Date : 20030501
Dossier : IMM-3279-02
Référence neutre : 2003 CFPI 544
ENTRE :
DUMITRU TUDOR
MARIA TUDOR
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
[1] Cette demande de contrôle judiciaire vise à annuler le refus par la Section du statut de réfugié (le tribunal) le 11 juin 2002 d'une deuxième demande de reconnaissance comme réfugiés réclamée par les demandeurs, un couple de citoyenneté roumaine et de nationalité gitane.
[2] Leur première revendication fut rejetée le 19 mai 1999 au motif que leur crainte de persécution n'avait aucun lien avec leur nationalité gitane mais que monsieur Tudor a été victime de la vengeance et de la corruption de la part d'un individu, ex-ministre et chef de la police en Roumanie, le général Danescu.
[3] Les demandeurs retournent en Roumanie en septembre 1999 et la quitte en avril 2001.
[4] Étant à leur deuxième revendication, le tribunal applique les principes énoncés dans l'arrêt du juge Rothstein, alors juge de la division de première instance, dans l'arrêt Vasquez c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration) [1998] F.C.J. no 1769, qui, en application du principe de la chose jugée, restreint l'examen de la revendication aux nouveaux faits survenus après leur départ du Canada.
[5] Les nouveaux faits allégués par les demandeurs se résument à ceux-ci : (1) mauvais traitements par la police à l'aéroport qui a confisqué leurs passeports et que par la suite la police le SRI les ont interrogés, menacés et insultés; (2) prise d'une action par M. Tudor contre le neveu du général Danescu, devenu conseiller du ministre de l'intérieur, afin de récupérer la possession de son restaurant "Tudor's" à Bucarest; (3) en septembre 2000, il s'inscrit dans le parti gitan Partida Romilor; (4) en décembre 2000, menace de mort « si tu continues à déranger le général » ; (5) in février 2001, il est agressé par des individus inconnus qui lui disent « le général ne veut plus entendre ton nom » ; (6) conseil de son avocat que Danescu est une personne trop importante et qu'il devrait retirer son action contre son neveu. Il écrit dans son formulaire de renseignements personnels que son avocat « m'a dit qu'il avait peur de me représenter contre le général et de me chercher un autre avocat » .
[6] Les demandeurs déposent comme pièce P-7 une lettre en date du 4 mars 2002 écrite par l'avocat roumain des demandeurs à l'avocat canadien de ceux-ci.
[7] Le tribunal conclut :
(a) que les problèmes vécus par les défendeurs sont reliés à sa poursuite contre un parent de l'ex-ministre Danescu et qu'ils risquent d'être victime de la vengeance et de la corruption qui, selon la jurisprudence, ne constituent pas un des cinq motifs de la Convention.
(b) Les connaissances « très limitées de M. Tudor en ce qui concerne le Partida Romilor compromettent la crédibilité de son affirmation qu'il était membre du Partida Romilor et qu'il a été persécuté en raison de ses activités reliés à sa nationalité » .
(c) avec le changement de gouvernement en décembre 2000, le tribunal croit qu'il pourrait bénéficier de la protection des proches du pouvoir dans le gouvernement Iliesecu.
[8] À mon avis, la conclusion du tribunal que le témoignage de M. Tudor reflète un manque de crédibilité générale doit être écartée pour trois motifs : (1) le tribunal a mal apprécié la preuve quant à la pièce P-7. Le tribunal conclut que M. Tudor a indiqué à son avocat roumain « quoi écrire » dans sa lettre et pour cette raison ne lui accorde aucune valeur probante. L'analyse du témoignage de M. Tudor n'appuie aucunement cette conclusion; (2) cependant, le tribunal s'inspire de la pièce P-7 pour déterminer « à la lecture de la lettre, le tribunal est d'avis que le revendicateur risque d'être victime de la vengeance et de la corruption de la part de Danescu et (3) d'après Hilo c. Ministre de l'emploi et de la citoyenneté [1991] 130 N.R. (C.A.F.), le tribunal doit tirer une conclusion d'absence de crédibilité en termes « clairs et sans ambiguïtés » . Les motifs du tribunal ne rencontrent pas cette exigence.
[9] Cependant, la jurisprudence est à l'effet « que cette Cour peut confirmer la décision de la Section du statut, malgré les erreurs commises par le tribunal si « aucun tribunal correctement instruit ... n'aurait pu parvenir à une conclusion différente » . (Voir Ramirez c. Canada [1992] 2 C.F. 306 (C.A.F.) aux pages 323 et 324 ainsi que Sivakumar c. Canada [1994] 1 C.F. 433 (C.A.F.) à la page 449.)
[10] À mon avis, c'est le cas en l'espèce. Advenant qu'un tribunal accepte le témoignage et la preuve des demandeurs comme étant digne de foi, ils ne peuvent être reconnus comme réfugiés au sens de la Convention parce que la source de leur persécution est étrangère aux cinq motifs de la Convention.
[11] Le formulaire de renseignements personnels de M. Tudor ne laisse planer aucun doute sur ce point. Tous ses problèmes depuis son retour en 1999 sont reliés à M. Danescu.
[12] Selon moi, la toile de fond est la même que la mise en scène de sa première revendication.
[13] La première revendication des demandeurs a été rejetée au motif que la vengeance personnelle n'était pas reliée à la Convention, le tribunal s'appuyant sur la décision du juge Tremblay-Lamer dans Marincas c. Canada (Ministre de l'emploi et de l'immigration) [1994] A.C.F. no 1254; voir aussi Pierre Louis c. Canada (Ministre de l'emploi et de l'immigration) [1993] A.C.F. no 420 où le juge Décary écrit « il est manifeste, à la lecture du dossier, ... la crainte qu'entretenaient les appelants l'était à l'égard d'un policier qui cherchait tout au plus à se venger personnellement d'un affront que les appelants lui avaient fait subir. Il n'y a pas là crainte de persécution. »
[14] Pour ces motifs, cette demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question certifiée n'a été proposée.
« François Lemieux »
juge
Montréal (Québec)
Le 1er mai 2003
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Date : 20030501
Dossier : IMM-3279-02
Entre :
DUMITRU TUDOR
MARIA TUDOR
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3279-02
INTITULÉ : DUMITRU TUDOR
MARIA TUDOR
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 29 avril 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : L'HONORABLE JUGE LEMIEUX
DATE DES MOTIFS : Le 1er mai 2003
COMPARUTIONS:
Me Alain Joffe POUR LES DEMANDEURS
Me Suzon Létourneau POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Me Alain Joffe POUR LES DEMANDEURS
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec)