Date : 20041001
Dossier : IMM-706-04
Référence : 2004 CF 1358
Ottawa (Ontario), le 1er octobre 2004
EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE JUGE BEAUDRY
ENTRE :
VICTOR AIME KOUKA
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET
DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La présente demande de contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (Loi), concerne une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (tribunal), rendue le 30 décembre 2003. Dans cette décision, le tribunal a conclu que le demandeur ne satisfaisait pas à la définition de « réfugié au sens de la Convention » à l'article 96 ni à celle de personne à protéger à l'article 97.
QUESTION EN LITIGE
[2] La question en litige est la suivante :
1. Est-il manifestement déraisonnable pour le tribunal de conclure au manque de crédibilité du demandeur?
[3] Pour les motifs suivants, je réponds par la négative à cette question et la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
CONTEXTE FACTUEL
[4] Le demandeur est citoyen de la République populaire du Congo et allègue être une personne à protéger au sens de la Loi. Il affirme avoir une crainte bien fondée de persécution dans son pays de nationalité en raison de ses opinions politiques. Il allègue que sa vie est menacée, qu'il s'expose à des traitements ou peines cruels et inusités et qu'il risque la torture s'il devait retourner dans son pays.
[5] Les faits allégués sont résumés par le tribunal comme suit. Le demandeur déclare avoir signé une pétition dénonçant le silence et l'inaction du gouvernement congolais suite à l'arrestation et/ou disparition de 350 réfugiés congolais qui étaient escortés par le Haut-Commissariat pour les Réfugiés (HCR) en mai 1999 lors de leur retour au Congo. Le demandeur soutient avoir participé au comité réclamant une enquête parlementaire par le ministre pour retrouver ces personnes. Il était président d'honneur de l'Association congolaise des Nations Unies (ACNU).
[6] Alors qu'il était en visite au Canada, le demandeur invoque avoir reçu trois convocations des autorités de son pays concernant un procès à Brazzaville au Congo en 2003 relativement aux arrestations et disparitions des réfugiés en 1999. Informé par son avocat de la réception de ces avis de convocation, il affirme que le gouvernement congolais veut le faire témoigner pour se disculper. Il soutient que les autorités congolaises menacent toute personne qui, comme lui, ne sont pas « acquise à leur cause » . Selon sa version, sa vie est en danger, plus que celle des autres signataires de la pétition, car il est perçu comme un « leader » . Le demandeur craint que sa vie est en danger et sollicite l'asile au Canada le 18 juin 2003.
DÉCISION CONTESTÉE
[7] Le tribunal conclut qu'il n'existe aucun élément de preuve crédible et digne de foi qui permet d'établir l'existence d'une possibilité raisonnable que le demandeur soit persécuté s'il retournait en République populaire du Congo.
[8] Selon le tribunal, le demandeur n'a pas fourni d'explication crédible concernant les raisons pour lesquelles son gouvernement l'a convoqué. Le demandeur prétend être menacé par les autorités de son pays parce qu'il est un « leader » signataire de la pétition. Rien ne permet de relier les convocations à la pétition. Il n'y a aucune preuve au dossier permettant d'affirmer que les « leaders » sont en danger. Le demandeur n'a pas fourni d'explication concernant le délai entre la signature de la pétition, soit en 2000 et les avis de convocation en 2003.
[9] Le tribunal en est arrivé à une inférence négative du fait que le demandeur a pu quitter son pays sans problème le 13 mars 2003 alors qu'il avait été convoqué trois jours plus tôt.
[10] Enfin, la commissaire est d'avis que le demandeur a voulu embellir sa demande d'asile en ajoutant à la fin de l'audience certains faits qui n'avaient pas été invoqués auparavant.
ANALYSE
Est-il manifestement déraisonnable pour le tribunal de conclure au manque de crédibilité du demandeur?
[11] La question de crédibilité est une question de fait. La norme de contrôle applicable dans de telle situation est la norme de la décision manifestement déraisonnable (Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.) aux pages 316 et 317).
[12] La Cour est d'avis que le demandeur n'a pas rencontré son fardeau de preuve. Plus de 100 000 personnes ont signé une pétition. Le réclamant craint être ciblé par les autorités à cause de son origine Lari et aussi parce qu'il se considère comme un « leader » . Rien dans la preuve démontre que les signataires, les « leaders » ou encore les Laris sont menacés par les autorités congolaises.
[13] Les invraisemblances soulevées par le tribunal ne sont pas manifestement déraisonnables. À titre d'exemple, la commissaire en est arrivée à la conclusion que les lettres de l'avocat du demandeur étaient des documents de complaisance. Compte tenu de la contradiction évidente entre le témoignage de ce dernier et les missives qu'il a reçues de son avocat, il était loisible à cette dernière d'en conclure ainsi.
[14] Le demandeur ne m'a pas convaincu que la Commission avait commis des erreurs nécessitant l'intervention de la Cour. Le demandeur soutient que la décideure n'a pas accordé une valeur probante aux trois avis de convocation qu'il a reçus. Cependant, le tribunal les a considérés et a déterminé qu'il n'y avait aucun lien avec la signature de la pétition. Encore une fois, ceci est un autre exemple du pouvoir que peut exercer la Commission.
[15] Les parties ont décliné de soumettre des questions sérieuses de portée générale. Aucune question ne sera certifiée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la demande contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n'est certifiée.
« Michel Beaudry »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-706-04
INTITULÉ : VICTOR AIME KOUKA
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : le 29 septembre 2004
ET ORDONNANCE : L'HONORABLE JUGE BEAUDRY
DATE DES MOTIFS : le 1er octobre 2004
COMPARUTIONS :
Luc R. Desmarais POUR LE DEMANDEUR
Marie Claude Demers POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Luc R. Desmarais POUR LE DEMANDEUR
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec)