Date : 19980605
Dossier : T-692-97
ENTRE :
AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,
L.R.C. (1985), ch. C-29.,
ET un appel interjeté de la décision
d'un juge de la citoyenneté,
ET
MAN YICK CHUNG,
appelant.
ORDONNANCE ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE JOYAL
[1] Dans cette affaire sur la citoyenneté, un juge de la cour de la citoyenneté avait jugé que l'appelant ne remplissait pas les conditions de résidence énoncées à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté et avait rejeté sa demande de citoyenneté canadienne.
[2] Dans l'appel interjeté devant moi, je me suis interrogé sur les longues absences de l'appelant du Canada et les périodes extrêmement brèves qu'il y a réellement passées pendant les quatre ans qui ont précédé sa demande de citoyenneté. Vu les éléments de preuve portés à ma connaissance, j'ai rejeté l'appel dans un jugement, daté du 15 décembre 1997, dans lequel j'énonce les motifs de ma décision.
[3] L'appelant demande à présent un nouvel examen de cette décision au motif que celle-ci n'était pas compatible avec les motifs que j'ai énoncés et que je n'ai pas tenu compte d'une affaire qui m'avait été présentée pendant l'audience.
[4] Le premier motif présenté pour l'obtention d'un nouvel examen est en relation avec mon obiter qui énonce :
Cela ne veut pas dire qu'il [l'appelant] ne peut obtenir la citoyenneté canadienne, ni que la citoyenneté canadienne dont jouissent actuellement sa femme et ses enfants ne lui permet pratiquement pas d'obtenir sa propre admission. |
Selon l'appelant, une telle déclaration dans le cadre du rejet de la demande d'appel qui y est interjeté n'est pas compatible avec les motifs susmentionnés.
[5] Eu égard à la décision dans son ensemble, j'estime que l'interprétation de l'avocat est sans fondement. Le fait que des membres de la famille de l'appelant soient déjà des citoyens canadiens lui permettra sûrement de passer plus de temps au Canada et, en fin de compte, l'aidera à remplir les conditions de résidence prévues par la loi. Cette conclusion s'inscrit certainement dans le cadre de la décision que j'ai rendue dans Hsu1 et abonde dans le sens des autres jugements de mes collègues de la Cour.2.
[6] En comparaison avec un requérant célibataire souhaitant obtenir la citoyenneté, ou avec quelqu'un dont la famille n'habite pas le Canada et qui n'a pas de liens émotifs avec ce pays, l'appelant a déjà un premier pas de fait. Ainsi, on peut s'attendre à ce qu'il soit motivé à passer plus de temps auprès de sa famille et à approfondir son intégration à la société canadienne ce qui, ajouté à de plus longues périodes de résidence au Canada, améliorera ses chances de succès.
[7] Le deuxième motif que l'avocat soulève est que je n'ai pas tenu compte, dans mes motifs, du fait que le juge de la citoyenneté avait, en rendant sa décision bien après 60 jours, enfreint le paragraphe 14(1) de la Loi sur la citoyenneté qui prévoit :
14.(1) Dans les soixante jours de sa saisine, le juge de la citoyenneté statue sur la conformité " avec les dispositions applicables en l'espèce de la présente loi et de ses règlements " des demandes déposées en vue de_: |
a) l'attribution de la citoyenneté, au titre du paragraphe 5(1); [...] |
De plus, le paragraphe 14(3) prévoit qu'en cas de rejet de la demande de citoyenneté, le juge de la citoyenneté en informe " sans délai " le demandeur.
[8] Étant donné qu'aucune transcription de l'audience n'est disponible en l'espèce, et même si je ne retrouve pas dans mes notes mention de cette question particulière, je présume, en toute honnêteté, que l'avocat de l'appelant a effectivement présenté l'affaire pendant ses observations.
[9] En l'espèce, le juge de la citoyenneté a clairement omis de se conformer à la Loi. Cependant, j'estime que les paragraphes 14(1) et 14(3) ressortent du droit procédural, et non du droit fondamental, tel que le droit à la citoyenneté canadienne3. Par hypothèse, l'appelant aurait pu demander une nouvelle audience devant un autre juge de la citoyenneté, ou il aurait pu demander que sa demande soit étudiée à l'expiration du délai obligatoire de 60 jours et avant que la cour de la citoyenneté ne rende sa décision.
[10] Compte tenu du fait qu'en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi un appel devant la Cour fédérale est un procès de novo, je suis d'avis de conclure que les droits de l'appelant ont été maintenus et que, bien que celui-ci n'ait pas été entendu par un membre de la cour de la citoyenneté, le recours par voie d'appel auprès de la Cour a autant de valeur.
[11] De plus, toute prétention selon laquelle un tribunal a rendu une décision orale qui ne correspond pas à celle dûment signée est sans effet. La loi est claire à ce sujet, la décision écrite a préséance.
ORDONNANCE
[12] En toute déférence, je suis d'avis qu'il n'y a rien dans le dossier ni dans les motifs de ma décision en l'espèce qui justifie un nouvel examen. Par conséquent, la demande est rejetée.
L-Marcel Joyal
JUGE
O T T A W A (Ontario)
Le 5 juin 1998.
Traduction certifiée conforme
Martine Brunet, LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : T-692-97
INTITULÉ DE LA CAUSE : Loi sur la citoyenneté et Man Yick Chung |
REQUÊTE ÉTUDIÉE PAR ÉCRIT SANS LA COMPARUTION DES PARTIES
ORDONNANCES ET MOTIFS DE L'ORDONNANCES PAR : Le juge Joyal
EN DATE DU : 5 juin 1998
ARGUMENTS ÉCRITS :
M. Sheldon M. Robins pour l'appelant
M. Peter K. Large amicus curiae
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
M. Sheldon M. Robins
Avocat
Toronto (Ontario) pour l'appelant
M. Peter K. Large
Avocat
Toronto (Ontario) amicus curiae
__________________1 Re. Hsu, [1994] 25 Imm.L.R. (2d) 251.
2 Leong c. Canada [1995], A.C.F. no 1540, le juge McKeown; Re. Chiu [1993], T-2035-93, le juge Pinard.