Date : 20020114
Dossier : IMM-5397-00
Référence neutre : 2002 CFPI 32
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Demandeur
- et -
GREGORY NEIL DRAPER
Défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
[1] La demande de contrôle judiciaire en l'espèce a été présentée par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (demandeur). La décision faisant l'objet du contrôle (décision) a été rendue, le 3 octobre 2000, par la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR). Dans sa décision, la CISR a invalidé la décision d'un agent des visas, datée du 11 juin 1999, selon laquelle Xiu Hua Peng (Mme Peng) n'appartenait pas à la catégorie des parents, malgré son mariage avec le défendeur, Gregory Draper (M. Draper). La décision de l'agent était fondée, dans une large mesure, sur l'entrevue qu'elle avait eue avec Mme Peng.
[2] M. Draper est un citoyen canadien qui a parrainé la demande de Mme Peng afin qu'elle se retrouve dans la catégorie des parents en tant que son épouse. La question que la CISR avait à trancher lors de l'appel de la décision de l'agent des visas consistait à savoir si Mme Peng avait satisfait aux exigences du paragraphe 4(3) du Règlement sur l'immigration de 1978. Il est ainsi conçu :
(3) La catégorie des parents ne comprend pas le conjoint qui s'est marié principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada à titre de parent et non dans l'intention de vivre en permanence avec son conjoint.
(3) The family class does not include a spouse who entered into the marriage primarily for the purpose of gaining admission to Canada as a member of the family class and not with the intention of residing permanently with the other spouse.
[3] La CISR s'est fortement appuyée sur le témoignage présenté par M. Draper lors de l'appel et elle a été convaincue que, bien que le mariage ait principalement visé l'obtention de l'admission de Mme Peng au Canada afin qu'elle retrouve sa famille, Mme Peng avait l'intention de vivre en permanence avec M. Draper. Par conséquent, la CISR a décidé qu'elle appartenait à la catégorie des parents.
Le contexte
[4] M. Draper a affirmé, lors de son témoignage, qu'il avait travaillé avec un homme appelé Kevin, qui était marié avec une Chinoise nommée King. King est l'une des soeurs de Mme Peng. King a montré à M. Draper une photographie de Mme Peng, et M. Draper l'a trouvée séduisante. En 1994, M. Draper a commencé à communiquer avec Mme Peng par courrier et par téléphone de la résidence de King.
[5] En 1998, après que Mme Peng eut accepté une proposition de mariage par téléphone, M. Draper s'est rendu en Chine avec Kevin et il a rencontré Mme Peng pour la première fois. Ils se sont mariés en octobre 1998.
[6] En février 1999, avant que Mme Peng n'ait été interviewée par l'agent des visas, M. Draper et Mme Peng ont chacun signé un questionnaire au soutien de la demande d'établissement de Mme Peng comme parent (le « questionnaire » ). Ils ont indiqué qu'ils communiquaient l'un avec l'autre en anglais et que 50 personnes avaient assisté à leur réception de mariage, qui avait eu lieu à Putian, dans la province du Fujian, en Chine.
[7] Mme Peng a ensuite été interviewée par l'agent des visas, qui a rejeté sa demande d'établissement parce qu'elle n'appartenait pas à la catégorie des parents.
Les questions en litige
[8] Le demandeur a adopté la position selon laquelle la CISR avait erré en droit en fondant ses conclusions concernant les intentions de Mme Peng sur le témoignage de M. Draper. Le demandeur prétend également que la conclusion à laquelle est parvenue la CISR était abusive et qu'elle n'était pas fondée sur la preuve.
Discussion
[9] Bien que la CISR ait entendu le témoignage de M. Draper, Mme Peng ne lui a présenté aucun élément de preuve nouveau. La CISR n'avait que le témoignage de Mme Peng tiré du questionnaire et de l'entrevue qu'elle avait eu avec l'agent des visas. Si elle avait examiné ces éléments de preuve, elle n'aurait pas pu conclure que Mme Peng avait l'intention de demeurer en permanence avec M. Draper. Bien qu'il soit vrai qu'elle a déclaré que telle était son intention, il n'y avait aucune raison de la croire. Mme Peng avait besoin d'avoir un bout de papier à la main pour se souvenir du nom de son mari. Elle a affirmé qu'elle et M. Draper avaient communiqué l'un avec l'autre pour la première fois en 1998, alors que M. Draper a affirmé que leur communication avait débuté quatre années plus tôt. La seule explication qu'il a pu donner pour expliquer la grande divergence de leur témoignage a consisté à dire qu'elle avait peut-être été [traduction] « nerveuse » .
[10] De plus, la CISR ne semble pas s'être vraiment attardée sur le fait qu'une autre des soeurs de Mme Peng avait épousé un collègue de M. Draper le jour où M. Draper avait épousé Mme Peng. M. Draper s'était rendu en Chine avec ce collègue, et les deux hommes avaient prévu épouser les soeurs pendant qu'ils s'y trouvaient. Pourtant, lorsqu'il a rempli le questionnaire, M. Draper n'a pas mentionné que son collègue avait été l'un de ses compagnons de voyage lors du voyage effectué en Chine. De plus, la CISR n'a pas remarqué que, bien que la soeur de Mme Peng ait été admise au Canada en raison de son mariage, elle ne demeurait pas avec son mari, mais plutôt avec ses parents. Tous ces éléments de preuve suggèrent qu'il peut y avoir eu un plan visant à faire venir Mme Peng et sa soeur au Canada pour qu'elles vivent avec leurs parents.
[11] Mme Peng et M. Draper ont menti lorsqu'ils ont affirmé qu'ils communiquaient l'un avec l'autre en anglais. Au cours de l'entrevue qu'elle a eue avec l'agent des visas, il est devenu évident que Mme Peng ne parlait pas anglais et qu'elle avait besoin d'un interprète. Ce fait crée un doute quant à l'importance des conversations téléphoniques et explique pourquoi les appels de M. Draper effectués du Canada vers la Chine provenaient de la résidence de King. Mme Peng a également menti lorsqu'elle a dit à l'agent des visas qu'elle n'avait jamais formulé de demande de visa canadien de visiteur. Les dossiers indiquent qu'elle avait formulé une demande en 1997 pour visiter ses parents. Curieusement, la demande ne mentionnait pas d'intérêt pour visiter M. Draper, malgré qu'il ait affirmé qu'il s'était trouvé en contact régulier avec elle cette année-là.
[12] J'ai décidé que la CISR ne pouvait pas conclure que Mme Peng avait l'intention de vivre en permanence avec M. Draper après son arrivée au Canada. J'en suis venue à cette conclusion à cause de la quantité d'éléments de preuve inexpliqués et contradictoires, de la conclusion de l'agent des visas selon laquelle Mme Peng avait été évasive lors de son entrevue et de la preuve circonstancielle suggérant que Mme Peng, tout comme sa soeur, qui s'était mariée le même jour, ne vivrait pas avec son nouveau mari.
Conclusion
[13] Pour tous ces motifs, la demande est accueillie, et l'affaire est renvoyée à un autre tribunal de la CISR pour nouvel examen.
« Sandra J. Simpson »
JUGE
Ottawa (Ontario)
Le 14 janvier 2002
Traduction certifiée conforme
Richard Jacques, LL.L.
Date : 20020114
Dossier : IMM-5397-00
OTTAWA (ONTARIO), LE 14 JANVIER 2002
EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE SANDRA J. SIMPSON
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Demandeur
et
GREGORY NEIL DRAPER
Défendeur
ORDONNANCE
VU la demande du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration visant le contrôle judiciaire d'une décision de la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié datée du 3 octobre 2000;
APRÈS avoir entendu les avocats des parties à Toronto le jeudi 21 juin 2001;
APRÈS avoir été informée qu'aucune question n'était soulevée aux fins de certification;
APRÈS avoir informé les avocats de ma décision, mais réservé mon jugement afin de préparer une ordonnance et des motifs écrits.
LA COUR ORDONNE PAR LES PRÉSENTES QUE, pour les motifs exposés aujourd'hui, la demande de contrôle judiciaire soit accueillie.
« Sandra J. Simpson »
JUGE
Traduction certifiée conforme
Richard Jacques, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5397-00
INTITULÉ : M.C.I. c. Gregory Neil Draper
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : 21 juin 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE SIMPSON
DATE DES MOTIFS : 14 janvier 2002
COMPARUTIONS:
Greg G. George POUR LE DEMANDEUR
D. Clifford Luyt POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Morris Rosenberg POUR LE DEMANDEUR
Sous-procureur général du Canada
D. Clifford Luyt POUR LE DÉFENDEUR
Toronto (Ontario)