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Date : 20050412

Dossier : T-531-03

Référence : 2005 CF 486

Montréal (Québec), le 12 avril 2005

En présence de Monsieur le juge Beaudry

ACTION RÉELLE EN MATIÈRE D'AMIRAUTÉ

ENTRE :

J.P. MORGAN CHASE BANK

(anciennement The Chase Manhattan Bank),

personne morale,

et

J.P. MORGAN EUROPE LIMITED

(anciennement Chase Manhattan International Limitée),

personne morale

demanderesses

et

MYSTRAS MARITIME CORPORATION,

personne morale,

et

LES PROPRIÉTAIRES DU NAVIRE « LANNER » ET

TOUTES AUTRE PERSONNES AYANT UN DROIT SUR CE NAVIRE

et

LE NAVIRE « LANNER »

défenderesses


MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]       Le présent appel vise une ordonnance par laquelle le protonotaire Richard Morneau a, le 17 mars 2005, rejeté la requête présentée par Kent Trade & Finance Inc., Praxis Energy Agents, S.A., Ashland Specialty Chemical Company et CP3500 International Ltd. (les réclamantes) en vue d'obtenir la révocation ou, subsidiairement, la modification de deux directives du protonotaire en date du 22 février 2005.

[2]       Les directives du protonotaire sont comme suit :

-           L'affidavit supplémentaire de M. Andrew S. de Klerk en date du 18 février 2005 ne pourra pas être déposé pour les raisons exprimées dans la lettre des demanderesses datée du 21 février 2005. Il en va de même pour les observations écrites supplémentaires signées par M. Bangoura de Borden Ladner Gervais s.r.l. et datées du 21 février 2005.

-           Pour les mêmes raisons exprimées dans la lettre des demanderesses en date du 22 février 2005, la directive écrite émise par la Cour en date du 21 février 2005 demeure pleinement valide et M. de Klerk ne sera pas autorisé à offrir une contre-preuve directe de vive voix jeudi prochain, le 24 février 2005.


[3]        Le 14 mars 2005, la Cour a rejeté une requête pour faire annuler les directives du protonotaire. Le présent appel porte sur cette ordonnance du protonotaire Morneau. Subsidiairement, les réclamantes demandent à la Cour la permission de faire entendre un expert en droit étranger dans le cadre de l'audience portant sur le rang des réclamations.

[4]        Il est à noter que la Cour avait déjà entendu des arguments sur le fond et sur le rang de chacune des réclamations lors de l'audience tenue à Montréal le 24 février 2005 (l'audience portant sur l'établissement de l'ordre de priorité). Elle a aussi entendu la preuve sur le droit étranger et examiné les observations écrites des réclamantes dans le cadre du présent appel. La décision en ce qui concerne les droits des demanderesses et de chacune des réclamantes sur le produit de la vente du navire Lanner n'a pas encore été rendue.

[5]        La norme de contrôle applicable aux ordonnances du protonotaire a été énoncée dans Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc., [2004] 2 R.C.F. 459 :

[17]          Dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.), la Cour énonce dans les termes suivants la norme de contrôle applicable aux ordonnances discrétionnaires des protonotaires (le juge MacGuigan, J.C.A., à la page 463) : ¼

Selon en particulier la conclusion tirée par lord Wright dans Evans v. Bartlam, [1937] A.C. 473 (H.L.) à la page 484, et par le juge Lacourcière, J.C.A., dans Stoicevski v. Casement (1983), 43 O.R. (2d) 436 (C. Div.), le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

a) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits,

b) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.

[...]


[19]          Afin d'éviter la confusion que nous voyons parfois découler du choix des termes employés par le juge MacGuigan, je pense qu'il est approprié de reformuler légèrement le critère de la norme de contrôle. Je saisirai l'occasion pour renverser l'ordre des propositions initiales pour la raison pratique que le juge doit logiquement d'abord trancher la question de savoir si les questions sont déterminantes pour l'issue de l'affaire. Ce n'est que quand elles ne le sont pas que le juge a effectivement besoin de se demander si les ordonnances sont clairement erronées. J'énoncerais le critère comme suit : « Le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants : a) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, b) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits. »

L'ordonnance du protonotaire Morneau porte-elle sur une question ayant une influence déterminante sur l'issue du principal?

[6]         On doit répondre à cette question par la négative pour les motifs suivants :

-            En fait, je suis d'accord avec les demanderesses pour dire qu'il s'agit de déterminer si la Cour doit admettre et examiner des éléments additionnels.

-            L'ordonnance sur les directives (15 septembre 2004) à laquelle ont consenti les demanderesses se lit en partie comme suit :

[traduction]

1. Les réclamantes signifieront et déposeront des affidavits sur les questions de droit et des observations écrites sur le rang de leurs réclamations restantes au plus tard le 1 novembre 2004;


2. Les demanderesses et les réclamantes restantes termineront les contre-interrogatoires sur les affidavits de réclamation et sur le reste des affidavits des réclamantes sur les questions de droit au plus tard le 10 décembre 2004;

3. Les demanderesses signifieront et déposeront tout élément en réponse aux affidavits sur les questions de droit et aux observations écrites des réclamantes restantes au plus tard le 7 janvier 2005;

4. La Cour tiendra une audience spéciale à Halifax pour déterminer les droits des demanderesses et des réclamantes restantes, et le rang de leurs réclamations respectives, le mercredi 26 janvier 2005 à 9 h 30 pour une durée qui ne pourra dépasser un jour. [...]

[7]         Les réclamantes ont déposé leur affidavit sur le droit étranger le 1er novembre 2004 et les demanderesses ont déposé le leur le 7 janvier 2005.

[8]        Seulement quelques jours avant la nouvelle date de l'audience portant sur l'établissement de l'ordre de priorité tenue vers la fin de février dernier, les demanderesses ont reçu l'affidavit additionnel des réclamantes. Les demanderesses se sont opposées à l'admission de ce nouvel élément.

[9]        Aucune requête en autorisation de présenter une preuve d'experts additionnelle n'a été déposée par les réclamantes.


[10]      Je conviens avec les demanderesses que si le présent appel était accueilli, elles seraient contraintes d'engager des dépenses supplémentaires en raison de l'admission tardive des éléments de preuve postérieurement à l'audience portant sur l'établissement de l'ordre de priorité, puisque celle-ci a déjà eu lieu.

L'ordonnance du protonotaire est-elle entachée d'erreur flagrante?

[11]      On doit aussi répondre à cette question par la négative. Les questions sur le droit étranger ont été soulevées en 2003. Les réclamantes ont accepté la forme de l'ordonnance sur les directives (15 septembre 2004). Elles avaient jusqu'au 10 décembre 2004 pour déposer leurs affidavits d'expert, ce qu'elles ont fait. Aucune requête pour obtenir la permission de la Cour d'introduire des éléments additionnels n'a été déposée. Ce n'est que quelques jours avant l'audience reportée sur l'établissement de l'ordre de priorité que les réclamantes ont tenté de déposer des documents additionnels. Je conclus donc que l'ordonnance du protonotaire rejetant la requête pour annuler ses directives n'est pas fondée sur un mauvais principe de droit.

Demande subsidiaire


[12]      Les réclamantes demandent subsidiairement à la Cour de leur accorder l'autorisation de présenter une preuve orale sur le droit étranger dans le cadre de l'audience portant sur l'établissement de l'ordre de priorité. Les demanderesses s'y sont opposées. Dans sa directive, le protonotaire a donné raison aux demanderesses. Encore là, je ne vois aucune raison d'intervenir parce que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire correctement vu le contexte factuel de l'affaire. Le dossier montre que les réclamantes ont eu une possibilité adéquate de présenter une preuve pertinente afin de réfuter ou de contredire la preuve des demanderesses (Japan Electrical Manufacturers Association c. A. D. T., 32 D.L.R. (4th) 222).

[13]      En conséquence, la Cour ordonne que l'appel soit rejeté avec dépens.

ORDONNANCE

L'appel est rejeté avec dépens.

   « Michel Beaudry »                    

                  Juge             

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                             T-531-03

INTITULÉ :                            J.P. MORGAN CHASE BANK

(anciennement The Chase Manhattan Bank),

personne morale,

et

J.P. MORGAN EUROPE LIMITED

(anciennement Chase Manhattan International Limited),

personne morale

demanderesses

et

MYSTRAS MARITIME CORPORATION,

personne morale,

et

LES PROPRIÉTAIRES DU NAVIRE « LANNER » ET

TOUTES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR CE NAVIRE

et

LE NAVIRE « LANNER »

défenderesses

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                11 avril 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

DATE :                                                12 avril 2005


COMPARUTIONS :

Anil K. Mohan                          POUR LES DEMANDERESSES

Gassim Bangoura                                   POUR LES RÉCLAMANTES,

KENT TRADE & FINANCE INC.,

PRAXIS ENERGY AGENTS S.A.,

ASHLAND SPECIALTY CHEMICAL COMPANY

et CP3500 INTERNATIONAL LTD.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Metcalf & Company                              POUR LES DEMANDERESSES        

Halifax (Nouvelle-Écosse)

BORDEN LADNER GERVAIS           POUR LES RÉCLAMANTES,

Montréal (Québec)                                KENT TRADE & FINANCE INC.,

PRAXIS ENERGY AGENTS S.A.,

ASHLAND SPECIALTY CHEMICAL COMPANY

et CP3500 INTERNATIONAL LTD.

Robinson Sheppard Shapiro                  POUR LES RÉCLAMANTES,

Montréal (Québec)                                INTERNATIONAL PAINT INC.,

INTERNATIONAL COATINGS LTD.,

INTERNATIONAL PAINT (HELLAS) S.A. et

HELLAS SUPPLY CO. INC.

De Man, Pilotte                                     POUR LA RÉCLAMANTE,

Montréal (Québec)                                CALOGERAS & MASTER SUPPLY INC.


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