Date : 20041015
Dossier : T-1542-04
Référence : 2004 CF 1426
Ottawa (Ontario), le 15 octobre 2004
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER
ENTRE :
kisikawpimootewin
Être humain sentient, héritier et successeur à titre de signataire pour des peuples autochtones séparés et distincts de traités d'amitié (pour profiter mutuellement des avantages du commerce), de traités de paix (pour assurer la sécurité du commerce) et de traités numérotés (accordant les territoires souverains à Sa Majesté) conclus avec la Reine Victoria, son ou ses héritiers et successeurs, dont la Reine Élizabeth II, son ou ses héritiers, successeurs et prédécesseurs
demandeur
- et -
SA MAJESTÉ LA REINE AUX DROITS DU CANADA
Le ou les fonctionnaires loyaux et assermentés de Sa Majesté agissant en son nom
défenderesse
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
LA JUGE SNIDER
[1] Le demandeur a introduit son action en déposant un document décrit comme une déclaration devant la Cour le 23 août 2004. La Couronne a présenté une requête en vue d'obtenir la radiation de la déclaration en vertu de l'article 221 des Règles de la Cour fédérale (1998) pour le motif qu'elle ne révèle aucune cause d'action ou, subsidiairement, la prorogation du délai pour déposer une défense. La Couronne affirme que la déclaration n'est pas conforme à l'article 174 des Règles, qui exige que la déclaration contienne un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde.
Question en litige
[2] La question à trancher consiste à déterminer si la déclaration du demandeur comporte une cause légitime d'action. Pour les motifs exposées ci-dessous, j'ai conclu que ce n'est pas le cas et qu'il convient donc la radier.
Analyse
[3] Deux motifs justifient la radiation d'une déclaration :
1) l'absence de cause d'action valable;
2) son caractère scandaleux, vexatoire ou frivole.
1) Absence de cause d'action valable
[4] Au Canada, pour radier un acte de procédure, il doit être évident et manifeste que la déclaration ne révèle aucune cause d'action valable (Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959).
[5] Les propos du protonotaire Hargrave au paragraphe 3 de Ceminchuk c. Canada, [1995] A.C.F. no 914, pourraient s'appliquer ici, lorsqu'il déclare :
La déclaration consiste en des affirmations et des conclusions sans lien les unes avec les autres qui ne s'appuient pas sur les faits importants et nécessaires susceptibles de les justifier. Dans sa déclaration, le demandeur affirme avoir plusieurs documents sur lesquels il s'appuiera [...] Toutefois, là n'est pas la question : il incombe au demandeur de présenter une déclaration contenant un exposé, des détails et des faits importants suffisant non seulement à démontrer l'existence d'une cause d'action, mais aussi à permettre à la défenderesse de répondre à la déclaration et à la Cour de diriger correctement les procédures.
[6] Il est satisfait en l'espère au critère établi dans Hunt,précité, pour ordonner la radiation de la déclaration. Il est en effet évident et manifeste que la déclaration ne révèle aucune cause d'action valable, et ce pour les motifs suivants :
1. La défenderesse ou les défendeurs ne sont jamais identifiés autrement que par le titre très général de fonctionnaire(s) de Sa Majesté la Reine;
2. La déclaration est très verbeuse et difficile à suivre; de grands passages sont sans pertinence;
3. Le vocabulaire utilisé est vague et trop large;
4. Aucune précision n'est donnée quant à l'un ou l'autre des événements composant les allégations énoncées;
5. Le demandeur prétend à une protection en vertu de toutes les lois provinciales et fédérales du Canada jamais adoptées et de tous les droits internationaux de la personne;
6. Les types de dommages-intérêts réclamés ne sont étayés par aucun fait;
7. La réparation demandée, d'une valeur totale de cinq milliards de dollars, ne repose sur aucun fait.
[7] Ces motifs suffisent pour radier la déclaration.
2)Déclaration scandaleuse, vexatoire et frivole
[8] Comme il est dit au paragraphe 10 de la décision Ceminchuk,précitée :
Une action scandaleuse, futile ou vexatoire n'a pas à être uniquement une action dans laquelle le demandeur est incapable de présenter à l'appui de ses prétentions des moyens raisonnables, fondés sur le droit ou la preuve, mais il peut aussi s'agir d'une action dans laquelle les actes de procédure font état de si peu de faits que le défendeur ne sait comment y répondre et qu'il sera impossible au tribunal de diriger correctement les procédures. C'est une action sans cause raisonnable, qui n'aura aucune issue pratique.
[9] Dans l'affaire qui nous occupe, très peu d'arguments sont fournis outre des assertions brutes et des allégations dénuées de fondements contre la défenderesse ou les défendeurs, non identifiés et non précisés. La déclaration est vexatoire en ce que la défenderesse, si elle est identifiable, sera dans l'embarras et incapable de se défendre. La Cour se retrouve devant une instance si mal définie qu'elle ne peut discerner les arguments ou cerner des faits substantiels précis.
[10] Le 13 septembre 2004, à la première date fixée pour l'audition de la requête de la Couronne, le demandeur a été avisé que la Cour avait de la difficulté à comprendre sa déclaration et qu'il avait intérêt à la réécrire. Malgré cette recommandation et l'occasion donnée de modifier sa déclaration, le demandeur a choisi de n'y rien changer, si bien que le libellé original est demeuré tel quel. La seule modification apportée a été d'ajouter un chef additionnel de dommages-intérêts d'un montant d'un milliard de dollars pour rupture de contrat.
[11] Bien que le demandeur ait déposé un dossier de requête le 16 septembre 2004, ce document est également incompréhensible et ne répond pas à la requête de la Couronne.
Conclusion
[12] « Il ne peut y avoir de cause d'action si aucun fait substantiel n'est allégué » (Chavali c. Canada (2002), 291 N.R. 311). C'est le cas en l'espèce. Ce n'est pas que les faits soient rares ou confus, mais qu'il n'y a absence de faits.
[13] Il convient donc de radier la présente déclaration pour le motif qu'elle est vexatoire et embarrassante et qu'elle ne révèle aucune cause d'action, valable ou autre.
[14] Je ne doute pas que le demandeur tienne très fortement à faire valoir tous ses droits pour redresser ce qu'il perçoit comme une injustice à son égard. Il lui est loisible d'introduire une nouvelle action en déposant une déclaration conforme aux exigences et à laquelle un défendeur connu pourra vraiment répondre.
[15] Je note que le demandeur s'est vu donner quelques conseils par la Cour, outre l'occasion de modifier sa déclaration. Il ne l'a pas fait de façon sérieuse, forçant ainsi l'avocate de la défenderesse et la Cour à consacrer inutilement du temps à cette question. Aussi, en vertu de mon pouvoir discrétionnaire, je suis disposée à adjuger des dépens de 300 $ en faveur de la défenderesse.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La déclaration est radiée;
2. Des dépens de 300 $ sont payables à la défenderesse par le demandeur.
« Judith A. Snider »
Juge
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1542-04
INTITULÉ : kisikawpimootewin
c. Sa Majesté la Reine aux droits du Canada
Le ou les fonctionnaires loyaux et assermentés de Sa Majesté agissant en son nom
LIEU DE L'AUDIENCE : Edmonton (Alberta)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 12 octobre 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : La juge Snider
EN DATE DU : Le 15 octobre 2004
COMPARUTIONS :
kisikawpimootwin POUR LE DEMANDEUR
(Pour lui-même)
Maria Mendola-Dow POUR LA DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Edmonton (Alberta) POUR LE DEMANDEUR
(Pour lui-même)
Morris Rosenberg POUR LA DÉFENDERESSE
Sous-procureur général du Canada