Date : 20030515
Dossier : IMM-5376-02
Référence : 2003 CFPI 600
ENTRE :
ELLEEN BISSESSAR
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
[1] Voici les motifs d'une ordonnance préalable dans laquelle j'ai statué [traduction] « qu'il est sursis à la mesure de renvoi prise contre la demanderesse, ordonnant son renvoi du Canada le mardi 19 novembre 2002, jusqu'à ce que sa demande de contrôle judiciaire ait fait l'objet d'une décision définitive » .
[2] La demanderesse est une citoyenne de Trinidad et de Tobago, qui vit au Canada depuis le 13 août 1988.
[3] Deux de ses frères, Richard et Vishnudath, sont devenus résidents permanents canadiens, respectivement en 2001 et en 1992.
[4] La demanderesse est arrivée au Canada en 1988 avec son frère cadet, Robert, qui a obtenu sa résidence permanente en avril 2001.
[5] En 1990, la revendication de statut de réfugié de la demanderesse a été refusée. À l'époque, on lui a conseillé de présenter une demande de revendication pour des raisons d'ordre humanitaire. Elle a donc consulté un avocat et a cru que c'était chose faite. Or, en août 2002, elle a été arrêtée par les autorités de l'Immigration et elle a constaté que la personne qu'elle avait engagée n'était pas un avocat et qu'il n'avait pas soumis sa demande de revendication pour des raisons d'ordre humanitaire. Le 15 septembre 2002, elle a présenté une demande de revendication pour des raisons d'ordre humanitaire.
[6] En mai 2002,Vishnudath, le frère de la demanderesse, a acheté une maison dans laquelle la demanderesse et son frère Robert ont déménagé. C'est elle qui fait les versements hypothécaires.
[7] La demanderesse est autonome sur le plan financier et n'a jamais été bénéficiaire d'aide sociale. Elle a investi 1 500 $ dans un régime enregistré d'épargne-retraite, ses économies se chiffrent à environ 11 000 $, elle possède des biens personnels d'une valeur approximative de 13 000 $ et des bijoux évalués à 2 000$.
[8] Elle n'a pas de dossier criminel.
[9] La demanderesse a suivi des cours pour se perfectionner et elle souhaite devenir comptable.
[10] Son père et sa mère sont décédés.
[11] Robert, le frère de la demanderesse, est atteint d'une maladie non divulguée dont il souffre le tiers du temps. Il ne peut prendre soin de lui-même et il faut lui dire quoi faire, par exemple quand prendre une douche. La demanderesse l'amène à ses rendez-vous médicaux une fois par semaine. Aucun autre membre de la famille ne peut s'occuper de lui.
[12] La demanderesse a soumis des retours d'impôts depuis qu'elle a commencé à travailler en 1989 et elle s'est toujours servi de son propre numéro de carte d'assurance sociale.
[13] La demanderesse avait déjà soumis sans succès des demandes de revendication pour des raisons d'ordre humanitaire.
[14] Question en litige
Faut-il surseoir au renvoi du Canada de la demanderesse?
Analyse et décision
[15] Il est maintenant accepté qu'un agent chargé des renvois jouit d'une certaine latitude et qu'il lui est loisible, dans certaines circonstances, de différer le renvoi d'un demandeur (voir l'arrêt Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 3 C.F. 682 (1re inst.)).
[16] Pour obtenir un sursis, le demandeur doit satisfaire aux exigences énoncées dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1988] J.C.F. no 587 (QL) (C.A.):
Notre Cour, tout comme d'autres tribunaux d'appel, a adopté le critère relatifs a une injonction provisoire et énoncé par la Chambre des lords dans l'arrêt American Cyanamid Co. c. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396. Ainsi que l'a déclaré le juge d'appel Kerans dans l'affaire Black précitée :
[traduction] Le critère à triple volets énoncé dans Cyanamid exige que, pour qu'une telle ordonnance soit accordée, le requérant prouve premièrement qu'il a soulevé une question sérieuse à trancher; deuxièmement qu'il subirait un préjudice irréparable si l'ordonnance n'était pas accordée; et troisièmement que la balance des inconvénients, compte tenu de la situation globale des deux parties, favorise l'octroi de l'ordonnance.
Le demandeur doit satisfaire aux trois volets du critère.
[17] Question sérieuse
Quelle incidence l'article 233 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, a-t-il sur la latitude dont dispose un agent chargé des renvois pour surseoir à une ordonnance de renvoi?
[18] Préjudice irréparable
Je suis convaincu que le fait de séparer la demanderesse du frère dont elle s'occupe, qui est gravement malade et qui ne peut prendre soin de lui-même, entraînerait un préjudice irréparable à la demanderesse.
[19] Balance des inconvénients
La demanderesse ne présente aucun risque pour le public. Si sa demande est refusée, le défendeur peut toujours exécuter l'ordonnance de renvoi. J'estime que la balance des inconvénients penche en faveur de la demanderesse.
[20] La requête en sursis de la mesure de renvoi est accueillie.
« John A. O'Keefe »
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 15 mai 2003
Traduction certifiée conforme
Josette Noreau, B.Tra.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5376-02
INTITULÉ : ELLEEN BISSESSAR
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le lundi 18 novembre 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE
COMPARUTIONS :
Gregory James POUR LA DEMANDERESSE
Jillian Siskind POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Mamann & Associates POUR LA DEMANDERESSE
74, rue Victoria
Bureau 303
Toronto (Ontario)
M5C 2A5
Morris Rosenberg, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous procureur général du Canada