Date : 20040910
Dossier : IMM-7141-03
Référence : 2004 CF 1232
ENTRE :
Romeo N'GALE
Partie demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Partie défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] Il s'agit ici d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié(la CISR) rendue le 21 juillet 2003, statuant que le demandeur n'est ni un « réfugié » au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » suivant les définitions données aux articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la nouvelle Loi) en raison d'irrecevabilité.
[2] Romeo N'Gale (le demandeur) est un citoyen du Cameroun qui présente une deuxième demande d'asile au Canada. Il est né le 29 janvier 1990 et étant mineur, madame Laurence Cozza du SARIMM agit comme sa représentante désignée.
[3] La CISR a conclu que le demandeur n'est ni un « réfugié » au sens de la Convention ni une « personne à protéger » parce que sa revendication est irrecevable en regard des dispositions de la Loi alors en vigueur et qu'elle n'est pas devenue recevable sous l'empire de la nouvelle Loi.
[4] Les dispositions pertinentes de l'ancienne Loi (la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2) sont les suivantes :
46.01. (1) A person who claims to be a Convention refugee is not eligible to have the claim determined by the Refugee Division if the person:
[. . .]
(c) has, since last coming into Canada, been determined
(i) by the Refugee Division not to be a Convention refugee or to have abandoned the claim, or
[. . .]
46.01. (1) La revendication de statut n'est pas recevable par la section du statut si l'intéressé se trouve dans l'une ou l'autre des situations suivantes :
[. . .]
c) depuis sa dernière venue au Canada, il a fait l'objet :
(i) soit d'une décision de la section du statut lui refusant le statut de réfugié au sens de la Convention ou établissant le désistement de sa revendication,
[. . .]
(5) A person who goes to another country and returns to Canada within ninety days shall not, for the purposes of paragraph (1)(c), be considered as coming into Canada on that return.
(5) La rentrée au Canada de l'intéressé après un séjour à l'étranger d'au plus quatre-vingt-dix jours n'est pas, pour l'application de l'alinéa (1)c), prise en compte pour la détermination de la date de la dernière venue de celui-ci au Canada.
[5] La disposition pertinente de la nouvelle Loi est la suivante :
101. (1) A claim is ineligible to be referred to the Refugee Protection Division if
[. . .]
(b) a claim for refugee protection by the claimant has been rejected by the Board;
101. (1) La demande est irrecevable dans les cas suivants_:
[. . .]
b) rejet antérieur de la demande d'asile par la Commission;
[6] La disposition pertinente du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, SOR/2002-227 (le Règlement) est la suivante :
339. A determination made in Canada before the coming into force of this section that a person is not a Convention refugee is deemed to be a claim for refugee protection rejected by the Board.
339. Est assimilée au rejet d'une demande d'asile par la Commission la décision rendue au Canada avant l'entrée en vigueur du présent article selon laquelle une personne n'est pas un réfugié au sens de la Convention.
[7] Le demandeur soumet que la CISR a erré en concluant que sa revendication était irrecevable parce qu'elle n'a pas soulevé la possibilité que celle-ci soit rejetée faute de compétence à l'audience et qu'il a ainsi été privé de faire des représentations à cet égard.
[8] Cette soumission est sans fondement. La décision de la CISR est fondée sur la preuve qui lui a été présentée lors de l'audience, notamment sur le fait non contesté que le demandeur avait déjà présenté une demande de statut de réfugié qui avait été rejetée par la CISR. De plus, le demandeur ne fait valoir aucun argument sérieux qu'il aurait pu soumettre à la CISR pour influencer sa décision à cet égard.
[9] Le demandeur soumet en outre que la CISR avait le devoir de rendre une décision sur le fond de sa revendication parce qu'elle lui avait promis de le faire. Une lecture attentive du dossier et des notes sténographiques de l'audience ne révèle pas l'existence de semblable promesse. Quoiqu'il en soit, puisque l'attente légitime invoquée par le demandeur contredit directement les dispositions de la nouvelle et de l'ancienne Loi au sujet de l'irrecevabilité de la demande, il ne peut pas ici se prévaloir de la doctrine de l'attente légitime pour justifier l'intervention de cette Cour. Dans l'arrêt Demirtas c. Canada (M.E.I.), [1993] 1 F.C. 602, la Cour d'appel fédérale a en effet exprimé ce qui suit au sujet de cette doctrine aux pages 610 à 612 :
Pour que les intimés puissent se prévaloir de la doctrine de l'attente légitime, il faut d'abord qu'ils puissent établir qu'ils ont fait l'objet de promesses de la part d'une autorité administrative3. . . .
[. . .]
. . . Pour que la doctrine de l'attente légitime puisse jouer, il faut aussi qu'il n'y ait pas d'empêchement statutaire. Dans l'arrêt Attorney-General of Hong Kong v. Ng Yuen Shiu4, le Conseil privé, tout en reconnaissant la doctrine de l'attente légitime, affirmait néanmoins en ces termes la primauté de la norme législative en cas de conflit :
[TRADUCTION] La principale justification de cette doctrine est la suivante : lorsqu'une autorité publique a promis de suivre une certaine procédure, il est dans l'intérêt de la bonne administration qu'elle agisse équitablement et respecte sa promesse, pourvu toutefois que cela ne soit pas contraire aux obligations que la loi lui impose.5 [Je souligne.]
[. . .]
Dans ces circonstances, la doctrine de l'attente légitime, même si l'on admet que des attentes furent créées et qu'il était légitime pour les intimés de s'y référer, ne saurait s'appliquer vu les dispositions contraires de la Loi et la primauté qu'il faut leur donner.
3 Bendahmane c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 3 C.F. 16 (C.A.); Attorney-General of Hong Kong v. Ng Yuen Shiu, [1983] 2 A.C. 629 (P.C.).
4 [1983] 2 A.C. 629 (P.C.).
5 Idem, à la p. 638.
[10] Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
Le 10 septembre 2004
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-7141-03
INTITULÉ : Romeo N'GALE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 10 août 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge Pinard
DATE DES MOTIFS : Le 10 septembre 2004
COMPARUTIONS :
Me Eveline Fiset POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Me Isabelle Brochu POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Eveline Fiset POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec)
Date : 20040910
Dossier : IMM-7141-03
Ottawa (Ontario), ce 10e jour de septembre 2004
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD
ENTRE :
Romeo N'GALE
Partie demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Partie défenderesse
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugiérendue le 21 juillet 2003, statuant que le demandeur n'est ni un « réfugié » au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » suivant les définitions données aux articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, en raison d'irrecevabilité, est rejetée.
JUGE