Date : 19980618
Dossier : T-1121-98
ENTRE :
LISE FORTIN
- et -
DIANE BERNARD
- et -
RENÉ O'BOMSAWIN
Demandeurs
- et -
LE CONSEIL DE BANDE DES ABÉNAKIS DE WÔLINAK
- et -
BERNARD ROSS
- et -
L'HONORABLE JANE STEWART
Défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
(Prononcés verbalement à l'audience
tenue à Montréal (Québec), le 11 juin 1998)
LE JUGE RICHARD:
[1] Les demandeurs ont déposé un Avis de demande de jugement déclaratoire le 2 juin 1998 dans laquelle ils requièrent:
a) une déclaration que la liste de la Bande indienne des Abénakis de Wôlinak pour l'élection du Conseil de bande devant avoir lieu le 14 juin 1998 et préparée le 24 avril 1998 par Madame Lise Fortin, Registraire de la bande et agent à l'inscription, devra et devrait servir à l'établissement de la liste des membres habilités à voter le 14 juin prochain à l'élection du Conseil de bande de la Bande de Wôlinak;
b) une déclaration que les personnes mentionnées sur la liste préparée par Madame Lise Fortin, Registraire en date du 24 avril 1998 comprenant des membres de la famille Landry n'ont et n'auront pas droit de vote lors de cette élection puisqu'ils ne sont pas des indiens statués inscrits au Registre des Indiens et qu'ils ont été refusés en assemblée générale spéciale tenue le 4 avril 1998 à titre de membres des Abénakis de Wôlinak.
[2] Par voie de requête entendue à Montréal le 11 juin 1998, les demandeurs recherchent une mesure provisoire selon l'article 18.2 de la Loi sur la Cour fédérale. Ils demandent que l'élection du Conseil de bande prévue pour le 14 juin 1998 soit suspendue jusqu'à ce que cette Cour se prononce sur leur Avis de demande de jugement déclaratoire.
[3] Denis Bélanger, le gestionnaire régional, Ententes de financement, aux services de financement du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canadien, dans un affidavit daté du 9 juin 1998, affirme que dans l'éventualité où il y aurait impossibilité de tenir une élection avant la date de la fin du mandat du présent conseil, soit le ou avant le 16 juin 1998, le ministère nommera un administrateur spécial en application des pouvoirs généraux accordés au ministère en vertu de l'article 3 de la Loi sur les Indiens et de la clause CG4 à l'annexe D de l'entente de financement, dont copie est jointe aux présentes sous la pièce M-1.
[4] La question est donc de savoir s'il faut accorder aux demandeurs le redressement provisoire sollicité.
[5] Dans l'arrêt Conseil du Crabe des Neiges Inc. c. Canada (P.G.) (1996), 116 F.T.R. 8, j'ai considéré les critères pour accorder le redressement recherché tels que formulés dans Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110.
[6] L'arrêt Metropolitan Stores établit une analyse en trois étapes que les tribunaux doivent appliquer quand ils examinent une demande de suspension d'instance ou d'injonction interlocutoire. Premièrement, une étude préliminaire du fond du litige doit établir qu'il y a une question sérieuse à juger. Deuxièmement, il faut déterminer si le requérant subirait un préjudice irréparable si sa demande était rejetée. Enfin, il faut déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l'on accorde ou refuse le redressement en attendant une décision sur le fond.
[7] Il n'existe pas d'exigences particulières à remplir pour satisfaire au critère de question sérieuse à juger. Les exigences minimales ne sont pas élevées. Le juge saisi de la requête doit faire un examen préliminaire du fond de l'affaire.
[8] Le deuxième critère consiste à décider si la partie qui cherche à obtenir l'injonction interlocutoire subirait, si elle n'était pas accordée, un préjudice irréparable. Certains tribunaux ont examiné, à cette étape, le préjudice que l'intimé risque de subir si le redressement demandé est accordé. Toutefois, il est plus approprié de le faire à la troisième étape de l'analyse. Le préjudice allégué à l'intérêt public devrait également être examiné à cette étape.
[9] Le troisième critère applicable à une demande de redressement interlocutoire consiste à déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l'on accorde ou refuse une injonction interlocutoire en attendant une décision sur le fond. Lorsqu'il s'agit de la constitutionnalité d'une loi ou, comme c'est le cas ici, de l'autorité d'un organisme chargé de l'application de la loi, il est important de tenir compte de l'intérêt public dans l'appréciation de la prépondérance des inconvénients.
[10] Il faut noter qu'il s'agit d'une mesure exceptionnelle et que le fardeau est sur le requérant pour établir ces trois critères.
L'existence d'une question sérieuse à juger
[11] Les défendeurs prétendent qu'il n'y a pas de question sérieuse à juger dans la demande telle que formulée.
[12] Toutefois, compte tenu des exigences minimales du premier critère, j'accepte, après une étude préliminaire du fond du litige, qu'il y a une question sérieuse à juger.
Préjudice irréparable
[13] La requête des demandeurs est appuyée par l'affidavit de Diane Bernard daté du 28 mai 1998. Elle est le Chef du Conseil de bande des Abénakis de Wôlinak. Au paragraphe 4, elle affirme:
Que la tenue d'élections sur la réserve de Wôlinak soit faite sur une autre liste électorale que celle préparée par le Registraire aurait comme conséquence de créer un grave préjudice et illégalité dans la communauté de Wôlinak et sèmerait une discorde importante dans ladite communauté puisqu'on aurait alors permis à des gens n'ayant pas droit de vote, n'ayant pas de statut d'indien, à voter à l'élection du Conseil de bande;
[14] L'avocat des demandeurs affirme que des recours en appel prévus aux articles 5 et 12 du Règlement sur les élections au sein des bandes d'Indiens, C.R.C. 1978, c. 952, ne sont pas efficaces.
[15] Sur la foi du dossier devant moi, les demandeurs n'ont pas établi qu'ils subiraient un préjudice irréparable en cas de refus de redressement.
Prépondérance des inconvénients et intérêt public
[16] Il n'est pas contesté que la fin du mandat du présent conseil est le 16 juin 1998 et les élections sont prévues pour le 14 juin 1998. Ce que l'on conteste, c'est l'éligibilité de certaines personnes dont le nom figure sur la liste électorale.
[17] Le Conseil de bande sera constitué au moyen d'une élection tenue selon la Loi sur les Indiens.
[18] Dans ces circonstances, je ne vois pas qu'il est de l'intérêt public de suspendre les élections et de priver tous les électeurs de leur droit de vote.
[19] La requête des demandeurs pour suspendre l'élection du Conseil de bande, prévue pour le 14 juin 1998, est rejetée.
__________________________
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 18 juin 1998
COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
N ° DE LA COUR: T-1121- 98
INTITULÉ : LISE FORTIN - et - DIANE BERNARD - et - RENÉ O'BOMSAWIN
- et -
LE CONSEIL DE BANDE DES ABÉNAKIS DE WÔLINAK - et - BERNARD ROSS
- et - L'HONORABLE JANE STEWART
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : 11 juin 1998
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE L'HONORABLE JUGE RICHARD PRONONCÉS VERBALEMENT A L'AUDIENCE
EN DATE DU: 18 juin 1998
COMPARUTIONS
Me Claude Carignan Pour les demandeurs
Me Paul Dionne Pour les défendeurs Me David Schulze
Me Alain Lafontaine Pour la mise-en-cause
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Claude Carignan Pour les demandeurs avocat
St-Eustache (Québec)
Hutchins, Soroka & Dionne Pour les défendeurs Montréal (Québec)
George Thomson Pour la mise-en-cause Sous-procureur général du Canada