Date: 19980818 Dossier: IMM-3346-97
Entre .
Jose Alfredo CHAVARRIA OROZCO
Requérant
-et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMIIVIIGRATION
intimé
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 14 juillet 1997 par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Section) statuant que le requérant, un citoyen du Costa Rica, n'est pas un réfugié au sens de la Convention.
[2] Il importe de reproduire l'extrait suivant de la décision de la Section:
Après avoir analysé toute la preuve, tant testimoniale que documentaire, le tribunal en est arrivé à la conclusion que le revendicateur n'est pas un "réfugié au sens de la Convention" pour les raisons suivantes.
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Le demandeur n'a pas fait la preuve qu'il ne pouvait pas obtenir la protection de son pays. Il ne l'a jamais demandée sous prétexte que la police est liée aux capitalistes et que sa situation serait devenue pire.
Le tribunal ne croit pas à cette excuse. En effet, la pièce A-l' démontre que le Costa Rica est un pays démocratique et que sa police est indépendante du pouvoir. Le gouvernement l'aurait rendue encore plus indépendante en 1993.
Compte tenu de cette information, le tribunal ne croit pas que le demandeur ne puisse obtenir la protection des autorités de son pays.
Les éléments de preuve qui nous ont été soumis sont insuffisants pour établir que le revendicateur, en cas de retour dans son pays d'origine, aurait une "possibilité raisonnable" de persécution, selon les termes de l'arrêt Adjei2.
A-1 : Country Reports on Human Rights Practices for 1995, onglet 5.
2
Adjei c. M.E.L, [1989] 2 C.F. 680 (CA.F.).
[3] La seule question à résoudre est celle de savoir si le requérant a réussi à
démontrer l'incapacité de l'État du Costa Rica de le protéger. En effet, le fardeau de
faire cette démonstration incombait au requérant, tel que l'a expliqué le juge La Forest
dans Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, aux pages 724-725:
Il s'agit donc de savoir comment, en pratique, un demandeur arrive à prouver l'incapacité de l'État de protéger ses ressortissants et le caractère raisonnable de son refus de solliciter réellement cette protection. D'après
les faits de l'espèce, il n'était pas nécessaire de prouver ce point car les représentants des autorités de l'État ont reconnu leur incapacité de protéger Ward. Toutefois, en l'absence de pareil aveu, il faut confirmer d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État d'assurer la protection. Par exemple, un demandeur pourrait présenter le témoignage de personnes qui sont dans une situation semblable à la sienne et que les dispositions prises par l'État pour les protéger n'ont pas aidées, ou son propre témoignage au sujet d'incidents personnels antérieurs au cours desquels la protection de l'État ne s'est pas concrétisée. En l'absence d'une preuve quelconque. la revendication devrait échouer, car il y a lieu de présumer que les nations sont capables de protéger leurs citoyens La
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sécurité des ressortissants constitue, après tout, l'essence de la souveraineté. En l'absence d'un effondrement complet de l'appareil étatique, comme celui qui a été reconnu au Liban dans l'arrêt Zalzali, il y a lieu de présumer que l'État est capable de protéger le demandeur.
(C'est moi qui souligne.)
[4] En l'espèce, la preuve révèle que la seule raison offerte par le requérant pour expliquer son défaut de faire appel à la police réside dans sa simple croyance que celleci est corrompue et qu'il n'aurait donc pas pu obtenir sa protection. Cette croyance ne s'appuie non seulement sur aucun autre élément de preuve sérieux, mais elle est plutôt incohérente avec la preuve documentaire à laquelle réfère la Section dans sa décision. Dans les circonstances, je suis d'avis que la Section pouvait raisonnablement conclure que le requérant n'avait pas démontré un élément essentiel de la définition de "réfugié" au sens de la Convention, soit l'incapacité d'un État de protéger ses ressortissants.
[5] En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties reconnaissent qu'il n'y a pas ici matière à certification.
YVON PINARD
JUGE
OTTAWA (ONTARIO) Le 18 août 1998
COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
N ° DE LA COUR: IMM-3346-97
INTITULÉ: José Alfredo CHAVARRIA OROZCO et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec) DATE DE L'AUDIENCE: Le 20 juillet 1998 MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE PINARD EN DATE DU 18 août 1998
COMPARUTIONS
Me Jorge Colasurdo POUR LA PARTIE REQUÉRANTE
Me Michèle Joubert POUR LA PARTIE INTIMÉE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Me Jorge Colasurdo POUR LA PARTIE REQUÉRANTE Montréal (Québec)
M. Morris Rosenberg POUR LA PARTIE INTIMÉE Sous-procureur général du Canada