Date : 19990215
Dossier : T-1455-95
ENTRE :
JONAS BOOTS et RONNIE BOOTS,
demandeurs,
- et -
MOHAWK COUNCIL OF AKWESASNE,
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE LUTFY
[1] Les parties contestent la largeur et l'emplacement d'une emprise routière longeant la limite est du lot 89-2 situé dans la réserve indienne no 59 de Cornwall Island. Les deux parties cherchent à obtenir un jugement déclaratoire et une injonction relativement à l'emprise routière contestée. La portion gravelée de l'emprise routière s'appelle McCumber Road.
Le bien-fonds contesté
[2] Dans la déclaration, les demandeurs décrivent le bien-fonds contesté en ces termes :
[traduction]
4. Par un certificat de possession en date du 31 août 1970 délivré sous le régime de l'article 20 de la Loi sur les Indiens, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a attesté que Mike Boots avait le droit de posséder le lot 89-2 décrit ci-dessous :
TOUTE CETTE PARTIE du lopin de terre constituant la totalité du lot 89-2 situé dans la réserve indienne no 59 de Cornwall Island dans la province d'Ontario, qui est indiqué sur le plan enregistré sous le numéro 52729 dans les Registres d'arpentage des terres du Canada, Ottawa.
5. Le défendeur prétend qu'une bande de terrain de vingt pieds (ci-après appelée le « bien-fonds contesté » ) située à l'extrémité est du lot 89-2 lui a été transférée, et le défendeur projette de construire une route sur ce bien-fonds.
6. Les demandeurs nient que le bien-fonds contesté a été transféré au défendeur et affirment que le fait est qu'aucune partie du lot 89-2 n'a jamais été transférée au défendeur.
[...]
17. Les demandeurs demandent :
[...]
b)un jugement déclaratoire portant que les demandeurs ont le droit de posséder la totalité du lot 89-2; [...]
[3] Dans sa défense et demande reconventionnelle, le défendeur décrit le bien-fonds contesté en des termes sensiblement différents :
[traduction]
36. En ce qui concerne les paragraphes 5 et 6 de la déclaration, le défendeur nie prétendre qu'une bande de terrain de vingt pieds située sur le lot 89-2 lui a été transférée ou projeter de construire une route sur une partie quelconque du lot 89-2, et somme les demandeurs de faire la preuve absolue de ce transfert. Plus précisément, le lot 89-2 a été créé il y a plusieurs années, à la suite de l'expropriation en 1957 par le conseil de bande de Saint-Régis et le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration d'une emprise supplémentaire de quarante pieds devant s'ajouter à l'emprise existante de vingt pieds qui traverse le lot 89. Comme le lot 89-2 a été créé avec ce qui restait du lot 89 après l'expropriation, il exclut donc, par définition, l'emprise routière de soixante pieds qui longe la limite est du lot 89-2.
[...]
60. Par conséquent, le défendeur demande :
a)une ordonnance déclarant que le droit complet sur l'emprise routière de soixante pieds appelée McCumber Road qui va en direction sud depuis Cornwall Island Road East en longeant la limite est du lot 89-2 appartient au défendeur au nom de toute la collectivité d'Akwesasne en tant que chemin public de la réserve; [...]
[4] D'après les actes de procédure, donc, les demandeurs revendiquent leurs droits en conformité avec le certificat de possession en date du 31 août 1970 qui atteste le droit de posséder le lot 89-2 indiqué sur le plan 52729, qui a été ratifié par l'arpenteur en chef en 1965 et enregistré dans les Registres d'arpentage des terres du Canada[1]. Ce plan fixe à une quarantaine de pieds la largeur de l'emprise routière.
[5] Le défendeur prétend que l'emprise routière initiale de vingt pieds, qui est attestée par le plan antérieur 2950E ratifié et enregistré en 1943, a été élargie par la prise d'une bande de terrain supplémentaire de quarante pieds en application du paragraphe 18(2) de la Loi sur les Indiens, dans le cadre d'une opération négociée en 1958 et 1959. En réalité, le défendeur affirme que le plan 52729 et le plan ultérieur 69967, enregistré en 1985, ne reflètent pas avec exactitude la limite est du lot 89-2 situé dans la réserve indienne no 59 de Cornwall Island.
L'instance et le sort de l'action principale
[6] Le demandeur Ronnie Boots est le fils du demandeur Jonas Boots. Ce dernier est décédé après l'introduction de la présente action. Aucune des parties n'a demandé que soit nommée une personne chargée de représenter la succession de feu Jonas Boots dans l'instance.
[7] Le 17 juin 1998, le juge en chef adjoint par intérim a fixé la date du procès au 9 novembre 1998.
[8] Le 10 septembre 1998, la Cour a rendu une ordonnance autorisant les avocats des demandeurs à cesser d'occuper.
[9] Le 8 octobre 1998, la Cour a ordonné au demandeur Ronnie Boots de verser la somme de 15 000 $, en espèces ou sous forme de cautionnement, à titre de cautionnement pour les dépens. Le demandeur n'a pas encore fourni le cautionnement pour les dépens requis.
[10] Le 9 novembre 1998, le demandeur Ronnie Boots s'est présenté à l'ouverture de l'instruction sans avocat. Il a demandé à être représenté par M. Stewart Myiow, qui s'est présenté comme un représentant du Mohawk Traditional Council. Il a aussi demandé l'ajournement de l'instruction. Ses deux demandes ont été rejetées. Toutefois, M. Boots a été autorisé à consulter M. Myiow pour présenter ses propres observations.
[11] M. Boots a ensuite déposé en séance publique un document en grande partie rédigé en ces termes :
[traduction]
Dans un exercice de la chaîne d'alliance argentée effectué en vertu du Two Row Wampum Peace Treaty,
Le Mohawk Traditional Council de la Confédération des Cinq-Nations, qui représente M. Ronnie Boots, prie la Cour de prendre les mesures suivantes :
Dans l'esprit du Two Row Wampum et compte tenu de l'objet et des fonctions qui y sont exposés, la Cour doit rappeler à l'ordre le conseil de bande d'Akwesasne, qui est subordonné à la Couronne en vertu de la Loi sur les Indiens, vu sa tentative voilée pour s'approprier abusivement des terres appartenant à la nation Mohawk de la Confédération des Cinq-Nations.
Le bien-fonds visé par l'espèce est constitué des lots nos 89, 89-1 et 89-2.
La Cour doit avertir le conseil de bande d'Akwesasne, en termes non équivoques, qu'il doit mettre fin à sa tentative illégale pour s'approprier abusivement ledit bien-fonds pendant une période indéfinie.
Dans l'esprit du Two Row Wampum et dans le but de préserver la paix qui y est instaurée, la Cour doit interdire expressément à son subordonné, le conseil de bande d'Akwesasne, de prendre toute mesure illégale semblable dans l'avenir.
On peut au mieux qualifier ce document de tentative pour modifier le fondement de l'action principale. La réparation demandée par M. Boots dans ce document a été refusée pour plusieurs motifs d'ordre procédural, dont le défaut de fournir le cautionnement pour les dépens.
[12] Immédiatement après, M. Boots a déclaré qu'il ne participerait pas à l'instruction et a quitté la salle d'audience. À aucun moment pendant qu'il était présent le 9 novembre 1998 M. Boots n'a tenté de soumettre des éléments de preuve. Un employé du défendeur a par la suite témoigné que M. Boots avait renoncé à son statut de membre de la bande d'Akwesasne le 5 novembre 1998.
[13] Comme aucune preuve n'étaye les allégations faites dans la déclaration, l'action principale sera rejetée.
[14] La Cour a ensuite reçu la preuve présentée par le défendeur à l'appui de sa demande reconventionnelle. Une fois de plus, personne n'a comparu au nom des demandeurs durant cette partie de l'instruction.
La preuve du défendeur en tant que demandeur reconventionnel[2]
(i) La succession de feu John Boots et le lot 89
[15] John Boots est décédé le 17 janvier 1954. Les héritiers de la succession de feu John Boots étaient ses quatre enfants, dont son fils Mike Boots.
[16] Le 1er février 1954, le prédécesseur du défendeur, le conseil de bande de Saint-Régis, a reconnu à titre posthume John Boots en tant que propriétaire des lots 64, 89 et 91, qui sont indiqués sur le plan 2950E. D'après ce plan, le lot 89 a été scindé par un passage public qui semble faire une vingtaine de pieds de large.
[17] Le 16 avril 1957, les héritiers de John Boots ont convenu de diviser le lot 89 en quatre parties. L'entente stipulait que Mike Boots avait le droit d'obtenir la possession de la partie occidentale du lot 89 (la partie du lot 89 qui est située à l'ouest de la route : [traduction] « la partie occidentale appartenant à Mike Boots où la route est située » ). Le restant du lot 89 (situé du côté est de la route) devait être réparti en trois et distribué aux autres héritiers. De plus, les héritiers ont convenu de restreindre la vente de leurs droits sur le bien-fonds à l'un d'entre eux.
[18] En novembre 1965, le plan 52729 a été ratifié par l'arpenteur en chef et enregistré dans les Registres d'arpentage des terres du Canada. Le plan subdivisait le lot 89 en trois parcelles. Les lots 89-1 et 89-2 correspondaient au bien-fonds que les héritiers avaient attribué à Mike Boots le 16 avril 1957. Le lot 89-3 était réparti entre les autres héritiers. Les lots 89-1 et 89-2 sont situés directement à l'ouest de l'emprise routière contestée. Le lot 89-3 est situé directement à l'est de l'emprise routière.
[19] Le 12 juin 1970, les héritiers de la succession de feu John Boots ont signé un document ratifiant l'entente conclue le 16 avril 1957. Cette deuxième entente confirmait le droit de Mike Boots de posséder les lots 89-1 et 89-2 et donnait à chacun de ses trois frères et soeurs une parcelle du lot 89-3, marquées A, B et C.
[20] Le 25 juin 1970, l'administrateur de la succession de feu John Boots a transféré à Mike Boots tous les droits du défunt sur les parcelles 89-1 et 89-2 du lot 89. L'acte de transfert établi par l'administrateur fait référence à la résolution en date du 1er février 1954 du conseil de bande, à l'entente conclue par les héritiers le 12 juin 1970 et à une esquisse du lot 89 réparti en trois, soit les lots 89-1, 89-2 et 89-3, ce dernier lot étant divisé en trois parcelles marquées A, B et C.
[21] Le 31 août 1970, le ministre a délivré à Mike Boots des certificats de possession attestant son droit de posséder les lots 89-1 et 89-2 indiqués sur le plan 52729.
[22] En août 1985, le plan 69967 a été ratifié par l'arpenteur en chef et enregistré dans les Registres d'arpentage des terres du Canada. Ce plan subdivisait le lot 89-3 en trois, soit les lots 89-3-1, 89-3-2 et 89-3-3. Le lot 89-3-1 est situé directement à l'est de l'emprise routière. Les limites des lots 89-1 et 89-2 n'ont pas été modifiées.
(ii)La prise de terres par le ministre en vue de l'élargissement de l'emprise routière
[23] Le 1er avril 1957, le conseil de bande a adopté une résolution accordant [traduction] « la permission de louer au taux de 225 $ l'acre pendant une période de deux ans l'emprise reliant la route publique existante à la zone de remblai et pour desservir les futurs propriétaires qui habiteront dans ce secteur, ainsi que l'y autorise le paragraphe 18(2) de la Loi sur les Indiens [...] » . Le preneur à bail de l'emprise était l'Administration de la voie maritime du Saint-Laurent. Le bail était assorti de la condition que l'Administration de la voie maritime soit responsable de la planification et de la construction du chemin public proposé.
[24] Le 5 avril 1957, le surintendant ou l'agent des Indiens de la bande indienne de Saint-Régis a écrit :
[traduction] Vous constaterez que le taux convenu s'élève à deux cent vingt-cinq dollars (225 $) l'acre pendant deux ans (soit 112,50 $ l'acre pendant un an) pour une bande de terrain de quarante pieds qui, ajoutée à la voie existante de vingt pieds, porte l'emprise à soixante pieds ainsi que l'indique le levé relatif à ladite emprise que l'Administration de la voie maritime a soumis au conseil de bande.
[25] Le 6 octobre 1958, un fonctionnaire du Ministère a écrit au surintendant une lettre rédigée en ces termes :
[traduction] Dans les observations qu'il a soumises au sous-ministre, le directeur a mentionné que la Division avait la ferme intention de procéder à l'acquisition de la bande supplémentaire de quarante pieds requise pour porter à soixante pieds de large la voie existante de vingt pieds de la manière prévue au paragraphe 18(2) de la Loi sur les Indiens, avec le consentement du conseil de bande.
[...]
Compte tenu du fait que l'emprise avait été portée à soixante pieds, et vu la reconstruction de la route, la construction de la ligne de transport d'énergie et l'utilisation de la route par un entrepreneur de l'Administration de la voie maritime, le directeur a avisé le sous-ministre qu'il ne semblait pas y avoir d'autre solution que d'agir en fonction de la compréhension qu'avait la Division de l'esprit de la résolution en date du 1er avril 1957. Le directeur a recommandé d'autoriser la prise des terres requises pour élargir l'emprise afin de fournir un chemin public dans la réserve et de fixer à 225 $ l'acre l'indemnité payable aux titulaires d'un billet de location. Le sous-ministre a approuvé cette recommandation.
[26] Le 6 avril 1959, après deux années de négociations sur l'indemnité relative à l'emprise, Mike Boots et les autres héritiers de la succession de feu John Boots ont accepté la somme de 2 000 $ [traduction] « à titre d'indemnité complète et finale allouée en contrepartie de l'emprise existante de soixante pieds qui traverse les lots 89 et 91, appelée portion du chemin d'accès est, Cornwall Island East » . Le même jour, le conseil de bande de Saint-Régis a adopté une résolution confirmant le paiement de la somme de 2 000 $ à la succession [traduction] « à titre d'indemnité complète et finale allouée en contrepartie de sa part de l'emprise qui relie Island Road à la rive sud en traversant les lots 89 et 91 de Cornwall Island » . À un moment donné durant les négociations, Mike Boots et les autres héritiers ont érigé un barrage sur le chemin pour exprimer leur mécontentement parce que l'Administration de la voie maritime du Saint-Laurent avait entrepris ses travaux avant la fin des négociations relatives à l'indemnité et à d'autres conditions.
[27] Le 19 avril 1959, les quatre héritiers ont signé une entente qui partageait également l'indemnité de 2 000 $ [traduction] « qui a été versée à la succession en contrepartie de notre droit sur une emprise de soixante pieds qui traverse les lots 89 et 91, Cornwall Island » . Le 11 mai 1959, Mike Boots a accusé réception de la somme de 500 $ [traduction] « représentant ma part de l'indemnité versée en contrepartie de mon droit sur le chemin d'accès traversant les lots 89 et 91, Cornwall Island East. J'affirme ne plus avoir de droit sur ce chemin d'accès, que je reconnais comme une route de la réserve » .
[28] Le 28 avril 1959, après que l'indemnité payable à la succession de feu John Boots en contrepartie de l'élargissement de l'emprise routière eut été portée à 2 000 $, un fonctionnaire du Ministère a avisé le surintendant que [traduction] « [l]e sous-ministre a approuvé le paiement de la somme de 2 000 $ à la succession de feu John Boots en contrepartie des terres prises sur les lots 89 et 91 en vue de l'aménagement d'une route[3] » .
[29] Rien n'autorise à conclure que les occupants du lot 89-2 ont contesté publiquement l'emprise routière existante entre 1959 et le début des années 90.
(iii)Le transfert présumé de Mike Boots à Jonas Boots d'un acre du lot 89
[30] Le 9 octobre 1957, Mike Boots a censément donné à son neveu Jonas Boots un acre du lot 89, [traduction] « délimité à l'est par le chemin secondaire nord-sud qui traverse le lot 89 » . Le document manuscrit signé par Mike Boots précise :
[traduction] Je, Mike Boots, propriétaire d'une partie du lot 89, Cornwall Island, réserve de Saint-Régis, donne par les présentes à mon neveu Jonas Boots, et à ses héritiers et ayants droit, un acre de ladite portion du lot 89. Cet acre est situé dans le coin nord-ouest du lot 89 et est délimité à l'est par le chemin de raccordement nord-sud qui traverse le lot 89, au nord par la route publique de Cornwall Island, à l'ouest par le bien-fonds de Mitchell Hopps et au sud par le restant de ma portion du lot.
[31] Une renonciation aux droits non datée, censément signée par Mike Boots entre 1959 et 1965, décrit de façon plus détaillée l'acre de terre situé sur le lot 89 qui était transféré à Jonas Boots :
[traduction] Il s'agit d'une parcelle d'un acre située dans le coin nord-ouest du lot 89, Cornwall Island East, dont voici une description plus précise :
Commençant dans le coin nord-ouest du lot 89 et descendant vers le sud dans une direction est le long de la ligne délimitant les lot[s] 89 et 99 sur une distance de 360 pieds, de là vers l'est dans une direction nord sur une distance de 175 pieds jusqu'au chemin d'accès, de là vers le nord dans une direction ouest le long de la limite ouest du chemin d'accès sur une distance de 360 pieds jusqu'à la route principale de Cornwall Island, de là vers l'ouest dans une direction sud le long de la route principale de Cornwall Island sur une distance de 68,7 pieds jusqu'au point de départ.
Le défendeur soutient que la description des limites du bien-fonds qui a été transféré à Jonas Boots représente 43 866 pieds carrés, soit la superficie en pieds carrés d'un acre à un pour cent près.
[32] Le défendeur invoque également les mots « sur une distance de 68,7 pieds » , distance qui sépare le chemin d'accès du coin nord-ouest du lot 89 (le point de départ), pour prouver que Mike Boots savait qu'il existait déjà une emprise routière de soixante pieds de large. Toutefois, sur les plans 52729 et 69967, la distance entre le coin nord-ouest et l'emprise routière est de 97,3 pieds. Il existe donc une différence de trente pieds entre la longueur de la ligne de délimitation nord du lot d'un acre que Mike Boots a censément transféré à Jonas Boots et la limite actuelle du lot 89-2 indiqué sur les plans 52729 et 69967[4]. En d'autres termes, si l'on acceptait comme importants les mots « sur une distance de 68,7 pieds » et qu'on déplaçait la limite est du lot 89-2 d'une vingtaine de pieds vers l'ouest, comme l'a suggéré le défendeur, il resterait une bande inexpliquée de dix pieds d'après les mesures indiquées sur les deux plans officiels.
[33] Cette parcelle de terre d'un acre est située à l'intérieur de ce qui est maintenant le lot 89-2.
(iv)La possession effective du lot 89-2 et les événements à l'origine du présent litige
[34] Le certificat de possession, qui atteste le droit de posséder le lot 89-2, est encore enregistré au nom de Mike Boots. Trois maisons sont érigées sur ce lot. L'une d'elles est occupée par Ronnie Boots. Une autre maison, construite entre 1991 et 1994 par feu Jonas Boots, est occupée par sa veuve et la mère de Ronnie Boots, Pauline Boots. La troisième maison est l'ancienne propriété familiale, qui est abandonnée. Le quatrième bâtiment érigé sur le lot 89-2 sert d'atelier et de garage.
[35] La preuve révèle que depuis 1990 environ, des obstacles sont placés sur l'emprise routière ou à proximité de celle-ci, le long de la limite est du lot 89-2. Il s'agit notamment d'appareils brisés, de traverses de chemin de fer et d'automobiles. Le défendeur soutient que ces objets l'empêchent d'entretenir le chemin convenablement et d'élargir l'intersection de McCumber Road et de Cornwall Island Road.
[36] Un témoin qui a souvent emprunté McCumber Road entre 1991 et 1996 a vu Pauline Boots « arroser » le chemin. Ce témoin pense que Mme Boots a agi ainsi dans le but d'empirer l'état de la surface de la route.
[37] En novembre 1994 ainsi qu'en avril et en mai 1995, le défendeur a envoyé plusieurs lettres à Jonas Boots pour faire valoir ses droits sur l'emprise routière de soixante pieds. Dans ces lettres, il invoque les événements qui se sont produits de 1957 à 1959 pour appuyer son point de vue. Dans la lettre qu'il a écrite le 6 avril 1995, le grand chef déclare : [traduction] « La partie est de votre maison a été construite par erreur sur la bande de terrain de soixante pieds » . Il réitère ce point dans sa lettre en date du 11 mai 1995 : [traduction] « [...] il est indubitable que votre nouvelle maison empiète sur un bien-fonds appartenant à la collectivité, soit l'emprise de McCumber Road » . Il est présumé dans ces deux déclarations que les vingt pieds de l'emprise de soixante pieds qui sont situés le plus à l'ouest se trouvent sur le lot 89-2. Mis à part le fait qu'il invoque les mots « sur une distance de 68,7 pieds » , supra, paragraphes 31 et 32, le défendeur n'a soumis aucune preuve à l'appui de cette prétention.
[38] En juillet 1995, après de longues mais vaines négociations, les demandeurs ont intenté la présente action. En août 1995, le défendeur a déposé sa défense et demande reconventionnelle, et a demandé le prononcé d'une injonction provisoire contre les demandeurs. Mon collègue le juge Nadon a accordé cette injonction le 8 septembre 1995. En voici le libellé :
[traduction]
1. LA COUR ORDONNE aux demandeurs, pour les fins de la présente ordonnance, d'enlever sur-le-champ les obstacles matériels de quelque nature que ce soit, s'il y a lieu, qu'ils ont placés ou qu'ils ont permis qu'on place sur quelque partie que ce soit de l'emprise routière de McCumber Road dix pieds à l'ouest du bord en gravier indiqué sur le plan d'arpentage joint comme pièce « A » à l'affidavit de M. Macaulay en date du 31 août 1995 qui est joint à la présente.
2. LA COUR ORDONNE par les présentes aux demandeurs, à leurs parents et à leurs mandataires de s'abstenir de bloquer ou de gêner autrement l'utilisation, comme chemin public, de quelque partie que ce soit de l'emprise routière de McCumber Road visée au paragraphe 1 ci-dessus ou d'y pénétrer sans autorisation, et leur ordonne plus particulièrement de s'abstenir :
a)de placer des obstacles matériels de quelque nature que ce soit sur l'emprise routière de McCumber Road visée au paragraphe 1 ci-dessus ou de permettre qu'on place de tels obstacles;
b)de stationner ou de laisser des véhicules sur l'emprise routière de McCumber Road visée au paragraphe 1 ci-dessus;
c)de laisser s'accumuler des obstacles naturels comme des branches d'arbre sur l'emprise routière de McCumber Road visée au paragraphe 1 ci-dessus;
d)de déranger la signalisation de sécurité, les feux de détresse, les signaux de circulation temporaires et d'autres dispositifs d'avertissement ou indicateurs érigés à quelque endroit que ce soit sur l'emprise routière de McCumber Road visée au paragraphe 1 ci-dessus.
3. LA COUR DÉCLARE que l'ordonnance énoncée au paragraphe 2 ci-dessus est exécutoire pendant une période de dix jours à compter de la date de sa signature.
[39] L'esprit de cette injonction provisoire de dix jours paraît avoir été respecté, de manière générale, jusqu'en novembre 1998. Le 6 novembre 1998, on a commencé à ériger des fondations en béton le long du côté est du lot 89-2, et ces travaux se sont poursuivis pendant la durée des audiences qui ont eu lieu durant la semaine du 9 novembre 1998. Aucun élément de preuve ne permet d'établir qui a érigé ces fondations. Un témoin qui a visité les lieux le 11 novembre 1998 a déclaré que les fondations avaient été coulées en vue de la construction d'un garage attenant à la maison occupée par Pauline Boots. Le témoin a ajouté que les fondations se prolongeaient au-delà d'un poteau de ligne. Il s'agit vraisemblablement du poteau qui, d'après le plan d'arpentage non officiel préparé par un arpenteur ontarien pour le compte du défendeur en 1995, était situé à l'intérieur de l'emprise routière de quarante pieds. Le mandat de cet arpenteur consistait à mesurer les distances entre les structures érigées sur le lot 89-2 et la limite est du lot. Son plan d'arpentage est fondé sur le plan 69967, soit le seul document qui lui a été fourni pour exécuter ce mandat. Lorsqu'il s'est rendu sur le site, il a pu repérer les bornes-signaux indiquées sur le plan 69967. Il a repéré un poteau de ligne juste à l'intérieur de l'emprise routière de quarante pieds.
Analyse
[40] Comme aucune preuve n'a été soumise à l'appui de l'action principale, il n'est pas nécessaire d'examiner la question des droits, s'il en est, que la loi reconnaît aux demandeurs relativement à la possession du lot 89-2.
[41] Il convient de rappeler la mesure de redressement déclaratoire que demande le défendeur dans sa demande reconventionnelle relativement à l'emprise routière de soixante pieds :
60. Par conséquent, le défendeur demande :
a)une ordonnance déclarant que le droit complet sur l'emprise routière de soixante pieds appelée McCumber Road qui va en direction sud depuis Cornwall Island Road East en longeant la limite est du lot 89-2 appartient au défendeur au nom de toute la collectivité d'Akwesasne en tant que chemin public de la réserve; [...]
Dans un projet d'ordonnance qui a été soumis à l'examen de la Cour, le défendeur propose ceci : [traduction] « Ladite emprise routière de soixante pieds sera mesurée sur une distance de soixante pieds (18,288 mètres) [en direction ouest] à partir de la ligne continue située à l'est qui divise ladite route et le lot 89-3-1 » , ainsi qu'il est indiqué sur le plan 69967.
[42] Il ressort de la preuve que, vers la fin des années 50, les fonctionnaires du Ministère avaient l'intention d'élargir l'emprise routière de vingt pieds pour la porter à soixante pieds, supra, paragraphes 24 et 25. De plus, certains documents révèlent que les héritiers avaient compris, lorsqu'ils ont négocié avec le conseil de bande et le Ministère, qu'une emprise routière de soixante pieds était envisagée. Toutefois, la preuve de cette entente est un peu plus équivoque, supra, paragraphes 26 et 27. Aucune des trois résolutions du conseil de bande portant sur cette question ne mentionne la largeur de l'emprise routière.
[43] La preuve est muette sur l'emplacement exact de l'emprise de soixante pieds qui était proposée par rapport à la bande de vingt pieds indiquée sur le plan 2950E enregistré en 1943. En outre, il n'existe pratiquement aucun élément de preuve sur la question de savoir si les fonctionnaires du Ministère ou les héritiers se sont penchés sur l'emplacement des quarante pieds supplémentaires requis pour élargir la bande existante de vingt pieds. Ce trou dans la preuve soulève les questions suivantes : a) les quarante pieds supplémentaires devaient-ils être pris à parts égales de chaque côté de la bande existante de vingt pieds; b) les soixante pieds devaient-ils se prolonger vers l'ouest depuis la limite ouest de ce qui est maintenant le lot 89-3-1, comme l'a affirmé l'avocat du défendeur, supra, paragraphe 41; ou c) les parties avaient-elles envisagé un autre scénario? Les documents qui ont été mis en preuve ne permettent pas de répondre à ces questions[5].
[44] La meilleure preuve du défendeur pour ce qui est de l'emplacement de l'emprise routière projetée de soixante pieds est le libellé de la seconde renonciation aux droits censément signée par Mike Boots à un moment donné entre 1959 et 1965. Le texte de cette renonciation mentionne que la limite nord commence au chemin d'accès et continue « vers l'ouest dans une direction sud [...] sur une distance de 68,7 pieds » jusqu'au coin nord-ouest du lot 89, supra, paragraphe 32. (C'est ce qu'indique aussi une esquisse jointe à la renonciation, qui a été soumise en preuve.) Il reste une bande de terre de dix pieds sur le lot 89-2 qui n'est pas expliquée. Il est peu probable que Mike Boots ait volontairement cédé une bande supplémentaire de dix pieds, après avoir discuté pendant deux ans avec des fonctionnaires du Ministère et de l'Administration de la voie maritime pour obtenir une indemnité plus élevée en contrepartie des terres prises pour aménager l'emprise routière. Par ailleurs, la mesure de redressement déclaratoire demandée par le défendeur est incompatible avec la largeur de quarante pieds indiquée sur les plans officiels 52729 et 69967.
[45] La preuve qui a été produite en l'espèce est insuffisante pour situer l'emplacement exact de l'emprise routière de soixante pieds. En l'absence d'un levé ou d'un plan à jour préparé par un arpenteur fédéral investi du mandat bien précis de localiser l'emprise routière de soixante pieds à partir de tous les renseignements disponibles, aucune conclusion ne peut être tirée dans la présente action sur cette question.
[46] En résumé, sur la base des événements qui se sont produits entre 1957 et 1959, supra, paragraphes 23 à 28, je conclus qu'il y a eu prise de terres en vertu du paragraphe 18(2) de la Loi sur les Indiens[6], dans le but d'élargir l'emprise routière de vingt pieds qui existait alors (plan 2950E). Compte tenu de la preuve qui m'a été soumise et selon la prépondérance des probabilités, je conclus que les parties avaient l'intention de porter à soixante pieds l'emprise routière de vingt pieds. Bien qu'aucune résolution du conseil de bande ne fasse référence à la largeur de la nouvelle emprise routière, les documents accusant réception de l'indemnité que les héritiers de feu John Boots ont signés et la correspondance ministérielle datant de cette période parlent d'une nouvelle emprise routière de soixante pieds. Par conséquent, je conclus que le ministre a pris une bande de terre supplémentaire de quarante pieds pour élargir la bande de vingt pieds, dans le but de créer une nouvelle emprise routière de soixante pieds, et a versé une indemnité à cet égard.
[47] Les autres questions de fait sont plus complexes.
[48] La preuve ne révèle pas l'existence d'un levé ou d'un plan officiel décrivant la nouvelle emprise routière de soixante pieds[7]. Un certificat de possession qui fait référence à un plan officiel indiquant une emprise routière de quarante pieds a été délivré à Mike Boots en août 1970, supra, paragraphe 21, avec l'autorisation du ministre. Le levé le plus récent, soit le plan 69967 enregistré en 1985, indique également une emprise routière de quarante pieds. Le défendeur soutient que ces plans sont erronés. Toutefois, aucun élément de preuve n'indique où les vingt pieds supplémentaires ont été pris. Aucune preuve fiable n'a été produite au soutien du point de vue adopté par le défendeur dans sa correspondance de 1994-1995, supra, paragraphe 37. Je ne tire aucune conclusion au sujet de l'emplacement des vingt pieds supplémentaires.
[49] Par conséquent, une mesure de redressement déclaratoire sera accordée au défendeur en conformité avec le plan 69967, qui est la meilleure preuve produite dans le cadre de la présente action concernant l'emplacement de l'emprise routière, même si la largeur qui y est indiquée est moindre que celle des terres qui ont été prises[8]. Rien n'empêche le défendeur de demander une nouvelle mesure de redressement déclaratoire dans le cas où les limites du lot 89-2, telles qu'elles sont définies dans les plans 52729 et 69967, sont modifiées par un futur plan enregistré, ratifié par l'arpenteur en chef en conformité avec la Loi sur l'arpentage des terres du Canada. Dans sa demande reconventionnelle, le défendeur demande une mesure de redressement déclaratoire uniquement à l'égard du lot 89-2.
[50] Le défendeur demande une mesure de redressement par voie d'injonction uniquement contre le demandeur Ronnie Boots et ses mandataires[9]. La preuve ne permet pas d'établir qui a érigé les fondations adjacentes à la résidence de Pauline Boots, supra, paragraphe 39. Celle-ci n'a pas été constituée partie à la demande reconventionnelle, ni à titre personnel, ni comme héritière de feu Jonas Boots. La preuve testimoniale du témoin ordinaire selon laquelle les fondations allaient au-delà du poteau de service public, qui était vraisemblablement le même que celui indiqué sur le plan non officiel de l'arpenteur de l'Ontario, pourrait bien être suffisante pour prouver que les fondations empiétaient sur l'emprise routière de quarante pieds indiquée sur le plan 69967. Toutefois, dans la présente action, l'emplacement des fondations n'est pertinent que dans le contexte de la mesure de redressement par voie d'injonction demandée par le défendeur. En l'absence d'éléments de preuve démontrant que Ronnie Boots a érigé les fondations, et comme Pauline Boots n'est pas partie à l'action, aucune mesure de redressement par voie d'injonction ne peut être accordée relativement aux fondations, même si la question de l'empiètement sur l'emprise routière était claire comme de l'eau de roche. Par conséquent, je décide de ne pas tirer de conclusion sur cette question de fait. L'injonction permanente qui sera rendue contre Ronnie Boots sera compatible avec le plan officiel 69967 et avec les conditions de l'ordonnance provisoire rendue par le juge Nadon le 8 septembre 1995. Rien n'empêche le défendeur de demander, dans une autre instance, une nouvelle mesure de redressement interlocutoire en s'appuyant sur une meilleure preuve.
[51] Le défendeur n'a pas mis en cause la succession de feu Mike Boots, ni cherché à faire nommer quelqu'un pour représenter la succession de feu Jonas Boots. Le défendeur réclame des dommages-intérêts au demandeur Ronnie Boots seulement. Comme la perte pécuniaire subie par le défendeur n'a pas été prouvée, Ronnie Boots ne sera pas passible de dommages-intérêts généraux ou particuliers. De plus, il ne sera pas passible de dommages-intérêts punitifs, exemplaires ou majorés.
[52] Au besoin, les parties peuvent présenter des observations sur la question des dépens par voie de conférence téléphonique devant être organisée par l'intermédiaire du greffe au cours des sept prochains jours.
« Allan Lutfy »
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 15 février 1999
Traduction certifiée conforme
Marie Descombes, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NUMÉRO DU GREFFE : T-1455-95
INTITULÉ : Jonas Boots et Ronnie Boots c. Mohawk Council of Akwesasne
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATES DE L'AUDIENCE : Les 9, 10, 12 et 27 novembre 1998
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE
MONSIEUR LE JUGE LUTFY
EN DATE DU 15 FÉVRIER 1999
COMPARUTIONS :
Ronnie Boots en son propre nom (le 9 novembre 1998 seulement)
Aucune comparution (les 10, 12 et 27 novembre 1998) pour les demandeurs
Daniel J. Leduc (les 9, 10, 12 et 27 novembre 1998)
Michael S. Rankin (le 9 novembre 1998 seulement) pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Ronnie Boots
Cornwall Island (Ontario) pour les demandeurs
Lang, Michener
Ottawa (Ontario) pour le défendeur
[2] La preuve documentaire du défendeur a été signifiée au demandeur Ronnie Boots conformément à l'article 30 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5. Cette preuve comprend des procès-verbaux d'assemblées du conseil de bande de Saint-Régis, des ententes signées par les héritiers de John Boots et des lettres ou des rapports rédigés par des employés du Ministère qui étaient responsables des affaires indiennes vers la fin des années 50. Le défendeur a également soumis la preuve par ouï-dire d'un conseiller juridique du département de la Justice d'Akwesasne concernant bon nombre de ces documents. Voir : R. c. Khan, [1990] 2 R.C.S. 531, R. c. Smith, [1992] 2 R.C.S. 915, et R. c. B. (K. G.), [1993] 1 R.C.S. 740. Dans l'affaire Apsassin c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1988] 3 C.F. 3 (1re inst.), à la p. 8, le juge Addy a conclu que des documents contenant non pas des opinions mais des déclarations de fait qui ont été faites « [...] dans l'exercice ordinaire de ses fonctions, au moment où les faits relatés se sont produits et si cette personne n'avait aucune raison de déformer ceux-ci » sont fiables à première vue. Plus particulièrement, la fiabilité d'un document est rehaussée lorsque la présence d'une inexactitude entraînerait la censure.
[3] Le ministre est investi du pouvoir d'origine législative de prendre des terres situées dans une réserve par la version du paragraphe 18(2) de la Loi sur les Indiens qui est en vigueur depuis le 14 août 1956, voir S.C. 1956, ch. 40, art. 8. Ce pouvoir peut être délégué au sous-ministre ou au fonctionnaire qui est directeur de la division relative aux affaires indiennes en vertu du paragraphe 3(2) de la Loi. À mon avis, cette délégation de pouvoir n'a pas besoin d'être prouvée, mais peut être considérée comme implicite. Voir l'arrêt Carltona, Ltd. c. Commissioners of Works, [1943] 2 All E.R. 560, à la p. 563, que la Cour suprême du Canada a adopté dans l'arrêt R. c. Harrison, [1977] 1 R.C.S. 238. Voir aussi le paragraphe 24(2) de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21.
[4] Les plans 52729 et 69967 sont compatibles pour les fins du présent litige. Toutefois, les distances sont mesurées en mètres sur le plan 69967 et en pieds sur le plan 52729.
[5] En mai 1957, le plan explicatif 4545 a été préparé pour l'Administration de la voie maritime du Saint-Laurent dans le but d'indiquer l'emplacement projeté de l'emprise routière de soixante pieds. Ce plan est imprécis et ne permet pas de déterminer avec exactitude l'emplacement de l'emprise routière proposée. De toute façon, ce plan n'a pas été préparé par un arpenteur fédéral et ne saurait avoir une valeur juridique en ce qui a trait à des terres publiques.
[7] Voir la note 5, supra, où j'ai affirmé que j'accorde peu de poids au plan 4545 pour les fins du présent litige.
[8] Les conditions préalables à l'octroi d'une mesure de redressement déclaratoire sont énoncées par la Cour d'appel dans l'arrêt Bande indienne de Montana c. Canada, [1991] 2 C.F. 30 (C.A.). La Cour d'appel a appliqué le critère énoncé par lord Dunedin dans l'arrêt Russian Commercial and Industrial Bank v. British Bank for Foreign Trade Limited, [1921] 2 A.C. 438 : « La question doit être réelle et non théorique, celui qui la soulève doit avoir un intérêt réel à le faire et il doit présenter un adversaire valable, c'est-à-dire quelqu'un ayant un intérêt véritable à s'opposer à la déclaration sollicitée. » Ce critère a été adopté par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Solesky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821. Dans la présente action, les questions soulevées par les parties sont réelles et non théoriques. Le défendeur a un intérêt réel et vital à faire en sorte que l'emplacement et la largeur de l'emprise routière soient définis. Enfin, vu son statut de demandeur et de défendeur reconventionnel, et étant l'un des occupants du lot 89-2 qui bloquent McCumber Road, Ronnie Boots est une partie adverse valable en l'espèce, même si la succession de feu Mike Boots ou ses héritiers n'ont pas été constitués parties à l'action.