet de la personnalité. Lorsqu'on lui a demandé d'expliquer cette attribution de deux points, l'agente des visas, en contre-interrogatoire sur son affidavit, a affirmé que le demandeur :
[traduction]
N'a aucune connaissance du Canada. Il a été sept ans aux États-Unis et il n'a pas du tout réussi à apprendre l'anglais. Je ne croyais pas qu'il s'établirait avec succès au Canada. Dans l'évaluation, j'ai pris en considération son aptitude, avant tout, à s'établir au Canada et j'ai pris en considération sa capacité, sa motivation, son initiative, sa débrouillardise.
Il a passé sept ans aux États-Unis et il n'a pas appris l'anglais. Je ne pense pas qu'il ait tenté de se perfectionner au niveau de ses compétences culinaires aux États-Unis. Il n'avait que très peu de connaissances du Canada. Je ne pense pas qu'il ait contribué à l'économie du pays où il a travaillé. Voilà ce que j'ai pris en considération, monsieur.
Elle a également tenu compte du fait qu'il n'avait pas produit de déclaration de revenus pendant au moins trois ans. Bien qu'il y ait de la jurisprudence indiquant qu'un agent des visas ne doit pas considérer le fait que le demandeur ait payé des impôts dans l'évaluation de la personnalité, il s'agit seulement, en l'espèce, de l'un des nombreux facteurs examinés et ce n'était pas l'un des facteurs cités dans la lettre de refus. Bien que l'agente ait pu considérer le fait que le demandeur ait survécu financièrement sept ans aux États-Unis, cela est rattaché au poids à accorder aux différents facteurs. Ce n'était pas déraisonnable pour l'agente des visas de n'accorder que deux points pour la personnalité. Il s'agit d'une décision discrétionnaire et des éléments de preuve existaient pour justifier la conclusion selon laquelle le demandeur avait omis d'acquérir des connaissances au sujet du Canada ou d'apprendre l'anglais, malgré le fait qu'il ait vécu aux États-Unis pendant sept ans. Son témoignage indique également qu'elle a considéré sa capacité, sa motivation, son initiative et sa débrouillardise. Par conséquent, l'agente des visas n'a commis aucune erreur en accordant deux points dans les circonstances de l'espèce.
[11] La dernière question à trancher consiste à savoir si l'agente des visas a erré en rejetant les éléments de preuve de ses actifs et en ne lui permettant pas de fournir des éclaircissements après l'entrevue. La preuve démontre qu'elle a informé le demandeur qu'il aurait à fournir une traduction certifiée conforme pour tout document qui n'était pas en anglais. Ce n'est pas à l'agente, qui ne peut lire le chinois, de comparer les caractères du nom de sa femme sur l'état de compte bancaire avec ceux sur son certificat de naissance afin de décider si ce sont les mêmes. L'agente des visas avait attiré l'attention du demandeur sur ce problème. De plus, lorsque l'agente des visas lui a fait remarquer le problème au sujet des documents, le demandeur n'a pas demandé de temps additionnel afin de présenter davantage de documents. En dernier lieu, en l'espèce, l'agente des visas ne s'est pas appuyée sur le manque d'actifs du demandeur pour refuser sa demande.
[12] Le demandeur a également demandé les dépens dans la présente affaire en partie à cause du prétendu manque d'ouverture d'esprit de la part de l'agente des visas. Comme j'en suis venu à la conclusion que l'agente des visas avait agi d'une manière responsable, il faut ignorer ce facteur. L'agente des visas n'a pas fait preuve de mauvaise foi dans ce cas. Par conséquent, je n'adjuge pas de dépens.
[13] La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« W. P. McKeown »
Juge
Toronto (Ontario)
Le 15 janvier 2002
Traduction certifiée conforme
Richard Jacques, LL.L.
COUR FÉDÉ RALE DU CANADA
Avocats inscrits au dossier
DOSSIER : IMM-1107-00
INTITULÉ : XUEYONG GAO
Demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
DATE DE L'AUDIENCE : LE MARDI 18 DÉCEMBRE 2001
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE McKEOWN
DATE DES MOTIFS : MARDI, LE 15 JANVIER 2002
COMPARUTIONS : Timothy E. Leahy
Pour le demandeur
Neeta Logsetty
Pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Timothy E. Leahy
Avocat
5075, rue Yonge
Suite 408
North York (Ontario)
M2N 6C6
Pour le demandeur
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Pour le défendeur
COUR FÉDÉ RALE DU CANADA
Date : 20020115
Dossier : IMM-1107-00
ENTRE :
XUEYONG GAO
Demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
Date : 20020115
Dossier : IMM-1107-00
Toronto (Ontario), le mardi 15 janvier 2002
En présence de Monsieur le juge McKeown
ENTRE :
XUEYONG GAO
Demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« W. P. McKeown »
Juge
Traduction certifiée conforme
Richard Jacques, LL.L.