Date : 20010621
Dossier : T-578-01
Référence neutre : 2001 CFPI 686
Entre :
MICHEL LAVOIE
Demandeur
ET
SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA
Défendeur
ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:
[1] Il s'agit en l'espèce d'une requête du Procureur général du Canada en vertu des règles 369 et 221(1) a) des Règles de la Cour fédérale (1998) (les règles) aux fins d'obtenir la radiation de la demande de contrôle judiciaire du demandeur (la "demande") ainsi que le rejet de cette dernière au motif qu'elle ne révèle aucune cause d'action valable.
[2] Il appert que le demandeur est actuellement détenu au pénitencier du Centre fédéral de formation à Laval. Il se représente seul pour les fins des présentes.
[3] Tel qu'il appert des remèdes élaborés par le demandeur à sa demande, ce dernier cherche à obtenir de cette Cour une ordonnance afin que le Service correctionnel du Canada mette en place un système de traitement de plaintes et griefs qui soit impartial, juste et équitable. Le demandeur précise également ce qu'il entend par système impartial, juste et équitable et élabore ainsi les composantes qu'il souhaite retrouver dans ce système.
[4] Aux termes des articles 90, 91, 96 u), 97 et 98 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC), des articles 74 à 82 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et de la Directive du Commissaire 081, le législateur a déjà élaboré une procédure de traitement des plaintes et des griefs.
[5] Le demandeur n'appert pas vouloir l'édiction d'une nouvelle loi. C'est l'édiction d'une base réglementaire nouvelle que ce dernier recherche. Bien que cette distinction n'apparaisse point de son Avis de demande, au paragraphe 9 de sa réponse à la requête à l'étude (la réponse du demandeur), le demandeur indique qu'il "... ne cherche nullement une modification à la Loi, au contraire il demande que cette dernière soit appliquée et respectée en conformité avec ce qu'elle est sensée (sic) l'être et demande conséquemment l'ordonnance de dispositions réglementaires efficaces, réelles et conformes ...".
[6] Il est clair que cette Cour ne peut forcer le Gouverneur en conseil à légiférer afin de mettre en place un règlement rencontrant les exigences du demandeur. Par conséquent puisque "l'ordonnance de dispositions réglementaires" n'est pas un remède que la Cour peut accorder dans le cadre d'une demande, on doit en conclure que la demande ne révèle aucune cause raisonnable d'action et mérite pour cette raison d'être radiée.
[7] Par ailleurs, il appert du paragraphe 4 de la réponse du demandeur que c'est par le biais du traitement, sous le règlement présent, de plaintes et griefs passés que le demandeur en est venu à formuler sa demande d'édiction de dispositions réglementaires nouvelles. De fait, au paragraphe 26 de sa réponse - et non dans le cadre de sa demande -, le demandeur réclame que le règlement actuel soit déclaré ultra vires. (De façon plus précise, et tel qu'il découle du paragraphe 18 de la réponse du demandeur, seuls les articles 74 à 82 du règlement actuel sont décriés par le demandeur. Ces articles traitent de la procédure de règlement de griefs.)
[8] Toutefois, tel qu'on l'a vu précédemment, le demandeur dans sa demande ne réclame pas que les articles 74 à 82 soient déclarés ultra vires. Il se contente uniquement dans sa demande de réclamer la mise en place de mesures réglementaires nouvelles. Tel que mentionné précédemment, cette Cour ne peut accéder à ce remède.
[9] Quant à l'abolition desdits articles du règlement actuel, il s'agit d'une mesure qui est en théorie du ressort de cette Cour dans le cadre d'une demande. Toutefois les articles du règlement visés traitent d'une procédure de règlement de griefs et il ne m'apparaît pas que l'on puisse soutenir que ces articles ont une "application continue" sur le demandeur. Ces articles s'appliquent à ce dernier, comme à tout autre détenu, lorsque des gestes ou une décision spécifiques visent ou impliquent le demandeur. On ne saurait donc ici faire appel à la jurisprudence discutée dans l'arrêt Mennes c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. no 1674 (Q.L.) (C.F.) aux paragraphes 10 et suivants pour soutenir que les articles du règlement constituent une "décision continue" et ainsi échapper au besoin de relier toute attaque contre ces articles à une situation de faits précise pour les fins du délai à respecter sous le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, telle qu'amendée.
[10] Ainsi, si le demandeur recherche une déclaration à l'effet que les articles 74 à 82 du règlement actuel sont ultra vires, il devra soulever cette attaque dans le cadre d'une demande qui portera sur l'application de ces articles à une situation de faits précise. Toute demande devra être logée dans le délai mentionné au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale. À cet égard, si le demandeur cherche à faire revoir la légalité des articles du règlement à l'égard d'une situation factuelle passée, il devra vraisemblablement, avant de loger une demande proprement dite, obtenir en vertu du paragraphe 18.1(2) précité une prorogation du délai de trente jours. Le demandeur notera finalement que toute demande portant sur un règlement doit viser le Gouverneur en conseil à titre d'intimé.
[11] Pour tous ces motifs, la requête du Procureur général du Canada sera accueillie et la Cour ordonnera la radiation de la demande du demandeur ainsi que le rejet de sa demande au motif qu'elle ne révèle aucune cause d'action valable.
Richard Morneau
protonotaire
MONTRÉAL (QUÉBEC),
le 21 juin 2001
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU DOSSIER DE LA COUR:
INTITULÉ DE LA CAUSE:
T-578-01
MICHEL LAVOIE
Demandeur
ET
SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA
Défendeur
REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À MONTRÉAL SANS COMPARUTION DES PARTIES
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE
DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 21 juin 2001
OBSERVATIONS ÉCRITES PAR:
M. Michel Lavoie |
pour le demandeur |
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Me Nadia Hudon |
pour le défendeur |
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PROCUREUR INSCRIT AU DOSSIER:
Me Morris Rosenberg Sous-procureur général du Canada |
pour le défendeur |