Date : 19980226
Dossier : IMM-1561-97
OTTAWA (ONTARIO) LE 26 FÉVRIER 1998.
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOYAL
ENTRE :
MOHAMMAD REZA GHARIB,
requérant,
ET :
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
ORDONNANCE
La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Commission est annulée. Le requérant a droit à une nouvelle audience devant un tribunal différemment constitué de la Commission.
L-Marcel Joyal
J U G E
Traduction certifiée conforme
Suzanne Bolduc, LL.B.
Date : 19980226
Dossier : IMM-1561-97
ENTRE :
MOHAMMAD REZA GHARIB,
requérant,
- et -
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE JOYAL
[1] Il s'agit en l'espèce d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue le 1997 par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. La Commission a statué que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention aux termes du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.
Les faits
[2] Le requérant est un citoyen Iranien dont la famille soutient depuis longtemps le Shah.
[3] Pendant ses études universitaires, le requérant a participé à des activités antigouvernementales ainsi qu'à de nombreuses manifestations. En 1991, il a commencé à entretenir des liens avec M. Jamshidi, un farouche partisan du Shah. Il a commencé à assister à des assemblées et à distribuer des brochures antigouvernementales.
[4] En 1994, un ami intime du requérant a été arrêté. Comme ils faisaient partie tous les deux du même groupe politique, une descente et une perquisition ont ensuite été faites au domicile du requérant. Ce dernier a été arrêté et détenu pendant trois jours; il a été plus tard relâché parce qu'aucune preuve préjudiciable n'avait pu être trouvée contre lui.
[5] En 1995, le requérant a été informé qu'une manifestation devait avoir lieu le lendemain dans une banlieue située au sud de Téhéran. Il a décidé d'y participer, et il a plus tard été arrêté au cours de l'émeute qui a éclaté pendant la manifestation.
[6] Pendant qu'il était détenu, le requérant a menti au sujet de son adresse. La police a découvert cette supercherie et a détenu le requérant pendant une semaine. Avant sa remise en liberté, le requérant a été forcé de signer une déclaration dans laquelle il déclarait son allégeance au régime islamique et où il reconnaissait qu'il savait que, s'il était encore une fois arrêté pour activités antigouvernementales, il serait passible de la peine maximale.
[7] Le 25 juillet 1995, le requérant a assisté à une réunion de son groupe promonarchiste. La Garde révolutionnaire a investi les lieux de la rencontre, mais le requérant a réussi à s'enfuir et à se cacher. Quelques jours plus tard, il a appris que son domicile avait fait l'objet d'une descente et que son père et son épouse avaient été interrogés sur ses allées et venues. Un de ses amis lui a dit que sa vie était menacée et qu'il devrait quitter l'Iran.
[8] Le requérant a soudoyé quelqu'un pour obtenir un visa de sortie, et il a quitté le pays, muni de son passeport, en passant par l'aéroport Mehrabad. Il est arrivé au Canada le 27 septembre 1995, et il a revendiqué le statut de réfugié le 5 décembre 1995.
La décision de la Commission
[9] Se fondant sur la preuve documentaire dont elle avait été saisie et qui tendait à rejeter l'existence de tout groupe monarchiste actif en Iran, la Commission a tout d'abord conclu que le requérant n'était pas membre d'un groupe promonarchiste. Elle a en outre conclu qu'il était difficile de croire que le requérant pouvait avoir quitté l'Iran, en passant par l'aéroport et muni de son propre passeport, si, comme il l'avait allégué, il était recherché par les autorités et pouvait être arrêté en raison de ses activités antigouvernementales. Enfin, la Commission a conclu que le délai s'étant écoulé entre la date à laquelle le requérant est arrivé au Canada et celle à laquelle il a revendiqué le statut de réfugié n'était pas compatible avec une crainte fondée de persécution.
Analyse
Dans sa décision, la Commission a fait remarquer qu'il n'y avait aucune source documentaire quant à l'existence du groupe du requérant. À mon avis, cela n'est absolument pas étonnant, étant donné l'intérêt limité que peut susciter un groupe de cinq ou six personnes distribuant environ 500 brochures une fois par mois, dans une ville aussi populeuse que Téhéran. Pour ce seul motif, il aurait été loisible à la Commission de prendre avec un grain de sel l'exposé fait par le requérant de ses activités et de conclure que son récit selon lequel il y avait eu une descente de la Garde révolutionnaire à laquelle il avait échappé de justesse, de même qu'une autre descente et une perquisition de son domicile, était tout simplement incroyable et invraisemblable.
[10] Malheureusement, toutefois, la Commission semble s'être lancée dans un débat avec le requérant quant à la question de savoir s'il y avait des preuves de l'existence d'activités monarchistes en Iran. En fait, la Commission consacre environ six pages de sa décision à une analyse approfondie et savante de l'existence de telles activités en Iran. Elle a finalement conclu qu'étant donné qu'il n'y avait aucune preuve documentaire de l'existence du groupe politique du requérant, celui-ci n'existait tout simplement pas.
[11] À mon humble avis, cette conclusion n'était pas une exigence préalable dans un cas où la crédibilité est en jeu et elle mérite mon attention. Cela ne veut pas dire que le récit du requérant ne comporte aucun élément susceptible de soulever une question ou deux. En réalité, le récit du requérant semble contenir quelques omissions curieuses, probablement suffisantes pour justifier la Commission de conclure que le requérant n'était pas digne de foi.
[12] Néanmoins, dans le cadre d'une question soulevée quant à la crédibilité, sa conclusion relativement à l'absence d'activités monarchistes en Iran n'est pas raisonnable et constitue le genre d'erreur qui justifie mon intervention. En fait, la Commission peut avoir raison, mais pour les mauvais motifs.
Conclusion
[13] La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Commission est annulée. Le requérant a droit à la tenue d'une nouvelle audience devant un tribunal différemment constitué de la Commission.
L-Marcel Joyal
J U G E
O T T A W A (Ontario)
26 février 1998
Traduction certifiée conforme
Suzanne Bolduc, LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : IMM-1561-97
INTITULÉ DE LA CAUSE : Mohammed Reza Gharib
c.
M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : 6 janvier 1998
MOTIFS DE L'ORDONNANCE de Monsieur le juge Joyal en date du 26 février 1998
ONT COMPARU :
Michael Crane pour le requérant
Sally Thomas pour l'intimé
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Michael Crane pour le requérant
Toronto (Ontario)
George Thomson pour l'intimé
Sous-procureur général du Canada