Date : 20030630
Dossier : IMM-589-02
Référence : 2003 CFPI 809
Ottawa (Ontario), le 30 juin 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY
ENTRE :
KANWAL KISHORE CHAUHAN
ET
RASHMI CHAUHAN
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] M. Kanwal Chauhan a présenté une demande de résidence permanente au Canada en tant que chef ou en tant que technologue en chimie appliquée. Son épouse, Rashmi, a également présenté une demande de résidence permanente au Canada. Elle a présenté sa demande en tant que comptable. La demande de Kanwal Chauhan a été rejetée parce qu'il n'a pas soumis suffisamment d'éléments de preuve à l'égard de son expérience dans l'une ou l'autre des catégories d'emploi pour lesquelles il a présenté une demande. La demande de Rashmi n'a jamais été traitée.
[2] Kanwal Chauhan prétend que l'agente des visas qui a évalué sa demande a commis des erreurs graves. Il réclame une nouvelle évaluation de sa demande par un autre agent des visas. M. et Mme Chauhan prétendent en outre que l'agente des visas a commis une erreur en omettant d'évaluer la demande de Rashmi.
I. Les questions en litige
[3] Il y a deux questions en litige dans la présente affaire. La première question est celle de savoir si l'agente des visas a commis une erreur grave dans l'évaluation de la demande de Kanwal Chauhan. La deuxième question est celle de savoir si l'omission de l'agente d'avoir évalué la demande de Rashmi Chauhan constitue une erreur.
A. L'évaluation de la demande de Kanwal Chauhan
[4] M. Chauhan conteste la conclusion de l'agente des visas selon laquelle il n'a pas réussi à démontrer qu'il avait une formation et de l'expérience en tant que chef (Classification nationale des professions 6241.3). L'agente des visas a mentionné que le demandeur était incapable de fournir des talons de chèque de paie ou des déclarations de revenu démontrant son expérience tout comme il était incapable de répondre à des questions à l'égard de ses fonctions précises en tant que chef. Les notes de l'entrevue consignées par l'agente des visas révèlent que le demandeur a principalement travaillé dans des établissements de restauration rapide, qu'il ne participait pas à la préparation des repas pour les banquets, qu'il ne supervisait pas les cuisiniers ou les employés de la cuisine et qu'il ne planifiait pas les menus. Lorsqu'on l'a questionné lors de l'entrevue à l'égard de son expérience, le demandeur a seulement répondu [TRADUCTION] « Vous devez simplement me croire » . M. Chauhan a soumis une lettre de son employeur (qui était en outre son beau-frère) qui attestait qu'il avait travaillé en tant que cuisinier dans trois restaurants. Cependant, l'agente des visas avait l'impression que la lettre, étant donné qu'elle provenait d'un parent, était une preuve intéressée.
[5] Il y avait peu d'éléments de preuve au soutien des compétences de M. Chauhan à l'égard de l'autre emploi dans lequel il avait présenté une demande, soit technologue en chimie appliquée (CNP 2211.1). L'évaluation défavorable faite par l'agente des visas n'a pas été réellement contestée devant la Cour.
[6] Après avoir examiné le dossier et la preuve dont l'agente des visas disposait, de même que la description officielle de la catégorie d'emploi de « chef » , je ne peux pas conclure qu'une erreur grave a été commise dans l'évaluation de la demande de résidence permanente de M. Chauhan.
B. L'omission d'avoir apprécié Mme Chauhan
[7] Le Règlement sur l'immigration de 1978 prévoit au paragraphe 8(1) qu'un agent des visas doit apprécier le demandeur ou, au choix du demandeur, le conjoint de ce dernier. Le demandeur doit, cependant, expressément demander que son conjoint soit apprécié (voir la décision Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1176 (QL) (1re inst.)). Dans la présente affaire, dans des lettres envoyées au consulat du Canada, l'avocat de M. et Mme Chauhan a expressément demandé que les deux demandeurs soient appréciés séparément et subsidiairement l'un à l'autre. Les frais exigés ont été dûment payés. Seul M. Chauhan a été invité à une entrevue et seule sa demande a été évaluée.
[8] L'agente des visas, quant à elle, affirme qu'elle savait que les demandeurs avaient demandé d'être appréciés séparément. Cependant, étant donné que seul M. Chauhan a été reçu en entrevue, elle l'a apprécié en tant que demandeur principal. Elle affirme qu'elle a l'habitude de toujours confirmer que la personne qu'elle reçoit en entrevue est le demandeur principal, mais ses notes ne mentionnent pas si c'est ce qu'elle a fait en l'espèce. M. Chauhan n'a pas soulevé à l'agente la question de la demande de son épouse.
[9] L'avocat du défendeur a renvoyé la Cour à de la jurisprudence dans laquelle il a été statué qu'un agent des visas n'a pas l'obligation d'apprécier les deux époux - seulement l'un ou l'autre - et qu'il incombe au demandeur de désigner lequel des époux doit être apprécié. En outre, l'agent des visas n'a pas l'obligation d'informer le demandeur du choix qu'il fait (voir à cet égard les décisions Nanji c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 792 (QL) (1re inst.), et Mozumder c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 327 (QL) (1re inst.)). Cependant, dans ces décisions précédemment mentionnées, un seul des époux avait effectivement présenté une demande. Les faits de la décision Patel, précédemment citée, se rapprochent plus des faits en l'espèce étant donné que les deux époux avaient présenté une demande. Toutefois, M. le juge Hugessen a conclu qu'il n'y avait pas d'obligation pour l'agent des visas d'évaluer la demande de l'épouse étant donné que le demandeur n'avait pas expressément demandé à l'agent de le faire. En outre, le juge Hugessen a déclaré que de toute façon l'épouse ne pouvait pas obtenir une réparation étant donné qu'elle n'était pas une partie à l'instance.
[10] Mme le juge Simpson a conclu de manière similaire dans la décision Behnam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 630, [2003] A.C.F. no 798, mais dans cette affaire il y avait clairement un seul demandeur principal.
[11] Selon les faits qui me sont soumis, je conclus que l'agente des visas a commis une erreur en omettant d'évaluer la demande de Rashmi Chauhan étant donné que M. et Mme Chauhan avaient expressément demandé que leurs demandes soient évaluées séparément et subsidiairement l'une à l'autre. Bien que M. Chauhan n'ait pas discuté de cette question lors de l'entrevue, la demande avait été faite par écrit à deux reprises et l'agente des visas savait qu'une telle demande avait été présentée.
[12] Contrairement à la décision Patel, Mme Chauhan est une partie à l'instance. Par conséquent, la réparation appropriée est qu'il soit ordonné que la demande qu'elle a présentée soit évaluée par un agent des visas conformément à la loi. L'avocat de M. et Mme Chauhan a demandé que la demande de Mme Chauhan soit évaluée suivant l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, et le Règlement sur l'immigration de 1978. Cependant, les règles transitoires prévues à l'article 190 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, et à l'article 350 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, exigent que la loi maintenant en vigueur s'applique lorsque l'on statue à nouveau sur des demandes.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE PAR LA PRÉSENTE :
1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie;
2. La demande de résidence permanente présentée par Rashmi Chauhan sera évaluée suivant la loi.
« James W. O'Reilly »
Juge
Traduction certifiée conforme
Danièle Laberge, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-589-02
INTITULÉ : KANWAL KISHORE CHAUHAN et RASHMI CHAUHAN
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET
DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE MERCREDI 25 JUIN 2003
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE O'REILLY
DATE DES MOTIFS : LE LUNDI 30 JUIN 2003
COMPARUTIONS :
Jaswant Singh Mangat POUR LES DEMANDEURS
Martin Anderson POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Jaswant Singh Mangat
Avocat
7420 Airport Road, bureau 202
Mississauga (Ontario) L4T 4E5 POUR LES DEMANDEURS
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada POUR LE DÉFENDEUR