Date : 20001109
Dossier : IMM-5406-99
OTTAWA (ONTARIO), LE 9 NOVEMBRE 2000.
DEVANT : MONSIEUR LE JUGE PINARD
ENTRE :
SOHAIB ATHAR
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire de la décision que la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rendue le 12 octobre 1999 est rejetée.
Yvon Pinard
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.
Date: 20001109
Dossier: IMM-5406-99
ENTRE :
SOHAIB ATHAR
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu, le 12 octobre 1999, qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention selon la définition figurant au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi).
[2] Le demandeur, un citoyen pakistanais âgé de 27 ans, allègue craindre avec raison d'être persécuté du fait de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social (soit le groupe ethnique Mojahir).
[3] La Commission a conclu que le demandeur n'était pas crédible et qu'il avait été [TRADUCTION] « fort évasif et vague » . Elle a dit qu'il avait fallu répéter à plusieurs reprises certaines questions cruciales. Elle a donné des précisions en signalant un certain nombre d'incohérences et d'invraisemblances influant sur la crédibilité du demandeur.
[4] Ainsi, la Commission n'a pas retenu le témoignage du demandeur selon lequel il craignait d'être persécuté du fait de son appartenance au groupe ethnique mojahir. Le demandeur a témoigné que les Mojahirs n'ont pas de droits, qu'ils sont privés d'emplois dans la fonction publique, qu'ils sont assujettis à un système de quotas aux fins de l'inscription dans les universités et qu'ils sont victimes de discrimination parce qu'ils parlent couramment l'ourdou. Toutefois, selon la preuve documentaire, les Mojahirs constituent environ 60 p. 100 de la population de la ville de Karachi, où habitait le demandeur. De plus, l'ourdou est la langue nationale du Pakistan, alors que l'anglais, soit la langue dans laquelle le demandeur a témoigné, était considéré comme la langue de l'élite. Ce même document montre que les Mojahirs forment un groupe relativement instruit qui domine la vie économique et politique à Karachi. La Commission a conclu que le demandeur n'avait certainement pas été victime d'actes de persécution et qu'elle n'était même pas certaine qu'il ait été assujetti à une forme quelconque de discrimination.
[5] La Commission a également eu de la difficulté à croire le témoignage que le demandeur avait présenté au sujet du fait qu'il craignait d'être persécuté du fait de ses opinions politiques. Le demandeur a eu énormément de difficulté à démontrer ne serait-ce qu'une connaissance de base de la fonction du Mouvement national unifié (le MQM) ou des politiques dans sa région. Il s'est contredit en ce qui concerne le rôle qu'il avait au sein du MQM, en disant initialement qu'il avait un rôle non politique et en affirmant ensuite qu'il organisait des réunions. Le demandeur a affirmé n'avoir jamais voté et n'avoir jamais tenté de promouvoir un membre du MQM au sein du gouvernement, ce que la Commission a jugé invraisemblable pour quelqu'un qui avait des convictions politiques.
[6] La Commission a noté une incohérence dans le Formulaire de renseignements personnels (le FRP) de l'intéressé, qui se lit comme suit :
[TRADUCTION] |
Je suis lié au MQM depuis un certain nombre d'années. Même si j'ai fait face à certains obstacles, ma vie n'a jamais été en danger. Cependant, depuis 1992 (les deux dernières années), ma vie est constamment en danger. |
[7] La Commission a noté qu'on avait permis au demandeur de modifier son FRP en remplaçant les mots [TRADUCTION] « les deux dernières années » par « 1992 » . Toutefois, étant donné que le demandeur a uniquement adhéré au MQM en 1991, la Commission estimait que cette modification nuisait à sa crédibilité.
[8] Dans son FRP, le demandeur a déclaré qu'après l'événement qui s'était produit en 1992, il avait décidé de [TRADUCTION] « travailler plus fort pour [s]on parti et de promouvoir [s]on parti politique encore plus » . Par contre, il a témoigné avoir essayé de ne pas se faire remarquer après l'événement en question, conformément aux voeux de sa famille.
[9] La Commission a également fait une inférence défavorable au sujet du fait que le demandeur avait déclaré qu'après l'événement qui s'était produit en 1992, il s'était installé chez sa tante, à Noazabad, jusqu'en 1993, alors que dans le FRP, le demandeur déclarait qu'en 1992 et en 1993, il étudiait à Karachi. La Commission a conclu que, contrairement à cette prétention, le demandeur avait dû passer énormément de temps à Karachi.
[10] Quant aux rapports médicaux, ils montrent que le demandeur avait subi des brûlures comme celles que causerait un fer à vapeur plutôt qu'une tige de fer comme l'alléguait le demandeur, de sorte que les membres de la Commission n'ont pas retenu cet élément pour le motif qu'il n'avait rien à voir avec les présumés actes de persécution. La formation a également conclu qu'il était difficile de croire que la mère du demandeur ait pu obtenir des copies originales de ses pièces d'identité s'il était vraiment recherché et elle a en outre conclu que cela allait à l'encontre de la présumée crainte d'être persécuté qu'avait le demandeur.
[11] Ayant tiré une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité du demandeur, la Commission a décidé de ne pas accorder d'importance au rapport psychologique. Elle a conclu que ce rapport n'indiquait pas que le demandeur fût atteint d'une dépression liée aux présumés actes de persécution.
[12] Il est bien établi en droit que, dans le cadre d'un contrôle, la Cour ne devrait pas modifier les conclusions de crédibilité tirées par la Commission si la décision est à bon droit fondée sur la preuve.
[13] En outre, en appréciant la crédibilité, la Commission a certes le droit de tenir compte du comportement du demandeur au cours de l'audience (voir Leung c. Canada (MEI) (1990), 12 Imm. L.R. (2d) 43 (C.A.F.). En l'espèce, la Commission a conclu que, pendant son témoignage, le demandeur avait été évasif et vague.
[14] La Commission a également le droit d'inférer que le demandeur n'est pas digne de foi à cause des invraisemblances figurant dans sa preuve, dans la mesure où ces inférences ne sont pas déraisonnables (Aguebor c. MEI (1993), 160 N.R. 315, à la page 316 (C.A.F.)) et dans la mesure où ses motifs sont énoncés « en termes clairs et explicites » (Hilo c. Canada (MEI)) (1991), 15 Imm. L.R. (2d) 199, à la page 201 (C.A.F.)).
[15] En l'espèce, la Commission a expressément énoncé les conclusions qu'elle a tirées au sujet des incohérences et des invraisemblances existant dans la preuve présentée par le demandeur. En particulier, je crois que les conclusions que la Commission a tirées au sujet du manque de connaissances du demandeur en ce qui concerne le MQM étaient raisonnablement fondées compte tenu de la preuve dont elle disposait. Il était également raisonnable pour la formation de conclure a) qu'il était peu probable que la mère du demandeur ait réussi à obtenir les copies originales de ses pièces d'identité s'il était vraiment recherché et b) que cela allait à l'encontre de la présumée crainte d'être persécuté qu'avait le demandeur.
[16] Je retiens l'explication du demandeur, à savoir qu'il ne comprenait pas la différence entre un fer à vapeur et une tige de fer à cause d'un problème de terminologie anglaise. Néanmoins, compte tenu des conclusions qu'elle a tirées au sujet de la crédibilité de l'histoire du demandeur, la Commission pouvait avec raison conclure que la brûlure n'avait rien à voir avec les présumés actes de persécution dont le demandeur avait été victime. Il en va de même pour les rapports psychologiques.
[17] Je conclus donc que les incohérences, les contradictions et les omissions décelées par le tribunal pourraient amener une personne raisonnable à conclure que le demandeur n'était pas crédible.
[18] Étant donné que le tribunal qui estime que le demandeur n'est pas un témoin crédible conclut en fait qu'il n'existe aucun élément crédible sur lequel il pourrait se fonder pour faire droit à la demande, la Commission pouvait avec raison tirer la conclusion qu'elle a tirée (voir Sheikh c. Canada (MEI)) [1990] 3 C.F. 238, à la page 244).
[19] Quant à la question de la partialité qui a été soulevée devant moi, mais non devant la Commission, j'ai examiné la preuve et je ne suis pas convaincu qu'une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, conclurait à l'existence d'une crainte raisonnable de partialité en l'espèce, comme l'a énoncé le juge de Grandpré dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394.
[20] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Yvon Pinard
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 9 novembre 2000
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE LA PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU DOSSIER : IMM-5406-99 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : Sohaib Athar c. MCI |
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario) |
DATE DE L'AUDIENCE : le 3 octobre 2000 |
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE PINARD EN DATE DU 9 NOVEMBRE 2000.
ONT COMPARU :
Jeffrey L. Goldman POUR LE DEMANDEUR |
David Tyndale POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Jeffrey L. Goldman POUR LE DEMANDEUR |
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR |
Sous-procureur général du Canada