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Date : 20020620

Dossier : IMM-1828-99

Référence neutre : 2002 CFPI 694

ENTRE :

                                            MAHMOUD ES-SAYY JABALLAH

HUSNAH MOHAMMAD AL-MASHTOULI

AHMAD MAHMOUD JABALLAH

ASH-SHAYMAA ES-SAYYID

AL-MUNZIR ES-SAYYID

AFNAN MAHMOUD ES-SAYYID

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                         - et -

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON


[1]                 Le 28 septembre 2000, Mme le juge Hansen a accueilli la demande de contrôle judiciaire des demandeurs concernant la décision de la Section du statut de réfugié (SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié de ne pas reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention à M. Jaballah, à son épouse et à leurs enfants. Le juge Hansen a statué qu'en l'absence de consentement des demandeurs un membre seul de la SSR n'avait pas compétence pour entendre leurs revendications du statut de réfugié. En conséquence, elle a ordonné que ces revendications soient renvoyées à un tribunal différemment constitué de la SSR aux fins d'une nouvelle audition.

[2]                 Le juge Hansen n'a pas ordonné, comme les demandeurs le lui demandaient dans leur exposé des arguments supplémentaire, que la SSR leur reconnaisse le statut de réfugié au sens de la Convention.

[3]                 M. Jaballah et sa famille se plaignent maintenant du fait que la SSR n'a pas encore tenu la nouvelle audition ordonnée par la Cour en septembre 2000. Pour cette raison, ils donnent suite à l'avis de requête déposé dans l'instance dans laquelle ils ont demandé et obtenu le contrôle judiciaire de la décision initiale de la SSR, et ils demandent à la Cour :

a)          d'ordonner au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, à trois membres de la SSR, à un représentant du ministre devant la SSR et à un agent préposé aux cas de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié de comparaître pour expliquer pourquoi ils ne devraient pas être reconnus coupables d'outrage au tribunal;


b)          de déclarer qu'ils sont des réfugiés au sens de la Convention;

c)          subsidiairement, d'ordonner à la SSR de reconnaître leur statut de réfugié au sens de la Convention.

[4]                 Au début de sa plaidoirie, l'avocat des demandeurs a indiqué qu'il ne traiterait pas de la question de l'outrage au tribunal ou du jugement déclaratoire, mais uniquement de la demande faite à la Cour d'ordonner à la SSR de reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention aux demandeurs.

[5]                 Pour étayer leur requête, les demandeurs s'appuient sur l'affidavit de Sarah Namer, le dossier de la présente instance et les conclusions de fait tirées par M. le juge Cullen dans les motifs qu'il a rendus en novembre 1999 dans une instance visant à déterminer si une attestation délivrée par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et le solliciteur général en vertu de l'article 40.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi), était raisonnable. Ces motifs sont publiés à Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Jaballah, [1999] A.C.F. no 1681 (1re inst.).


[6]                 Les demandeurs prétendent essentiellement que le fait que la nouvelle audition de leurs revendications n'ait pas encore eu lieu constitue un abus de procédure et viole les droits garantis aux articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Ils prétendent aussi qu'ils seront gravement lésés et subiront un préjudice irréparable lorsque la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, entrera en vigueur le 28 juin 2002 et que, pour cette raison, la Cour a compétence pour ordonner à la SSR, de manière exceptionnelle, de leur reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention.

[7]                 Je ne suis pas convaincue qu'une telle compétence existe au regard d'une requête interlocutoire. On pourrait soutenir à cet égard que la distinction existant entre déclarer que les demandeurs sont des réfugiés au sens de la Convention et ordonner à la SSR de leur reconnaître le statut de réfugié est une distinction qui ne crée pas de différence. Les demandeurs ont eu raison, à mon avis, de ne pas aller de l'avant avec leur demande de jugement déclaratoire car la Cour a depuis longtemps statué qu'un jugement déclaratoire ne peut être obtenu au moyen d'une requête interlocutoire ou d'une requête en ordonnance provisoire. Voir, par exemple, Francis c. Conseil mohawk d'Akwesasne (1993), 62 F.T.R. 314 (1re inst.), et Arctic Offshore Marine Services Ltd. c. Canada (1986), 4 F.T.R. 183 (1re inst.). Compte tenu de cette jurisprudence, j'ai des doutes quant à la possibilité d'obtenir, au moyen d'une requête, une ordonnance enjoignant à la SSR de reconnaître aux demandeurs le statut de réfugié au sens de la Convention.


[8]                 Cependant, si je suppose qu'une telle compétence existe, sans le reconnaître toutefois, je suis convaincue que celle-ci ne devrait pas être exercée en l'espèce pour la raison qui suit.

[9]                 La mince preuve dont je dispose ne permet pas de décider si les demandeurs sont ou non des réfugiés au sens de la Convention. Aucun affidavit dans lequel l'un des demandeurs atteste les faits pertinents n'a été déposé. Le seul affidavit qui a été déposé pour le compte des demandeurs est celui d'une personne qui a été décrite, dans la plaidoirie, comme étant l'assistante de leur avocat et qui a rédigé l'affidavit sur les conseils de celui-ci. Cet affidavit ne dit rien du traitement dont les demandeurs ont été l'objet en Égypte.

[10]            Les demandeurs se sont appuyés sur les conclusions tirées par le juge Cullen dans les motifs dont il a été question précédemment. Le juge a indiqué, au paragraphe 122 de ces motifs, qu'il acceptait la preuve de M. et Mme Jaballah selon laquelle ils avaient été persécutés en Égypte. Cependant, il a aussi pris le soin d'expliquer la nature de la décision qu'il était alors appelé à rendre. Il a écrit ce qui suit aux paragraphes 6 et 7 :

Au tout début de l'instance (le 8 juin 1999), j'ai proposé à l'avocat du défendeur qu'il explique à son client le rôle du juge délégué. À la page 9, vol. 2 de la transcription, voici ce que j'ai dit :

[TRADUCTION]


Me Rodrigues, j'aimerais vérifier si vous avez expliqué au témoin le rôle qui m'incombe en l'espèce. En d'autres termes, il ne fait pas l'objet d'un procès. Je dois déterminer si les gens qui ont signé l'attestation disposaient d'éléments de preuve adéquats ou appropriés pour prendre cette décision. S'il y a des gens qui font l'objet d'un procès, ce sont ceux qui ont signé l'attestation.

Compte tenu du nombre d'affaires dans lesquelles il a été question du rôle du juge délégué, il semble peu probable que ce rôle soit interprété d'une façon erronée. L'avocat du demandeur a commencé ses plaidoiries sur cette base et a cité plusieurs arrêts qui ne laissent planer aucun doute à ce sujet. Pour qu'il n'y ait aucun doute au sujet de ma position à cet égard, je citerai, si je puis me le permettre, la décision que j'ai rendue dans l'affaire Saygili c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 127 F.T.R. 112, à la page 114 :

Mon rôle ne consiste pas à substituer ma décision à celle des deux ministres, mais plutôt à déterminer si l'attestation déposée par les ministres est raisonnable, compte tenu des éléments de preuve et d'information à leur disposition et à la mienne.

En outre, je citerai les remarques que mon collègue le juge McGillis a faites dans l'affaire Ahani c. Canada (1995), 100 F.T.R. 261, à la page 268 :

L'instance prévue à l'article 40.1 de la Loi sur l'immigration vise seulement et exclusivement à déterminer le caractère raisonnable de l'attestation ministérielle qui certifie que la personne qui y est nommée appartient à une catégorie déterminée de personnes non admissibles.

Mon collègue le juge Denault a souscrit à cette approche dans la décision Farahi-Mahdavieh, (1993), 63 F.T.R. 120 (1re inst.).

  

[11]            Ainsi, l'observation du juge Cullen quant à la persécution n'équivaut pas, en droit, à conclure que les demandeurs sont des réfugiés au sens de la Convention. Cette question n'a pas été examinée par le juge Cullen. La décision de ce dernier portait uniquement sur le caractère raisonnable de l'attestation visée à l'article 40.1 qui lui avait été présentée.

[12]            Il est donc impossible, vu l'absence de preuve, d'accorder la mesure demandée.


[13]            En outre, la preuve ne m'a pas convaincue que le fait que la SSR n'ait pas tenu une nouvelle audition constitue un abus de procédure ou une violation de l'un des droits garantis par la Charte.

[14]            La preuve indique que différentes dates d'audition ont été fixées - le 14 mai 2001, le 16 août 2001 et le 4 décembre 2001 - mais que l'instance a toujours été ajournée. L'affaire devrait maintenant être entendue le 26 juin 2002. Avec le recul, il est vrai que ces ajournements sont devenus plus importants en raison de l'entrée en vigueur de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Cette nouvelle loi ne permet cependant pas de conclure que les ajournements ont été demandés et obtenus dans un dessein malhonnête. Il ne ressort pas de la preuve dont je dispose qu'avant de présenter cette requête les demandeurs ont demandé qu'une date soit fixée pour l'audition de leurs revendications ou ont entrepris de contester ou de faire contrôler la décision d'ajourner l'instance. Cela n'a pas non plus été avancé. L'avocat des demandeurs a mentionné dans sa plaidoirie qu'il avait pris conscience de la nouvelle loi à un certain moment pendant l'année 2002 et qu'il avait conclu que ses clients [traduction] « étaient dans de beaux draps » . Cette déclaration ne permet pas de conclure à un abus de procédure ou à une violation de la Charte.

[15]            Pour ces motifs, la requête sera rejetée.


[16]            Cela ne veut pas dire que les demandeurs ne disposent d'aucun recours. Leur avocat a confirmé que tous les problèmes causés par la nouvelle loi seraient réglés si la SSR rendait une décision avant le 28 juin 2002. Si elle disposait d'éléments de preuve suffisamment convaincants, la SSR aurait la compétence nécessaire pour rendre une telle décision. Dans le cas contraire, si la SSR devait reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention aux demandeurs, si l'attestation visée à l'article 40.1 actuel est confirmée et s'il résulte de cette confirmation et de la nouvelle loi que les demandeurs sont privés d'un droit garanti par la Charte comme on l'a prétendu devant moi, il pourrait bien y avoir éventuellement une contestation pour laquelle il faudra présenter les éléments de preuve nécessaires.

[17]            En ce qui concerne les dépens, contrairement à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, chacune des parties à la requête a demandé le remboursement de ses frais et ce, sur une base avocat-client. Dans les circonstances, je ne suis pas convaincue que des raisons spéciales justifient l'adjudication des dépens. Chaque partie assumera donc ses propres frais.


[18]            L'avocat souhaitait présenter des arguments concernant la certification d'une question après le prononcé des présents motifs. Par conséquent, chaque partie pourra me soumettre des arguments écrits relativement à la question de la certification en les signifiant à la Cour et en les déposant auprès de celle-ci dans les sept jours suivant la réception des présents motifs. Chaque partie disposera ensuite d'un délai de trois jours pour signifier et déposer sa réponse, après quoi une ordonnance rejetant la requête sera délivrée.

    

« Eleanor R. Dawson »

ligne

                                                                                                                                                    Juge                         

  

Toronto (Canada)

Le 20 juin 2002

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                            IMM-1828-99

INTITULÉ :                                           MAHMOUD ES-SAYY JABALLAH, HUSNAH MOHAMMAD AL-MASHTOULI, AHMAD MAHMOUD JABALLAH, ASH-SHAYMAA ES-SAYYID, AL-MUNZIR ES-SAYYID, AFNAN MAHMOUD ES-SAYYID

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE : Le lundi 17 juin 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Madame le juge Dawson

DATE DES MOTIFS :                       Le jeudi 20 juin 2002

  

COMPARUTIONS :                                          

Rocco Galati                                                                  POUR LES DEMANDEURS

David Tyndale                                                               POUR LE DÉFENDEUR

Micheal Crane                                                                POUR LA COMMISSION DE L'IMMIGRATION ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ


                                                                                                                                             Page : 2

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                

Galati, Rodrigues, Azevedo & Associates                    POUR LES DEMANDEURS

Avocats

637, rue College, bureau 203

Toronto (Ontario)

M6G 1B5

Morris Rosenberg                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                     Date : 20020620

       Dossier : IMM-1828-99

ENTRE :

MAHMOUD ES-SAYY JABALLAH,

HUSNAH MOHAMMAD AL-MASHTOULI,

AHMAD MAHMOUD JABALLAH,

ASH-SHAYMAA ES-SAYYID,

AL-MUNZIR ES-SAYYID,

AFNAN MAHMOUD ES-SAYYID

demandeurs

- et -

    

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                     défendeur

                                                                             

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                             

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