Date : 20011129
Dossier : IMM-767-00
Ottawa (Ontario), le 29 novembre 2001
En présence de Monsieur le juge Pinard
Entre :
FATIMA HAMAMA BELHARKAT
AMINE HAMAMA
FAISAL HAMAMA
FATINE HAMAMA
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du 26 janvier 2000 par laquelle l'agent d'immigration Alain Tassé a établi qu'il n'existait pas de raisons d'ordre humanitaire suffisantes pour dispenser les demandeurs des exigences prévues au paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration est annulée et l'affaire est renvoyée à un autre agent d'immigration pour qu'il procède à un nouvel examen et rende une nouvelle décision.
« Yvon Pinard »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
Date : 20011129
Dossier : IMM-767-00
Référence neutre : 2001 CFPI 1295
Entre :
FATIMA HAMAMA BELHARKAT
AMINE HAMAMA
FAISAL HAMAMA
FATINE HAMAMA
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
Les demandeurs demandent le contrôle judiciaire de la décision du 26 janvier 2000 par laquelle l'agent d'immigration Alain Tasséa établi qu'il n'existait pas de raisons d'ordre humanitaire suffisantes pour dispenser les demandeurs des exigences prévues au paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi).
La demanderesse principale, Fatima Hamama Belharkat, est une citoyenne du Maroc. Elle a présenté une demande en son nom et celui de ses deux plus jeunes enfants ainsi qu'une autre pour son fils aîné, alors âgé de 20 ans. On présume que l'époux de la demanderesse vit à l'étranger, quoique son adresse soit inconnue. La mère, le père, six frères et deux soeurs de la demanderesse sont bien établis au Canada, certains depuis 1972.
La demanderesse est arrivée au Canada le 9 août 1996 et elle a soumis une revendication du statut de réfugiéà l'encontre de son pays d'origine le 12 décembre 1996. La revendication de la demanderesse a été rejetée et, le 26 mars 1998, la demande d'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire a été refusée.
La mesure de renvoi frappant la demanderesse a pris effet le 2 mai 1998. À plusieurs reprises, toutefois, le renvoi a été reporté par suite d'allégations selon lesquelles la fille de la demanderesse était inapte à voyager pour cause de maladie.
Par la suite, la demanderesse a présenté une demande d'établissement au Canada pour des raisons d'ordre humanitaire, en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi et de l'article 2.1 du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement), alléguant qu'elle était séparée de son mari et qu'elle craignait de retourner au Maroc, qui est « sous la domination des hommes » .
Les motifs du refus de la demande de la demanderesse par l'agent sont mentionnés dans ses notes, où on peut lire notamment ce qui suit :
[TRADUCTION]
- J'ai considéré ses allégations concernant le fait qu'elle était séparée de son mari, qu'elle n'avait plus aucun parent ou membre de sa famille au Maroc et qu'elle craignait d'y retourner pour sa sécurité et celle de ses enfants. Toutefois, je dois conclure comme la SSR que les déclarations de la demanderesse manquaient de crédibilité, particulièrement en raison de tentatives répétées de celle-ci et de sa famille « canadienne » de retarder indéfiniment son départ du Canada, jusqu'au point d'induire volontairement en erreur le médecin de famille pour qu'il écrive des déclarations erronées au sujet de l'aptitude de la fille à voyager.
Dans Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817, le juge L'Heureux-Dubéa statué (pages 857 et 858) que la norme de contrôle appropriée pour les décisions rendues en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi et de l'article 2.1 du Règlement est celle de la décision raisonnable simpliciter :
[...] Je conclus qu'on devrait faire preuve d'une retenue considérable envers les décisions d'agents d'immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l'analyse, de son rôle d'exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi. Toutefois, l'absence de clause privative, la possibilitéexpressément prévue d'un contrôle judiciaire par la Cour fédérale, Section de première instance, et la Cour d'appel fédérale dans certaines circonstances, ainsi que la nature individuelle plutôt que polycentrique de la décision, tendent aussi àindiquer que la norme applicable ne devrait pas en être une d'aussi grande retenue que celle du caractère « manifestement déraisonnable » . Je conclus, après avoir évalué tous ces facteurs, que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable simpliciter.
En l'espèce, la demanderesse a soumis comme allégation importante que l'agent avait évalué sa crédibilité en se fondant sur des éléments de preuve extrinsèque sans lui offrir la possibilité de donner son point de vue. Dans Dasent c. Canada (M.C.I.), [1995] 1 C.F. 720, aux pages 730 et 731, le juge Rothstein a défini les « éléments de preuve extrinsèque » comme des « éléments de preuve dont la partie requérante ignore l'existence et que l'agent d'immigration a l'intention d'invoquer pour en arriver à une décision touchant cette partie » .
En outre, dans Malkine c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C.F. n ° 1604 (1re inst.) (QL), le juge MacKay a suivi Amoateng c. Canada (M.C.I.), [1994] A.C.F. n ° 2000 (1re inst.) (QL) et Shah c. Canada (M.E.I.) (1994), 170 N.R. 238, àla page 239 (C.A.F.), et a statué que se fonder sur des éléments de preuve extrinsèque, sans en informer la partie requérante ni lui permettre de s'exprimer àce sujet, contrevenait à l'obligation d'agir équitablement.
Comme dans Amoateng, précitée, l'agent d'immigration dans la présente affaire a rendu sa décision sur la base d'éléments de preuve obtenus d'une personne inconnue, s'est fondé sur ces éléments de preuve qui ne figurent pas au dossier et n'a pas donné l'occasion à la demanderesse de les commenter. Dans ses notes, l'agent mentionne le fait qu' « [TRADUCTION] un agent d'immigration a parlé au Dr Alsaffar au sujet de la maladie de la fille et de sa capacité de voyager » . Il n'est fait nulle mention dans la décision, toutefois, de la personne précise qui a eu cette conversation avec le médecin. En outre, il n'y a pas d'affidavit du Dr Alsaffar ou de l'agent d'immigration concerné venant corroborer cette affirmation. Je suis donc d'avis qu'il s'agit là d'une violation de l'obligation d'agir équitablement, comme la demanderesse n'a eu à nul moment l'occasion d'examiner ou de commenter la preuve selon laquelle le médecin avait été induit en erreur, une preuve sur laquelle la décision a manifestement été fondée.
Une telle violation de l'obligation d'agir équitablement justifie que notre Cour intervienne.
Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l'agent d'immigration est annulée et l'affaire est renvoyée à un autre agent d'immigration pour nouvel examen.
« Yvon Pinard »
Juge
OTTAWA (ONTARIO)
Le 29 novembre 2001
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉ RALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-767-00 |
INTITULÉ : |
FATIMA HAMAMA BELHARKAT et autres c. M.C.I. |
LIEU DE L'AUDIENCE : |
OTTAWA (ONTARIO) |
DATE DE L'AUDIENCE : |
LE 5 NOVEMBRE 2001 |
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : |
LE JUGE PINARD |
DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE : |
LE 29 NOVEMBRE 2001 |
COMPARUTIONS : |
|
M. ISAAC SÉCHÈRE |
POUR LES DEMANDEURS |
Mme RITA BANERJEE |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : |
|
M. ISAAC SÉCHÈRE |
POUR LES DEMANDEURS |
Mme HANA GERTLER M. Morris Rosenberg Sous-procureur général du Canada |
POUR LE DÉFENDEUR
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