Date : 20031120
Dossier : IMM-5088-02
Référence : 2003 CF 1352
Entre :
Abdelkrin MEKIDECHE
Latifa MEKIDECHE
Farah MEKIDECHE
Reda MEKIDECHE
Demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD :
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la « CISR » ) rendue le 26 septembre 2002, statuant que le demandeur et ses personnes à charge ne sont pas des « réfugiés » au sens de la Convention, ni des « personnes à protéger » tel que défini aux paragraphes 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), c. 27.
[2] Le demandeur principal ( « le demandeur » ), Abdelkrin Mekideche, est âgé de 52 ans. Il est l'époux de Latifa Mekideche et le père de Reda, âgé de 21 ans, et de Farah, âgée de 15 ans. Tous sont citoyens de l'Algérie.
[3] Les deux enfants et leur mère fondent leur revendication sur celle du demandeur qui allègue avoir une crainte bien fondée de persécution provenant de groupes Islamistes terroristes en raison de ses opinions politiques. Le demandeur allègue aussi être une personne à protéger parce qu'il serait exposé à une menace à sa vie s'il retourne en Algérie.
[4] La CISR a refusé de reconnaître le statut de réfugié ou la qualité de personne à protéger aux demandeurs au motif que les témoignages du demandeur et de son épouse n'étaient pas crédibles, et ce, en raison d'incohérences entre leurs témoignages et les informations contenues dans le Formulaire de renseignements personnels ( « FRP » ), et en raison de l'invraisemblance de la crainte de persécution.
[5] En règle générale, un témoignage est présumé être vrai à moins qu'il n'existe des raisons de douter de sa véracité. En l'espèce, la CISR a relevéplusieurs incohérences entre le témoignage des demandeurs et les informations contenues au FRP; notamment, les incohérences au sujet de l'identité de l'agent persécuteur et le motif de la persécution, du motif de l'assassinat du frère du demandeur, et de la date du déménagement. Une lecture approfondie de la décision attaquée et des notes sténographiques de l'audience me permet de constater que la CISR a tenu compte des explications des demandeurs, mais qu'elle les a jugées insuffisantes. De plus, dans ses motifs, la CISR explique clairement le fondement de sa décision. Ainsi, le fait que le tribunal se soit fondé sur ces incohérences ou contradictions afin de conclure que les demandeurs n'étaient pas crédibles m'apparaît tout à fait raisonnable.
[6] La CISR, afin de conclure que la crainte raisonnable de persécution des demandeurs n'était pas crédible, s'est aussi fondée sur certaines invraisemblances, notamment, les vacances à l'étranger, le refus de l'offre de transfert par l'employeur, les incohérences au sujet des passeports et, finalement, le fait que, malgré les menaces, les parents et un frère du demandeur vivent toujours dans la maison ciblée. Cette appréciation raisonnable de la vraisemblance du récit fait partie des pouvoirs ainsi que des devoirs de la CISR (Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)).
[7] En ce qui concerne l'allégation de partialité du tribunal, elle est sans fondement.
[8] En effet, selon les demandeurs, l'agent, lors de l'audience, a posé ses questions d'un ton incrédule et a fait preuve de harcèlement envers eux. Cela ne paraît pas des notes sténographiques et rien ne permet de conclure que l'agent posait ses questions d'une manière hostile équivalant à la situation dans De Leon c. ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration (le 9 juin 2000), IMM-6251-98.
[9] En ce qui concerne l'incident où la Commissaire a rappelé à l'ordre Me Louise Poirier, l'ancienne avocate des demandeurs, les notes sténographiques de l'audience laissent clairement voir des interventions et un comportement manifestement irrespectueux, désobligeants et parfois enfantins de cette avocate. Par contre, la conduite du tribunal, dans les circonstances, apparaît irréprochable, celui-ci ayant bien rencontré ses obligations de tout simplement assurer ordre et le décorum. Pour appuyer ces constatations, je réfère notamment aux extraits des notes sténographiques de l'audience apparaissant aux pages 261 à 265, 367 et 368, 373 à 375, à la page 412, aux pages 421 à 423, à la page 429 et à la page 453 du dossier du tribunal. À mon sens, une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, ne pourrait définitivement pas en venir à la conclusion que le tribunal a fait preuve de partialité vis-à -vis les demandeurs (voir Committee for Justice and Liberty et al. c. L'Office national de l'énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394).
[10] À la lumière de la preuve, je suis loin d'être convaincu que la CISR a commis une erreur pouvant justifier l'intervention de cette Cour.
[11] En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
Le 20 novembre 2003
COUR FÉDÉRALE
NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5088-02
INTITULÉ : Abdelkrin MEKIDECHE, Latifa MEKIDECHE, Farah MEKIDECHE, Reda MEKIDECHE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 9 octobre 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE : L'honorable juge Pinard
EN DATE DU : 20 novembre 2003
ONT COMPARU :
Me Noël St-Pierre POUR LES DEMANDEURS
Me Lucie St-Pierre POUR LE DÉFENDEUR
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Me Noël St-Pierre POUR LES DEMANDEURS
Montréal (Québec)
Me Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)