Date : 20200416
Dossier : IMM-2471-19
Référence : 2020 CF 523
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), 16 avril 2020
En présence de madame la juge McDonald
ENTRE :
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XIAOXUE GUO
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demanderesse
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et
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LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1]
La demanderesse, Mme Guo, est une citoyenne de la Chine qui sollicite le contrôle judiciaire du refus de sa demande de report de renvoi du Canada. Elle a réussi à obtenir de la Cour un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi en attendant que soit examinée la présente demande de contrôle judiciaire.
[2]
Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée car la décision de l’agent d’exécution (l’agent d’exécution ou l’agent) est raisonnable lorsqu’elle est évaluée par rapport à la nature indéterminée de la demande de report de la demanderesse et au pouvoir discrétionnaire limité de l’agent.
Contexte pertinent
[3]
La demanderesse est arrivée au Canada en août 2013 avec un visa de visiteur qui était valide jusqu’en février 2014. La demande de prolongation de son statut de visiteur a été rejetée, mais elle n’a pas quitté le Canada.
[4]
Le 21 novembre 2017, la demanderesse a été frappée d’une mesure d’exclusion, mais elle s’est vu accorder un report de renvoi de 60 jours afin de pouvoir présenter une demande de résidence permanente parrainée par son époux. Les deux demandes de résidence permanente au titre de la catégorie des époux que la demanderesse a présentées lui ont été retournées car elles étaient incomplètes.
[5]
La demanderesse a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi, laquelle a été rejetée le 6 février 2019, et elle a été informée que la mesure de renvoi dont elle faisait l’objet était en vigueur et qu’elle devait préparer son départ du Canada. La demanderesse a également été informée que, si elle avait l’intention de prendre avec elle sa fille née au Canada, elle devrait obtenir un visa pour la Chine pour sa fille.
[6]
La demanderesse a présenté son billet d’avion pour la Chine le 18 avril 2019, ainsi qu’un visa, qui était valide du 8 novembre 2017 au 8 novembre 2019, pour son enfant. Le 5 avril 2019, la demanderesse a présenté une demande de report de son renvoi; sa demande de report de renvoi a été rejetée le 16 avril 2019. Le refus de la demande de report du renvoi est l’objet du présent contrôle judiciaire.
[7]
La demanderesse n’a pas été renvoyée du Canada puisqu’elle a réussi à obtenir de la Cour un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi.
Décision faisant l’objet du contrôle
[8]
L’agent a noté les motifs pour lesquels la demanderesse voulait rester au Canada : elle présentait une demande de permis de séjour temporaire (PST); elle a prévu de présenter une demande au titre de la catégorie des époux; elle a des affaires en cours relevant du droit de la famille; son époux a besoin de temps pour régler ses dettes; et il était dans l’intérêt supérieur de sa fille de rester au Canada.
[9]
L’agent a établi qu’aucun élément de preuve ne montrait qu’une décision relative à une demande au titre de la catégorie des époux était imminente et que la demanderesse avait eu amplement le temps de présenter une demande de PST, mais ne l’avait pas fait. L’agent a en outre noté que, même si la demanderesse avait présenté une demande de PST, cela ne constituerait pas un obstacle au renvoi. L’agent a également établi que la demanderesse avait eu le temps de régler la question de la garde de sa fille avant son renvoi et que son explication sur la raison pour laquelle elle n’a pas pu le faire était insuffisante.
[10]
En ce qui concerne l’intérêt supérieur de l’enfant, l’agent a estimé que, même si la fille de la demanderesse était séparée de son père, elle resterait sous la garde de sa mère et que cela [traduction] « adoucirait la période d’adaptation »
. L’agent a en outre noté que, comme la fille de la demanderesse est jeune, elle s’adapterait naturellement et avec facilité à sa nouvelle situation. L’agent affirme que la fille de la demanderesse pourrait obtenir la citoyenneté chinoise par l’intermédiaire de sa mère, même si elle est Canadienne.
Questions en litige
[11]
La demanderesse soulève deux questions concernant la décision de l’agent :
1) La demanderesse était-elle [traduction]
« prête à être renvoyée »
?2) L’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant était-elle raisonnable?
Norme de contrôle
[12]
Il y a une présomption réfutable selon laquelle la norme de la décision raisonnable s’applique à l’examen sur le fond des décisions administratives (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, au par. 23 [Vavilov]).
[13]
Une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti »
(Vavilov, au par. 85). Les décisions doivent être justifiables et justifiées au moyen de motifs; « […] un résultat par ailleurs raisonnable ne saurait être tenu pour valide s’il repose sur un fondement erroné »
(Vavilov, au par. 86).
Analyse
1)
La demanderesse était-elle « prête à être renvoyée »?
[14]
La demanderesse affirme que la conclusion de l’agent selon laquelle elle était « prête à être renvoyée »
est déraisonnable et non conforme au libellé du guide opérationnel. Elle soutient qu’elle a présenté deux fois une demande de résidence permanente par l’intermédiaire du programme de parrainage des époux, et qu’elle devrait par conséquent bénéficier d’un sursis administratif à l’exécution du renvoi comme le prévoit la politique.
[15]
La politique sur laquelle s’est appuyée la demanderesse énonce ce qui suit :
[…] au moment où le demandeur se présente à une entrevue préalable au renvoi, il est habituellement prêt au renvoi. Cela signifie qu’un client qui a été convoqué à une entrevue préalable au renvoi d’une façon ou d’une autre (lettre, appel, etc.) et qui n’a pas encore présenté une demande CH en tant qu’époux ou à titre de membre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada ne peut pas, à partir du moment où il a été convoqué à l’entrevue, bénéficier de la suspension administrative du renvoi décrite dans la présente Politique d’intérêt public, sauf dans les circonstances limitées énoncées ci‑dessous […]
[16]
Les arguments avancés par la demanderesse à cet égard sont irréfléchis. Au moment où la demanderesse a présenté sa demande de report, il n’y avait aucune demande en instance et, par conséquent, aucune décision imminente en suspens. Les deux demandes qui ont été rejetées ne peuvent pas être qualifiées de demandes en cours.
[17]
Le fait que la demanderesse a présenté une troisième demande de parrainage d’époux ne joue pas en sa faveur. Le juge en chef Crampton a noté ce qui suit dans la décision Forde c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 1029 [Forde], au par. 40 :
Permettre à une personne d’éviter le renvoi du Canada par le dépôt d’une demande de parrainage de conjoint ou d’une demande CH peu de temps avant le renvoi prévu, ou même bien longtemps après avoir été avisée qu’elle fait l’objet d’un renvoi, serait contraire aux principes énoncés dans l’arrêt Lewis et dans la jurisprudence qui est y est citée. Selon cette jurisprudence, l’agent de renvoi n’a pas le droit de reporter le renvoi lorsqu’il est peu probable qu’une décision concernant une demande en instance soit imminente […]
[18]
Étant donné qu’il n’y a aucune demande en cours, la demanderesse a par conséquent cherché à obtenir un report de son renvoi pour une période indéterminée et une telle demande « dépassait la portée du pouvoir discrétionnaire de l’agent »
(Forde, au par. 42).
2)
L’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant était-elle raisonnable?
[19]
La demanderesse affirme que l’agent a formulé des hypothèses et a laissé de côté certains faits concernant sa fille née au Canada. Elle souligne que l’agent a supposé que l’enfant irait avec elle en Chine, mais que cette conclusion n’avait aucun fondement. La demanderesse affirme également que l’agent a formulé des hypothèses sur la question de la garde de l’enfant.
[20]
Selon moi, les arguments de la demanderesse à cet égard n’ont aucun fondement. Toute déclaration hypothétique faite par l’agent découle des informations contradictoires et incomplètes fournies par la demanderesse. L’agent a noté que la demanderesse n’a demandé la garde que peu de temps avant la date de son renvoi et qu’elle a fourni [traduction] « une explication insuffisante »
concernant le moment auquel elle a présenté la demande de la garde. La conclusion de l’agent était raisonnable. De plus, puisque la demanderesse a obtenu un visa pour sa fille le 8 novembre 2017 et a présenté ce document à l’agent d’exécution, il était raisonnable que l’agent suppose que la fille de la demanderesse voyagerait avec elle.
[21]
La demanderesse souligne également que sa fille a une maladie de la peau qui s’aggravera si elle doit aller en Chine. La demanderesse a présenté un billet du médecin indiquant qu’elle doit donner un bain à sa fille et lui appliquer une crème, et que le stress d’un changement de son environnement aggraverait l’éruption cutanée.
[22]
Dans l’arrêt Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130, au par. 55 [Lewis], la Cour d’appel fédérale a réitéré que le pouvoir discrétionnaire de l’agent au regard des demandes de report est fort restreint, mais que l’agent peut tenir compte de « facteurs comme la maladie, d’autres raisons à l’encontre du voyage et les demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire qui ont été présentées en temps opportun et qui n’ont pas encore été réglées à cause de l’arriéré auquel le système fait face »
. De plus, la Cour a affirmé que les agents d’exécution peuvent examiner l’intérêt supérieur à court terme des enfants lorsque leurs parents font l’objet d’un renvoi du Canada, mais qu’ils ne peuvent se livrer à une véritable analyse qui constituerait une demande [traduction] « préalable CH »
pour déterminer l’intérêt supérieur à long terme de l’enfant (Lewis, aux par. 59-61).
[23]
Selon moi, les motifs de la demande de report du renvoi de la demanderesse ne sont pas exceptionnels et ne justifient pas l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’agent. Le pouvoir discrétionnaire dont dispose un agent d’exécution en matière de report d’une mesure de renvoi « […] est réservé à un renvoi à court terme dans des cas ‘où le défaut de le faire exposerait le demandeur à un risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain’ »
(Forde, au par. 36). Étant donné le mandat limité de l’agent d’exécution concernant l’intérêt supérieur de l’enfant, il est évident que l’aggravation d’une éruption cutanée n’est pas un problème de santé qui justifierait un report du renvoi. Selon l’information versée au dossier, le problème de santé semble mineur, et le traitement ne semble pas nécessiter des médicaments sur ordonnance. Le traitement consiste à appliquer [traduction] « une crème ordinaire »
et à prendre des bains régulièrement. Par conséquent, le risque auquel est exposée la fille de la demanderesse semble minimal.
[24]
Dans les circonstances, et compte tenu du pouvoir discrétionnaire limité de l’agent, la conclusion de l’agent sur l’intérêt supérieur de l’enfant est raisonnable.
[25]
Le présent contrôle judiciaire est rejeté. Il n’y a aucune question à certifier.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-2471-19
LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.
« Ann Marie McDonald »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 12e jour de juin 2020.
Caroline Tardif, traductrice
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-2471-19
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INTITULÉ :
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XIAOXUE GUO c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TORONTO (ONTARIO)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 30 JANVIER 2020
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE MCDONALD
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DATE DES MOTIFS :
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le 16 AVRIL 2020
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COMPARUTIONS :
Peter Lulic
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pour la demanderesse
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Laoura Christodoulides
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Peter Lulic
Avocat
Toronto (Ontario)
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pour la demanderesse
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Procureur général du Canada
Ministère de la Justice
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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