Date : 20050318
Dossier : IMM-5045-04
Référence : 2005 CF 369
ENTRE :
LAWRENCE MORRIS
Demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] Lawrence Morris (le demandeur) est un citoyen canadien. La relation entre le demandeur et la requérante Wei He a débuté vers le mois de décembre 2000, par l'entremise d'une agence de rencontres. Le couple s'est marié en Chine le 6 avril 2001.
[2] Le demandeur a déposé une demande de parrainage en faveur de son épouse et du fils de cette dernière. La requérante a ensuite fait une demande de résidence permanente en date du 22 octobre 2001. Suite à ces demandes, une analyse du dossier a été faite par l'agent des visas à Beijing. L'agent a rendu une décision négative le 9 septembre 2002 et a refusé de délivrer le visa de résident permanent à la requérante, considérant qu'elle ne faisait pas partie de la catégorie du regroupement familial et qu'elle ne pouvait pas être considérée comme étant l'épouse du demandeur, vu que son mariage avec ce dernier n'était pas authentique et visait principalement l'acquisition d'un statut ou d'un privilège aux termes de l'article 4 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement).
[3] Le 4 novembre 2002, le demandeur a fait appel de ce refus auprès de la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SAI) en vertu du paragraphe 63(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27. La SAI a rejeté cet appel le 20 mai 2004, d'où la présente demande de contrôle judiciaire.
[4] La disposition pertinente du Règlement est la suivante :
4. Pour l'application du présent règlement, l'étranger n'est pas considéré comme étant l'époux, le conjoint de fait, le partenaire conjugal ou l'enfant adoptif d'une personne si le mariage, la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux ou l'adoption n'est pas authentique et vise principalement l'acquisition d'un statut ou d'un privilège aux termes de la Loi. |
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4. For the purposes of these Regulations, no foreign national shall be considered a spouse, a common-law partner, a conjugal partner or an adopted child of a person if the marriage, common-law partnership, conjugal partnership or adoption is not genuine or was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act. |
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[5] Le fardeau d'établir la « bonne foi » du mariage selon la prépondérance des probabilités reposait sur les épaules du demandeur. La décision de la SAI étant centrée sur l'appréciation des faits, la Cour, dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire de cette décision, doit faire preuve d'une grande retenue (Nguyen c. Canada (M.C.I.), [2004] A.C.F. no 709 (1re inst.) (QL)). Après audition des procureurs des parties et révision du dossier, je ne suis pas convaincu que le demandeur a rencontré ce fardeau et la décision de la SAI ne me paraît pas manifestement déraisonnable, le tout, pour les raisons suivantes.
[6] Contrairement à ce que prétend le demandeur, la SAI n'a pas conclu ou « confirmé » qu'il avait fait, pour sa part, un mariage d'amour, ni que la requérante avait, quant à elle, fait un mariage de raison ou de convenance. La SAI a conclu que le mariage en est un visépar l'article 4 du Règlement, vu que des incohérences, des contradictions et des invraisemblances dans la preuve mettaient en doute l'authenticité de la relation entre le demandeur et la requérante.
[7] Par exemple, un certain nombre de lettres déposées en preuve par le demandeur dans le but de démontrer l'authenticité de sa relation avec la requérante n'ont pas été écrites par le demandeur, mais par le propriétaire de l'agence de rencontres. Après avoir témoigné qu'il n'avait jamais vu ces lettres écrites en français, le demandeur s'est ensuite contredit pour dire qu'il y avait ajouté lui-même des paragraphes en anglais. De plus, le contenu de ces lettres était vague et superficiel.
[8] Le demandeur a aussi affirmé que les communications orales avec la requérante s'effectuaient directement en anglais; toutefois, la preuve révèle que cette dernière ne pouvait comprendre ni parler un minimum d'anglais lors de son entrevue à l'ambassade du Canada, le 28 août 2002.
[9] Enfin, la requérante, ayant exprimé le désir de trouver un mari canadien, a précisé que c'était pour des raisons culturelles que la décision de marier un étranger avait été prise. La requérante étant une femme monoparentale, elle était exposée à la discrimination dans son pays, de sorte qu'il était très difficile pour elle de se marier avec un Chinois qui les respecterait, elle et son fils. Cette raison sert à démontrer que la requérante était prête à marier n'importe quel Canadien, ce qui est renforcé par le fait que le demandeur et la requérante se sont rencontrés en décembre 2000 et se sont mariés très peu de temps après, en avril 2001.
[10] Dans les circonstances, l'intervention de cette Cour n'est pas justifiée et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[11] L'avocat du demandeur a proposé les trois questions suivantes pour fin de certification :
1. La Section d'appel de l'immigration (ci-après appelée SAI) a-t-elle commis une erreur de droit en statuant que le marriage entre le demandeur et sa femme (ci-après appelée requérante) était un mariage de convenance ?
2. La SAI a-t-elle commis une erreur de fait manifestement déraisonnable en motivant que la requérante voulait partir de la Chine à cause des bénéfices que le Canada pourrait lui octroyer ?
3. La SAI a-t-elle manqué à l'obligation d'équité en concluant que les démarches de la requérante ont démontré que son intérêt était plutôt de gagner un statut ou un privilège au Canada ?
[12] Me fondant sur les principes énoncés par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Liyanagamage c. Canada (M.C.I.) (1994), 176 N.R. 4, aucune des questions mérite d'être certifiée, chacune d'elles étant fondamentalement centrée sur l'appréciation des faits de l'espèce et, en conséquence, ne revêtant pas l'intérêt général requis. À cet égard, je souscris aux représentations écrites de l'avocate du défendeur, telles qu'énoncées à la page 2 de sa lettre du 24 février 2005 déposée en opposition à la certification des questions proposées par le demandeur.
JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
Le 18 mars 2005
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5045-04
INTITULÉ : LAWRENCE MORRIS c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 9 février 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge Pinard
DATE DES MOTIFS : Le 18 mars 2005
COMPARUTIONS :
Me Dao Xuan Hoa POUR LE DEMANDEUR
Me Lucie St-Pierre POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Dao Xuan Hoa POUR LE DEMANDEUR
Montréal (Québec)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada