Date : 20020128
Dossier : IMM-6135-00
Référence neutre : 2002 CFPI 88
ENTRE :
ALEXANDER SOLTAN
Demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu de l'article 81.1(1) de la Loi sur l'immigration d'une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ("le tribunal") datée du 2 novembre 2000, laquelle décision concluait que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.
[2] Rappelons brièvement les faits, le demandeur est né le 8 septembre 1976 à Kichinev en Moldavie. Il est un citoyen moldave de nationalité russe. Il pratique également assidûment la religion zen-bouddhiste. Considérant ses croyances religieuses et sa nationalité russe, le demandeur se prétend victime de l'intolérance religieuse, de l'hostilité et de discrimination basée à la fois sur ses croyances religieuses et sur son groupe ethnique.
[3] Spécifiquement, le demandeur allègue avoir été battu, à plusieurs reprises, par la police et que lui-même et son appartement ont été l'objet de recherches sans mandat.
[4] Le demandeur allègue que sa mère a développé un cancer du cerveau causé par le harcèlement des autorités locales et est décédée le 7 juin 2000.
[5] Le demandeur est arrivé au Canada le 21 décembre 1999 et a réclamé le statut de réfugié le 23 décembre 1999 sur la base de sa nationalité russe et de sa religion zen-bouddhiste.
QUESTION EN LITIGE
[6] Est-ce que la section du statut a commis une erreur en concluant que le demandeur ne serait pas l'objet de persécution s'il devait se baser sur sa nationalité et sa religion, s'il devait être retourné en Moldavie?
ANALYSE
[7] Le demandeur allègue qu'il a été victime de discrimination en Moldavie reliée à sa nationalité russe et particulièrement le fait qu'il parle le russe et communique seulement dans la langue russe. Le tribunal précise à la page 1 de sa décision:
Since independence the claimant, who does not speak the Moldovian language, has been suffering discrimination at school and from every government service officials speaking Moldovian who were refusing to answer his requests in Russian.
[8] À la page 2 de sa décision, le tribunal rappelle les difficultés du demandeur à communiquer dans la langue moldave:
The claimant alleged that he had a series of problems due to the fact that they were expressing themselves in Russian. The authorities were not providing his mother with proper care.
[9] Par ailleurs, contrairement au témoignage du demandeur, le tribunal a conclu que la protection de l'État était disponible en Moldavie pour les citoyens de nationalité russe. À la page 3 de sa décision, le tribunal précise:
As per the Ward2 decision, even though there are some undue influence affecting the judiciary independence, the panel finds that State protection is available in Moldova for Russian nationals. There are no discriminations reported be they about nationality or religion.
[10] La crainte de persécution du demandeur basée sur sa nationalité russe semble être une question secondaire, la question centrale demeurant sa crainte de persécution basée sur son appartenance à la religion zen-bouddhiste. Le tribunal a expliqué clairement que la preuve documentaire regardant la situation particulière en Moldavie ne supporte en aucune façon les allégations à l'effet que le demandeur était victime de discrimination basée sur sa religion. À la page 2 de sa décision, le tribunal précise:
Documentary evidence does not support the claimant's allegation that Buddhists are persecuted in Moldova. There is freedom of religion. According to the International Helsinki Federation of Human Rights in their Annual Report of 1998, the Moldovian Law on worship seems to impose some restrictions on religious groups of a financial nature. There is no mention of any problems with Buddhism. The 1999 U.S. Country Reports on Human Rights on religion states that the Law provides for freedom of religious practises including each persons right to profess his religion in any form. [...] there is no mention in the U.S. Country Report on Human Rights Practices about the authorities pursuing Buddhist adepts.
[11] Le tribunal était tout à fait en droit d'évaluer la preuve qui lui était présentée et d'apprécier la preuve documentaire qui lui était également soumise. Dans la cause Adu c. Canada (Ministre de l'emploi et de l'immigration), [1995] A.C.F. no 114 (C.F.A.), la Cour d'appel fédérale, par la voix du juge Huggesen précise:
"La présomption" selon laquelle le témoignage sous serment d'un requérant est véridique peut toujours être réfutée et, dans les circonstances appropriées, peut l'être par l'absence de preuve documentaire mentionnant un fait qu'on pourrait normalement s'attendre à y retrouver.
[12] Également, dans l'arrêt Zvonov c. Canada (Ministre de l'emploi et de l'immigration), [1994] A.C.F. no 1089 (C.F. 1ère inst.), le juge Rouleau précise:
[para 15] Finally, I am not persuaded that the Board erred by preferring the documentary evidence to that of the applicant. The Board members are "masters in their own house" and it is open to them to decide what weight to give the evidence; in the present case they accepted the applicant's testimony but chose to place more weight on the documentary evidence.
[13] Le tribunal a considéré que la preuve documentaire était tout à fait digne de confiance et a décidé de préférer cette preuve documentaire à la preuve orale soumise par le demandeur dans son témoignage. À la lumière de la jurisprudence existante, le tribunal avait tout à fait la discrétion pour agir comme il l'a fait.
REFUGE INTERNE
[14] Par ailleurs, le tribunal a considéré que le demandeur avait un refuge interne valable disponible mais que le demandeur a choisi de ne pas utiliser cette possibilité qui s'offrait à lui. Le tribunal précise à la page 4:
The claimant replied that there was no work to be found even in Transnister.
[15] Dans l'arrêt Ranagnathan c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration), [1999] A.C.F. no 793 (C.F. 1ère inst.), le juge Evans précise:
[para 50] I think that Rothstein J. got it right when he said in Kanagaratnam, supra (at page 132):
I interpret Linden, J.A.'s comments [in Thirunavukkarasu, supra] not to exclude the absence of friends or relatives or inability to find work as factors in the reasonableness consideration, but only that these factors alone would not make an IFA unreasonable.
(mon soulignement)
[16] À la lumière de la jurisprudence existante, l'inquiétude du demandeur quant à la possibilité de trouver du travail dans la région du Transnister, n'est pas une objection valable à un refuge interne; le tribunal a donc conclu à la page 4:
The panel finds that the claimant did not explore all the possibilities to relocate himself where his neighbours and local authorities might be less bothered by his religious beliefs.
[17] À mon avis, le demandeur n'a pas réussi à démontrer que le tribunal a fait une erreur qui puisse justifier l'intervention de cette Cour.
[18] En conséquence, cette demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.
[19] Les parties n'ont suggéré aucune question pour certification.
Pierre Blais
Juge
OTTAWA, ONTARIO
Le 28 janvier 2002
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER: IMM-6135-00
INTITULÉ: Alexander Soltan -et
Le Ministère de la Citoyenneté et de l'immigration
LIEU DE L'AUDIENCE: Montréal (Québec) DATE DE L'AUDIENCE: 15 janvier 2002 MOTIFS DE L'ORDONNANCE: Monsieur Le Juge Blais DATE DES MOTIFS: le 28 janvier 2002
COMPARUTIONS
Me Michel Le Brun POUR LE DEMANDEUR
Me Martine Valois POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Me Michel Le Brun POUR LE DEMANDEUR Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR Sous-procureur général du Canada