Date : 20041209
Dossier : T-2792-96
Référence : 2004 CF 1723
Montréal (Québec), le 9 décembre 2004
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE PROTONOTAIRE RICHARD MORNEAU
ENTRE :
MERCK & CO., INC.,
MERCK FROSST CANADA & CO.,
SYNGENTA LIMITED,
ASTRAZENECA UK LIMITED et
ASTRAZENECA CANADA INC.
demanderesses
(défenderesses dans la demande reconventionnelle)
et
APOTEX INC.
défenderesse
(demanderesse dans la demande reconventionnelle)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] VU la requête de la défenderesse, demanderesse dans la demande reconventionnelle (Apotex Inc.), dans laquelle elle demande une ordonnance la dispensant de la règle de l'engagement implicite et une modification de l'ordonnance de non-divulgation rendue dans la présente affaire le 24 juillet 2000;
[2] VU que ladite mesure est nécessaire puisqu'Apotex a l'intention d'utiliser le numéro d'ordre de la demande de brevet canadien 518 336 et l'évolution du dossier de la poursuite (la demande 518 336) aux fins de l'avis d'allégation en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement) relativement aux lettres patentes canadiennes 1 276 559 (brevet 559) consignées au registre des brevets tenu, en vertu du Règlement, pour le médicament lisinopril/hydrochlorothiazide (l'avis d'allégation proposé);
[3] VU plus particulièrement que, pour l'essentiel, Apotex compte soutenir dans l'avis d'allégation proposé que la demande 576 716, qui a entraîné le brevet 559, vise la même invention que celle qui est visée par la demande 518 336 - qui avait été abandonnée par Merck & Co., Inc. (Merck) - et, par conséquent, que la demande 576 716 et le brevet 559 sont nuls de nullité absolue;
[4] VU que la Cour est convaincue, compte tenu de la preuve produite par Apotex dans la présente requête, qu'Apotex veut et peut affirmer notamment, dans l'avis d'allégation proposé, qu'en raison de la demande 518 336, le brevet 559 est invalide;
[5] VU que cette utilisation, par Apotex, de la demande 518 336, vise une fin connexe (laquelle fin ne saurait à l'heure actuelle et aux fins de la présente requête être présumée hors de propos);
[6] VU que la présente requête est nécessaire puisque deux obstacles d'ordre juridique empêchent Apotex d'utiliser, à la fin accessoire visée, la demande 518 336 dans son avis d'allégation proposé, lesquels obstacles sont la règle de l'engagement implicite et l'ordonnance de non-divulgation rendue dans la présente affaire le 24 juillet 2000;
[7] VU, notamment, les décisions Merck & Co. c. Apotex Inc. (1997), 1 C.P.R. (4th) 58, et Gleadow c. Nomura Canada Inc. (1996), 44 C.P.C. (3d) 133, qui présentent une analyse des éléments importants de la règle de l'engagement implicite, ainsi que la décision A.B. Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [2004] A.C.F. no 455, confirmée à [2004] A.C.F. no 1008 (C.A.F.), sur la modification d'une ordonnance de non-divulgation;
[8] VU que, dans l'appréciation des intérêts contradictoires d'Apotex et de Merck (y compris en l'espèce ceux de la demanderesse AstraZeneca qui s'oppose, à l'instar de Merck, à ce que la Cour accueille la requête d'Apotex), en fin de compte, les considérations suivantes viennent appuyer la requête d'Apotex qui demande d'être exemptée de la règle de l'engagement implicite :
- ladite exemption n'entraînera pas la divulgation de la demande 518 336 à d'autres parties que celles qui y ont déjà accès (il est tenu pour acquis que le ministre de la Santé, qui recevra preuve de la signification de l'avis d'allégation et qui serait partie à toute procédure engagée en conformité avec le Règlement, n'est pas un concurrent de Merck et n'a aucun intérêt en ce qui concerne les renseignements confidentiels, savoir la demande 518 336);
- ladite exemption n'aura pas en soi pour effet d'amener Apotex à intenter une poursuite contre une tierce partie;
- certaines questions se chevauchent entre la présente instance et l'instance relative à l'avis d'allégation proposé, en ce qui concerne la demande 518 336;
- contrairement à la situation dans Merck and Co. Inc. c. Apotex, précitée, Apotex ne pourrait pas exiger la production de la demande 518 336 dans l'instance d'avis d'allégation proposé.
[9] VU, en outre, qu'en ce qui concerne l'ordonnance de non-divulgation, le paragraphe pertinent est le paragraphe 11 de ladite ordonnance et, puisque ledit paragraphe ne fait que reprendre l'obligation qu'impose la règle de l'engagement implicite, les mêmes considérations que les considérations susmentionnées sont favorables à la modification du paragraphe 11 de manière à permettre à Apotex d'utiliser la demande 518 336 dans l'avis d'allégation proposé;
[10] VU qu'aux fins de la présente requête, la Cour est convaincue que si Apotex ne peut utiliser la demande 518 336 dans l'avis d'allégation proposé, elle ne sera pas en mesure de présenter tous les arguments qui lui permettront d'établir que ses allégations d'invalidité sont justifiées et elle aura donc beaucoup de difficulté à obtenir un avis de conformité relativement à son produit lisinopril/hydrochlorothiazide et à l'introduire sur le marché, vraisemblablement à un prix inférieur;
[11] VU que le préjudice subi par Apotex, si l'exemption demandée ne lui est pas accordée, l'emporte sur le préjudice décrit par les défenderesses Merck et AstraZeneca, tant dans leurs observations orales qu'écrites;
[12] VU qu'Apotex a satisfait au fardeau de la preuve qui lui incombait relativement à la requête en cause;
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. Apotex peut utiliser le numéro d'ordre 518 336 de la demande de brevet canadien, ainsi que l'évolution du dossier de la poursuite aux fins d'un avis d'allégation en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) relativement aux lettres patentes canadiennes 1 276 559 consignées au registre des brevets tenu, en vertu du Règlement, pour le médicament lisinopril/hydrochlorothiazide (l'avis d'allégation proposé).
2. Le paragraphe 11 de l'ordonnance de non-divulgation rendue dans la présente affaire, le 24 juillet 2000, est modifié de manière à autoriser Apotex à utiliser la demande 518 336 dans son avis d'allégation proposé.
3. Les dépens suivront l'issue de la cause.
« Richard Morneau »
Protonotaire
Traduction certifiée conforme
D. Laberge, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-2792-96
INTITULÉ : MERCK & CO., INC.
MERCK FROSST CANADA & CO.
SYNGENTA LIMITED
ASTRAZENECA UK LIMITED et
ASTRAZENECA CANADA INC.
c.
APOTEX INC.
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 29 NOVEMBRE 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE PROTONOTAIRE RICHARD MORNEAU
DATE DES MOTIFS : LE 9 DÉCEMBRE 2004
COMPARUTIONS :
Judith Robinson POUR LES DEMANDERESSES (DÉFENDERESSES DANS
Frédérique Amrouni LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE) MERCK & CO.,
INC. ET MERCK FROSST CANADA & CO.
Nancy P. Pei POUR LES DEMANDERESSES (DÉFENDERESSES DANS LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE (ASTRAZENECA UK LIMITED ET ASTRAZENECA CANADA INC.
Julie Rosenthal POUR LA DÉFENDERESSE (DEMANDERESSE DANS LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE)
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Ogilvy Renault POUR LES DEMANDERESSES (DÉFENDERESSES DANS
Montréal (Québec) LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE) MERCK & CO., INC. ET MERCK FROSST CANADA & CO.
Smart & Biggar POUR LES DEMANDERESSES (DÉFENDERESSES DANS
Toronto (Ontario) LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE (ASTRAZENECA UK LIMITED ET ASTRAZENECA CANADA INC.
Goodmans LLP POUR LA DÉFENDERESSE (DEMANDERESSE DANS LA
Toronto (Ontario) DEMANDE RECONVENTIONNELLE)