Date : 20040113
Dossier : IMM-5200-03
Référence : 2004 CF 37
Ottawa (Ontario), le 13 janvier 2004
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN
ENTRE :
SANTHAKUMAR SATKUNARAJAH
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) en date du 19 juin 2003 dans laquelle la Commission a refusé de reconnaître au demandeur la qualité de réfugié au sens de la Convention parce qu'elle n'a pas ajouté foi à son témoignage.
LES FAITS
[2] Le demandeur est un citoyen sri-lankais tamoul âgé de 24 ans. Il allègue craindre avec raison d'être persécuté du fait de son origine ethnique, de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social, celui des jeunes Tamouls du Nord du Sri Lanka. Il affirme être une personne exposée au risque d'être soumise à la torture au sens de l'article premier de la Convention contre la torture, et une personne exposée à une menace à sa vie ou au risque de traitements cruels et inusités au Sri Lanka.
[3] Le demandeur est arrivé au Canada le 20 août 2001, et il a présenté sa demande d'asile le lendemain. Sa demande est fondée sur les allégations qui suivent : sa famille a été victime d'extorsion de la part des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (les Tigres) et le demandeur a été astreint à effectuer des travaux manuels pour le compte des Tigres à plusieurs reprises. En mai 1997, le demandeur a été arrêté par des membres de l'armée qui l'ont interrogé au sujet de ses liens avec les Tigres, ont proféré des menaces contre lui et ont fouillé sa maison. En décembre 1999, il a été arrêté de nouveau et battu parce qu'il n'était pas en mesure de fournir des renseignements sur les Tigres. Il a été relâché trois jours plus tard après avoir versé un pot-de-vin. En mai 2001, les Tigres ont tenté de le recruter à trois reprises et ont proféré des menaces contre lui. C'est alors qu'il a décidé de quitter le Sri Lanka.
[4] La Commission a rejeté la demande d'asile du demandeur pour des raisons liées à la crédibilité. La Commission a conclu que le témoignage du demandeur était « une série d'incohérences, d'ajustements et d'omissions » .
ANALYSE
[5] L'avocat du défendeur a admis au début de l'audience que la Commission n'avait pas examiné le risque auquel serait exposé le demandeur s'il retournait au Sri Lanka, en dépit du manque de crédibilité de sa version des faits. La Cour a affirmé à plusieurs reprises que les articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) imposent à la Commission l'obligation légale d'évaluer le risque auquel sera exposé un jeune Tamoul du Nord du Sri Lanka s'il retourne au Sri Lanka, peu importe si son témoignage est crédible ou non. Voir Balasubramaniam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1438 (QL), au paragraphe 10.
[6] Les motifs de la Commission révèlent clairement que même si la Commission avait des doutes quant à la crédibilité du demandeur, elle était convaincue qu'il s'agissait d'un jeune Tamoul susceptible d'être recruté par les Tigres. À mon avis, il s'agit d'une situation semblable à celle que devait examiner le juge Gibson dans Mylvaganam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1195 (QL). Le juge Gibson a dit ce qui suit au paragraphe 10 de cette décision :
Même en écartant carrément, comme elle l'a fait, les actes de persécution que le demandeur prétend avoir subis, elle ne paraît pas avoir, dans le raisonnement sur lequel elle appuie sa décision en l'espèce, nié le fait que le demandeur était bien un jeune Tamoul originaire du nord du Sri Lanka. La SSR a accepté ce fait et ensuite écarté les preuves matérielles dont elle disposait selon lesquelles une personne comme ce demandeur risquait de faire l'objet de persécution s'il était obligé de retourner au Sri Lanka, qu'il pourrait donc fort bien avoir une crainte subjective d'être persécuté et que cette crainte reposait aussi sur une base objective réelle.
[7] Je conclus que la Commission a omis de tenir compte de la possibilité qu'un jeune homme ayant les caractéristiques du demandeur soit exposé à un risque à son retour au Sri Lanka. En effet, la Commission a complètement omis d'évaluer le risque en question et a ainsi commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire. Voir Jeyaseelan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 356 et Kamalanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 553.
[8] Pour les motifs énoncés ci-dessus, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu'il rende une nouvelle décision.
[9] Les parties et la Cour conviennent que la présente demande ne soulève pas de question grave de portée générale devant être certifiée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que :
La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l'affaire est renvoyée devant un tribunal différemment constitué de la Commission aux fins d'une nouvelle audition.
« Michael A. Kelen »
Juge
Traduction certifiée conforme
Aleksandra Koziorowska, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5200-03
INTITULÉ : SANTHAKUMAR SATKUNARAJAH
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 8 JANVIER 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE KELEN
DATE DES MOTIFS : LE 13 JANVIER 2004
COMPARUTIONS :
Micheal Crane POUR LE DEMANDEUR
David Tyndale POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Micheal Crane POUR LE DEMANDEUR
Avocat
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
COUR FÉDÉRALE
Date : 20040113
Dossier : IMM-5200-03
ENTRE :
SANTHAKUMAR SATKUNARAJAH
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE