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Date : 20040225

Dossier : T-633-02

Référence : 2004 CF 325

Ottawa (Ontario), le 25 février 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN

ENTRE :

                                                             BEATE VITELLARO

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                            L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

                                                                                                                                        défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Il s'agit de quatre affaires connexes (T-553-02, T-632-02 et T-638-02) qui ont été entendues en même temps à Toronto. La défenderesse a choisi de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire de renoncer aux pénalités et intérêts relatifs à une dette impayée de An-Dell Electric Ltd. (An-Dell) et de Nail Centre and Esthetics Salon (le Nail Centre) au titre de la TPS pour les années d'imposition de 1991 à 1997. Elle a également choisi de ne pas renoncer aux pénalités et intérêts relatifs à une dette impayée de An-Dell au titre des déductions à la source pour les années d'imposition de 1991 à 1997. De façon similaire, la défenderesse a choisi de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire de renoncer aux pénalités et intérêts applicables à la créance fiscale personnelle de George et de Beate Vitellaro pour les années d'imposition 1987, 1988 et de 1993 à 1997.

[2]                George et Beate Vitellaro sont les seuls propriétaires de An-Dell et du Nail Centre. Parce que les audiences en matière d'équité portaient surtout sur la capacité de George et de Beate Vitellaro de payer leurs dettes fiscales pour eux-mêmes et pour leurs entreprises, les quatre affaires ont été instruites en même temps. La même agente désignée de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), Debbie Montgomerie, a fourni une preuve par affidavit qui expliquait le contexte de la décision en matière d'équité rendue dans chaque affaire.

[3]                Le pouvoir de rendre une décision en matière d'équité est édicté par certaines dispositions de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, et de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1. En application de ces deux lois, des lignes directrices ont également été établies dans lesquelles il est précisé comment le pouvoir discrétionnaire sera exercé aux termes de ces dispositions. Les dispositions légales et les lignes directrices pertinentes sont rédigées comme suit :

LES LOIS

Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 :

281.1(1) Le ministre peut annuler les intérêts payables par une personne en application de l'article 280, ou y renoncer.

(2) Le ministre peut annuler la pénalité payable par une personne en application de l'article 280, ou y renoncer.


Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 :

220 (3.1) Le ministre peut, à tout moment, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l'annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à 152(5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

LIGNES DIRECTRICES

Mémorandum sur la TPS 500-3-2-1, Cotisations et pénalités - Annulation ou renonciation - Pénalités et intérêts (le 14 mars 1995) :

8. Dans les situations où il y a incapacité de la part de la personne de verser les montants dus, il peut être indiqué pour le Ministère d'examiner la possibilité d'annuler la totalité ou une partie des pénalités et des intérêts, ou d'y renoncer, afin d'en faciliter le recouvrement, par exemple dans l'un des cas suivants :

a) lorsque les mesures de recouvrement ont été suspendues à cause de l'incapacité de payer;

b) lorsqu'une personne ne peut conclure une entente de paiement qui serait raisonnable parce que les pénalités et les frais d'intérêts représentent une partie considérable des versements; dans un tel cas, il y a lieu de penser à renoncer à la totalité ou à une partie des pénalités et des intérêts pour la période allant de la date d'échéance du premier paiement en vertu de l'entente de paiement jusqu'au moment où les montants dus sont payés, pourvu que les versements convenus soient effectués à temps.

9. Lorsque des circonstances extraordinaires indépendantes de la volonté d'une personne ont empêché celle-ci de se conformer à la Loi, les facteurs suivants seront pris en considération par le Ministère pour déterminer s'il doit annuler les pénalités et les intérêts ou y renoncer :

          a) La personne a-t-elle des antécédents satisfaisants d'observation volontaire (c.-à-d. les déclarations de TPS précédentes ont-elles été produites et les paiements ont-ils été versés à temps)?

          b) La personne a-t-elle, en connaissance de cause, laissé subsister un solde en souffrance sur lequel se sont accumulés les pénalités et les intérêts?

          c) La personne a-t-elle agi avec diligence pour remédier à tout retard ou à toute omission en matière d'observation qui a donné lieu à l'imposition initiale des pénalités et des intérêts?

          d) Y a-t-il des preuves selon lesquelles la personne a fait preuve de prudence et de diligence (p. ex. a pris des précautions en vue de troubles prévus) et n'a pas fait preuve de négligence ni d'imprudence dans la conduite de ses affaires? Il revient à l'inscrit de se tenir au courant de tout changement apporté à l'administration de la TPS de manière à assurer qu'il continue à observer la Loi.


IC92-2, Lignes directrices concernant l'annulation des intérêts et des pénalités (le 18 mars 1992) :

5. Il sera convenable d'annuler la totalité ou une partie des intérêts ou des pénalités, ou de renoncer à ceux-ci, si ces intérêts ou ces pénalités découlent de situations indépendantes de la volonté du contribuable ou de l'employeur [...].

6. L'annulation des intérêts ou des pénalités ou la renonciation à ceux-ci peuvent également être justifiées si ces intérêts ou pénalités découlent principalement d'actions attribuables au Ministère [...].

7. Il peut être convenable dans les situations où il y a incapacité de verser le montant exigible d'examiner la possibilité de renoncer ou d'annuler la totalité ou une partie des intérêts afin d'en faciliter le recouvrement, par exemple dans les cas suivants :

          a) lorsque les mesures de recouvrement ont été suspendues à cause de l'incapacité de payer;

          b) lorsqu'un contribuable ne peut conclure une entente de paiement qui serait raisonnable parce que les frais d'intérêt comptent pour une partie considérable des versements; dans tel cas, il faudrait penser à renoncer à la totalité ou à une partie des intérêts pour la période ou les versements débutent jusqu'à ce que le montant exigible soit payé pourvu que les versements convenus soient effectués à temps.

10. Le Ministère tiendra compte des points suivants dans l'étude des demandes d'annulation des intérêts ou des pénalités ou de renonciation à ceux-ci :

          a) si le contribuable ou l'employeur a respecté, par le passé, ses obligations fiscales;

          b) si le contribuable ou l'employeur a, en connaissance de cause, laissé subsister un solde en souffrance qui a engendré des intérêts sur arriérés;

          c) si le contribuable ou l'employeur a fait des efforts raisonnables et s'il n'a pas fait preuve de négligence ni d'imprudence dans la conduite de ses affaires en vertu du régime d'autocotisation;

          d) si le contribuable ou l'employeur a agi avec diligence pour remédier à tout retard ou à toute omission.

[4]                La question soulevée par les demandeurs est la suivante : le Ministre a-t-il commis une erreur en décidant de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire d'accorder une renonciation aux demandeurs?

[5]                Ni la Loi sur la taxe d'accise ni la Loi de l'impôt sur le revenu ne renferment de principe universel concernant l'application des dispositions en matière d'équité. Au contraire, chaque affaire est un cas d'espèce.

[6]                Ainsi, dans la décision Kaiser c. Canada (Ministre du Revenu national) (1995), 95 D.T.C. 5187, aux pages 5188 et 5189, le juge Rouleau a fait observer ce qui suit :

L'objet de cette disposition législative est de permettre à Revenu Canada, Impôt, de gérer plus équitablement le régime fiscal, en faisant la place au bon sens dans le traitement des contribuables qui, en raison de leur infortune ou de circonstances échappant à leur volonté, sont incapables de respecter des délais ou de se conformer aux règles propres au régime fiscal. Le libellé de l'article confère au ministre un large pouvoir discrétionnaire de renoncer aux intérêts en tout temps. Pour le guider dans l'exercice de ce pouvoir, des lignes directrices ont été formulées; elles sont exposées dans la circulaire 92-2.

Chaque cas doit être décidé selon son bien-fondé, de sorte qu'il puisse être tenu compte des circonstances propres à chaque contribuable [...]. [L]e ministre, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 220(3.1), doit tenir compte de considérations pertinentes propres au contribuable visé.

(Non souligné dans l'original.)

[7]                Dans la présente affaire, nous avons trois affidavits, un de l'agente désignée de l'ADRC, Debbie Montgomerie, et deux autres de George et de Beate Vitellaro.

[8]                Malheureusement, ces affidavit comportent des divergences à plusieurs égards qui sont d'une importance vitale, y compris :

1)         L'agente Montgomerie a déclaré que le revenu de location d'un condominium à Oakville (Ontario) qui appartient au couple était de 5 500 $ alors que M. Vitellaro a déclaré que le revenu était de 5 092 $.

2)         L'agente Montgomerie a déclaré que le total du prêt hypothécaire de cette propriété était de 292 000 $ alors que M. Vitellaro a déclaré que le total du prêt hypothécaire sur la propriété était de 430 000 $.


3)         L'agente Montgomerie a déclaré que M. et Mme Vitellaro étaient partenaires dans une deuxième entreprise pleinement opérationnelle, alors que M. Vitellaro a déclaré que la deuxième entreprise familiale, en plus de An-Dell, nommément le Nail Centre, a été fermée en 1998 en raison de difficultés financières.

4)         L'agente Montgomerie a déclaré que M. et Mme Vitellaro accusaient un déficit de fonctionnement inexplicable de 4 185 $ par mois, alors que M. et Mme Vitellaro ont déclaré qu'ils avaient oublié de déclarer des revenus de 1 030 $ provenant de leurs investissements dans D & V Enterprises, de sorte que ce déficit n'était que de 3 055 $. De plus, le couple a déclaré que ce déficit mensuel était couvert par des fonds qu'ils recevaient de leurs enfants et d'autres membres de la famille.

5)         L'agente Montgomerie a déclaré que le couple possédait un intérêt de 50 % dans une autre société, ce que M. et Mme Vitellaro ont tous deux nié.

6)         L'agente Montgomerie a déclaré que M. et Mme Vitellaro possédaient quatre immeubles locatifs en plus de leur résidence principale et qu'aucun revenu locatif ne semble avoir été déclaré dans leurs déclarations de revenus quant à ces propriétés. Dans ses affidavits, M. et Mme Vitellaro ont contesté le nombre d'immeubles supplémentaires dont ils étaient propriétaires et ils ont affirmé avoir déclaré le revenu locatif dans leurs déclarations de revenus au titre de _traduction_ « autre revenu périodique au montant de 2 432 $ » .

[9]                Ni l'une ni l'autre des parties n'a pu expliquer ces incompatibilités à la Cour. Je suis donc dans l'impossibilité de me prononcer quant à savoir si les renseignements que l'agente Montgomerie a examinés étaient pertinents et exacts et si elle a fait une recommandation raisonnable quant à la renonciation aux intérêts et aux pénalités.


[10]            Les parties doivent donc soumettre à la Cour un rapport complet et précis de l'information requise afin qu'elle puisse statuer sur les six questions mentionnées au paragraphe 8. La présente audience est ajournée jusqu'à ce que ces informations soient fournies.

[11]            Étant donné qu'il incombe généralement au demandeur de fournir à l'ADRC (maintenant l'ARC) tous les documents à l'appui de sa demande de renonciation, en l'espèce, les demandeurs doivent fournir par affidavit des dossiers et des renseignements clairs en rapport avec les six questions susmentionnées. S'ils n'y arrivent pas par eux-mêmes, il leur revient d'engager les services d'un professionnel pour ce faire. Ces éléments de preuve doivent être déposés à la Cour et signifiés à la défenderesse au plus tard le 15 mars 2004.

[12]            La défenderesse doit ensuite déposer à la Cour un affidavit d'un de ses agents et le signifier aux demandeurs, au plus tard le 1er avril 2004, informant la Cour de sa position quant à la décision en matière d'équité au vu des renseignements supplémentaires que les demandeurs lui auront fournis.

[13]            La Cour reprendra l'audience à 14 h, le 5 avril 2004, au palais de justice de Toronto, et elle entendra les observations supplémentaires que les deux parties voudront lui soumettre en rapport avec les éléments de preuve fournis aux termes des paragraphes 11 et 12 ci-dessus.


                                                  ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que

1.          L'affaire soit reportée à 14 h, le 5 avril 2004, au palais de justice de Toronto, 330, av. University, 8e étage.

2.          Les demandeurs doivent remettre par affidavit à la Cour des dossiers et des renseignements exacts et en signifier copie à la défenderesse, au plus tard le 15 mars 2004, concernant :

a)         le revenu locatif du condominium de Oakville (Ontario) dont le couple est propriétaire;

b)         le montant des prêts hypothécaires sur les immeubles dont ils sont propriétaires;

c)         la fermeture du Nail Centre et l'utilisation qui a été faite des éléments d'actif;

d)         les revenus opérationnels mensuels de George et de Beate Vitellaro, toutes sources confondues, y compris les relevés précis de toute contribution provenant d'autres membres de la famille;

            e)         la liste de toutes les sociétés dans lesquelles les Vitellaros possèdent 50 % des intérêts et une évaluation de ces intérêts;

            f)          la liste des revenus locatifs provenant des quatre immeubles dont George et Beate Vitellaro sont propriétaires.


3.          La défenderesse doit remettre à la Cour un affidavit d'un de ses agents, au plus tard le 1er avril 2004, l'informant de sa position quant à la décision en matière d'équité au vu des renseignements supplémentaires que les demandeurs auront fournis.

« K. von Finckenstein »

                                                                                                                               Juge                        

Traduction certifiée conforme

Josette Noreau, B.Trad.


                                                  COUR FÉDÉRALE

                                   AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                 T-633-02

INTITULÉ :                               BEATE VITELLARO

c.

AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 18 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE von FICKENSTEIN

DATE :                                         LE 25 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

George Vitellaro                            POUR SON PROPRE COMPTE

Andrea Jackett                              POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

George Vitellaro                            POUR SON PROPRE COMPTE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                    POUR LA DÉFENDERESSE


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