Date : 20010220
Dossier : IMM-3215-00
Référence neutre : 2001 CFPI 101
ENTRE :
MARIAN STANCULESCU
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE CAMPBELL
[1] En l'espèce, le demandeur est un Rom de Roumanie qui affirme craindre avec raison d'être persécuté par les autorités étatiques. La SSR a rejeté la revendication du statut de réfugié du demandeur après avoir tiré les conclusions suivantes :
[Traduction] La preuve documentaire [Pièce R-2, Country Reports on Human Rights Practices for 1999, U.S. Department of State, février 2000, à la page 16] traite de la discrimination contre les minorités nationales, raciales et ethniques. Elle affirme notamment que « Aucun cas de violence motivée par l'origine ethnique et dirigée contre les Rom n'a été signalé. » Le tribunal conclut que le fait d'être Rom n'étaye pas en soi une revendication du statut de réfugié au sens de la Convention. Le demandeur n'a pas produit une preuve crédible suffisante justifiant la conclusion qu'il est un réfugié au sens de la Convention. Le tribunal ne dispose pas d'une preuve crédible suffisante qui révélerait qu'il existe plus qu'une possibilité raisonnable qu'il sera persécuté s‘il retourne en Roumanie aujourd'hui.[1]
Je conclus que cette affirmation, lue en tenant compte de l'ensemble de la décision, révèle trois erreurs ouvrant droit au contrôle judiciaire.
[2] Premièrement, la « preuve documentaire » citée est une phrase tirée du paragraphe suivant :
[Traduction] La population rom, que les estimations officielles du gouvernement chiffrent à 400 000, atteindrait, selon la Commission européenne, de 1,1 à 1,5 million. Aucun cas de violence motivée par l'origine ethnique et dirigée contre les Rom n'a été signalé [au Département de la protection des minorités nationales].[2] Toutefois, des groupes rom se plaignent d'incidents quotidiens de brutalité policière, de préjugés et de harcèlement racial à l'échelle locale. Bien que les personnes impliquées dans les incidents survenus en 1993 à Hadareni, lors desquels trois personnes sont mortes dans l'incendie d'une maison, aient été condamnées à des peines d'emprisonnement en 1998, les décisions judiciaires ne sont pas encore définitives en raison des appels interjetés. Le quotidien roumain Ziua annonçait le 7 septembre que le Bureau du fonds de sécurité sociale et de santé de Lasi a banni de l'hôpital du comté de Lasi les Rom qui n'ont pas les moyens de payer leur traitement médical et ne peuvent prouver qu'ils bénéficient du régime d'assurance-santé de l'État. Un ONG, Liga Pro Europa, a envoyé une lettre faisant état de ses inquiétudes au Département de la protection des minorités nationales le 2 septembre. En réponse, le Département a ouvert une enquête le 7 octobre et demandé au ministère de la Santé de faire de même. Le 29 novembre, le bannissement était toujours en vigueur. Certaines mesures avaient été prises en vue d'établir un cadre institutionnel pour améliorer la situation des Rom, mais en pratique, bien peu de progrès avait été fait. Le Département de la protection des minorités nationales et un groupe de travail d'associations rom mis sur pied par la communauté rom ont signé une entente visant l'élaboration d'une stratégie pour la protection de la communauté rom. Entre temps, la population rom continue à être victime de discrimination sociale.
[non souligné dans l'original]
[3] Selon moi, la phrase citée prouve seulement qu'aucun rapport d'acte de violence motivée par l'origine ethnique et dirigée contre les Rom n'a été présenté au Département de la protection des minorités nationales pendant une période donnée. Le reste du paragraphe prouve que la discrimination contre les Rom existe en Roumanie, qu'elle soit signalée ou non. De plus, je conclus que le dossier présenté à la SSR contient une abondante preuve documentaire qui étaye ce fait.
[4] Il semble que la SSR a cité cette phrase dans sa décision dans le but de minimiser l'importance de la discrimination ethnique dirigée contre les Rom en Roumanie. Comme elle est prise vraiment hors contexte et, partant, trompeuse, je conclus que cette affirmation est contraire à la preuve versée au dossier.
[5] Deuxièmement, les parties conviennent que le demandeur a le fardeau de prouver qu'il existe une possibilité raisonnable qu'il soit persécuté du fait d'un motif prévu par la Convention s'il retourne en Roumanie. Toutefois, la SSR décrit ce fardeau comme plus exigeant qu'il ne l'est et commet ainsi une erreur de droit.
[6] Troisièmement, les parties conviennent que les conclusions défavorables concernant la crédibilité doivent être motivées. En l'espèce, la SSR n'a pas fourni de motifs à l'appui de ses conclusions importantes selon lesquelles elle ne croyait pas la preuve du demandeur.
ORDONNANCE
En conséquence, j'annule la décision de la SSR et je renvoie l'affaire à un tribunal différemment constitué pour réexamen.
« Douglas R. Campbell »
JUGE
Calgary (Alberta)
20 février 2001
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Date : 20010220
Dossier : IMM-3215-00
ENTRE :
MARIAN STANCULESCU
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3215-00
INTITULÉ DE LA CAUSE : Marian Stanculescu c. Le ministre de la
Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE : CALGARY (Alberta)
DATE DE L'AUDIENCE : 19 février 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE CAMPBELL
EN DATE DU : 20 février 2001
ONT COMPARU :
Me D. Jean Munn POUR LE DEMANDEUR
Me Brad Hardstaff POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Caron & Partners POUR LE DEMANDEUR
Calgary (Alberta)
Morris A. Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ottawa, Ontario