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Date : 20030724

Dossier : IMM-2507-02

Référence : 2003 CF 910

Ottawa (Ontario), le 24 juillet 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY                          

ENTRE :

                                                   SAROJINIDEVY MAHESWARAN

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                            MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT


[1]                 Madame Maheswaran est une citoyenne du Sri Lanka âgée de 65 ans. Elle allègue qu'elle a été victime de mauvais traitements incessants de la part de l'armée du Sri Lanka, de la police et des membres du groupe Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) pendant une période d'environ 10 ans. Elle affirme que les membres du groupe LTTE l'ont harcelée de façon répétitive, lui ont extorquée de l'argent et des bijoux et qu'ils ont même occupé son domicile. Elle prétend qu'elle a fait l'objet de traitements semblables de la part de l'armée, qui l'accusait de nourrir des membres du groupe LTTE. Elle s'est donc enfui à Colombo où la police, affirme-t-elle, l'a harcelée et lui a proféré des menaces. En mars 2001, elle a obtenu un visa de visiteur pour venir au Canada.

[2]                 Après avoir fui le Sri Lanka, Mme Maheswaran a revendiqué le statut de réfugiée au Canada mais un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande. Elle allègue que la Commission a commis de graves erreurs en rendant une telle décision à l'égard de sa revendication et demande, par l'entremise de la présente demande de contrôle judiciaire, à ce qu'une nouvelle audience soit tenue devant un autre tribunal de la Commission.

[3]                 L'affaire en l'espèce porte sur deux questions en litige :

1.          La Commission a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit lorsqu'elle a conclu que le témoignage de Mme Maheswaran n'était pas crédible?

2.          La Commission était-elle dans l'erreur lorsqu'elle a conclu que la crainte qu'éprouvait Mme Maheswaran n'était pas fondée?

A.         La Commission a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit lorsqu'elle a conclu que le témoignage de Mme Maheswaran n'était pas crédible?

[4]                 La Commission a comparé le témoignage de Mme Maheswaran à son Formulaire de renseignements personnels (FRP) et sa demande en vue d'obtenir un visa de visiteur. (La Commission a également fait référence aux notes qui ont été prises à son arrivée au Canada, mais en fait, ces notes n'existent pas). La Commission a constaté que le témoignage oral et le témoignage par écrit de Mme Maheswaran comportaient diverses contradictions et omissions. Mme Maheswaran conteste les conclusions auxquelles est parvenue la Commission et, à mon avis, ses oppositions sont fondées.

[5]                 Au cours de son témoignage oral, Mme Maheswaran a mentionné que des membres du groupe LTTE avaient proféré des menaces à son égard en 1999 et en 2000. La Commission a soulevé des préoccupations quant au fait que Mme Maheswaran avait omis de faire mention de ces menaces dans son FRP. Lorsque la Commission lui a demandé d'expliquer pourquoi elle avait omis d'en faire mention, celle-ci a indiqué qu'elle avait tout simplement oublié. En fait, Mme Maheswaran a bel et bien mentionné ces faits dans son FRP. Elle a indiqué qu'à la fin de 1999 [traduction] « des membres du groupe LTTE se sont présentés à notre domicile pendant la nuit et m'ont extorqué de l'argent. Je leur ai remis 18 000 $RS en décembre 1999 et 30 000 $RS en mars 2000. » Elle a également fait mention d'un incident survenu en août 2000, lorsque des membres du groupe LTTE lui ont demandé de la nourriture. Elle a affirmé que [traduction] « lorsque j'ai hésité à leur donner de la nourriture, ils m'ont menacée. Je leur ai donc donné 15 paquets de riz pour six jours. »

[6]                 La Commission a également fait valoir que Mme Maheswaran aurait dû mentionner dans son FRP, comme elle l'a indiqué dans son témoignage oral, qu'elle avait demeuré à Colombo avec son fils pendant plus de cinq mois avant de venir au Canada. Dans son FRP, elle indique qu'elle a quitté Jaffna en septembre 2000 à destination de Colombo. Elle y est restée en attendant que son fils puisse prendre les dispositions nécessaires pour la parrainer en vue de lui permettre de quitter le pays à destination du Canada. Après avoir passé près de six mois à Colombo, elle a appris que les arrangements aux fins de parrainage avaient échoués et, conséquemment, elle a obtenu un visa de visiteur pour le Canada et a quitté le Sri Lanka en mars 2001.


[7]                 La Commission a particulièrement tenu compte de la période pendant laquelle Mme Maheswaran est demeurée à Colombo parce qu'elle était d'avis qu'on lui a fait subir des mauvais traitements non pas en raison de son profil politique, mais de celui de son fils. Il avait aidé des membres du LTTE à quelques reprises. La Commission a conclu que son témoignage était évasif, ce que je n'admets pas. Elle a attesté que les difficultés auxquelles elle a été confrontée à Colombo étaient en partie liées aux activités politiques de son fils, mais aussi en partie à ses propres activités. Elle a expliqué que lorsqu'elle avait rédigé son exposé circonstancié dans son FRP, elle avait décrit ses propres problèmes et non ceux de son fils. La Commission a conclu que Mme Maheswaran avait omis de mentionner la période pendant laquelle elle était demeurée avec son fils, de manière à ce qu'elle n'ait pas à admettre que les activités de son fils étaient à l'origine de ses problèmes. Comme il a été mentionné précédemment, elle a indiqué cette période dans son FRP. Il est vrai qu'elle n'a pas stipulé clairement qu'elle demeurait avec son fils pendant cette période. Elle fait souvent référence à un fils, mais dans ce contexte, il est difficile de savoir s'il s'agissait de son fils au Canada, de son fils à Colombo, ou des deux. De toute façon, cette légère confusion ne justifiait pas la Commission de tirer une conclusion défavorable à l'égard du témoignage de Mme Maheswaran.

B.          La Commission était-elle dans l'erreur lorsqu'elle a conclu que la crainte qu'éprouvait Mme Maheswaran n'était pas fondée?

[8]                 La Commission a conclu que même si Mme Maheswaran avait été harcelée et mise en état d'arrestation par l'armée et que, même si des membres du groupe LTTE l'avaient harcelée et lui avaient extorqué de l'argent, cela ne signifie pas qu'elle était persécutée. Toutefois, cela n'explique pas ses conclusions. Après avoir lu l'ensemble des motifs, il semble que la Commission n'ait pas cru certains aspects du témoignage de Mme Maheswaran et qu'elle ait estimé qu'elle n'avait pas vraiment manifesté une crainte réelle pour sa sécurité. J'ai déjà fait mention des conclusions non justifiées auxquelles est parvenue la Commission en ce qui concerne la crédibilité du témoignage de la demanderesse. Quant à la crainte qu'éprouve Mme Maheswaran, je conclus que l'analyse de la Commission est également fautive à cet égard.


[9]                 La Commission a aussi conclu que Mme Maheswaran n'avait pas dû éprouver une crainte quelconque pendant qu'elle était à Colombo puisqu'il lui a nécessité presque six mois pour prendre les dispositions nécessaires pour quitter son pays à destination du Canada. Cependant, elle a expliqué à la Commission qu'elle attendait que son fils au Canada prennent les arrangements nécessaires pour la parrainer. De plus, bien que la police l'ait menacée et lui ait fait subir de mauvais traitements, sa vie n'était pas en danger immédiat. Son séjour à Colombo pendant quelques mois après dix années d'épreuves n'est pas incohérent avec une crainte réelle de persécution. Je constate aussi que lorsque le plan mis en oeuvre aux fins de parrainage a échoué, elle a immédiatement pris d'autres dispositions pour quitter le Sri Lanka.

[10]            La Commission s'est également souciée du fait que Mme Maheswaran n'a pas mentionné qu'elle était confrontée à des difficultés au Sri Lanka lorsqu'elle a présenté une demande en vue d'obtenir son visa de visiteur. Elle a expliqué qu'elle avait cru que l'agent des visas ne lui aurait pas accordé la permission de voyager à destination du Canada s'il avait soupçonné qu'elle pouvait demander asile dès son arrivée au pays. Je peux très bien comprendre ses inquiétudes - d'autres revendicateurs ont réagi de la sorte : voir Fajardo c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 915, au paragraphe 5. Le fait qu'elle ait omis de discuter de sa situation avec l'agent des visas ne devrait pas justifier la Commission de ne pas tenir compte de la crainte qu'elle éprouve.

[11]            Enfin, la Commission a conclu que Mme Maheswaran craignait de retourner au Sri Lanka essentiellement à cause de la guerre qui sévissait là-bas et non parce qu'elle croyait qu'elle était en danger. Elle a affirmé qu'elle craignait principalement la guerre. Toutefois, elle a également fourni plusieurs exemples de mauvais traitements dont elle a été victime en raison des hostilités constantes au Sri Lanka. Le fait qu'elle craignait la guerre ne signifie pas qu'elle ne craignait pas pour sa sécurité personnelle si elle retournait au Sri Lanka.


Conclusion

[12]            La Commission ne disposait d'aucune preuve solide la justifiant de mettre en doute la crédibilité de Mme Maheswaran. De plus, la preuve n'appuie pas sa conclusion selon laquelle elle n'était pas persécutée ou cette conclusion n'a pas été expliquée clairement. En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire doit être admise. Aucune question d'importance générale n'a été proposée aux fins de certification ni n'a été formulée.   

                                                                        JUGEMENT

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.          La demande de contrôle judiciaire est admise.

2.          Aucune question d'importance générale n'est formulée.

                                                                                                                                 « James W. O'Reilly »          

                                                                                                                                                                Juge                         

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                      SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                           IMM-2507-02

                                                                                   

INTITULÉ :                                        SAROJINIDEVY MAHESWARAN     

                                                                                                                                                  demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :              LE MERCREDI 25 JUIN 2003

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                               MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                      LE JEUDI 24 JUILLET 2003

COMPARUTIONS :                          Me Max Berger   

                                                                                                       Pour la demanderesse

Me Tamrat Gebeyehu

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Max Berger

Avocats et conseillers juridiques

1033, rue Bay, bureau 207

Toronto (Ontario)

M5S 3A5                       

Pour la demanderesse

Morris Rosenberg         

                                                               sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur


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