Date : 20050209
Dossier : T-1354-97
Référence : 2005 CF 209
ENTRE :
DAVID WILLIAM LORD, LORRAINE ELOUISE LORD,
VERA HANNAH LORD, CORALEE REBECCA LORD,
DAWN ANDREA LORD et DERIK CHRISTOPHER LORD
demandeurs
et
SA MAJESTÉ LA REINE
défenderesse
Officier taxateur
[1] En 1997, le demandeur, Derik Christopher Lord (Derik Lord), était détenu à l'établissement de Kent, en Colombie-Britannique. Les cinq autres demandeurs sont des membres de sa famille : David William Lord (David Lord) est son père, Lorraine Elouise Lord (Elouise Lord) est sa mère, Coralee Rebecca Lord (Coralee Lord) et Dawn Andrea Lord (Dawn Lord) sont ses soeurs et Vera Hannah Lord (Vera Lord) est sa grand-mère. La présente action en dommages-intérêts, qui a été intentée à la suite d'un incident survenu à l'établissement de Kent lors d'une visite familiale privée, a été accueillie en partie. La Cour a accordé respectivement les sommes de 500 $, 1 000 $, 2 000 $ et 2 000 $ en dommages-intérêts à Elouise Lord, Coralee Lord, Dawn Lord et Vera Lord ainsi que des dépens. La Cour a jugé que Derik Lord n'avait pas droit à des dommages-intérêts, mais ne l'a pas condamné aux dépens. La Cour a rejeté les prétentions de David Lord et l'a condamné à payer les dépens de la défenderesse.
[2] Dans ma décision concernant les dépens d'Elouise, de Coralee, de Dawn et de Vera Lord, qui est publiée à [2004] A.C.F. no 430 (OT) (ci-après la première taxation), j'ai exposé de façon générale les principes applicables au mémoire de dépens de la défenderesse qui est présenté pour taxation en l'espèce contre David Lord et dont j'ai ordonné le règlement par écrit.
La position de David Lord
[3] David Lord a fait valoir qu'indépendamment du rôle de direction qu'il a joué, les six demandeurs ont tous la même qualité comme parties à l'instance, de sorte qu'il n'est redevable que du sixième des dépens de la défenderesse et non de la moitié que celle-ci réclame. De plus, Elouise Lord a fait une bonne partie du travail et, par conséquent, la défenderesse ne peut soutenir que c'est lui qui s'est occupé de l'ensemble de la préparation de la cause à l'exclusion des autres demandeurs. Il a ajouté, en ce qui concerne les résultats de la première taxation, que les dépens réclamés par la défenderesse devraient être réduits, parce qu'ils sont excessifs et semblent concerner d'autres litiges alors en cours.
La position de la défenderesse
[4] Faisant allusion aux commentaires que la Cour a formulés dans sa décision du 20 octobre 1997, selon lesquels la déclaration est un acte de procédure [traduction] « déroutant, en ce sens qu'il est décousu, mal défini et confus [...] de sorte qu'il est impossible d'y répondre de manière cohérente » , la défenderesse a soutenu que les parties qui se représentent elles-mêmes posent des défis uniques pour le déroulement des litiges. De plus, les arguments liés à la Charte qui ont été soulevés dans le présent litige et les diverses allégations de diffamation, d'agression et de violation de droits de la personne qui ont été formulées ont nécessité l'examen de principes de droit complexes.
[5] La défenderesse a souligné que le juge de première instance a conclu, aux paragraphes 171 à 173 de sa décision publiée à [2001] A.C.F. no 640 (C.F.), que David Lord était en partie responsable des dommages subis par les autres demandeurs. Selon la défenderesse, les fonctions administratives qu'a exercées Elouise Lord pour le compte des autres demandeurs n'atténuaient en rien la réalité, soit le fait que la préparation du dossier de la défenderesse concernait en grande partie les conséquences de la conduite de David Lord. Tous ces facteurs, ainsi que la partie de la décision de la Cour qui est consacrée à la cause d'action imputable à David Lord, confirment que la préparation de la cause portait en grande partie sur celui-ci. En conséquence, les services à taxer (honoraires d'avocats) sont réduits de 50 p. 100, mais les débours sont répartis également entre tous les demandeurs, ce qui signifie que le sixième de ce montant seulement est réclamé à David Lord. Les allusions de David Lord aux autres décisions concernant les dépens et au caractère excessif ne sont pas pertinentes dans le contexte de l'adjudication des dépens contre lui.
Taxation
[6] David Lord a tenté de représenter les autres demandeurs en signant la déclaration. Dans la requête qu'il a présentée sans succès au début du litige afin d'obtenir une ordonnance l'autorisant à représenter tous les demandeurs, il a fait valoir que chacun de ceux-ci aurait pu intenter une action séparée. En réponse à la requête en comparution conditionnelle de la défenderesse, la Cour a ordonné, au paragraphe 4 de l'ordonnance rendue le 20 octobre 1997, la radiation de l'action de tout demandeur n'ayant pas déposé en bonne et due forme un avis d'intention de se représenter lui-même. Dans sa décision, le juge de première instance a soigneusement réparti les différentes causes d'action en deux groupes de questions, soit la politique d'inspection visuelle (dénombrement périodique des visiteurs) et l'interruption de la visite familiale privée. D'après ce que j'ai compris en lisant le dossier, même si les autres demandeurs appuyaient la contestation de la politique d'inspection visuelle par David Lord, cette contestation ne constituait pas un élément central ou intégral de leurs causes d'action respectives, mais était très pertinente quant à la sienne. De plus, dans sa décision, le juge de première instance traite certains éléments des causes d'action séparément et en réunit d'autres dans une seule décision. Il semble que les différentes causes d'action alléguées par les demandeurs autres que David Lord n'auraient pas été soulevées en l'absence de la conduite inacceptable de celui-ci : voir, par exemple, les paragraphes [108] à [127] inclusivement et le paragraphe [177] de la décision précitée du juge de première instance.
[7] Les précisions qui précèdent visent simplement à souligner que, même si les causes d'action respectives des demandeurs ont été réunies à bon escient dans une seule déclaration, David Lord ne peut échapper à l'obligation de payer les dépens du litige qui découlent de sa propre conduite en faisant valoir que sa cause d'action était confondue avec celles des autres demandeurs, de sorte que leurs succès relativement à leurs causes d'action et aux dépens devraient atténuer d'une certaine façon sa propre responsabilité. De plus, il est probable que la réunion des causes d'action dans une seule instance en l'espèce a simplifié l'ensemble du travail de la préparation de la défenderesse. Je souligne que le montant total de 259,48 $ que la défenderesse réclame au titre des débours, soit environ le sixième du montant total des débours du présent litige, s'apparente aux débours accordés à certains des demandeurs lors de la première taxation. J'accorde le montant de 259,48 $ réclamé.
[8] Quant aux honoraires d'avocats, la Cour avait effectivement compétence pour trancher la cause d'action de chacun des demandeurs comme elle l'a fait, notamment par des adjudications de dépens séparées. Dans le cas de David Lord, cette adjudication lui a été défavorable et la défenderesse a droit à un mémoire de frais complet, sous réserve de certains facteurs comme la répartition, qui a été examinée au paragraphe [9] de la première taxation. Les remarques cinglantes que le juge de première instance a formulées à l'endroit de David Lord aux paragraphes [169] à [179] inclusivement de la décision précitée, par opposition aux commentaires plus nuancés, mais encore assez critiques qui figurent aux paragraphes [157] à [168] inclusivement au sujet d'Elouise Lord, me convainquent du caractère distinct des différentes causes d'action car, effectivement, Elouise Lord a obtenu des dépens, mais non David Lord.
[9] De façon générale, bien que je ne doute pas de la sincérité des efforts que les demandeurs ont déployés en l'espèce pour obtenir des déclarations importantes sur les principes de droit qui s'appliqueraient à l'avenir à des familles autres que la leur en ce qui concerne les programmes de réhabilitation des détenus, je ne crois pas qu'il s'agissait ici d'un litige très complexe. La défenderesse réclame des honoraires correspondant aux niveaux inférieurs des barèmes possibles, y compris, dans certains cas, la valeur minimale. J'ai conclu au paragraphe [7] de la décision Starlight c. Canada, [2001] A.C.F. no 1376 (O.T.), qu'il n'est pas nécessaire d'utiliser le même nombre d'unités du Tarif pour chaque élément, parce que chaque article relatif aux services d'un avocat est distinct et doit être examiné selon ses propres circonstances. De plus, d'importantes distinctions sont requises lorsque des valeurs moindres sont accordées à partir des fourchettes du Tarif. Les arguments de David Lord n'étaient pas utiles.
[10] À mon avis, seuls trois articles du mémoire de frais de la défenderesse nécessitent des corrections. D'abord, la conférence préparatoire, initialement fixée au 30 novembre 1999, a eu lieu le 26 janvier 2000 et a duré environ 30 minutes. Le Tarif prévoit de 1 à 3 unités l'heure à l'égard de l'article 11 (présence). Dans son mémoire de frais, la défenderesse réclame quatre unités; j'accorde une unité. En deuxième lieu, la défenderesse réclame 25 unités à l'alinéa 14b) de son mémoire de frais pour la présence d'un deuxième avocat à l'instruction. La Cour n'a pas autorisé de façon si claire la réclamation formulée à l'alinéa 14b). Compte tenu de l'article 4 et du paragraphe 5.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales et de l'article 2 des Règles des Cours fédérales qui définissent la Cour, et de ce dernier article qui définit l'officier taxateur, l'omission par la Cour d'exercer préalablement son pouvoir discrétionnaire m'empêche d'accorder des dépens au titre de l'alinéa 14b) et, par conséquent, je refuse d'accorder les 25 unités réclamées. En troisième lieu, je ramène le maximum de six unités que la défenderesse réclame à l'article 26 (taxation des dépens) à la valeur moyenne de quatre unités. Le mémoire de frais est par ailleurs accordé tel qu'il a été présenté.
[11] Le mémoire de frais, d'une somme de 6 749,48 $, que la défenderesse a déposé contre David Lord est taxé et accordé à une somme de 5 099,48 $. La défenderesse avait le droit de réclamer différents articles au titre des honoraires d'avocats en fonction de l'adjudication des dépens. Cette somme s'élevait à 12 980 $, qui a été ramenée à 9 680 $ par suite des déductions que j'ai indiquées ci-dessus. La défenderesse a proposé une répartition à ce montant sur une base de 50 p. 100. À mon avis, les demandeurs autres que David Lord ont été entraînés dans les événements découlant de la conduite de celui-ci et plusieurs des questions que la Cour a été appelée à trancher étaient imputables en grande partie à cette personne. J'ai utilisé la proportion de 50 p. 100 proposée par la défenderesse. Tel qu'il est mentionné plus haut, une proportion d'un sixième a été appliquée aux débours dans les cas pertinents.
_ Charles E. Stinson _
Officier taxateur
Vancouver (C.-B.)
9 février 2005
Traduction certifiée conforme
D. Laberge, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1354-97
INTITULÉ : DAVID WILLIAM LORD et al.
c.
SA MAJESTÉ LA REINE
TAXATION DES DÉPENS SUR DOSSIER SANS LA COMPARUTION DES PARTIES
MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS : CHARLES E. STINSON
DATE DES MOTIFS : le 9 février 2005
AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :
John Sims c.r. POUR LA DÉFENDERESSE
Sous-procureur général du Canada