Date : 20010420
Dossier : IMM-2217-00
Référence neutre : 2001 CFPI 343
Entre :
SHAH, Syed Dilawar Mohammed
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION, a/s du ministère de la Justice,
Complexe Guy-Favreau, 200, rue René-Lévesque Ouest,
tour est, 5e étage, Montréal (Québec) H2Z 1X4
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'égard de la décision datée du 30 mars 2000 dans laquelle l'agente des visas Judyanna S.H. Ng du Consulat général du Canada à Hong Kong a refusé la demande de résidence permanente au Canada du demandeur.
[2] Le demandeur, un citoyen du Pakistan, a présenté une demande de résidence permanente au Canada dans la catégorie des parents aidés, que régit le paragraphe 8(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, et ses modifications (ci-après le Règlement). Le demandeur et sa conjointe ont passé une entrevue à Hong Kong le 30 mars 2000.
[3] Le demandeur n'a pas reçu suffisamment de points d'appréciation pour immigrer au Canada. L'agente des visas lui a accordé les points d'appréciation suivants pour la profession d'entrepreneur et contremaître en mécanique (catégorie 7216.0 de la CNP) :
Âge 10
Facteur professionnel 03
Facteur des études et de la formation 15
Expérience 06
Emploi réservé 00
Facteur démographique 08
Études 10
Anglais 02
Français 00
Points supplémentaires 05
Personnalité 05
Total 64
[4] Dans sa lettre de refus, l'agente des visas a en outre précisé :
[TRADUCTION] Pour être sélectionné à titre de parent aidé, vous devez obtenir 65 points d'appréciation. Le seuil habituel de 70 points a été réduit pour tenir compte des 5 points supplémentaires qui sont attribués aux parents aidés. Quoi qu'il en soit, vous n'avez pas obtenu le nombre minimal de points d'appréciation requis.
[5] Le demandeur conteste les 2 points d'appréciation qui lui ont été attribués pour sa connaissance de l'anglais et les 5 points d'appréciation qu'il a obtenus pour le facteur de la personnalité.
[6] Le demandeur soutient que l'agente des visas a commis une erreur en concluant qu'il maîtrisait l'anglais « correctement » plutôt que « couramment » . Le demandeur prétend que l'anglais est sa langue principale, qu'il a étudié en anglais de 6 ans à 13 ans et qu'à cette époque, il vivait dans un pays anglophone - la Tanzanie. Il allègue que l'anglais est sa langue principale de communication avec sa famille et ses amis et que l'anglais est la langue qu'il a utilisée de façon prédominante dans ses études et dans ses 12 ans d'expérience de travail. Quoi qu'il en soit, il affirme qu'au titre du facteur 8 de l'annexe I du Règlement, il aurait dû obtenir au moins 4 points d'appréciation. Le demandeur soutient également que rien ne prouve que l'agente des visas était suffisamment compétente en anglais, qu'elle avait une formation adéquate pour évaluer des aptitudes linguistiques ou que le test qu'elle lui a fait passer était fiable. Ce n'est pas l'évaluation de l'agente des visas qui est viciée, mais bien la méthode d'évaluation elle-même.
[7] Le demandeur allègue que, dans son évaluation de la personnalité du demandeur, l'agente des visas a commis une erreur en lui reprochant de n'être jamais venu au Canada. Il prétend qu'il était également sans importance que son expérience de travail ait été limitée à son propre pays. Le demandeur soutient enfin qu'au moment de l'entrevue, la maladie de son épouse le perturbait et qu'il serait dans l'intérêt de la justice d'ordonner une nouvelle évaluation.
[8] D'entrée de jeu, je dois rappeler au demandeur que la Cour a à maintes reprises affirmé que l'agent des visas est le mieux placé pour évaluer les compétences et aptitudes du demandeur. Il s'agit de conclusions de fait que la Cour ne modifiera pas à moins qu'il soit démontré que le pouvoir discrétionnaire prévu par la loi a été exercé de mauvaise foi, contrairement aux principes de justice naturelle, ou qu'on s'est fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères (voir l'arrêt Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada et autres, [1982] 2 R.C.S. 1, aux pages 7 à 8, qu'a cité la Cour d'appel fédérale dans Chiu Chee To c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (22 mai 1996), A-172-93). Le demandeur n'a réussi à établir aucune de ces situations en ce qui a trait à l'évaluation linguistique de l'agente des visas. Quant à l'expérience antérieure du demandeur en anglais dans les contextes social, scolaire et professionnel, je dois concéder que cela signifie relativement peu de choses par rapport aux observations personnelles de l'agente (Bhatia c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (16 octobre 1996), IMM-343-96). Encore une fois, l'agent des visas est le mieux placé pour statuer sur les aptitudes du demandeur et il faut faire preuve d'une grande retenue judiciaire à l'égard de telles décisions.
[9] Pour ce qui est de la méthode d'évaluation, comme le demandeur n'a soumis aucun élément de preuve relatif aux compétences ou aptitudes linguistiques de l'agente des visas, cette partie de l'argument du demandeur ne saurait tenir. En outre, je ne puis accepter que le test en tant que tel soit peu fiable. Je répète que les évaluations linguistiques, entre autres, jouent un rôle primordial en ce qui a trait au mandat que la loi confère à l'agent des visas et à l'expertise qu'elle lui prête. Compte tenu de sa nature, une telle évaluation ne pourrait jamais être purement [TRADUCTION] « objective et scientifique » comme l'a prétendu le demandeur.
[10] Quant à l'argument du demandeur selon lequel l'évaluation de l'agente des visas de ses aptitudes en anglais allait à l'encontre du facteur 8 de l'annexe I du Règlement, il doit être rejeté. Cette disposition est rédigée comme suit :
8. Connaissance (1) Pour la langue que la personne indique comme sa première
du français et de langue officielle, le français ou l'anglais, selon son niveau de
l'anglais compétence à l'égard de chacune des capacités suivantes : l'expression orale, la lecture et l'écriture, des crédits sont attribués de la façon suivante :
(. . .)
b) la capacité de parler, de lire ou d'écrire correctement mais pas couramment, deux crédits sont attribués pour chaque capacité;
c) la capacité de parler, de lire ou d'écrire difficilement, aucun crédit n'est attribué pour cette capacité;
(. . .)
(3) Des points d'appréciation sont attribués sur la base du nombre total de crédits obtenus selon les paragraphes (1) et (2), d'après le barème suivant :
(. . .)
b) de deux à cinq crédits, deux points;
8. Knowledge of (1) For the first official language, whether English or French, as
English and stated by the person, credits shall be awarded according to the
French Lan- level of proficiency in each of the following abilities, namely,
guages speaking, reading and writing, as follows:
(. . .)
(b) for an ability to speak, read or write well but not fluently, two credits shall be awarded for each ability; and
(c) for an ability to speak, read or write with difficulty, no credits shall be awarded for that ability.
(. . .)
(3) Units of assessment shall be awarded on the basis of the total number of credits awarded under subsections (1) and (2) as follows:
(. . .)
(b) for two to five credits, two units; . . .
[11] J'estime que le demandeur a mal interprété le Règlement en s'appuyant uniquement sur le paragraphe 8(1) de la disposition susmentionnée. Après avoir lu le paragraphe 8(3), il est clair que si le nombre total de crédits accordés au titre des paragraphes (1) et (2) sont entre 2 et 5, seulement 2 points d'appréciation doivent être attribués.
[12] Dans ses notes au Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI), l'agente des visas a fait les observations suivantes en ce qui a trait aux aptitudes du demandeur en anglais :
[TRADUCTION] L'IÉ (IMMIGRANT ÉVENTUEL) PARLE BIEN L'ANGLAIS, PAS COURAMMENT COMME L'INDIQUE SON FORMULAIRE DE DEMANDE. L'IÉ EST CAPABLE DE COMPRENDRE LES QUESTIONS RELATIVES À SON TRAVAIL ET D'Y RÉPONDRE. TOUTEFOIS, IL NE PARLE PAS FACILEMENT ET NE COMPREND PAS FACILEMENT UN BON LOCUTEUR NATIF.
ÉCRITURE ÉVALUÉE. L'IÉ ÉCRIT CORRECTEMENT, MAIS PAS COURAMMENT COMME L'INDIQUE SON FORMULAIRE DE DEMANDE. TEST AU DOSSIER. 5 MINUTES, CAPABLE D'ÉCRIRE À UN NIVEAU DE BASE. L'ÉCHANTILLON N'INDIQUE PAS UNE COMPÉTENCE.
LECTURE ÉVALUÉE. TEST AU DOSSIER. DURÉE DE 5 MINUTES. LIT DIFFICILEMENT. L'IÉ NE RÉUSSIT PAS À DÉMONTRER UNE COMPRÉHENSION DU TEXTE. IL MONTRE UNE COMPRÉHENSION MINIMALE DU TEXTE.
[13] Après avoir lu la disposition susmentionnée dans son ensemble ainsi que les observations de l'agente des visas, il est clair que celle-ci a de fait respecté le Règlement en accordant seulement deux points d'appréciation.
[14] À mon avis, la conclusion de l'agente des visas en ce qui a trait aux aptitudes du demandeur en anglais est fondée sur une preuve solide et il n'y a rien au dossier qui prouve que cette conclusion s'appuie sur des considérations non pertinentes ou qu'elle a été tirée de façon abusive ou arbitraire.
[15] L'argument du demandeur selon lequel l'agente des visas a tenu compte de facteurs sans importance dans l'évaluation de sa personnalité doit être évalué au regard de la partie pertinente de l'annexe I du Règlement, qui est rédigé comme suit :
9. Personnalité Des points d'appréciation sont attribués au requérant au cours d'une entrevue qui permettra de déterminer si lui et les personnes à sa charge sont en mesure de réussir leur installation au Canada, d'après la faculté d'adaptation du requérant, sa motivation, son esprit d'initiative, son ingéniosité et autres qualités semblables.
9. Personal Units of assessment shall be awarded on the basis of an interview
Suitability with the person to reflect the personal suitability of the person and his dependants to become successfully established in Canada based on the person's adaptability, motivation, initiative, resourcefulness and other similar qualities.
[16] Contrairement à ce qu'a prétendu le demandeur, je crois que la considération principale dont a tenu compte l'agente des visas dans son évaluation de la personnalité du demandeur était son manque d'ingéniosité et le fait qu'il n'en ait pas appris davantage sur le Canada. À mon avis, les remarques de l'agente des visas sur le fait qu'il n'était jamais venu au Canada, ce qui en soi n'est pas un fait sans importance, n'ont été faites que dans le contexte de sa faculté d'adaptation au Canada, i.e. s'il avait l'intérêt ou la motivation d'en apprendre davantage sur le Canada et sur le marché du travail au pays. Cette conclusion découle des notes au STIDI de l'agente des visas qui sont rédigées comme suit :
[TRADUCTION] L'IÉ NE PARAÎT PAS AVOIR BEAUCOUP D'INGÉNIOSITÉ. IL N'EST JAMAIS VENU AU CANADA ET N'EST JAMAIS ALLÉ DANS D'AUTRES PAYS. L'IÉ NE SAIT PAS GRAND CHOSE SUR LE CANADA; IL PRÉTEND QUE SA SOEUR LUI A FOURNI DES RENSEIGNEMENTS SOMMAIRES SUR LE CANADA ET QU'IL A FAIT DES RECHERCHES D'EMPLOI SUR INTERNET. L'IÉ N'A AUCUN PLAN PRÉCIS QUANT À LA MANIÈRE DE CHERCHER UN EMPLOI DANS LA PROFESSION QU'IL ENVISAGE D'EXERCER AU CANADA. LA FACULTÉ D'ADAPTATION DE L'IÉ EST EN CAUSE PARCE QU'IL NE SAIT PAS GRAND CHOSE AU SUJET DE SA DESTINATION ENVISAGÉE ET QUE SON EXPÉRIENCE DE TRAVAIL N'EST LIMITÉE QU'À SON PROPRE PAYS.
LES POINTS ACCORDÉS REFLÈTENT FIDÈLEMENT L'ÉTABLISSEMENT. . . .
[17] Enfin, comme le demandeur n'a pas porté le facteur de la maladie de son épouse à l'attention de l'agente des visas, il ne saurait maintenant être autorisé à se servir de ce facteur pour contester la décision de l'agente des visas.
[18] Pour les motifs exposés précédemment, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
YVON PINARD
J.C.F.C.
OTTAWA (ONTARIO)
Le 20 avril 2001
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
Date : 20010420
Dossier : IMM-2217-00
Ottawa (Ontario), le 20 avril 2001
En présence de : monsieur le juge Pinard
Entre :
SHAH, Syed Dilawar Mohammed
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION, a/s du ministère de la Justice,
Complexe Guy-Favreau, 200, rue René-Lévesque Ouest,
tour est, 5e étage, Montréal (Québec) H2Z 1X4
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 30 mars 2000 dans laquelle l'agente des visas Judyanna S.H. Ng du Consulat général du Canada à Hong Kong a refusé la demande de résidence permanente au Canada du demandeur est rejetée.
YVON PINARD
J.C.F.C.
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : IMM-2217-00
INTITULÉ DE LA CAUSE : SHAH, Syed Dilawar Mohammed c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL
DATE DE L'AUDIENCE : LE 21 MARS 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD
DATE DES MOTIFS : LE 20 AVRIL 2001
ONT COMPARU :
Jean L'Heureux POUR LE DEMANDEUR
Thi My Dung Tran POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Jean L'Heureux POUR LE DEMANDEUR
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada