Dossier : IMM-21-02
Référence neutre : 2003 CFPI 291
Ottawa, Ontario, le 10ième jour de mars 2003
En présence de : L'HONORABLE JUGE SIMON NOËL
ENTRE :
HATEM BEN TAHAR BEN OMRANE
Demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] La présente constitue une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 12 décembre 2001, par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ("SSR"), à l'effet que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention.
EXPOSÉ DES FAITS
[2] Le demandeur est un ressortissant de la Tunisie âgé de 28 ans qui allègue avoir une crainte bien fondée de persécution en raison d'opinions politiques imputées. Avant de partir de son pays, le demandeur était étudiant en deuxième année de droit à l'université de Tunis. Les faits qui suivent constituent la base de sa revendication.
[3] Le 26 avril 2000, le demandeur et une dizaine d'étudiants se sont réunis devant la maison du journaliste Ben Brik afin d'appuyer sa grève de la faim. Ceux-ci ont manifesté contre l'interdiction de quitter le pays dont était sujet le journaliste M. Brik. Le demandeur a été arrêté par les autorités et amené au poste de police où il a été interrogé sur ses opinions politiques. Il allègue aussi avoir été malmené.
[4] Le demandeur a ensuite été transféré dans un centre de détention où les conditions d'hygiène étaient salubres. Il a été détenu pendant deux jours et a subi de mauvais traitements.
[5] Le demandeur dit avoir été empêché de faire ses examens finaux au mois de mai, alléguant qu'en se présentant à l'université, un agent secret lui a interdit d'entrer dans l'université et lui a confisqué sa carte d'étudiant.
[6] Vers la mi-juin 2000, les autorités ont fermé le commerce de la mère du demandeur sous prétexte que les règles de sécurité et d'hygiène n'étaient pas respectées. Le demandeur a réagi aux insultes faites à sa mère et s'est fait amené au poste de police où il dit avoir été tabassé. En soirée, le demandeur a été relâché grâce à l'intervention de son beau-frère qui est un médecin connu par les autorités locales.
[7] Le demandeur a quitté la Tunisie le 11 août 2000 avec un groupe de voyage organisé au mois de janvier 2000. Le demandeur a profité de ce voyage pour ne pas retourner dans son pays.
DÉCISION DU SSR
[8] La SSR n'a accordé aucune foi au témoignage du demandeur et a considéré qu'il a inventé une histoire au soutien de sa revendication. La SSR a donc conclu a l'absence de crédibilité du demandeur en se basant notamment sur les observations suivantes:
- le demandeur n'a pu donner la date de l'intervention au commerce de sa mère, ainsi que le nom du commerce;
- le demandeur n'a pu expliquer comment son beau-frère ne pouvait l'aider qu'au niveau local, alors qu'en tant que médecin il relève du ministère de la Justice ou du ministère de l'Intérieur;
- le témoignage du demandeur affirmant n'avoir pu se présenter à ses examens de mai 2000 à la faculté de droit est contredit par une 'attestation de présence' à ses examens, document soumis à l'Ambassade canadienne pour l'obtention de son visa de touriste;
- le demandeur prétend ne pas avoir été interrogé au poste de police en juin 2000, seulement insulté et maltraité, ni n'avoir eu aucune condition de libération ;
- le demandeur n'a eu aucun problème à franchir la frontière de son pays, alors qu'il allègue être persécuté et recherché par les autorités tunisiennes.
QUESTION EN LITIGE
[9] La SSR a-t-elle manifestement erré en tirant des conclusions de façon abusive ou arbitraire, ou sans égard à la preuve?
ANALYSE
[10] Le demandeur soumet que les quatre conclusions suivantes de la SSR, ont été tirées de façon abusive ou arbitraire et constituent une erreur manifestement déraisonnable, en ce que:
- la SSR a omis de considérer le témoignage du demandeur quant à ses difficultés à se souvenir des dates ainsi que le fait que les petits commerces en Tunisie n'ont généralement pas de nom commercial;
- la SSR a omis de considérer les explications du demandeur que son beau-frère, médecin connu des autorités locales, pouvait intervenir auprès de celles-ci en sa faveur sans par ailleurs que celui-ci ait quelque influence que ce soit auprès des autorités du ministère de la Justice ou de l'Intérieur;
- la SSR a omis de considérer la preuve soumise par l'agent d'immigration démontrant que la demande de visa du demandeur ne fut pas signée de la main du demandeur, confirmant ainsi le témoignage du demandeur à l'effet que son dossier de visa de touriste fut sous le contrôle de l'agence de voyage et que les documents soumis à son soutien furent présentés par cette agence de voyage sans la participation du demandeur;
- la SSR a omis de considérer l'explication du demandeur qu'il a pu quitter la Tunisie en s'inscrivant dans un voyage de groupe organisé, lui permettant d'éviter les contrôles habituels et faciliter son départ du territoire tunisien.
[11] À mon avis, tous ces arguments concernant la crédibilité du demandeur tiennent à l'appréciation de la preuve et des faits. La SSR a fondé sa décision sur la preuve au dossier et l'a interprété comme elle l'entendait. Contrairement aux prétentions du demandeur, la SSR n'a pas omis de considérer les explications que celui-ci lui a données, mais n'a simplement pas été convaincue ou satisfaite de celles-ci. Vu l'importante déférence que la Cour doit faire preuve devant une question de fait traitant de l'appréciation de la preuve, il ne revient pas à celle-ci de substituer son interprétation à celle de la SSR pour la sienne.
[12] J'ajoute que la crédibilité du demandeur fut sérieusement remise en question lorsqu'il fut démontré avec document à l'appui qu'il avait bel et bien été présent lors de ses examens en droit en mai 2000 à l'Université de Tunis. Les explications données pour contredire la documentation provenant de l'Université de Tunis n'étaient pas crédibles. De plus, la crédibilité du demandeur fut à nouveau attaquée, et ce de façon convaincante, lorsqu'il n'était pas capable de se rappeler de la date de fermeture du commerce de sa mère et lorsqu'il minimisait l'influence de son beau-frère médecin au niveau régional lorsqu'il venait d'en jouir sur le plan local, ayant été libéré sans condition.
[13] Ceci étant dit, je suis d'avis que la SSR n'a pas commis d'erreur manifestement déraisonnable, susceptible d'emporter la révision de la Cour Fédérale.
[14] Aucune question ne fut proposé pour certification par les procureurs. Donc, je ne certifie pas de questions.
JUGEMENT
La Cour ordonne que ce contrôle judiciaire soit rejeté et qu'aucune question est certifiée.
"Simon Noël"
Juge
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-21-02
INTITULÉ :
HATEM BEN TAHAR BEN OMRANE
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET
DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : le 26 février 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE L'HONORABLE JUGE SIMON NOËL
COMPARUTIONS :
Me Daniel Paquin POUR LE DEMANDEUR
Me Michael Roach POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Me Daniel Paquin
Alarie, Legault, Beauchemin, Paquin, Jobin
Brisson & Philpot POUR LE DEMANDEUR
Montréal (Québec)
Me Michael Roach
Ministère de la justice Canada
Ottawa (Ontario) POUR LE DÉFENDEUR