Date: 20020307
Dossier : IMM-1327-01
Citation neutre : 2002 CFPI 264
Ottawa (Ontario), le jeudi 7 mars 2002
EN PRÉSENCE DE : Monsieur le juge MacKay
ENTRE :
BHUPINDER SINGH NAGRA
Demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Dans le cadre de la présente demande contrôle judiciaire, le demandeur vise à obtenir une ordonnance portant annulation d'une décision de la Section du statut de réfugié (la « SSR » ), en date du 12 février 2001, qui ne lui a pas reconnu le statut de réfugié au sens de la Convention.
[2] Le demandeur, un citoyen de l'Inde, est un Sikh âgé de 37 ans. Il estime avoir une crainte bien fondée de persécution en raison des opinions politiques qu'on lui impute. Dans le Formulaire de renseignements personnels (FRP) et dans son témoignage devant le tribunal, le demandeur a fait les allégations de faits suivantes :
. [Traduction] Le 14 mars 1988, des militants ont tué des hommes dans un marché où le demandeur exploitait des magasins. La police croyait que Jaswinder Singh était responsable des actes de violence et elle a arrêté le demandeur parce que Jaswinder Singh et lui étaient cultivateurs sur des lots connexes; la police soupçonnait que le demandeur était en partie responsable de l'incident. Lors de son emprisonnement, le demandeur a été brutalement torturé. Il fut libéré le 9 octobre 1988. Jaswinder Singh a été tué dans un combat avec la police en 1988.
. Le 20 novembre 1993, la police a fait une rafle dans le village et a arrêté le neveu du demandeur, Gurmail Singh. La police a perquisitionné dans les lieux en question et a trouvé des armes et des munitions dans les cuvetages du puits. Deux jours plus tard, la police a arrêté le demandeur, l'a détenu pendant une nuit et l'a battu. La police a accusé le demandeur d'avoir dissimulé des armes de concert avec Harvinder Singh (le frère de feu Jaswinder Singh). En mars 1994, le père du demandeur a a soudoyé la police pour qu'elle efface le nom du demandeur de ses dossiers. '
. En mars 1998, le demandeur a négocié le retour de Harvinder Singh au village. Ce dernier a été amené au poste de police en novembre 1998, où il a été détenu et torturé ; il fut libéré le 25 novembre 1998.
. En janvier 1999, après avoir raflé le village du demandeur, la police a battu ce dernier et l'a accusé de supporter des militants locaux. Le demandeur a été amené au poste de police le 1er février 1999 et interrogé au sujet de Gurmail Singh et de Harvinder Singh.
. Le 15 février 1999, la police a détenu le demandeur pendant une nuit et l'a torturé. On l'a libéré le lendemain après avoir pris ses empreintes digitales et l'avoir contraint à signer des documents en blanc.
. Le 1er mars 1999, la police a battu l'épouse et le père du demandeur.
. Le 30 mai 1999, le demandeur a quitté l'Inde et est arrivé au Canada le même jour. Il a revendiqué le statut de réfugié le 31 mai 1999.
[3] À l'audition de sa revendication, la SSR a demandé au demandeur pourquoi il craignait que la police en Inde le persécute s'il devait y retourner puisque Jaswinder Singh avait été tué en 1988 et que Gurmail Singh avait quitté la région 1993. Le demandeur a répondu que la police le recherchait pour qu'il témoigne faussement contre les auteurs de la fusillade au marché en 1988. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il n'avait pas mentionné ce fait dans la FRP, il a dit qu'il l'avait mentionné à l'interprète qui l'avait aidé à remplir le FRP. La SSR a conclu que le témoignage du demandeur sur ce point n'était pas plausible et a fait les commentaires suivants dans sa décision :
[Traduction] Au début de l'audition, on a demandé au demandeur si tous les renseignements contenus dans le FRP étaient exacts, précis et complets. Il a répondu affirmativement.
Le tribunal ne peut accepter l'explication du demandeur et il souscrit à l'opinion exprimée par le juge Teitelbaum dans la décision Basseghi que « [t]ous les faits pertinents et importants devraient figurer dans un FRP. » .
Le tribunal conclut que le demandeur a présenté cette nouvelle explication quant aux motifs pour lesquels il était voulu par la police parce qu'il tentait désespérément d'expliquer la motivation de la police. Par conséquent, le tribunal est d'avis que cette nouvelle explication n'est pas plausible [...].
[4] La SSR a conclu que, selon la preuve, les Sikhs en Inde ne risquent généralement pas d'être harcelés ou persécutés par la police. Elle a reconnu que certaines sources indiquent qu'il existe des risques d'arrestation pour les membres d'un mouvement pour l'établissement du Khalistan en faveur de l'indépendance des Sikhs ou encore pour les personnes ayant des liens avec des factions radicales. La SSR a également reconnu que les personnes dans des situations à risques à cause de ces liens peuvent encore être faussement accusées, torturées ou tuées pendant qu'elles sont détenues par la police.
[5] En l'espèce, la SSR a conclu que le demandeur, hormis les [Traduction] « liens éloignés » qu'il avait eus dans le passé avec Jaswinder Singh et Gurmail Singh, ne possédait aucun antécédent d'action politique dans une organisation prônant l'établissement du Khalistan ou dans un mouvement militant. Par conséquent, compte tenu de la preuve documentaire, l'allégation de persécution du demandeur quant à la crainte de persécution n'était pas plausible. Le fondement objectif de sa crainte n'était pas établi.
[6] À l'audition, on n'a pas soulevé d'autres motifs exprimés dans les observations écrites du demandeur. À mon avis, aucun de ces moyens n'aurait justifié l'intervention de la Cour.
[7] Il ne reste à trancher que la question touchant la conclusion à la1aquelle le tribunal est arrivé quant au manque de crédibilité de la revendication du demandeur. Il n'est pas facile d'infirmer une telle conclusion et la Cour ne devrait intervenir que dans le cas où cette conclusion était manifestement déraisonnable. Sivasamboo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] 1 F.C. 741 (1re inst.). Ce qui ne peut être le cas en l'espèce puisqu'il était loisible au tribunal de tirer cette conclusion sur le fondement de la preuve devant lui.
CONCLUSION
[8] Dans les circonstances, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties n'ont sollicité la certification d'aucune question conformément au par. 83(1) de la Loi sur l'immigration.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« W. Andrew MacKay »
[Juge]
Ottawa (Ontario)
Le 7 mars 2002
Traduction certifiée conforme
Brigitte Grégoire, trad. LL.L.
COUR FÉDÉ RALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1327-01
INTITULÉ : Bhupinder Singh Nagra c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 28 février 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : Le juge MacKay
DATE DES MOTIFS : Le 7 mars 2002
COMPARUTIONS :
M. Ramesh Sangha POUR LE DEMANDEUR
M. Michael Butterfield POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
M. Ramesh Sangha POUR LE DEMANDEUR
Mississauga (Ontario)
M. Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Date: 20020307
Dossier : IMM-1327-01
ENTRE :
BHUPINDER SINGH NAGRA
Demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE