Date : 20051220
Dossier : IMM-295-05
Référence : 2005 CF 1653
ENTRE :
AKUA SERWAA
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) en date du 2 décembre 2004, dans laquelle la Commission a refusé de reconnaître à la demanderesse la qualité de réfugié au sens de la Convention ou de « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.
[2] Akua Serwaa (la demanderesse), citoyenne du Ghana, prétend craindre avec raison d'être persécutée du fait de son sexe, de persécution au foyer.
[3] La Commission a conclu au sens de la Convention que la demanderesse n'est ni une « réfugiée » ni une « personne à protéger » , parce qu'elle n'a pas réfuté la présomption de la protection de l'État (elle n'a produit aucun élément de preuve crédible ou digne de foi établissant qu'elle avait effectivement demandé la protection au Ghana), et son témoignage n'a pas convaincu la Commission qu'elle était exposée à un préjudice grave à la suite de son divorce en septembre 2000.
[4] La demanderesse prétend que la Commission n'a pas tenu compte d'éléments de preuve essentiels concernant la persécution fondée sur le sexe, ou les a mal appliqués ou compris, quand elle a refusé d'accepter la notion que le harcèlement criminel constitue à une forme de persécution fondée sur le sexe.
[5] Bien que la demanderesse ne dise pas avoir subi de la violence physique après le divorce en 2000, elle a témoigné que son ex-mari l'a harcelée et soumise à un harcèlement criminel les trois années suivantes, jusqu'à son départ du Ghana. La demanderesse a en outre pris des mesures draconiennes, qui ont gravement entravé sa vie, pour éviter son ex-mari.
[6] La persécution est généralement définie comme le harcèlement ou les tourments appliqués sans relâche par des traitements cruels ou vexatoires. Il n'est pas nécessaire de prouver un dommage physique ou un mauvais traitement pour établir qu'il y a eu persécution par le passé (voir Rajudeen c. Canada (M.E.I.), [1984] A.C.F. no 601 (C.A.) (QL) et Amayo c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1982] 1 C.F. 520 (C.A.)). Il semble que le harcèlement criminel devrait s'inscrire dans cette définition, selon les faits de l'espèce.
[7] La demanderesse pourrait avoir raison quand elle soutient que la Commission a conclu à tort que même si la demanderesse avait été victime de harcèlement criminel, ce fait ne constitue pas un préjudice grave ou de la persécution. La Commission déclare ce qui suit:
[traduction] [...] Avant son divorce, son mari lui a dit que si elle persistait à vouloir divorcer, il la tuerait et se suiciderait. En fin de compte, non seulement n'a-t-il pas mis ses menaces à exécution, mais il n'a eu aucun contact avec elle [...]
[...]
[...] Elle n'a pas non plus établi de manière objective qu'elle a été victime d'un préjudice grave.
[8] Par ailleurs, la Commission pourrait ne pas avoir voulu exclure le harcèlement criminel des modes de persécution possibles, mais s'être exprimée dans les termes précités pour signifier qu'elle ne jugeait pas la demanderesse crédible et qu'elle ne croyait pas le témoignage selon lequel son ex-mari la soumettait à un harcèlement criminel depuis 2000.
[9] Il est malheureux que le sens que la Commission voulait donner aux paragraphes ci-dessus manque de précision. Quoi qu'il en soit, la conclusion de la Commission selon laquelle la demanderesse [TRADUCTION] « n'a pas non plu établi de manière objective qu'elle a été victime d'un préjudice grave » était subsidiaire relativement à la raison véritable du rejet de sa demande d'asile, à savoir qu'elle n'a pas réfuté la présomption de la protection accordée par l'État. La demanderesse n'a produit aucun élément de preuve crédible ou digne de foi établissant qu'elle avait effectivement demandé la protection au Ghana. La Commission a jugé que sa crédibilité a souffert de l'absence de toute mention d'un rapport de police dans son Formulaire de renseignements personnels, de ses faux-fuyants dans son témoignage sur le rapport de police et du fait qu'elle n'a mentionné qu'elle avait signalé les menaces de mort à la police qu'après que la Commission lui eut posé une question précise à ce sujet. En outre, si elle avait cherché l'aide de la police, elle aurait appris que la police au Ghana avait établi une unité pour les femmes et les jeunes.
[10] En matière de crédibilité, la Cour ne peut substituer son opinion à celle de la Commission, sauf si la demanderesse peut prouver que la Commission a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée tirée de façon arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait (paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7). La Commission est un tribunal spécialisé, qui a pleine compétence pour apprécier la plausibilité et la crédibilité d'un témoignage, dans la mesure où les inférences qu'elle tire de ce témoignage ne sont pas déraisonnables (Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)) et où ses motifs sont exposés clairement et intelligiblement (Hilo c. Canada (M.E.I.) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.)).
[11] La Commission a pu commettre une erreur quand elle a jugé que le harcèlement criminel n'équivaut pas à de la persécution, si tel est ce que la Commission entendait dire dans les paragraphes contestés; en tout état de cause, il n'était pas manifestement déraisonnable pour la Commission de ne pas ajouter foi au témoignage de la demanderesse concernant la recherche de la protection de l'État. Il est remarquable que la demanderesse n'ait fait aucune observation dans la présente demande (c'est-à -dire dans son mémoire) concernant la conclusion principale de la Commission, à savoir que la demanderesse n'a pas réfuté la présomption de la protection de l'État (voir Radha c. Canada (M.C.I.), [2003] A.C.F. no 1309 (C.F. 1re inst.) (QL), Sandhu c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 902 (C.A.) (QL) et Lanlehin c. Canada (M.E.I.), [1993] A.C.F. no 207 (C.A.) (QL)).
[12] Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.
« Yvon Pinard »
Juge
OTTAWA (Ontario)
Le 20 décembre 2005
Traduction certifiée conforme
Michèle Ali
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-295-05
INTITULÉ : AKUA SERWAA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 8 NOVEMBRE 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE PINARD
DATE DES MOTIFS: LE 20 DÉCEMBRE 2005
COMPARUTIONS :
Joel Etienne POUR LA DEMANDERESSE
Lisa Hutt POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Joel Etienne POUR LA DEMANDERESSE
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Date : 20051220
Dossier : IMM-295-05
Ottawa (Ontario), le 20 décembre 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD
ENTRE :
AKUA SERWAA
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en date du 2 décembre 2004, dans laquelle la Commission a refusé de reconnaître à la demanderesse la qualité de réfugié au sens de la Convention ou de « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, est rejetée.
« Yvon Pinard » Juge
Traduction certifiée conforme
Michèle Ali