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                                                                                                                                  Date : 20010330

                                                                                                                       Dossier : IMM-1789-00

                                                                                                       Référence neutre : 2001 CFPI 259

Entre :

                                              Yasina NIZEYIMANA

                                                 Ime NIZEYIMANA

                                                                                                           Demandeurs

                                                           - et -

                                   LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                            ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                              Défendeur

                                        MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]         La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 8 février 2000 par la Section du statut de réfugié (la « SSR » ) statuant que les demandeurs, monsieur Yasina Nizeyimana (le « demandeur » ) et son fils mineur Ime Nizeyimana, ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention. De plus, la SSR a conclu à l'absence de minimum de fondement à leur revendication en vertu du paragraphe 69.1(9.1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la « Loi » ).

[2]         Les demandeurs sont citoyens du Rwanda. Le fils base sa revendication sur celle de son père qui allègue avoir une crainte bien fondée de persécution dans son pays en raison de son ethnie hutus et de son appartenance au groupe social de la famille.


[3]         Il appert que la SSR a refusé de reconnaître aux demandeurs le statut de réfugié pour deux motifs : l'absence de fondement objectif de la crainte du demandeur et l'absence de crédibilité de ce dernier. Elle a aussi conclu à une absence de minimum de fondement en vertu de l'article 69.1(9.1) de la Loi. Comme la revendication du fils était basée sur celle de son père, elle a aussi échoué.

[4]         La SSR a d'abord particulièrement jugé que la véritable crainte du demandeur était celle découlant des menaces proférées par le Major après le départ de sa famille en août 1998, à l'exclusion des autres craintes exprimées, y compris celle découlant de son association avec son épouse Tutsi. Il s'agit là d'une pure question d'appréciation des faits qui, selon moi, est solidement appuyée par le témoignage du demandeur lui-même, tel qu'il appert de l'extrait suivant de la transcription de l'audition :

Q.             Alors, Monsieur, donc c'est le 23 août que vous dites avoir visité ce parent en Ouganda?

R.             Je suis en Ouganda le 29 juillet jusqu'au 2 août ‘98.

Q.             29 juillet? Alors... et vous êtes revenu au... au Rwanda. C'est ca?

R.             Oui, je suis retourné au Rwanda le 2.

Q.             Août?

R.             Oui, le 2 août.

Q.             Pourquoi revenir au Rwanda, Monsieur? Parce que vos ennuis n'étaient pas commencés à ce moment-là ?

R.             Les problèmes n'étaient pas très... très fort pour que je puisse quitter le pays, ce n'était pas arrivé au... à un certain point culminant.

[. . .]

Q.             ... Et pourquoi... est-ce que vous, vous aviez l'intention de partir aussi ou non?

R.             Moi, je n'avais pas de... l'envie de partir à ce moment-là parce que ma femme... les problèmes qu'on avait à ce moment-là c'était plutôt du genre de... ceux de la famille de... de ma femme, c'était lié à la famille de ma femme plutôt qu'à moi.

[. . .]

Q.            ... À quel moment est-ce que vous avez pensé qu'il fallait quitter le Rwanda et... et venir rejoindre votre épouse?


R.             L'officier m'avait dit que s'il y a quelque chose qui se passe, si sa famille qui va porter, il va dire que c'est moi le responsable et puis à un certain moment, j'ai appris qu'il y a un... un bus, un taxi qui s'est brûlé à ... dans la préfecture de Ruhengeri et puis j'ai pris peur. J'ai pris la décision de... de partir, ce... et ce minibus... dans ce minibus, il y avait ses deux enfants.

[. . .]

Q.             Alors, Monsieur, ça serait cet événement-là qui vous a... qui vous a donc amené à quitter le Rwanda? Je veux que ça soit clair, là .

R.             C'est principalement ça qui a fait que je... j'ai fui le pays parce que je... je sentais une menace.

Puis, sur la base des considérations suivantes, la SSR a jugé le demandeur non crédible et conclu qu'il n'y avait aucun fondement objectif à sa crainte d'être persécuté advenant son retour au Rwanda :

-           Le demandeur s'est adressé aux autorités qui ont reçu sa plainte sur l'éviction de sa maison au mois d'août 1998, et ceux-ci lui ont dit d'attendre une décision d'un palier supérieur.

-           Le demandeur allègue qu'il s'est caché avec son fils chez des amis, mais il témoigne poursuivre son travail et son fils, sa fréquentation scolaire.

-           Le fait que les deux enfants du Major soient décédés accidentellement ne suffit pas en soi pour que le Major ait automatiquement identifié le demandeur comme l'auteur de cet acte. Il n'existe aucune preuve objective que le Major croyait ceci et la preuve ne fait aucune mention de démarches entreprises par le demandeur pour clarifier les détails de l'accident et pour démontrer son absence de participation.

-           Le demandeur a attendu huit mois pour enfin quitter son pays après l'avoir décidé, le 8 décembre 1998.


[5]         À cet égard, les demandeurs ne m'ont pas convaincu que la SSR a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments à sa disposition (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7); je n'ai pas été davantage convaincu que les inférences tirées par ce tribunal spécialisé ne pouvaient pas raisonnablement l'être (voir Aguebor c. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315 (C.F, Appel)). La SSR pouvait selon moi raisonnablement conclure en l'absence de crainte objective de persécution.

[6]         En ce qui concerne les lettres envoyées du Rwanda par le demandeur à son épouse, au Canada, je suis d'accord avec le défendeur pour dire que celles-ci n'avaient aucune pertinence quant à la crainte objective du demandeur. La SSR n'a pas remis en question le fait que le demandeur a subi des difficultés depuis le départ de son épouse, tel qu'il est indiqué dans les lettres. Elle remet plutôt en question le fait que ces difficultés aient justifié une crainte de persécution chez le demandeur. Comme les lettres n'ont aucun impact sur la décision, la SSR n'avait aucune obligation de les commenter (voir Cepeda-Gutierrez c. M.C.I. (1998), 157 F.T.R. 35).

[7]         Quant à l'argument du demandeur voulant que le tribunal a eu tort de ne pas dire expressément pourquoi la revendication du demandeur mineur a été rejetée, je le trouve sans mérite. Puisque ce dernier a fondé sa demande sur celle de son père et qu'il n'a soulevé aucune crainte particulière de persécution, la SSR n'était pas obligée de traiter sa demande de façon distincte et particulière (voir Chehar c. M.C.I. (27 novembre 1997), IMM-4540-96, Seevaratnam c. M.C.I. (11 mai 1999), IMM-3728-98, Gengeswaran c. M.C.I. (19 mai 1999), IMM-4318-98 et Akhter c. M.C.I. (6 juillet 2000), IMM-3750-99).

[8]         Enfin, c'est à tort, à mon sens, que le demandeur cherche à imposer à la SSR le fardeau de motiver séparément sa conclusion par rapport au paragraphe 69.1(9.1) de la Loi, lequel prescrit simplement ce qui suit :



69.1 (9.1) If each member of the Refuge Division hearing a claim is of the opinion that the person making the claim is not a Convention refugee and is of the opinion that there was no credible or trustworthy evidence on which that member could have determined that the person was a Convention refugee, the decision on the claim shall state that there was no credible basis for the claim.

69.1 (9.1) La décision doit faire état de l'absence de minimum de fondement, lorsque chacun des membres de la section du statut ayant entendu la revendication conclut que l'intéressé n'est pas un réfugié au sens de la Convention et estime qu'il n'a été présenté à l'audience aucun élément de preuve crédible ou digne de foi sur lequel il aurait pu se fonder pour reconnaître à l'intéressé ce statut.


[9]         Cette disposition de la Loi requiert clairement qu'une conclusion d'absence de minimum de fondement fasse partie de la même décision que celle ayant trait à la revendication du statut de réfugié. Si une décision distincte sur la question du minimum de fondement n'est pas requise, il en découle que des motifs distincts ne sont pas davantage exigés. L'obligation imposée au tribunal par le paragraphe 69.1(11) de la Loi de fournir des motifs écrits au soutien d'une décision à l'encontre d'un revendicateur de statut de réfugié étant remplie, il suffit simplement de s'assurer, alors, que ces motifs appuient bien les conclusions de la décision en cause, incluant, s'il y a lieu, la conclusion relative à l'absence de minimum de fondement.

[10]       Dans l'affaire M.E.I. c. Mathiyabaranam (5 décembre 1997), A-223-95, le juge Linden, pour la Cour d'appel fédérale, a écrit :

[10]          N'importe quel revendicateur est « ou devrait être » conscient du risque que l'on conclue à une absence de minimum de fondement, même s'il n'y a pas d'autre avis donné sur cette issue éventuelle. Le revendicateur du statut de réfugié doit être conscient qu'il lui faut établir, dans le cadre de sa revendication, un minimum de fondement pour cette dernière. On ne peut établir une revendication du statut de réfugié sans établir d'abord, pour cette dernière, un minimum de fondement; l'une est tout à fait subordonnée à l'autre, et incluse en elle. Je ne puis imaginer ce qu'un revendicateur, à qui l'on a donné un avis spécial, pourrait bien ajouter à sa cause. Tous les éléments de preuve disponibles devraient déjà avoir été soumis à la Commission dans le cadre de la revendication du statut de réfugié.

[11]       Dans l'affaire Gomez c. M.C.I. (29 avril 1999), IMM-1826-98, au paragraphe [7], j'ai eu l'occasion d'exprimer ce qui suit :

[TRADUCTION]

. . . l'avocat du demandeur a soutenu pour la première fois que la Commission avait commis une erreur de droit [Traduction] « lorsqu'elle a omis de motiver sa conclusion selon laquelle la revendication n'a pas un minimum de fondement » . Ce nouvel argument est rejeté au motif que la conclusion de la Commission selon laquelle la revendication n'avait pas un minimum de fondement est étayée par les mêmes motifs suffisants fournis dans la décision pour étayer la conclusion selon laquelle le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention. Le principe qui sous-tend ce motif est compatible avec les remarques suivantes que le juge Linden de la Cour d'appel a faites dans Mathiayabaranam c. M.E.I. (1997), 221 N.R. 351, à la page 354 :


. . . une détermination relative au minimum de fondement est un aspect inhérent de la définition d'un réfugié au sens de la Convention. Elle n'impose pas au revendicateur un fardeau de preuve qui est distinct du fardeau principal qu'impose la définition elle-même ou qui s'y ajoute.

[12]       Enfin, dans l'affaire Barua c. M.C.I. (27 octobre 2000), IMM-5146-99, j'ai aussi écrit :

[7]      Additionally, as the applicant's testimony was not found to be credible, the tribunal was entitled to conclude that the minimum basis for the claim was absent. In Sheikh v. M.E.I. (1990), 112 N.R. 61, the Federal Court of Appeal established that when such a tribunal finds that a claimant is not credible it may conclude that there is no credible evidence on the basis of which the claimant could be regarded as a refugee. Further, in M.E.I. v. Mathiyabaranam (December 5, 1997), A-223-95, the Federal Court of Appeal confirmed that this rule is valid for subsection 69.1(9.1) of the Act, concerning the question of the minimum basis.

[13]       Dans l'affaire Sheikh c. M.E.I., [1990] 3 C.F. 238, la Cour d'appel fédérale, sous la plume du juge MacGuigan, avait déclaré, à la page 244 :

Le concept de la crédibilité des éléments de preuve et celui de la crédibilité du demandeur sont évidemment deux choses différentes, mais il est évident que lorsque la seule preuve soumise au tribunal qui relie le demandeur à sa demande est celle que ce dernier fournit lui-même (outre, peut-être, les dossiers sur différents pays dont on ne peut rien déduire directement à l'égard de la revendication du demandeur), la perception du tribunal que le demandeur n'est pas un témoin crédible équivaut en fait à la conclusion qu'il n'existe aucun élément crédible sur lequel pourrait se fonder le second palier d'audience pour faire droit à la demande.

(J'ai souligné.)

[14]       L'argument du demandeur basé sur le défaut de motivation distincte de la conclusion d'absence de minimum de fondement est donc rejeté au motif qu'en l'espèce je suis satisfait que cette conclusion du tribunal est étayée par les mêmes motifs suffisants fournis dans la décision pour étayer la conclusion selon laquelle les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention. Comme je l'ai dit plus haut, l'appréciation des faits et en particulier de la crédibilité du demandeur faite par le tribunal trouve appui dans la preuve.


[15]       Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                    

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 30 mars 2001

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