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Date : 20021202

Dossier : T-148-02

Ottawa (Ontario), le 2 décembre 2002.

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                                              ASTRAZENECA AB et

ASTRAZENECA CANADA INC.

                                                                                                                                            demanderesses

                                                                              - et -

                                                                       APOTEX INC.

                                                    et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                                                                                                                     défendeurs

                                                                     ORDONNANCE

La requête est rejetée. Les dépens suivront l'issue de la cause.

Carolyn A. Layden-Stevenson

Juge

Traduction certifiée conforme

Claire Vallée, LL.B.


Date : 20021202

Dossier : T-148-02

Référence neutre : 2002 CFPI 1249

ENTRE :

                                                              ASTRAZENECA AB et

ASTRAZENECA CANADA INC.

                                                                                                                                            demanderesses

                                                                              - et -

                                                                       APOTEX INC.

                                                    et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                                                                                                                     défendeurs

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LAYDEN-STEVENSON


[1]                 La défenderesse Apotex Inc. (Apotex) demande à la Cour d'annuler l'ordonnance du protonotaire datée du 28 août 2002 rejetant sa requête visant à obtenir le rejet de la demande d'Astrazeneca AB et Astrazeneca Canada Inc. (Astrazeneca). Invoquant le paragraphe 6(5) du Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité), DORS/93-133, modifié dans DORS/98-166 et DORS/99-379 (le Règlement), Apotex demande à la Cour de rejeter la demande d'Astrazeneca au motif qu'elle est frivole ou vexatoire, ou qu'elle constitue un abus de procédure.

[2]                 La demande d'Astrazeneca vise l'obtention d'une ordonnance interdisant au ministre de la Santé (le ministre) de délivrer à Apotex un avis de conformité (AC) relativement à son produit Apo-oméprazole jusqu'à l'expiration du brevet canadien no 2,166,794 (le brevet 794).

[3]                 Le brevet 794 revendique le magnésium d'oméprazole ayant un certain degré de cristallinité et des formulations, y compris des comprimés renfermant ce magnésium d'oméprazole. Le 12 décembre 2001, Apotex a déposé, relativement aux comprimés de 10, 20 et 40 mg d'oméprazole, un avis d'allégation (AA) selon lequel aucune revendication portant sur le médicament lui-même ou sur l'utilisation du médicament visé par le brevet 794 ne serait contrefaite par la production, la fabrication, l'utilisation ou la vente de ses comprimés d'oméprazole. Plus précisément, Apotex y affirmait que les revendications du brevet 794 ne portaient que sur le magnésium d'oméprazole ayant un degré de cristallinité supérieur à 70 % après analyse des poudres par diffraction de rayons X, ainsi que sur les procédés de fabrication de la substance, les compositions la renfermant et son utilisation. Apotex a fait valoir que ses comprimés ne contreferont pas les revendications du brevet 794 étant donné qu'ils ne renfermeront que du magnésium amorphe.


[4]                 Le 31 janvier 2002, Astrazeneca a présenté une demande, qu'elle a modifiée le 19 avril suivant, en vue d'obtenir une ordonnance d'interdiction. Elle invoquait quatre motifs : premièrement, les principes de la chose jugée, de l'abus de procédure et de l'irrecevabilité empêchent Apotex de s'appuyer sur l'AA, deuxièmement, au moment considéré, Apotex n'avait pas saisi le ministre d'une présentation de drogue nouvelle (PDN) comme l'exigeait le Règlement, troisièmement, l'AA ne suffit pas pour établir la non-contrefaçon, car le fondement juridique et factuel invoqué ne saurait étayer l'allégation de non-contrefaçon et, quatrièmement, le produit d'Apotex renferme de l'oméprazole visé par les revendications du brevet 794. Astrazeneca a déposé quatre affidavits à l'appui de sa demande.

[5]                 En réponse, Apotex a produit un affidavit accompagné de documents donnant des précisions sur les ingrédients des comprimés qui faisaient l'objet de l'AA, y compris des précisions sur les caractéristiques de son oméprazole en vrac. Par avis de requête daté du 3 juillet 2002, Apotex a demandé le rejet, par jugement sommaire, de la demande d'Astrazeneca. Le protonotaire a entendu la requête le 16 août 2002. Il est arrivé à la conclusion qu'elle n'avait aucune chance d'être accueillie. Voici l'essentiel de sa décision :

[traduction]             Nul besoin, pour statuer sur la requête, d'examiner tous les arguments détaillés invoqués pour chacun des motifs. Je suis en effet convaincu qu'il y a lieu de rejeter la requête uniquement parce que les demanderesses ont avancé une thèse défendable concernant le caractère suffisant de l'allégation de non-contrefaçon. Suivant l'avis d'allégation, les comprimés d'Apotex ne contreferont pas le brevet [TRADUCTION] « puisqu'ils ne renfermeront que du magnésium d'oméprazole amorphe » . Les demanderesses estiment que l'allégation, qui doit être tenue pour véridique, est insuffisante, car rien n'est dit au sujet de la cristallinité du magnésium d'oméprazole utilisé dans la fabrication des comprimés. Apotex fait valoir que sa preuve, versée au dossier de l'instance principale et produite à l'appui de la requête, établit [TRADUCTION] « de façon claire et non équivoque » qu'elle n'emploie que du magnésium d'oméprazole amorphe pour fabriquer ses comprimés et que l'argument des demanderesses n'est donc pas valable. Je ne suis pas d'accord.


Premièrement, les demanderesses ont soulevé de sérieux doutes concernant la crédibilité du témoin d'Apotex, qui aborde la question de la contrefaçon dans son affidavit. Deuxièmement, l'on pourrait soutenir qu'Apotex ne peut, à ce stade, combler les lacunes de l'avis d'allégation, alléguées par les demanderesses, au moyen de la preuve produite à l'appui de la demande. Vu les circonstances, je ne suis pas convaincu qu'Apotex a satisfait au critère assez strict établi par le paragraphe 6(5) du Règlement.

[6]                 Les parties conviennent que la décision du protonotaire de rejeter ou non une demande présentée en application de l'alinéa 6(5)b) du Règlement est cruciale quant à l'issue ultime de l'instance, cette décision étant susceptible de sceller le sort de celle-ci. En conséquence, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte, et le juge saisi d'une demande de contrôle judiciaire doit examiner les questions en litige dans le cadre d'une instruction de novo : Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.).

[7]                 Ce n'est que dans des cas très exceptionnels qu'un avis de demande sera radié, c'est-à-dire lorsque la demande est manifestement irrégulière au point de n'avoir aucune chance d'être accueillie : David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc. et al., [1995] 1 C.F. 588 (C.A.). Apotex doit donc établir la futilité de chacun des motifs invoqués par Astrazeneca.


[8]                 J'examinerai tout d'abord le motif sur lequel le protonotaire a fondé sa décision, c.-à-d. le caractère suffisant de l'AA. Apotex soutient que son AA n'est pas défectueux, puisque ses comprimés ne renfermeront que du magnésium d'oméprazole amorphe. S'appuyant sur Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 55 C.P.R. (3d) (CAF), elle soutient que les faits énoncés dans l'AA sont tenus pour véridiques, sauf réfutation par la partie demanderesse. Elle prétend en outre avoir produit une preuve claire, non équivoque et non contredite, soit l'affidavit du Dr Bernard Sherman, son président, que ses comprimés ne contiendront que du magnésium d'oméprazole amorphe. De plus, Apotex a donné des précisions sur le magnésium d'oméprazole en vrac utilisé pour fabriquer ses comprimés et elle a communiqué les résultats d'un essai qui établissent clairement que la substance en vrac est amorphe. Le témoignage du Dr Sherman serait donc en tous points inattaquable, de sorte qu'aucune question de crédibilité ne se poserait dans les faits.

[9]                 Apotex soutient par ailleurs que l'affirmation des demanderesses selon laquelle l'AA n'est pas suffisant va directement à l'encontre de l'arrêt SmithKline Beecham Pharma Inc. c. Apotex Inc., (2001), 10 C.P.R. (4th) 338, où la Cour d'appel fédérale a statué que l'AA visait à informer le breveté des motifs pour lesquels il n'y aurait pas de contrefaçon du brevet. Dans cette affaire, le breveté était bel et bien au courant des motifs sur lesquels se fondait l'allégation et n'avait pas à les deviner. Il était suffisamment informé du fondement de l'allégation de non-contrefaçon puisqu'il avait pu avancer son hypothèse en présentant sa preuve. De même, selon Apotex, Astrazeneca connaissait bien les motifs pour lesquels l'absence de contrefaçon était alléguée et elle n'était pas laissée dans l'incertitude. C'est ce qui ressort de la preuve produite par Astrazeneca et du point de vue qu'elle a adopté vis-à-vis du magnésium d'oméprazole en vrac d'Apotex. Celle-ci fait donc valoir que l'AA n'est pas défectueux et qu'Astrazeneca est totalement dans l'erreur. Sa demande ne pourrait jamais être accueillie sur ce fondement.

[10]            Selon Astrazeneca, dans son AA, Apotex se contente d'affirmer que ses comprimés renfermeront du magnésium d'oméprazole amorphe. Elle ne dit rien au sujet de la cristallinité du magnésium d'oméprazole qui entre dans la fabrication des comprimés. Astrazeneca soutient donc que l'allégation vise au mieux les revendications du brevet 794 portant sur la formulation, mais pas la revendication principale (la première) portant sur le magnésium d'oméprazole comme tel (soit la matière première). Ainsi, la justification avancée dans l'AA, même en la tenant pour valable, ne permet pas de conclure que le brevet 794 ne sera pas contrefait. Astrazeneca s'appuie à cet égard sur le témoignage d'un expert de l'analyse des poudres par diffraction de rayons X, le Dr Ymen, qui n'a pas été contre-interrogé et dont le témoignage demeure non contesté sur ce point. Elle fait en outre valoir que même si, selon l'AA, ses comprimés ne contiendront que du magnésium d'oméprazole amorphe, Apotex ne les a soumis à aucune analyse pour déterminer la cristallinité du magnésium d'oméprazole. Elle invoque à l'appui le contre-interrogatoire du Dr Sherman. Elle avance par ailleurs que même si, en contre-interrogatoire, le Dr Sherman a dit que le magnésium d'oméprazole utilisé dans la fabrication des comprimés d'Apotex sera amorphe, il n'a aucune expérience dans l'analyse des poudres par diffraction de rayons X. Il n'a jamais procédé à une telle analyse et il a dit ignorer comment les essais étaient effectués pour déterminer la cristallinité ou si quelqu'un aurait pu avoir effectué de tels essais. De plus, le témoignage du Dr Sherman serait sujet à caution parce que le déposant a un intérêt dans l'issue de l'instance.


[11]            La Cour ne saurait se prononcer sur le fond d'une demande dans le cadre d'une requête en irrecevabilité alléguant que la demande est frivole, vexatoire ou constitue un abus de procédure. En l'espèce, Astrazeneca a présenté un élément de preuve selon lequel l'AA ne fait aucune mention de la cristallinité du magnésium d'oméprazole utilisé pour fabriquer les comprimés. Il peut ou non s'ensuivre que le fondement factuel de l'énoncé détaillé vise les revendications portant sur la formulation, mais non celle portant sur la matière première, de sorte qu'il ne peut étayer l'allégation de non-contrefaçon. Il ne m'appartient pas d'en décider, parce que ce serait statuer sur le fond de la demande. Je dois donc déterminer si la demande est manifestement irrégulière au point de n'avoir aucune chance d'être accueillie. Je tiens compte du fait que, selon Apotex, sa preuve établit l'absence de contrefaçon. Or, il me faut aussi prendre en considération la jurisprudence applicable selon laquelle la seconde personne ne peut s'appuyer sur d'autres faits que ceux figurant dans son énoncé détaillé : Merck Frosst Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2002), 12 C.P.R. (4th) 447 (CAF); Procter & Gamble Phamaceuticals Canada, Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2002), 20 C.P.R. (4th) 1 (CAF). De plus, selon moi, Astrazeneca a soulevé de tels doutes concernant la crédibilité du témoin d'Apotex que la question devrait être réglée par le juge appelé à entendre la demande.

[12]            Vu les éléments dont je suis saisie, je ne suis pas persuadée que la demande fondée sur le caractère suffisant de l'AA est manifestement irrégulière au point de n'avoir aucune chance d'être accueillie. Je n'examinerai donc pas les autres motifs invoqués.


[13]            La requête est rejetée. Les dépens suivront l'issue de la cause.

          Carolyn A. Layden-Stevenson    

     Juge

Ottawa (Ontario)

2 décembre 2002

Traduction certifiée conforme

Claire Vallée, LL.B.


                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

           Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                           T-148-02

INTITULÉ DE LA CAUSE :             ASTRAZENECA AB et

ASTRAZENECA CANADA INC.

                                                                                           demanderesses

c.

APOTEX INC.

et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                                                                   défendeurs

LIEU DE L'AUDIENCE        :            TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                 28 OCTOBRE 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

PAR :                                                     LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                        2 DÉCEMBRE 2002

ONT COMPARU :                               Me Yoon Kang

                                                                                          pour la partie demanderesse

Me Brodkin      

pour la partie défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU

AU DOSSIER :                                    Me Y. Kang

Smart and Biggar

Toronto (Ontario)

pour la partie demanderesse

Andrew Brodkin

Goodmans, s.r.l.

Toronto (Ontario)

pour la partie défenderesse


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