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Date : 19990127


Dossier : IMM-2287-98

Entre :

     BOUAZZA ERRAKI

     Demandeur

Et:

     LE MINISTRE

     Défendeur

     MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]          Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire interjetée à l'encontre de la décision de l'agente des visas en date du 2 avril 1998, qui a refusé la demande de résidence permanente du requérant présentée en vertu de l'alinéa 8(1)a) du Règlement sur l'immigration, 1978.

[2]      Le requérant est citoyen du Maroc. Il a déposé une demande de résidence permanente sous la catégorie d'immigrant indépendant vers le 12 février 1997. Il désirait s'établir à Ottawa. Le requérant s'est présenté à une entrevue de sélection le 9 octobre 1997.

[3]      Par lettre datée du 2 avril 1998, l"agente a informé le requérant que sa demande avait été rejetée. L'agente lui avait attribué 68 points d'appréciation, soit deux de moins que les 70 points requis pour que la demande soit admissible. Le requérant n"a obtenu aucun point pour la connaissance de l"anglais, et seulement 1 point pour le facteur Qualités personnelles.

[4]      Le requérant a interjeté appel de cette décision le 12 mai 1998. Il soutient tout d"abord que l'agente des visa a erré dans son évaluation du critère de la connaissance de l'anglais. Elle aurait aussi commis une erreur de droit en tenant compte des difficultés en anglais du requérant (facteur 8) dans son appréciation de ses Qualités personnelles (facteur 9). Enfin, le requérant soulève que l"agente a tiré une conclusion de fait erronée dans l"évaluation du critère Qualités personnelles.

[5]      Le paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, C. F-7. prévoit que cette Cour intervient dans la décision de l'agent des visas que si ce dernier n'a pas observé les principes d"équité procédurale, ou si sa décision est entachée d'une erreur de droit ou est fondée sur une conclusion de fait tirée de façon arbitraire ou déraisonnable.

La connaissance de l"anglais

[6]      L'agente n'a pas accordé de point au requérant pour sa connaissance de la langue anglaise. Selon le requérant cette évaluation est absurde, car il peut s'exprimer en anglais de façon raisonnable. Il a suivi des cours intensifs d'anglais à trois reprises, soit en 1994, en 1996 et en 1997. De plus, lors de sa demande de certificat de sélection du Québec en 1995, on lui avait attribué un point au niveau de sa connaissance de l"anglais.

[7]      Pendant l'entrevue de sélection, le requérant a éprouvé des difficultés à suivre la conversation en anglais. Il était incapable de lire et d'écrire en anglais. L'agente des visas a donc convenu, avec le requérant, d"annoter ses capacités en anglais "avec difficulté". En conformité avec l"Annexe 1 du Règlement , Facteur 8 aux paragraphes 2 et 3, l'agente n'a pas accordé de point pour la connaissance de l'anglais.

[8]      L'agente n'a pas commis d'erreur justifiant l'intervention de cette Cour. Même si le requérant s'est vu accordé un point à l'examen du Québec en 1995, ce n"est pas une indication qu'il parle bien l'anglais en 1997. De même, suivre des cours d'anglais de façon sporadique ne veut pas dire que l'on parle cette langue.

    

Prise en considération de la connaissance de l"anglais dans l"évaluation des Qualités personnelles

[9]      Un agent des visas commet une erreur de droit s'il prend en considération le même élément sous deux facteurs d'évaluation1. Le requérant est d'avis que l'agente des visas a tenu compte de sa connaissance de la langue anglaise dans le facteur Qualités personnelles. Elle l"a informé que sa piètre connaissance de l'anglais le désavantageait, car sa destination était une province majoritairement anglophone. S'il voulait s'établir au Québec, la langue ne serait pas un problème d'adaptabilité.

[10]      L'agente n'a commis aucune erreur de droit. Un agent des visas est tenu d"évaluer l'adaptabilité, la motivation, l'initiative et l'ingéniosité du demandeur sous le facteur Qualités personnelles. Il est établi dans la jurisprudence que considérer la connaissance d'une des langues officielles dans le facteur Qualités personnelles ne constitue pas du "double counting" quand cet élément est considéré sous la perspective de l'habileté à s'intégrer au Canada2.

[11]      C'est donc à bon droit, à mon avis, que l'agente des visas a tenu compte de la piètre connaissance de l'anglais de M. Erraki dans le facteur "Qualité personnelles". Elle n'évaluait alors pas son niveau de compréhension de la langue, mais plutôt sa capacité d'adaptation dans un milieu anglophone.

L"évaluation des Qualités personnelles

[12]      Le demandeur n'a obtenu qu'un seul point dans le facteur Qualités personnelles. Il estime que l'agente a évalué ses qualités personnelles de façon déraisonnable. Le requérant se fie notamment sur l'affaire Ting3. Dans cette affaire, l'agent des visas avait octroyé 4 points à Mme Ting pour le facteur Qualités personnelles. Il était d'avis qu'elle ne s'adapterait pas bien à Vancouver car elle ne parlait pas l'anglais. Le juge Dubé a infirmé la décision de l'agent. Selon lui, l'agent avait erré en omettant de considérer le fait qu"il existe une importante communauté asiatique à Vancouver en évaluant l'adaptabilité de la requérante.

[13]      Le requérant en l"espèce soumet que sa situation est analogue à l'affaire Ting . L'agente aurait erré en ne considérant pas que la ville d'Ottawa est une ville bilingue et qu'il aurait pu s'y adapter même s'il ne parlait que le français.

[14]      Le requérant n'a jamais visité le Canada. L'installation à Ottawa n'était pas son choix personnel, mais celui dicté par son avocate. Des amis lui ont conseillé des petites villes situées en Ontario, mais il ne s'est pas documenté sur ces villes, ni sur les possibilités d'emploi. Le requérant n"a aucun plan précis pour son installation. De même, il n'a pas de connaissances particulières sur le mode de vie au Canada.

[15]      Le requérant a de plus déclaré qu'il n'était pas important pour lui et son épouse de vivre au Canada. Ils gagnaient bien leur vie au Maroc. Il voulait déménager au Canada principalement pour assurer l'avenir de ses enfants. Le requérant veut s'installer en Ontario même s'il ne parle pas bien l'anglais. Il sait que l'adaptation sera difficile. Son épouse parle seulement l'arabe.

[16]      L'agente a conclu à un manque flagrant d'initiative, de facilité d'adaption et de motivation. Elle lui a donc accordé qu"un seul point. Je ne vois pas de motifs justifiant l"intervention de cette Cour dans la décision de l'agente des visas. De même, compte tenu de l"incertitude entourant la destination du requérant, le fait que la ville d"Ottawa est une ville bilingue n"était pas un facteur pertinent.

[17]      L'appel est rejeté.

                                     JUGE             

OTTAWA, Ontario

Le 27 janvier 1999

__________________

     1 Zheng v. Canada (1991), 12 Imm.L.R. (2e) 167 (C.A.F.).

     2 Ting c. M.C.I. (1996), 36 Imm.L.R. (2e) 197; Stefan c. M.C.I. (1995), 35 Imm.L.R. (2e) 21; Zhen c. M.C.I. (26 novembre 1996), Ottawa IMM-978-96 (C.F. (1ère inst.)).

     3 Ting c. M.C.I., supra note 2.

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