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Date : 20001026

Dossier : T-164-99

ENTRE :

                                    JADWIGA MAJDAN

                                                                                    demanderesse

                                                  - et -

                   PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

          R.M. MACPHEE, AQUIL ALI et GEORGE FARAH

                                                                                          défendeurs

        ORDONNANCE ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, fondée sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, concernant la décision prise le 5 janvier 1999 par Gaston Charbonneau, président du comité d'appel de la Commission de la fonction publique du Canada, en application de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (la LEFP). La demanderesse conteste les sélections effectuées pour les nominations aux postes de gestionnaire de projets AR-06 et AR-05 auprès de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), à Hull, au Québec (dossiers nos 98-SCV-00514 et 98-SCV-00515).

[2]                En octobre 1997, les Services de l'immobilier de TPSGC ont affiché des avis de concours portant sur des postes de gestion de projets, notamment aux niveaux AR-05 et AR-06.

[3]                Le 10 octobre 1997, la demanderesse posait sa candidature au poste AR-05 et au poste AR-06.

[4]                Le 4 novembre 1997, les examens portant sur les postes AR-05 et AR-06 se sont déroulés à Hull (Québec). La note de passage était 65 % pour le poste AR-05 et 70 % pour le poste AR-06.

[5]                Les candidats qui ont obtenu la note de passage à l'examen écrit ont été invités à passer une entrevue destinée à évaluer leurs autres capacités et leurs qualités personnelles. La demanderesse a obtenu un résultat de 81 % et s'est donc préparée pour l'entrevue.


[6]                En février 1998, la demanderesse a communiqué, par courrier électronique et par téléphone, avec le ministère des Ressources humaines et la direction de la DGI afin de savoir pourquoi les personnes qui avaient présenté pour elle des références n'avaient pas été contactées. On n'a pas donné suite à ses appels.

[7]                En avril 1998, la demanderesse a reçu du ministère des Ressources humaines un avis qui l'informait qu'elle n'avait pas été retenue pour les deux postes pour lesquels elle avait posé sa candidature.

[8]                Le 8 avril 1998, à sa demande, a eu lieu une réunion du jury postérieure au concours. La demanderesse a été informée de ses résultats. Elle avait obtenu 81 % à l'examen des connaissances, mais 58 % à l'examen des capacités. Pour l'examen des capacités, sa note avait été établie en particulier sur le fondement de la question 10 de l'examen écrit et celui de ses résultats d'entrevue. Sa faible note à l'examen des capacités s'expliquait notamment par le fait qu'elle n'avait pas répondu à la question 10 (aptitude à l'écriture) de l'examen, ce qui avait influé sur l'ensemble de l'évaluation, vu que le jury de sélection, se fondant sur les résultats de l'examen des « capacités » , n'avait pas évalué les qualités personnelles.

[9]                Ainsi renseignée, la demanderesse a déposé un appel contre les nominations pour les deux listes d'admissibilité.


[10]            Le 20 juillet 1998, a eu lieu une réunion d'échange d'informations à laquelle étaient présents les trois interrogateurs, le représentant des Ressources humaines, M. Charette, l'IPFPC et la demanderesse. Une audience de la CFP a été fixée pour septembre 1998. Toutefois, en raison d'une grève à l'IPFPC, l'audience a été reportée au 15 décembre 1998.

[11]            Le 15 décembre 1998, la demanderesse et TPSGC ont produit leurs preuves et présenté leurs conclusions.

[12]            Le 5 janvier 1999, le président rendait sa décision écrite dans laquelle il rejetait la revendication de la demanderesse.

CONCLUSIONS DE LA DEMANDERESSE

[13]            Le comité d'appel a erré en droit et rendu une décision manifestement déraisonnable en concluant que le concours en question respectait le principe de la sélection au mérite dans les domaines suivants :

-          études et enregistrement professionnel (attestation de Georges Farah);

-          nouvelle cotation de l'examen écrit et méthode de notation;

-          outils d'évaluation.

[14]            Le comité d'appel n'a pas observé un principe de justice naturelle en rejetant l'affirmation de la demanderesse selon laquelle :

-         l'évaluation de l'examen écrit n'était pas équitable;

-         les directives concernant l'examen écrit prêtaient à confusion;

-         le rendement au poste de gestion de projets sur une période de six ans (l'expérience antérieure de la demanderesse) aurait dû être pris en compte;


-         son expérience effective de la rédaction a été ignorée;

-         sa voix n'a pas été raisonnablement évaluée.

[15]            La décision du comité d'appel a été prise sans égard aux documents présentés à l'audience :

-         erreurs commises dans l'évaluation de l'examen écrit;

-         certains aspects qui faisaient partie des allégations ne figurent pas dans la décision.

CONCLUSIONS DU DÉFENDEUR

[16]            Le défendeur affirme que le comité d'appel n'a pas commis d'erreur sujette à révision et que rien ne saurait justifier l'intervention de la Cour. Plus précisément, le défendeur affirme que le comité d'appel n'a pas erré en droit ni rendu une décision manifestement déraisonnable et que le comité d'appel a fondé sa décision sur des conclusions factuelles non entachées d'erreur et justifiées par les éléments de preuve dont il disposait.

[17]            Le défendeur affirme aussi que le comité d'appel n'a pas omis d'observer un principe de justice naturelle. Le rejet des prétentions de la demanderesse ne saurait être considéré comme une violation des principes de justice naturelle.


ANALYSE

[18]            En conformité avec le paragraphe 21(1) de la LEFP, l'objet principal d'un appel formé contre la décision d'un jury de sélection est d'assurer le respect du principe de la sélection au mérite :


21. (1) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made by closed competition, every unsuccessful candidate may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.

21. (1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.


[19]            Ce principe est la base du processus de sélection tout entier; ne pas le respecter ouvrirait la porte à des décisions arbitraires. Cette notion est bien circonscrite par le juge Pratte, de la Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Charest c. Procureur général du Canada, [1973] C.F. 1217, p. 1221 (C.A.F.) :

La tenue d'un concours est un des moyens que prévoit la loi pour atteindre cet objectif de la sélection au mérite. Or, il est important de voir que c'est également dans le but d'assurer le respect du principe de la sélection au mérite que l'article 21 accorde un droit d'appel aux candidats qui n'ont pas été reçus à un concours. Lorsqu'un candidat malheureux exerce ce droit, il n'attaque pas la décision qui l'a déclaré non qualifié, il appelle, comme le dit l'article 21, de la nomination qui a été faite ou qui est sur le point d'être faite en conséquence du concours. Si l'article 21 prévoit un droit d'appel, ce n'est donc pas pour protéger les droits de l'appelant, c'est pour empêcher qu'une nomination soit faite au mépris du principe de la sélection au mérite.


[20]            Par conséquent, l'obligation principale du comité d'appel est de s'assurer que le jury de sélection a évalué les candidats objectivement et que le principe de la sélection au mérite est respecté. Voici les propos du juge Pratte, de la Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Laberge c. Canada (P.G.), [1988] 2 C.F. 137 (C.A.F.) :

Il me paraît inexact, aussi, de dire qu'un comité de sélection n'a pas à évaluer les candidats en regard de toutes les fonctions du poste à combler. Lorsqu'un concours est tenu pour combler un poste, le concours doit être organisé de telle façon qu'il permette de jauger l'aptitude des candidats à remplir ce poste-là. Or, cela ne peut se faire sans avoir égard aux fonctions que doit accomplir le titulaire du poste.

[21]            Par ailleurs, le processus doit également être ouvert et transparent. Le comité d'appel doit évaluer l'objectivité du processus tout entier. Comme le fait observer le juge Dickson dans l'arrêt Kane c. Bd. of Governors of the U.B.C., [1980] 1 R.C.S. 1105, p. 1116 :

Nous ne sommes pas concernés ici par la preuve de l'existence d'un préjudice réel mais plutôt par la possibilité ou la probabilité qu'aux yeux des gens raisonnables, il existe un préjudice.

ÉTUDES

[22]            La demanderesse affirme que le comité d'appel a erré en droit et rendu une décision manifestement déraisonnable en concluant que le concours en question respectait le principe de la sélection au mérite en ce qui avait trait aux études et à l'enregistrement professionnel.


[23]            Les normes de sélection établies par la Commission dans la présente affaire n'obligeaient pas TPSGC à exiger des candidats aux postes de gestionnaire de projets qu'ils détiennent le titre professionnel d'architecte. L'énoncé de qualités se rapportant aux études exigeait soit un diplôme d'une université reconnue, avec spécialisation en architecture, soit l'admissibilité à la reconnaissance professionnelle d'architecte au Canada.

[24]            La demanderesse avait affirmé devant le comité d'appel que TPSGC avait toujours exigé pour ses postes que les candidats architectes détiennent un titre professionnel. La demanderesse a affirmé que, en supprimant cette exigence, le Ministère avait contrevenu au principe de la sélection au mérite.

[25]            La demanderesse affirme devant la Cour que toutes les affiches portant sur les postes de gestionnaire de projets AR et ENG qu'elle a pu trouver exigeaient le titre, ou l'admissibilité au titre, d'architecte ou d'ingénieur. Elle prétend que, puisque ces classifications (AR et ENG) sont génériques, les fonctionnaires fédéraux qui ont la classification de AR ou ENG peuvent être déployés, détachés et affectés à des postes différents exigeant le même niveau, non seulement à l'intérieur du même ministère, mais également entre ministères.

[26]            S'agissant de cet argument, je ne partage pas l'avis de la demanderesse et j'estime que le comité d'appel n'a pas erré en droit lorsqu'il a affirmé à la page 10 de la décision :

En ce qui a trait à la première allégation, il appartient à la gestion de préciser les qualités requises pour combler un poste donné. Les postes à combler n'étaient pas des postes d'architecte mais plutôt de gestionnaire de projets où un diplôme en architecture s'avérait essentiel. Par ailleurs, j'ai peine à croire qu'une attestation professionnelle était nécessaire en l'instance. À mon avis, les normes de sélection permettaient à la gestion de n'insister que sur la possession d'un diplôme d'une université reconnue avec spécialisation en architecture.


[27]            Je suis d'avis que le comité d'appel avait le droit de conclure que les postes n'étaient pas des postes d'architecte, mais des postes de gestionnaire de projets, à la lumière de la preuve dont il disposait.

[28]            Par ailleurs, le comité d'appel n'a pas erré lorsqu'il a conclu que les normes de sélection permettaient à la direction d'exiger uniquement un diplôme. J'estime que les exigences en l'espèce respectaient les normes établies par la Commission lorsqu'elle pourvoit des postes du groupe AR. Ces normes (dossier du défendeur, vol. 2, page 552) sont énoncées ainsi :

Groupe de l'architecture et de l'urbanisme (AR)

Architectes

Lorsqu'il s'agit de pourvoir des postes d'architecte, l'emploi de l'une des options suivantes est obligatoire :

1.       Études;

2.       Attestation professionnelle;

3.       Études et attestation professionnelle;

4.       Études ou attestation professionnelle.

Études

Lorsque des études sont requises, la norme minimale est :

Obtention d'un diplôme d'architecture d'une université reconnue.

Lorsqu'une attestation professionnelle est requise, la norme minimale est :

Admissibilité à la reconnaissance professionnelle d'architecte au Canada.

[29]            À la lumière des normes ci-dessus de sélection et d'évaluation établies par la Commission, l'énoncé de qualités préparé par TPSGC répond en l'espèce à la quatrième option des normes, c.-à-d. études OU attestation professionnelle.


[30]            Cette exigence s'accorde également avec l'article 12 de la LEFP, rédigé ainsi :


12(1) For the purpose of establishing the basis for selection according to merit under section 10, the Commission may prescribe standards for selection and assessment as to education, knowledge, experience, language, residence or any other matters that, in the opinion of the Commission, are necessary or desirable having regard to the nature of the duties to be performed and the present and future needs of the Public Service.

12.(1) Pour déterminer, conformément à l'article 10, les principes de la sélection au mérite, la Commission peut fixer des normes de sélection et d'évaluation touchant à l'instruction, aux connaissances, à l'expérience, à la langue, au lieu de résidence ou à tout autre titre ou qualité nécessaire ou souhaitable à son avis du fait de la nature des fonctions à exécuter et des besoins, actuels et futurs, de la fonction publique.


[non souligné dans l'original]

[31]            Je souscris également à l'avis du défendeur, à celui du comité d'appel et aux précédents cités, selon lesquels la définition des exigences de base pour pouvoir participer à un concours relève de la prérogative exclusive du ministère qui se propose de pourvoir le poste.

[32]            Dans l'affaire Murray c. Canada (PG) (1993), 69 F.T.R. 153, le juge Tremblay-Lamer cite l'arrêt Delanoy c. Comité d'appel de la Commission de la fonction publique, [1977] 1 C.F. 562 (C.A.F.) :

À la page 56, le juge Décary a dit :

Cette Cour a constamment jugé que la définition des qualités requises pour un poste de la fonction publique relève du ministère concerné, et non pas de la Commission de la fonction publique... De même, selon une jurisprudence constante, le rôle du comité d'appel constitué sous le régime de la Loi « ne consiste pas à examiner les conditions définies par le ministère pour un poste précis mais à se demander si le principe du mérite établi par l'article 10 a été respecté dans le choix et la nomination d'un candidat qui possède les qualités requises par le ministère pour le poste en question » (voir Brown c. La Commission de la Fonction publique...)

Cette position a été reprise par le juge Marceau à la p. 48 :


[L]e « principe du mérite » doit présider au processus de sélection que la Commission de la fonction publique doit observer dans l'exercice de ses attributions qui consistent à juger et à classer les candidats; ce « principe » n'a rien à voir avec la définition des exigences de base pour pouvoir participer au concours, laquelle relève de la prérogative exclusive du ministère intéressé.

[33]            Par conséquent, cette prétention est rejetée.

[34]            La demanderesse affirme que sa première prétention a été élargie lors de l'audience pour englober la question de savoir si le défendeur Farah répondait aux conditions d'instruction et conditions professionnelles.

[35]            La demanderesse affirme que le diplôme du défendeur Farah, décerné par un établissement d'enseignement américain, ne peut être considéré comme l'équivalent d'un diplôme canadien parce que sa reconnaissance par un établissement d'enseignement canadien n'est pas prouvée. La demanderesse affirme aussi que la déclaration faite par le défendeur Farah dans sa candidature pour le poste AR-6, déclaration selon laquelle il est admissible à la reconnaissance professionnelle d'architecte, n'est pas recevable si elle n'est pas confirmée par l'une des associations provinciales d'architectes. Selon la demanderesse, aucun document en ce sens n'a été produit.


[36]            Le défendeur dit que ce point ne figurait pas parmi les points mentionnés par la demanderesse avant l'audience du comité d'appel et que le représentant de la demanderesse l'avait soulevé pendant l'audience et l'avait retiré lorsque le représentant du Ministère avait produit une preuve attestant que M. Farah était qualifié. Le défendeur affirme que la question n'a donc pas été abordée par le comité d'appel dans sa décision et qu'elle ne saurait être soulevée dans la présente instance.

[37]            Toutefois, le défendeur allègue que, de toute manière, la preuve produite devant le comité d'appel établissait clairement que M. Farah avait obtenu son diplôme d'une université reconnue, avec spécialisation en architecture, et qu'il était admissible à la reconnaissance professionnelle d'architecte au Canada.

[38]            La demanderesse soutient que la question de la qualification de M. Farah n'a pas été retirée à l'audience et elle a produit, à l'appui de cette affirmation, un affidavit de M. Michel Charette, qui représentait la demanderesse devant le comité d'appel.

[39]            Le défendeur a produit, à l'appui de sa position, un affidavit de Mme Micheline Mainville, qui était employée dans l'Équipe de secteur d'activités, à la Direction des ressources humaines du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux.


[40]            Le comité d'appel, dans sa décision, n'a pas abordé la question du diplôme de M. Farah. Si nous admettons que la demanderesse n'avait pas soulevé ce point devant le comité d'appel en temps opportun et que le représentant de la demanderesse avait retiré l'argument devant le comité d'appel, alors il n'est pas nécessaire de répondre à la question touchant la reconnaissance du diplôme de M. Farah.

[41]            Je ne sais pas si le représentant de la demanderesse a retiré l'argument, mais la preuve révèle que l'allégation se rapportant au diplôme de M. Farah n'apparaissait pas dans les allégations de la demanderesse divulguées avant l'audience du comité d'appel. Toutefois, la demanderesse explique que cette allégation avait été élargie lors de l'audience en raison de l'imprécision et des chevauchements caractérisant le CV de M. Farah, ainsi qu'en raison du peu d'empressement du Ministère à répondre à sa demande de confirmation des titres professionnels de M. Farah. Puisqu'il y a ambiguïté, je me propose d'analyser cette allégation.

[42]            S'agissant de l'argument du défendeur selon lequel la preuve présentée au comité d'appel établissait clairement que M. Farah avait obtenu un diplôme d'une université reconnue, les documents suivants ont été présentés au comité d'appel :

Diplôme de G. Farah, baccalauréat en architecture du Lawrence Institute of Technology, 1986.

(Dossier du défendeur, vol. 2, page 550)

Certificat de G. Farah, membre de l'Institut royal d'architecture du Canada, 1997.

(Dossier du défendeur, vol. 1, page 551)

Extraits, Liste d'établissements agréés, National Architectural Accrediting Board [É.-U.], signée par Guillaume Savard, directeur général, Conseil canadien de certification en architecture.

(Dossier du défendeur, vol. 2, pages 556-558)


Il semble que le comité d'appel a estimé que ces documents suffisaient à établir que M. Farah avait obtenu un diplôme d'une université reconnue, avec spécialisation en architecture, et qu'il a décidé de ne pas en faire état dans la décision.

[43]            Vu les circonstances et vu le fait que cet argument, non mentionné dans les documents soumis au comité d'appel, a été soulevé à la dernière minute devant le comité, cela pourrait être la raison pour laquelle le comité a décidé de ne pas en faire état.

[44]            Néanmoins, à mon avis, la demanderesse n'a pas établi que M. Farah n'était pas qualifié. Je crois que les documents soumis suffisent à établir les titres et qualités de M. Farah. Je ne pense pas qu'il était déraisonnable pour le comité d'appel de conclure que M. Farah était qualifié, à la lumière des documents qui ont été présentés au soutien des titres et compétences de M. Farah.

EXAMEN ÉCRIT

Question 10 - Capacités

[45]            La demanderesse affirme que le comité d'appel a erré en droit et a rendu une décision manifestement déraisonnable en concluant que le concours respectait le principe du mérite pour l'examen écrit, la nouvelle cotation et les méthodes de notation.


[46]            La demanderesse affirme que la question 10 de l'examen n'était pas suffisamment circonscrite et que le contexte était trompeur. La demanderesse a expliqué qu'elle voulait obtenir la note la plus élevée possible et qu'elle avait choisi de répondre aux questions en fonction de leurs pondérations. Les pondérations étaient inscrites sur le côté droit des feuilles d'examen.

[47]            La demanderesse déclare que deux questions comptant pour seulement cinq points avaient été pour elle les moins prioritaires. Cependant, la dernière question (question 10), à laquelle était attribuée une valeur de cinq points, faisait en réalité partie de l'ensemble suivant de points, sur un total de 50, et ne faisait pas partie du reste de l'examen. Donc, en réalité, la question valait 10 points. La demanderesse affirme que l'inscription de la lettre « A » à côté de la question 10, sur le coin gauche de la feuille, n'était pas suffisante pour indiquer qu'elle ne faisait pas partie du reste de l'examen.

[48]            La demanderesse affirme que, en concluant qu'il n'y avait rien d'erroné dans la pondération attribuée à la question 10, le comité d'appel n'a pas respecté les principes de justice naturelle puisque l'explication atteste un manque de promptitude et d'empressement à comprendre que la seule faute de la demanderesse avait été de se fier aux directives et à l'information concernant l'insignifiance relative de la question 10 (5 points).


[49]            Le comité d'appel a conclu que tous les candidats avaient eu dix minutes pour revoir les questions avant l'examen. Le comité d'appel a jugé que le texte de la question 10 était très clair et qu'il ne s'agissait pas d'une question se rapportant aux connaissances. Le comité d'appel a aussi conclu que la demanderesse aurait dû se rendre compte que, en décidant de ne pas répondre à la question, elle obtiendrait la note 0. Le comité d'appel a jugé qu'il était de peu d'importance que la valeur de la question fût de cinq points sur 50 au lieu de cinq points sur 100.

[50]            Le comité d'appel a fondé ses conclusions sur la partie de la question 10 qui est formulée ainsi :


You are to prepare a complete and final letter for review by the Director of PMD. This exercise will be used to evaluate only your ability to communicate effectively in writing.

Vous devez rédiger une lettre complète et finale qui sera remise au directeur de la Gestion des projets. Cet exercice nous permettra d'évaluer votre capacité à communiquer efficacement par écrit.


[51]            Concernant cette allégation, je n'étais pas persuadé au départ que la question et le contexte ne prêtaient pas à confusion, d'autant que les directives se rapportant à l'examen mentionnaient ce qui suit (dossier du défendeur, vol. 2, page 325) :

2.       Il y a dix (10) questions à l'examen.

[52]            Cela pouvait donner l'impression que les dix questions se rapportaient au même point et étaient calculées ensemble.


[53]            Toutefois, lorsqu'on lit les questions de l'examen, il est évident que les neuf premières questions se rapportent aux connaissances et que la dixième se trouve là pour un objet différent. Le fait que la question 10 mentionne que l'exercice servira à évaluer uniquement la capacité de communiquer efficacement par écrit est déterminant, vu les autres questions et aussi vu le fait que l'acronyme « A5 » est différent de toutes les autres questions.

[54]            D'ailleurs, toutes les autres questions étaient formulées différemment de la 10e question, et je ne puis conclure que le comité d'appel a erré lorsqu'il a estimé que la question 10 ne prêtait pas à confusion, d'autant que la demanderesse avait eu dix minutes pour lire les questions et avait eu la possibilité de s'informer davantage à propos de l'examen.

[55]            Je ne crois pas non plus que le comité d'appel n'a pas respecté les principes de justice naturelle lorsqu'il a déclaré qu'il était de peu d'importance que la valeur de la question fût de 5 points sur 50 au lieu de 5 points sur 100. En effet, pour cette question, ce n'était pas la valeur de la question qui déterminait son importance, mais le fait que la question visait à évaluer la capacité d'écrire de la demanderesse. La valeur de la question ne changeait rien à l'affaire. Il fallait de toute manière y répondre car son objet était d'évaluer la capacité d'écrire des candidats.


Question 1 - Révision des notes

[56]            La demanderesse affirme qu'elle a passé beaucoup de temps sur la question 1 et qu'elle a obtenu une note élevée comparativement aux autres candidats, sauf un, mais que, en raison de la nouvelle notation, le jury de sélection a donné à tous la note parfaite. La demanderesse affirme que, ce faisant, le Ministère a pratiquement éliminé cette question de l'examen à toutes les fins de l'évaluation. Selon la demanderesse, éliminer la question lui a été très préjudiciable, à elle et aux autres qui ont obtenu une bonne note, et cela allait à l'encontre du principe de la sélection au mérite. La question 3, elle aussi révisée, a eu le même effet.

[57]            Le comité d'appel a accepté, au vu de la preuve, l'explication du défendeur selon laquelle la décision avait été réévaluée parce que la première correction était trop rigoureuse et déraisonnable, et il a conclu que le principe de la sélection au mérite n'avait pas été enfreint.

[58]            Le défendeur affirme que le rôle d'un comité d'appel n'est pas de s'assurer que les examens ont été notés selon les règles, mais de s'assurer qu'un jury de sélection a observé le principe de la sélection au mérite dans le mécanisme adopté par lui. Le défendeur affirme que, dans ce cas, le jury de sélection a revu sa manière de corriger les examens, en acceptant les réponses qui indiquaient que les candidats avaient un niveau adéquat de connaissances même s'ils ne pouvaient donner les réponses très précises espérées.


[59]            Le défendeur allègue que la réévaluation ne contrevenait pas au principe de la sélection au mérite puisque tous les candidats ont été évalués selon les mêmes critères. Le défendeur prétend que le jury de sélection avait le pouvoir de rejeter comme déraisonnable l'espoir de réponses détaillées et d'adopter plutôt une norme de notation qui, à son avis, offrait une évaluation fiable des connaissances de chaque candidat.

[60]            Ce point soulève la question de savoir si un jury de sélection peut réviser son critère de correction pour un examen après avoir constaté que son premier critère était trop lourd.

[61]            La demanderesse invoque une décision de la Cour d'appel dans l'affaire Mackintosh c. Canada (Comité d'appel de la Commission de la fonction publique), [1990] F.C.J. No. 834 (C.A.F.). Dans cette affaire, le demandeur était le seul candidat reçu sur les 16 qui s'étaient présentés à l'examen. Voyant cela, le jury de sélection avait décidé d'éliminer une question de l'examen. Par suite de cette élimination, deux autres candidats avaient obtenu la note de passage. La Cour d'appel, accueillant l'appel, s'est exprimée ainsi :

Nous sommes tous d'avis qu'il y a eu erreur dans ce cas. Il ne suffit pas pour le comité d'appel de se demander, comme il l'a fait, si le jury de sélection avait agi de bonne foi. Il devait plutôt commencer par s'interroger, ce qu'il n'a pas fait, sur la pertinence de la question éliminée pour ce qui est d'évaluer le mérite. Autrement dit, le jury ne pouvait pas être convaincu que le principe du mérite avait été respecté à moins d'être persuadé que l'élimination de la question no 4 n'influait aucunement sur l'évaluation des mérites relatifs des candidats à l'examen. D'après le dossier, il n'aurait pas été possible d'en arriver à cette conclusion sans commettre d'erreur.


[62]            Toutefois, le comité d'appel s'est dans le cas présent demandé si le changement apporté à l'évaluation contrevenait au principe du mérite. Le comité d'appel a jugé qu'il y avait lieu de croire que la norme de la première correction était trop rigoureuse et que ce critère était excessif. Ce point de vue ne semble pas déraisonnable. D'ailleurs, comme l'a fait observer le défendeur, cette nouvelle exigence a été appliquée également à chaque candidat. Le défendeur soutient que cette nouvelle norme offrait une évaluation plus fiable des connaissances de chaque candidat.

[63]            Par ailleurs, comme l'a noté le défendeur, la Cour, dans l'affaire Burdecki c. Canada (Procureur général), [1996] F.C.J. No. 1225 (1re inst.), cite l'affaire Scarizzi c. Marinaki (1994), 87 T.T.R. 66 (1re inst.), où l'on peut lire ce qui suit :

Il est évident que l'une des fonctions du Comité d'appel consiste à s'assurer, autant que possible, que les jurys de sélection respectent le principe du mérite dans la sélection de candidats pour des postes au sein de la fonction publique conformément à l'article 10 de la Loi. Il n'est toutefois pas autorisé à substituer son opinion à celle du jury de sélection en ce qui concerne l'évaluation ou l'examen d'un candidat. Ce n'est que lorsqu'un jury de sélection se fait une opinion à laquelle aucune personne raisonnable ne pourrait arriver qu'un comité d'appel peut modifier sa décision.

[64]            La même analyse s'applique à l'allégation de la demanderesse concernant la question 9, où le jury de sélection avait décidé de changer la notation des questions. Il n'a pas été démontré au président que la nouvelle norme de notation n'avait pas été appliquée d'une manière égale et uniforme. Je ne vois aucune violation du principe du mérite dans la décision sur ce point.


Question 4

[65]            La demanderesse affirme que le jury de sélection n'a pas été cohérent dans la notation des réponses à la question 4, en particulier lorsqu'il a attribué 11 points au défendeur Farah pour une réponse qui, de l'avis de la demanderesse, ne valait que trois points.

[66]            La question 4 est rédigée ainsi :

Dans un projet type, qui sont les principaux intervenants et, de façon générale, quel rôle chacun jouerait-il?

[67]            La réponse escomptée à la question 4 énumère douze intervenants possibles dont chacun exerce plusieurs rôles. La question exigeait des candidats qu'ils indiquent les intervenants et expliquent les rôles qu'ils pourraient jouer.

[68]            Au sujet de cette allégation, le comité d'appel a accepté l'argument du défendeur selon lequel la valeur de chaque rôle n'avait pas été modifiée à la correction de l'examen. Le défendeur a expliqué que le jury de sélection était d'avis que l'indication des intervenants et celle de leurs rôles étaient de valeur égale.

[69]            M. Farah a donc indiqué trois intervenants possibles et énuméré douze rôles. Il a obtenu 11 points sur les 12 points possibles.


[70]            La demanderesse a indiqué plusieurs intervenants, mais peu de rôles, et elle a obtenu sept points.

[71]            J'estime que la conclusion du comité d'appel sur cette question est raisonnable et que le comité d'appel était fondé à juger suffisante pour disposer de la prétention de la demanderesse l'explication selon laquelle le jury de sélection était d'avis que l'indication des intervenants et l'indication de leurs rôles étaient d'égale valeur.

ENTREVUE

[72]            La demanderesse a affirmé devant le comité d'appel que le jury de sélection devait réévaluer ses réponses données durant l'entrevue parce que les notes d'entrevue prises par le président de ce jury s'étaient perdues. Elle affirme devant la Cour que le comité d'appel n'a pas pris la peine de régler ce point.

[73]            La demanderesse a aussi déclaré que le comité d'appel n'aurait pas dû rejeter l'allégation selon laquelle le jury de sélection n'avait pas évalué les capacités de la demanderesse et ses qualités personnelles à l'aide de toute l'information existante, outre les résultats de l'entrevue. La demanderesse a aussi affirmé que, puisqu'elle n'avait pas répondu à la question 10 et avait obtenu 0 pour ses aptitudes à l'écriture, le jury de sélection aurait dû réévaluer ses aptitudes à l'écriture.


[74]            Le défendeur affirme que le comité d'appel n'a pas abordé ce point parce qu'il avait été retiré durant l'audience par le représentant de la demanderesse.

[75]            Là encore, nous sommes devant les mêmes deux affidavits contradictoires que ceux mentionnés dans les paragraphes précédents 38 et 39. Les notes du président se sont perdues, néanmoins le président du jury de sélection n'était pas le seul membre du jury présent à toutes les entrevues; il y avait les notes des autres membres présents, et elles ont été produites.

[76]            Je suis persuadé que le comité avait devant lui les preuves suffisantes et nécessaires attestant que le principe de la sélection au mérite avait été respecté.

[77]            S'agissant de l'argument portant sur l'emploi d'instruments de sélection autres que l'entrevue, j'accepte l'argument du défendeur selon lequel le comité était libre d'évaluer les titres et qualités des candidats de la manière qui, selon lui, offrirait la meilleure évaluation possible de leurs mérites respectifs.


[78]            Au reste, l'aptitude de tous les candidats à communiquer par écrit a été évaluée à l'aide de la question 10 de l'examen, à laquelle la demanderesse n'a pas répondu. Le jury n'était pas obligé de recourir à d'autres instruments pour mesurer l'aptitude de la demanderesse dans ce domaine. Une telle mesure aurait été injuste pour les autres candidats et aurait contrevenu au principe du mérite.

[79]            En conclusion, la demanderesse a mentionné que, dans sa cause, de nombreuses choses s'étaient perdues : il y a eu perte des cassettes de l'audience, et perte également des notes du président du jury de sélection.

[80]            La perte de ces cassettes et notes est troublante; néanmoins, je me demande si cette perte soulève assez de questions pour autoriser la Cour à intervenir, et ma conclusion est que tel n'est pas le cas.

[81]            Je ne suis pas persuadé que la Cour devrait intervenir, et la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens.

Pierre Blais                                    

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

26 octobre 2000

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                        T-164-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Jadwiga Majdan c. Procureur général du Canada, R.M. Macphee, Aquil Ali et George Farah

LIEU DE L'AUDIENCE :           Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :         le 4 octobre 2000

ORDONNANCE ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE de M. le juge Blais

EN DATE DU                              26 octobre 2000

ONT COMPARU :

Jadwiga Majdan                                                                 POUR ELLE-MÊME

J. Sanderson Graham                                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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