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Date : 20030218

Dossier : IMM-1658-02

Référence neutre : 2003 CFPI 194

Toronto (Ontario), le mardi 18 février 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

ENTRE :

                                              JOSEPH CHELLIAH KINGSLEY

                                                                                                                                         demandeur

                                                                            et

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision par laquelle la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a refusé, en date du 21 mars 2001, de reconnaître au demandeur le statut de réfugié au sens de la Convention.


[2]                 Le demandeur est un citoyen du Sri Lanka. Il prétend craindre avec raison d'être persécuté du fait de son origine ethnique, parce qu'il est un Tamoul du nord du Sri Lanka. Il craint plus particulièrement d'être persécuté aux mains des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (TLET).

[3]                 Dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) et son témoignage, le demandeur a fait état de nombreux incidents où il a été persécuté par les TLET. Il est allé en Arabie saoudite où il a travaillé de 1993 à 1997. Il affirme qu'à son retour, il a habité à Vavuniya, où il a été arrêté en 1998 et 1999 parce qu'il était soupçonné d'être un partisan des TLET. Il soutient avoir été interrogé et torturé par l'armée à de nombreuses occasions. Finalement, il prétend avoir été arrêté et torturé à Colombo en octobre 2000. Il s'est enfui de son pays avec l'aide d'un passeur de clandestins le 17 octobre 2000 et il est arrivé au Canada en décembre de la même année. Il a revendiqué le statut de réfugié dès son arrivée.

[4]                 La SSR a exprimé d'importantes réserves quant à la crédibilité du demandeur. Bien qu'elle ait accepté que le demandeur était un Tamoul du nord du Sri Lanka, elle doutait qu'il y ait résidé récemment. Même si le demandeur prétendait avoir résidé récemment à Vavuniya, la SSR a estimé que ses connaissances sur la région étaient insuffisantes. Elle a d'ailleurs mentionné ce qui suit :


Nous déterminons que le témoin n'est pas crédible ou digne de foi. Nous acceptons qu'il est né dans le nord du Sri Lanka et qu'il y a passé quelque temps. Nous acceptons qu'il se trouvait en Arabie saoudite entre 1993 et 1997. À part cela, nous n'avons aucune idée d'où il est allé; cependant, nous considérons comme un fait que, quel que soit l'endroit où il est allé, c'est ailleurs qu'à Vavuniya.(Dossier de la demande, p. 13) [Non souligné dans l'original.]

[5]                 Bien que la SSR n'ait pas cru le témoignage du demandeur quant à la persécution dont il aurait été victime à Vavuniya, elle a conclu qu'il avait voyagé au Sri Lanka et que, dès qu'il en est sorti, il s'est immédiatement mis en route vers le Canada. Par conséquent, l'importante question que la SSR devait encore résoudre était de savoir quoi faire avec la preuve de persécution à Colombo.

[6]                 Le demandeur a donné un compte rendu détaillé, dans son FRP et dans son témoignage à l'audience devant la SSR, de la torture dont il a été victime aux mains de l'armée à Colombo. Il fait valoir que la SSR aurait dû croire la preuve médicale, laquelle révèle que les blessures subies sont compatibles avec l'expérience de torture qu'il avance, et qu'elle aurait dû en tenir compte.

[7]                 La preuve médicale quant aux blessures qu'il a subies est la suivante :

[traduction]

M. Kingsley a déclaré que, pendant qu'il était au Sri Lanka, il a été arrêté et torturé par l'armée. Il a décrit comment il a été battu avec des tuyaux de plastique et des tiges de fer. Il a également dit avoir été brûlé avec des bouts de cigarette. Il a poursuivi en expliquant comment l'armée sri-lankaise l'avait torturé en lui couvrant la tête avec un sac rempli de chili. Il a décrit la douleur atroce des brûlures de chili dans ses yeux. Il s'est par la suite enfui du Sri Lanka et il est arrivé au Canada le 2 novembre 2000.


À l'examen du 15 mars 2001, le revendicateur, âgé de 32 ans, montrait des signes de détresse modérés. Il était visiblement très nerveux. Il portait de multiples cicatrices circulaires de un à deux centimètres de diamètre sur les avant-bras, les bras, la poitrine et le dos. Ces plaies étaient rugueuses et dures avec des extrémités arrondies lesquelles étaient bien démarquées. Ces plaies s'apparentaient à des brûlures thermiques et la plupart d'entre elles étaient selon toute probabilité des brûlures du troisième degré avec endommagement des tissus mous en profondeur dans le derme. M. Kingsley a affirmé que ces plaies étaient attribuables à des brûlures de cigarette. Il avait de multiples cicatrices linéaires sur le dos, la jambe gauche et à la cheville. Ces cicatrices s'apparentaient à des plaies causées par un objet de la forme d'une tige. M. Kingsley a dit que ces plaies étaient attribuables au fait qu'il avait été roué de coups avec des tiges de fer et des tuyaux de plastique. Il avait également de multiples douleurs aux articulations et dans la paroi de la cage thoracique. L'examen neurologique n'a révélé aucun déficit focal. Sa tension artérielle était normale : 140/80. Sa fréquence cardiaque était rapide avec 100 battements par minute. Cet état était, selon toute probabilité, attribuable à l'anxiété puisque M. Kingsley présentait des signes de stress émotionnel lorsqu'on lui a demandé de décrire l'expérience de torture qu'il a vécue. Le reste de son examen physique n'a essentiellement révélé aucun signe particulier.

Opinion : Le type et la gravité des cicatrices que porte M. Kingsley et les réactions émotionnelles qu'il présente sont compatibles avec l'expérience de torture dont il a fait état.

(Dossier du tribunal, pages 37 et 38.)   

[8]                 À propos de la preuve de persécution à Colombo, la SSR a conclu ce qui suit :

Nous acceptons les conclusions du rapport médical et nous sommes conscients que le revendicateur souffre de problèmes, y compris une costochondrite de la paroi thoracique et de multiples cicatrices circulaires sur les avant-bras, les bras, la poitrine et le dos. Il a aussi de multiples cicatrices linéaires sur le dos, la jambe gauche et à la cheville. Il a vu un médecin au Canada quatre jours après son arrivée ici. Sur les photographies apparemment prises peu après son arrivée, l'agent chargé de la revendication a noté que certaines blessures semblaient récentes : elles semblaient rouges et des croûtes s'étaient formées sur celles-ci.

Le revendicateur a été blessé et a subi des blessures juste avant d'arriver au Canada, mais nous déterminons que, pour l'ensemble des motifs susmentionnés, nous n'avons pas une preuve crédible quant à la façon dont ces blessures ont été infligées, à l'endroit où elles ont été faites ni aux circonstances dans lesquelles elles ont été infligées. La preuve de blessures n'est pas une preuve en soi de persécution subie pour un motif de la Convention dans le cadre d'une revendication. Compte tenu de la preuve sur la situation dans le pays en cause, soit le Sri Lanka, il n'est pas raisonnable de déterminer que, simplement parce qu'un Tamoul a des blessures ou des cicatrices, il est une victime innocente de l'État. Même en tenant compte du syndrome de stress post-traumatique du revendicateur, nous ne le considérons pas comme un témoin crédible et digne de foi. (Dossier de la demande, p. 13)

À mon avis, le fait que la SSR a complètement omis de tenir compte de la preuve de torture du demandeur à la lumière de la preuve médicale qui la corroborait rend sa décision manifestement déraisonnable.


ORDONNANCE

Par conséquent, la décision de la SSR est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci statue à nouveau sur l'affaire.

                                                                          « Douglas R. Campbell »             

                                                                                                             Juge                                

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                        IMM-1658-02

                                                         

INTITULÉ :                       JOSEPH CHELLIAH KINGSLEY

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                   

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE MARDI 18 FÉVRIER 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :      MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :     LE MARDI 18 FÉVRIER 2003

COMPARUTIONS :                                       

M. Kumar S. Srikanda                                                     Pour le demandeur

M. Robert Bafaro                                                 Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kumar S. Sriskanda                                             Pour le demandeur

Avocat

209-3852, avenue Finch Est

Scarborough (Ontario)

M1T 3T9                                                             

Morris Rosenberg                                                 Pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                   Date : 20030218

Dossier : IMM-1658-02

ENTRE :

JOSEPH CHELLIAH KINGSLEY

                                              demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                défendeur

                                                                                

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                

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