Date : 20041012
Dossier : IMM-8665-03
Référence : 2004 CF 1386
Ottawa (Ontario), le 12 octobre 2004
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON
ENTRE :
GAZMEND JANUZI
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit de la triste histoire de M. Januzi qui peut être renvoyé au Kosovo seulement parce que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a expédié un avis d'audition à la mauvaise adresse! Voici les motifs pour lesquels j'accueille la demande de contrôle judiciaire.
[2] M. Januzi est entré au Canada le 12 juillet 2003 et il a présenté sans délai une demande d'asile en tant qu'Albanais de souche. On lui a remis un formulaire de renseignements personnels. On l'a exhorté à le remplir et à le retourner à la Commission dans les 28 jours. Il a donné comme adresse le 10350, Bois de Boulogne, app. 419, à Montréal, la même adresse qu'il a donnée pour son hôte, Muzejene Aliu. Le 14 juillet 2004, un avis pro forma intitulé [traduction] « Avis de convocation - désistement d'une demande d'asile » lui a été expédié par courrier affranchi régulier, à cette adresse. On lui rappelait que, s'il ne fournissait pas à la Commission son FRP complété dans les 28 jours, il devrait comparaître pour en expliquer la raison. L'audience se tiendrait à Toronto le 2 septembre 2003. S'il fournissait le FRP complété avant cela, la rencontre serait annulée. Le 15 juillet 2003, il a expédié à la Commission une [traduction] « Demande pour changer le lieu d'une instance » . Il demandait que son dossier soit transféré de Toronto à Montréal. Il a mentionné que l'adresse qu'il avait à l'époque était le 10350, Bois de Boulogne, app. 410. Il a identifié son conseil comme étant Muzejene Aliu, 10350, Bois de Boulogne, app. 429. Cette demande a été estampillée comme quoi la Commission l'avait reçue à Toronto le 21 juillet 2003.
[3] Le 1er août 2003, une avocate, Me Sabine Venturelli, a écrit à la Commission pour demander que le délai pour remplir le FRP soit prorogé jusqu'au 25 août 2003. Cette lettre a été estampillée comme ayant été reçue le 5 août 2003.
[4] La Commission a rejeté la demande et a communiqué cette décision en laissant un message vocal à l'avocate, mentionnant également qu'une audience relative au désistement serait tenue si le FRP n'était pas reçu à temps.
[5] Me Venturelli, qui n'est plus au dossier, a déclaré par affidavit qu'elle n'avait jamais reçu ce message. Le FRP a été déposé et reçu par la Commission à Toronto le 22 août 2003. Toutefois, le 2 septembre 2003, personne n'a comparu. De ce fait, on a considéré qu'il y avait eu désistement de la demande de M. Januzi et un avis à cet effet a été expédié le 10 septembre 2003 à Me Venturelli et à M. Januzi, au 10350, Bois de Boulogne , app. 410.
[6] Me Venturelli, au nom de M. Januzi, a demandé, en vertu des Règles de la Section de la protection des réfugiés, la réouverture de la demande d'asile. La demande a été rejetée. Le commissaire était d'avis que, puisqu'un avis relatif à l'audience du 2 septembre avait été expédié par courrier régulier à l'app. 419 et qu'il n'avait pas été retourné, M. Januzi avait reçu signification. Quel acte de foi gratuit! Quelle absurdité!
[7] Le 2 septembre, la Commission est réputée avoir su qu'il n'y avait pas de désistement de la demande, puisque le FRP avait été récemment déposé, quoiqu'en retard. M. Januzi n'a pas eu une audience équitable. Il n'a pas eu d'audience! Un précédent directement pertinent est la décision Zaouch c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 982 (C.F. 1re inst.) (Q.L.), une décision du juge Richard, maintenant juge en chef de la Cour d'appel fédérale. L'avis d'audience relative au désistement a été expédié à la mauvaise adresse et, par conséquent, on a nié au demandeur son droit à une audience équitable, conformément aux règles de justice naturelle, pour trancher la question de savoir s'il s'était effectivement désisté de sa demande d'asile.
[8] J'aurais cru qu'il allait de soi qu'il fallait interpréter la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, et son règlement d'application, en ayant toujours son objet à l'esprit. L'article 3 précise que la Loi vise avant tout à sauver des vies et à protéger les personnes de la persécution, ainsi qu'à faire bénéficier ceux qui fuient la persécution d'une procédure équitable. Cette décision ne reflétait pas les idéaux humanitaires du Canada.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Commission déclarant qu'il y avait eu désistement de la demande d'asile est annulée et l'affaire est renvoyée pour qu'un tribunal différemment constitué statue à nouveau sur celle-ci. Il n'y a aucune question de portée générale à certifier.
« Sean Harrington »
Juge
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-8665-03
INTITULÉ : GAZMEND JANUZI
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 6 OCTOBRE 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON
DATE DES MOTIFS : LE 12 OCTOBRE 2004
COMPARUTIONS :
Pia Zambelli POUR LE DEMANDEUR
Diane Lemery POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Pia Zambelli POUR LE DEMANDEUR
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec)