Date : 20000605
Dossier : T-530-96
ENTRE :
MICHAEL O'SULLIVAN
demandeur
et
LE MINISTRE D'ENVIRONNEMENT CANADA
défendeur
MOTIFS D'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE BLAIS
[1] Il s'agit d'une requête, fondée sur la règle 51 des Règles de la Cour fédérale (1998), visant à former un appel contre l'ordonnance que le protonotaire Roger R. Lafrenière a rendue le 10 mars 2000.
[2] Cette ordonnance rejetait la requête que le demandeur avait présentée en vue d'obtenir une prorogation du délai applicable au dépôt de son dossier et elle mettait fin à l'instance.
LA QUESTION LITIGIEUSE
[3] Le protonotaire a-t-il commis une erreur de droit lorsqu'il a rejeté la demande de prorogation du délai applicable au dépôt du dossier du demandeur et la demande de contrôle judiciaire?
L'ANALYSE
[4] La Cour d'appel a établi dans Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425, les paramètres applicables à l'examen de la décision d'un protonotaire :
Le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants: a) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits, ou b) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue de la cause. |
Si l'ordonnance discrétionnaire est manifestement erronée parce que le protonotaire a commis une erreur de droit (concept qui, à mon avis, embrasse aussi la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits) ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début. |
[5] À mon avis, il est clair que l'ordonnance du protonotaire Lafrenière soulève des questions cruciales pour ce qui est de l'issue de la présente affaire, étant donné qu'elle a rejeté la demande; en conséquence, je dois exercer mon propre pouvoir discrétionnaire.
[6] En ce qui concerne la prorogation de délai, notre Cour a établi, au fil des ans, des critères permettant de déterminer quand les parties doivent obtenir une telle prorogation.
[7] La partie qui demande une prorogation de délai doit justifier le retard pour toute la période pertinente.
[8] Le protonotaire a suivi les critères établis par le juge Reed dans Chin c. M.E.I. (1994), 69 F.T.R. 77, à la p. 80 :
Lorsque je suis saisie d'une demande de prolongation de délai, je cherche un motif qui échappe au contrôle de l'avocat ou du requérant, par exemple, la maladie ou un autre événement inattendu ou imprévu. |
Je sais que les tribunaux hésitent souvent à désavantager les individus parce que leurs avocats n'ont pas agi dans les délais. Par ailleurs, dans les affaires de ce genre, l'avocat agit au nom de son client. L'avocat et le client ne font qu'un. Il est trop facile pour l'avocat de justifier son inobservation des règles en alléguant que son client n'est nullement responsable du retard et que si une prolongation de délai n'est pas accordée, il subira un préjudice. |
[9] Le protonotaire a estimé que les explications que le demandeur lui a fournies pour expliquer le retard n'étaient pas du tout convaincantes.
[10] À mon avis, le protonotaire n'a pas commis d'erreur en exerçant son pouvoir discrétionnaire. À cet égard, rien ne justifierait mon intervention.
[11] Pour ce qui est de l'autre aspect majeur de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du protonotaire, je n'estime pas que ce dernier a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu'il a rejeté la demande.
[12] La décision du protonotaire de refuser d'accorder au demandeur une prorogation du délai applicable au dépôt de son dossier laissait entendre que le dossier n'avait pas été déposé. Le protonotaire a estimé que le dépôt du dossier du demandeur conformément à la règle 309 constitue une étape qui fait partie intégrante de la procédure.
[13] Le protonotaire a conclu qu'en l'absence de tout dossier de l'une ou l'autre partie, la demande ne pouvait être maintenue et devait être rejetée.
[14] Le demandeur soutient qu'un dossier avait déjà été déposé et que le protonotaire aurait dû conclure que les documents qui accompagnaient l'avis de requête déposé le 5 mars 1996 constituaient un dossier qui, bien qu'il fût imparfait, était tout de même un dossier qu'il cherchait à améliorer en demandant à la Cour l'autorisation de présenter un mémoire « modifié » .
[15] Le demandeur, conformément aux documents produits, n'a jamais mentionné de dossier modifié ni de mémoire modifié.
[16] L'avocate du demandeur a tenté de déposer un mémoire pour le compte de son client, mais le protonotaire a refusé ce mémoire le 1er février 2000, selon le compte rendu de l'audition.
[17] L'avocate du demandeur a déposé une requête, datée du 11 février 2000, en vue d'obtenir une ordonnance en prorogation du délai applicable à la signification et au dépôt du dossier du demandeur (je souligne).
[18] Le demandeur n'est pas parvenu à me convaincre que les documents déposés le 5 mars 1996 doivent être considérés comme un dossier, en application des Règles de la Cour fédérale.
[19] Le protonotaire n'a pas commis d'erreur de droit lorsqu'il a conclu que la demande devait être rejetée vu qu'aucun dossier n'avait été déposé.
[20] Pour ces motifs, l'appel est rejeté.
« Pierre Blais »
juge
OTTAWA (ONTARIO)
Le 5 juin 2000
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier, B.A., LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : T-530-96
INTITULÉ DE LA CAUSE : MICHAEL O'SULLIVAN
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 29 MAI 2000
MOTIFS D'ORDONNANCE ET ORDONNANCE RENDUS PAR M. LE JUGE BLAIS
EN DATE DU : 29 MAI 2000
ONT COMPARU : TRACEY DURAND
POUR LE DEMANDEUR
NANCY NOBLE
POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : MCMILLAN BINCH
TORONTO (ONTARIO)
POUR LE DEMANDEUR
MORRIS ROSENBERG
SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
TORONTO (ONTARIO)
POUR LE DÉFENDEUR