ENTRE :
ASSOCIATION CANADIENNE DES RADIODIFFUSEURS (l'Association demanderesse), GROUPE TVA INC., CTV TELEVISION INC., THE SPORTS NETWORK INC., 2953285 CANADA INC. (exerçant ses activités sous la dénomination sociale de Discovery Channel Canada), LE RÉSEAU DES SPORTS (RDS) INC., THE COMEDY NETWORK INC., 1163031 ONTARIO INC. (exerçant ses activités sous la dénomination sociale de Outdoor Life Network), GLOBAL COMMUNICATIONS LIMITED, GLOBAL TELEVISION NETWORK QUEBEC, société en commandite, PRIME TV, société en nom collectif, CHUM LIMITED, CHUM OTTAWA INC., CHUM TELEVISION VANCOUVER INC. et PULSE24, société en nom collectif (les personnes morales demanderesses)
- et -
SA MAJESTÉ LA REINE
défenderesse
Dossier : T-276-04
ENTRE :
VIDÉOTRON LTÉE, VIDÉOTRON (RÉGIONAL) LTÉE et CF CABLE TV INC.
demanderesses
- et -
SA MAJESTÉ LA REINE
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
(Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario),
le 18 novembre 2005)
LE JUGE HUGESSEN
[1] Les demandeurs contestent, par leur action, la validité des droits de licence de la partie II imposés en vertu de la Loi sur la radiodiffusion et du Règlement sur les droits de licence de radioduffusion.
[2] L'action remonte déjà à presque deux ans. Les demandeurs paient les droits en question depuis 2001, selon ce qu'on m'a dit, mais ils le font sous réserve de leurs droits depuis un moins l'année dernière.
[3] Par la requête dont je suis saisi, ils me demandent d'ordonner que les droits de la partie II qui, pour l'année en cours, deviennent exigibles le 30 novembre, c'est-à-dire dans moins de deux semaines, soient consignés au tribunal pour y être conservés de manière à ce qu'ils puissent exercer, le cas échéant, leur droit de recouvrement.
[4] Dans leur action, les demandeurs réclament déjà, outre un jugement invalidant le règlement applicable, un jugement déclarant qu'ils ont le droit d'être remboursés des sommes qu'ils ont déjà payées.
[5] Sa Majesté excipe de l'incompétence de la Cour de rendre l'ordonnance réclamée. Compte tenu de la conclusion à laquelle j'en arrive, je vais présumer que la Cour est compétente.
[6] Il est acquis aux débats que le critère à appliquer pour rendre une ordonnance de ce type est le critère classique à trois volets qui a été posé par la Cour suprême du Canada pour la première fois dans l'arrêt Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110, pour être repris quelques années plus tard dans l'arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (P.G.), [1994] 1 R.C.S. 311.
[7] Je crois qu'il est également acquis aux débats que le premier volet de ce critère, en l'occurrence la question de savoir si les demandeurs ont soulevé une question sérieuse, est facile à remplir et qu'il a été respecté dans le cas qui nous occupe. D'ailleurs, en consultant une décision déjà rendue dans le présent dossier, j'ai constaté que certains des moyens de défense invoqués par Sa Majesté n'étaient pas très solides et j'ai prononcé une ordonnance dans laquelle j'ai décidé qu'un de ces moyens de défense devait être tranché sur un fondement très mince.
[8] Il nous reste donc à examiner les deux autres volets du critère, à savoir le préjudice irréparable et la prépondérance des inconvénients. Parce que la défenderesse est Sa Majesté, et qu'elle est donc un organisme public, l'intérêt du public est un facteur très important, voire prépondérant, lorsqu'il s'agit d'appliquer le critère de la prépondérance des inconvénients.
[9] Les demandeurs expliquent qu'ils risquent de perdre l'argent qu'ils ont déjà payé et qu'ils risquent effectivement de perdre l'argent qu'ils sont tenus, de par la loi, de payer le 30 novembre de la présente année.
[10] Ce qui m'amène à la question du préjudice irréparable. Les demandeurs subiront-ils un préjudice irréparable s'ils versent les sommes d'argent en question à Sa Majesté, lorsqu'elles deviendront exigibles?
[11] Les demandeurs ne prétendent pas que l'argent disparaîtra s'ils payent Sa Majesté. Ils ne sauraient d'ailleurs faire une telle affirmation. Sa Majesté est évidemment un débiteur solvable et elle paiera ses dettes lorsque la demande lui en sera faite.
[12] Ce que les demandeurs disent, c'est plutôt que leur droit de récupérer les droits ou les taxes qu'ils ont payés conformément à un texte de loi ou un règlement illégal est incertain. Il peut effectivement exister une telle incertitude, et je ne tire aucune conclusion sur la question de savoir si les demandeurs ont ou non le droit de recouvrer ces sommes d'argent. .
[13] Toutefois, ce qui m'apparaît absolument clair et ce qui porte un coup fatal à la requête des demandeurs, c'est le fait que si les demandeurs ne peuvent recouvrer les droits qu'ils ont déjà acquittés de même que ceux qu'ils paieront à la fin du présent mois, ce sera parce que c'est ce que prévoit la loi. Ce sera parce que la Cour estime, au terme de leur action, qu'elle ne peut faire droit aux conclusions par lesquelles ils réclament le prononcé d'une ordonnance condamnant Sa Majesté à leur rembourser les sommes qu'ils ont payées, Ce sera parce que la Cour estime que, selon la loi, on ne peut récupérer les sommes d'argent payées à Sa Majesté conformément à une disposition invalide.
[14] Là encore, je ne formule aucun commentaire sur la question de savoir si la Cour tirera une telle conclusion.
[15] Je signale que, dans certaines décisions à tout le moins, et je parle ici d'arrêts de la Cour suprême du Canada, le tribunal a ordonné le remboursement de droits payés sous réserve, mais qu'il y a aussi d'autres décisions suivant lesquelles il n'est pas nécessaire de rembourser la taxe payée conformément à une loi invalide. Or, c'est là une des questions en litige en l'espèce. Ce n'est pas une question qui peut ou qui devrait être jugée dans le cadre d'une requête préliminaire comme la présente. Peu importe la façon dont cette question sera tranchée, les demandeurs ne subiront aucun préjudice irréparable, qu'ils obtiennent gain de cause ou qu'ils succombent. Même si je devais ordonner la consignation des sommes au tribunal, celles-ci ne pourraient quand même être versées que si la Cour rendait une ordonnance reposant sur la conclusion qu'il serait irrégulier, eu égard aux circonstances de l'espèce, que Sa Majesté conserve cet argent. Il s'agit précisément d'une des questions soulevées au principal.
[16] Les deux requêtes seront rejetées.
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 18 novembre 2005
Traduction certifiée conforme
Michèle Ali
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-2277-03
INTITULÉ : ASSOCIATION CANADIENNE DES RADIODIFFUSEURS et al. c. SA MAJESTÉ LA REINE
et
T-276-04
VIDÉOTRON LTÉE et al. c. SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 18 NOVEMBRE 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE HUGESSEN
DATE DES MOTIFS : LE 18 NOVEMBRE 2005
COMPARUTIONS:
THOMAS HEINTZMAN
HOWARD FOHR POUR LES DEMANDEURS
(Association canadienne des radiodiffuseurs et al., dans le dossier T-2277-03)
DANIEL URBAS
CARL J. SOUQUET POUR LES DEMANDEURS
(Vidéotron Ltée et al., dans le dossier T-276-04)
F.B. (RICK) WOYIWADA POUR LA DÉFENDERESSE
(dans le dossier T-2277-03)
FRANCISCO COUTO POUR LA DÉFENDERESSE
(dans le dossier T-276-04)
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
McCARTHY TÉTRAULT
OTTAWA (ONTARIO) POUR LES DEMANDEURS
(Association canadienne des radiodiffuseurs et al., dans le dossier T-2277-03)
BORDEN LADNER GERVAIS srl/LLP
MONTRÉAL (QUÉBEC) POUR LES DEMANDEURS
(Vidéotron Ltée et al., dans le dossier T-276-04)
JOHN H. SIMS, c.r.
SOUS PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
OTTAWA (ONTARIO) POUR LA DÉFENDERESSE
(dans le dossier T-2277-03)
JOHN H. SIMS, c.r.
SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
MONTRÉAL (QUÉBEC) POUR LA DÉFENDERESSE
(dans le dossier T-276-04)