Date : 20020128
Dossier : IMM-743-00
Référence neutre : 2002 CFPI 102
Toronto (Ontario), le lundi 28 janvier 2002
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE
ENTRE :
HARDEV SINGH et
BALBIR SINGH BHOGAL
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit en l'espèce d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision par laquelle un agent des visas a rejeté, le 17 janvier 2000, la demande de résidence permanente de Hardev Singh, au motif que ce dernier n'avait pas obtenu les 70 points d'appréciation requis pour pouvoir immigrer au Canada.
[2] Les demandeurs cherchent à obtenir une ordonnance de certiorari annulant la décision de l'agent des visas, ainsi qu'une ordonnance de mandamus enjoignant aux fonctionnaires du défendeur de poursuivre le traitement de la demande de résidence permanente du demandeur Hardev Singh en conformité avec la loi.
Les faits
[3] Le demandeur Singh, qui habite en Inde, a présenté une demande de visa de résidence permanente au Haut-commissariat du Canada à New Delhi, en Inde.
[4] Au soutien de cette demande, il a produit une offre d'emploi approuvée dans l'entreprise familiale, qui lui a été faite par son oncle, l'autre demandeur, M. Bhogal. Il s'agit d'un emploi de contremaître dans la compagnie de ce dernier, qui exige de l'expérience comme machiniste et des aptitudes en matière de supervision.
[5] Comme il est indiqué dans la lettre du 17 janvier 2000, l'agent des visas a évalué le demandeur pour la profession d'outilleur-ajusteur (CNP 7232). La lettre précisait le nombre de points d'appréciation attribués au demandeur pour chaque facteur et renfermait une brève explication de la décision :
[traduction]
ÂGE (27) 10
FACTEUR PROFESSIONNEL 05
FAP/PPS 15
EXPÉRIENCE 06
EMPLOI RÉSERVÉ 00
FACTEUR DÉMOGRAPHIQUE 08
ÉTUDES 10
ANGLAIS 00
FRANÇAIS 00
POINTS SUPPLÉMENTAIRES 05
PERSONNALITÉ 01
TOTAL 60
Vous n'avez pas obtenu les 70 points d'appréciation exigés par le sous-alinéa 9(1)b)(i) du Règlement sur l'immigration de 1978, qui est le minimum requis pour remplir les critères de sélection de l'immigration au Canada. En conséquence, vous appartenez à la catégorie de personnes non admissibles décrite à l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration et votre demande est rejetée.
Comme vous n'étiez pas capable de parler anglais, les services d'un interprète ont été nécessaires tout au long de l'entrevue. Vous ne pouviez pas non plus répondre aux questions en anglais. Par conséquent, aucun point ne vous a été attribué pour la connaissance de l'anglais.
[6] Le demandeur n'a obtenu aucun point d'appréciation, sur une possibilité de dix, pour l'offre d'emploi dans l'entreprise familiale. Sa demande a été rejetée parce qu'il n'a pas obtenu les 70 points d'appréciation requis pour pouvoir immigrer au Canada.
Prétentions des demandeurs
[7] Le demandeur soutient que l'agent des visas a commis une erreur de droit dans son interprétation des critères de sélection énumérés à l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978.
[8] Il soutient également que l'agent des visas ne l'a pas évalué de manière équitable en conformité avec les lignes directrices. Selon lui, l'équité est exigée dans les cas où une politique spéciale a pour but de faciliter l'admission de groupes particuliers de personnes, comme dans les cas où le demandeur a une offre d'emploi dans une entreprise familiale.
[9] Il soutient également que l'agent des visas n'a pas tenu compte de tous les éléments de preuve démontrant ses aptitudes en matière de supervision et qu'il en a mal interprétés certains, malgré les lettres d'emploi confirmant son expérience qui ont été produites. Selon lui, comme il a mal interprété les qualités requises par l'offre d'emploi, l'agent des visas a commis une erreur de droit en ne lui attribuant pas les dix points auxquels il avait droit pour l'emploi réservé.
[10] Le demandeur soutient de plus que l'agent des visas ne l'a pas bien évalué pour ce qui est de la profession qu'il avait l'intention d'exercer au Canada. Il fait valoir que les notes du STIDI, la lettre lui faisant part de la décision et le premier affidavit de l'agent des visas n'indiquent pas qu'il a été évalué pour la profession de machiniste.
[11] Le demandeur prétend que certaines des considérations dont l'agent des visas a tenu compte - ce dernier était notamment préoccupé par le fait que le demandeur ne disposait pas des fonds nécessaires à son établissement - n'étaient pas pertinentes puisqu'il allait travailler avec son oncle et habiter avec sa famille.
[12] Le demandeur soutient finalement que la décision de l'agent des visas était déraisonnable et qu'il pourrait bien obtenir les 70 points requis pour que sa demande soit acceptée s'il faisait l'objet d'une nouvelle évaluation en fonction des catégories appropriées de la CNP.
Prétentions du défendeur
[13] Le défendeur soutient que la décision de l'agent des visas était raisonnable. Il fait valoir que le demandeur n'a pas fait état de l'une ou l'autre des fonctions de supervision habituelles à l'entrevue, de sorte que l'agent des visas était justifié de conclure que le demandeur ne possédait pas une expérience pertinente en matière de supervision.
[14] Le défendeur soutient que l'agent des visas ne disposait d'aucun élément de preuve démontrant que le demandeur Bhogal n'est pas préoccupé par l'aptitude de M. Singh à gérer le quart de nuit malgré sa connaissance limitée de l'anglais, parce que la plupart des employés de l'usine parlent le punjabi.
[15] Le défendeur reconnaît que le demandeur aurait dû être évalué pour la profession de contremaître de machinistes et non de mécaniciens. Il soutient cependant que les principales fonctions d'un contremaître sont parfaitement identiques dans les deux cas. Il fait valoir que, malgré l'erreur, l'agent des visas a évalué le demandeur de manière raisonnable et a conclu que celui-ci ne possédait aucune des deux qualités exigées par l'offre d'emploi au Canada, à savoir la connaissance de l'anglais et de l'expérience ou des aptitudes en matière de supervision.
[16] Le défendeur soutient aussi que l'agent des visas a évalué le demandeur pour la profession de machiniste et lui a expliqué qu'il n'était pas convaincu qu'il possédait les qualités d'un contremaître.
[17] Le défendeur soutient également que l'agent des visas n'a pas tenu compte de considérations non pertinentes, et qu'il lui était tout à fait loisible de prendre en compte le fait que le demandeur n'avait pas d'argent. Selon lui, toute la notion de personnalité concerne la capacité du demandeur de s'établir au Canada. Or, le demandeur dépendrait entièrement de son oncle s'il venait s'établir dans ce pays.
[18] Le défendeur soutient finalement que la décision de l'agent des visas était raisonnable.
Dispositions législatives pertinentes
[19] Le sous-alinéa 9(1)b)(i) du Règlement sur l'immigration de 1978 prévoit :
9. (1) Sous réserve du paragraphe (1.01) et de l'article 11, lorsqu'un immigrant, autre qu'une personne et appartenant à la catégorie de la famille, qu'un parent aidé ou qu'un réfugié au sens de la Convention cherchant à se réétablir, présente une demande de visa d'immigrant, l'agent des visas peut lui en délivrer un ainsi qu'à toute personne à charge qui l'accompagne si :
[...]
b) lorsqu'ils entendent résider au Canada ailleurs qu'au Québec, suivant son appréciation de l'immigrant ou du conjoint de celui-ci selon l'article 8 :
(i) dans le cas d'un immigrant, autre qu'un entrepreneur, un investisseur, ou un candidat d'une province, il obtient au moins 70 points d'appréciation, [...] |
9. (1) Subject to subsection (1.01) and section 11, where an immigrant, other than a member of the family class, an assisted relative, or a Convention refugee seeking resettlement makes an application for a visa, a visa officer may issue an immigrant visa to him and his accompanying dependants if
. . .
(b) where the immigrant and the immigrant's accompanying dependants intend to reside in a place in Canada other than the Province of Quebec, on the basis of the assessment of the immigrant or the spouse of that immigrant in accordance with section 8,
(i) in the case of an immigrant other than an entrepreneur, an investor or a provincial nominee, he is awarded at least 70 units of assessment, . . . |
[20] L'alinéa 19(2)d) de la Loi est libellé comme suit :
19.(2) Appartiennent à une catégorie non admissible les immigrants et, sous réserve du paragraphe (3), les visiteurs qui :
[...]
d) soit ne se conforment pas aux conditions prévues à la présente loi et à ses règlements ou aux mesures ou instructions qui en procèdent, soit ne peuvent le faire. |
19.(2) No immigrant and, except as provided in subsection (3), no visitor shall be granted admission if the immigrant or visitor is a member of any of the following classes:
. . .
(d) persons who cannot or do not fulfil or comply with any of the conditions or requirements of this Act or the regulations or any orders or directions lawfully made or given under this Act or the regulations. |
[21] Question en litige
L'agent des visas a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle à l'égard de la demande du demandeur?
Analyse et décision
[22] L'oncle du demandeur, qui a fait l'offre d'emploi en cause en l'espèce, a offert à ce dernier le poste de contremaître du quart de nuit dans son atelier d'usinage. Le demandeur a indiqué dans sa demande de résidence permanente qu'il avait l'intention de travailler comme contremaître. Lors de son entrevue avec le demandeur, l'agent des visas a conclu que celui-ci possédait de l'expérience comme outilleur-ajusteur et non comme contremaître. Il a donc apporté une modification à la demande de manière à indiquer que l'emploi envisagé en était un d'outilleur-ajusteur. Le demandeur a paraphé la modification. L'agent des visas indique cependant, dans son affidavit du 6 juin 2000, qu'il a évalué le demandeur pour la profession de machiniste. Selon le résumé contenu dans la lettre de refus de l'agent des visas, le demandeur a été évalué pour la profession d'outilleur-ajusteur et au regard de la catégorie « Entrepreneurs/entrepreneuses et contremaîtres/contremaîtresses en mécanique » .
[23] Il semble que le demandeur aurait dû être évalué au regard de la catégorie « (7211) Contremaîtres/contremaîtresses des machinistes et du personnel assimilé » puisque les contremaîtres de cette catégorie supervisent les activités des travailleurs classés dans les groupes « (7231) Machinistes et vérificateurs/vérificatrices d'usinage et d'outillage » et « (7232) Outilleurs-ajusteurs/outilleuses-ajusteuses » . Les notes du STIDI n'indiquent pas que le demandeur a été évalué en tant que machiniste. Ces notes auraient dû à tout le moins mentionner qu'une telle évaluation avait été faite. À la lumière des notes du STIDI et des lettres de recommandation, il semble que le demandeur possède une certaine expérience comme machiniste suivant la CNP 7231 ou comme contremaître suivant la CNP 7211. S'il a été évalué en fonction de la CNP 7211, cela n'est pas indiqué dans les documents. Il est question d'une évaluation du demandeur en tant que machiniste dans le deuxième affidavit de l'agent des visas. Celui-ci ne précise cependant pas de quelle manière les points d'appréciation sont répartis. En fait, cet affidavit permet seulement de savoir qu'aucun point n'a été attribué au demandeur pour son expérience en tant que machiniste. Il semble que le demandeur possède de l'expérience en tant que machiniste et qu'il aurait dû recevoir des points d'appréciation, dont le nombre doit cependant être déterminé par un agent des visas et non par la Cour dans le cadre d'un contrôle judiciaire. Je suis d'avis que l'agent des visas a commis des erreurs susceptibles de contrôle en n'évaluant pas le demandeur en fonction de la CNP 7211 et en ne lui attribuant aucun point d'appréciation en tant que machiniste (CNP 7231). Par conséquent, la décision de l'agent des visas doit être annulée parce qu'elle n'est pas raisonnable.
[24] Aucune partie n'a souhaité proposer une question grave de portée générale.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE QUE la décision de l'agent des visas soit annulée et que la demande soit renvoyée à un autre agent des visas pour qu'elle fasse l'objet d'un nouvel examen.
« John A. O'Keefe »
Juge
Toronto (Ontario)
Le 28 janvier 2002
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-743-00
INTITULÉ : Hardev Singh et Balbir Singh Bhogal
- et -
Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le mardi 30 octobre 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : Monsieur le juge O'Keefe
DATE DES MOTIFS : Le lundi 28 janvier 2002
COMPARUTIONS :
Barbara Jackman POUR LES DEMANDEURS
Matthew Oomen POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Jackman, Waldman & Associates POUR LES DEMANDEURS
281, avenue Eglinton Est
Toronto (Ontario)
M4P 1L3
Ministère de la Justice POUR LE DÉFENDEUR
Bureau régional de Toronto
2 First Canadian Place
Bureau 3400, Exchange Tower, casier 36
Toronto (Ontario)
M5X 1K6
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Date : 20020128
Dossier : IMM-743-00
ENTRE :
HARDEV SINGH et
BALBIR SINGH BHOGAL
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE