Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20030204

Dossier : IMM-5548-02

Référence neutre : 2003 CFPI 125

ENTRE :

                                                             ALAA-ALDIN KAZOUN

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

[1]                 Les présents motifs ont trait à une demande de prorogation du délai imparti au demandeur pour déposer son dossier.

[2]                 L'avocat de la Couronne décèle à juste titre une lacune dans les documents déposés au soutien de la demande de prorogation, soit l'explication donnée pour justifier le retard, laquelle est exigée par l'arrêt Grewal c. Canada (MEI), [1985] 2 C.F. 263 (CAF) :


Pour répondre à la première de ces questions, il faut notamment se demander si le requérant avait, dans le délai de 10 jours, l'intention de présenter sa demande et s'il a toujours eu cette intention par la suite. Tout abandon de cette intention, tout relâchement ou défaut du requérant de poursuivre cette fin avec la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui ne pourrait que nuire considérablement à ses chances d'obtenir la prorogation. La longueur de la période pour laquelle la prorogation est exigée et la question de savoir si cette prorogation causerait un préjudice à la partie adverse et, si c'est le cas, la nature de ce préjudice, sont également pertinentes. Cependant, en dernière analyse, la question de savoir si l'explication donnée justifie la prorogation nécessaire doit dépendre des faits de l'espèce et, à mon avis, nous commettrions une erreur si nous tentions d'énoncer des règles qui auraient l'effet de restreindre un pouvoir discrétionnaire que le Parlement n'a pas jugé bon de restreindre.

(p. 277 et 278)

Il faut donc qu'une diligence raisonnable ait été exercée afin de respecter les délais, à défaut de quoi la demande de prorogation a de fortes chances d'être rejetée. Cette notion est étudiée par M. le juge Marceau aux pages 280 et suivantes, en particulier à la page 282, où il dit aussi qu' « une très bonne cause peut contrebalancer une justification du retard moins convaincante » . Ainsi, les conditions à remplir peuvent être soupesées avant qu'une prorogation de délai soit accordée.

[3]                 Dans Lai Ping Suen c. Canada (MCI) (1996), 36 Imm. L.R. (2d) 39, il n'existait pratiquement aucune excuse raisonnable justifiant le non-respect d'un délai de 30 jours. Dans cette affaire, un soi-disant conseiller en immigration qui n'était pas au courant du délai avait gaspillé du temps à essayer de rencontrer des bureaucrates, en dépit d'une décision du tribunal de l'immigration. Monsieur le juge Muldoon a écrit :


     La procédure du contrôle judiciaire en matière d'immigration est une procédure sommaire à appliquer avec diligence conformément à une jurisprudence abondante. La Cour est réticente à accorder des prolongations de délais non respectés à moins qu'on rende compte précisément de chaque journée de retard.

(p. 43)

Dans l'affaire Lai Ping Suen, il n'y avait rien à apprécier, de sorte que la demande de prorogation « s'écroule sous son propre poids d'inconsistance » et qu'elle a été rejetée.

[4]                 En l'espèce, il y a, selon l'affidavit du demandeur, une explication au retard :

[traduction] 15. J'ai un grand respect pour la décision de la Commission, mais je n'ai jamais été de cet avis. J'ai déposé la demande de contrôle judiciaire immédiatement après la décision. Tout retard touchant le dépôt subséquent des documents nécessaires à celle-ci s'explique par le temps qu'il a fallu pour le traitement de ma demande d'aide juridique. Je n'ai obtenu de l'aide juridique aux fins du dépôt de mon dossier que le 3 janvier 2003, soit après l'expiration du délai.

Cette explication aurait eu beaucoup plus de poids si elle avait été faite au moins au moment où la demande d'aide juridique a été présentée. L'affidavit aurait pu faire état de la correspondance échangée avec les responsables de l'aide juridique.


[5]                 Je reconnais que le demandeur a raisonnablement démontré son intention constante d'aller de l'avant avec la demande et que celle-ci a un certain fondement. Si elle était accordée, la prorogation demandée ne causerait pas nécessairement un préjudice au défendeur. Ce dernier ne prétend d'ailleurs rien de tel. C'est l'autre volet du critère applicable aux demandes de prorogation, qui a été énoncé par la Cour d'appel fédérale dans Canada (PG) c. Hennelly (1999), 244 N.R. 399, aux pages 399 et 400, qui pose problème, soit la faiblesse de l'explication justifiant le retard. Il ne faut pas oublier cependant que la Cour d'appel n'a en aucune façon, dans Hennelly, touché à l'objectif global énoncé dans Grewal, soit que la justice soit faite entre les parties.

[6]                 Comme je l'ai indiqué, il est bien établi en l'espèce qu'il y a une intention constante d'aller de l'avant avec la demande, que celle-ci est fondée et que la prorogation de délai ne causerait pas un préjudice au défendeur. En l'espèce, ces facteurs l'emporteront sur l'explication moins satisfaisante du retard. Cependant, comme le défendeur était tout à fait justifié de contester la demande de prorogation, les dépens suivront l'issue de la cause.

                                                                                                                                     « John A. Hargrave »             

                                                                                                                                                    Protonotaire                   

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 4 février 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE SANS COMPARUTION DES PARTIES

DOSSIER :                                                         IMM-5548-02

INTITULÉ :                                                        ALAA-ALDIN KAZOUN c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le protonotaire Hargrave

DATE DES MOTIFS :                                     Le 4 février 2003

OBSERVATIONS ÉCRITES PRÉSENTÉES PAR :

Norain A. Mohamed                                                                                   POUR LE DEMANDEUR

Brad Hardstaff                                                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Norain A. Mohamed                                                                                   POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Edmonton (Alberta)

Morris A. Rosenberg                                                                                   POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Edmonton (Alberta)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.