Date : 20000126
Dossier : IMM-657-99
ENTRE :
XIAO WEI ZHANG
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE MULDOON
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée en application de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale L.C. 1990, par laquelle la demanderesse conteste la décision d'un agent des visas prise le 15 janvier 1999 aux termes de laquelle il a rejeté la demanderesse comme consultante en gestion dans la catégorie des travailleurs autonomes. La demanderesse demande la délivrance d'une ordonnance de certiorari qui casserait la décision de l'agent des visas; elle demande en outre la délivrance d'une ordonnance de mandamus qui ordonnerait au défendeur ou bien de traiter favorablement sa demande de résidence permanente ou de renvoyer l'affaire à un autre agent pour qu'il procède à un nouvel examen en exerçant le pouvoir discrétionnaire que la Cour estime juste.
Les faits
[2] La demanderesse, Xiao Wei Zhang, est citoyenne de la République populaire de Chine et présentement mariée à un ingénieur. Elle a présenté une demande de résidence permanente en date du 3 mars 1998 dans la catégorie des travailleurs autonomes en qualité de consultante en gestion. Deux excellentes lettres de recommandation de son employeur actuel et de son employeur précédent sont jointes à la demande, mais elles donnent peu de détails sur ses six années de travail. Elle a obtenu une entrevue qui s'est déroulée au Consulat général du Canada à Hong Kong le 14 janvier 1999.
[3] La demande de résidence permanente de la demanderesse a été rejetée par lettre datée du 15 janvier 1999. L'agent des visas, le vice-consul Donald Barr, a notamment conclu que la demanderesse ne possédait ni les études exigées ni la moindre expérience comme consultante en gestion.
[4] L'agent des visas a conclu que la demanderesse ne possédait pas l'expérience requise des consultants en gestion aux termes de l'article 1122.1 de la CNP. Elle a obtenu un total de 65 points d'appréciation répartis comme suit :
Âge 10
Facteur professionnel 03
Études et formation 15
Expérience 00
Emploi réservé 00
Facteur démographique 08
Études 15
Connaissance de l'anglais 08
Connaissance du français 00
Personnalité 06
[5] La demanderesse prétend que l'agent des visas a commis une erreur en interprétant l'expression « est habituellement exigé » utilisée dans la CNP et en concluant que la demanderesse ne répondait pas aux exigences d'un poste de consultante en gestion. L'article 1122.1 de la CNP (consultants et consultantes en gestion) prévoit qu'il est « habituellement exigé » des consultants en gestion qu'ils détiennent un baccalauréat ou un diplôme d'études collégiales en gestion des affaires ou en commerce. La demanderesse souligne que, dans son introduction, la CNP définit l'expression « est habituellement exigé » comme voulant dire quelque chose qui n'est pas toujours exigé par les employeurs et que l'exigence relative à l'emploi et à la formation n'est donc pas obligatoire. Elle soutient par conséquent que l'agent des visas a interprété les exigences de la CNP de façon trop restrictive.
[6] La demanderesse soutient en outre que l'agent des visas a commis une erreur en concluant que les responsabilités de son poste actuel n'étaient pas inhérentes à celles d'une consultante en gestion. Elle prétend que l'agent des visas n'a pas tenu compte des éléments de preuve documentaire qu'elle lui avait fournis (lettres de recommandation concernant son emploi actuel et son emploi précédent et décrivant ses fonctions principales). Elle affirme qu'à part s'être enquis du nombre d'employés que comptait la compagnie pour laquelle elle travaillait et de documents de nature financière, l'agent des visas ne lui a pas posé de question sur les fonctions principales d'une consultante en gestion.
[7] Elle soutient également que l'agent des visas a commis une erreur en évaluant le facteur « personnalité » en application de l'article 8 du Règlement sur l'immigration. L'agent des visas a affirmé, dans son affidavit, qu'après avoir noté que la moyenne des points accordés en appréciation du facteur personnalité était de quatre, il a accordé six points à la demanderesse. La demanderesse soutient donc que l'agent des visas [TRADUCTION] « a lié l'exercice de son pouvoir discrétionnaire à une présomption initiale selon laquelle à ce chapitre, tout le monde obtient une note inférieure à la note de passage, commettant par le fait même une erreur de droit » .
[8] Le défendeur soutient que l'agent des visas a correctement évalué la demanderesse puisqu'il a suivi l'Annexe I du Règlement sur l'immigration (en particulier, les points 3 et 4 concernant l'expérience et le facteur professionnel). Le défendeur soutient qu'il est clair, à la lumière des éléments de preuve (affidavits de la demanderesse et de l'agent des visas), que la demanderesse n'a pas exercé un grand nombre des fonctions d'une consultante en gestion telles que les décrit la CNP.
[9] Le défendeur soumet en outre qu'il est énoncé dans l'introduction de la CNP (à la p. 22) que « habituellement exigé » signifie « exigé » . Il soutient que l'agent des visas a eu raison de ne pas attribuer de points au chapitre de l'expérience étant donné que la demanderesse ne possédait pas de baccalauréat ou de diplôme d'études collégiales en gestion des affaires ou en commerce, ce qui est « habituellement exigé » .
[10] Il soutient que, contrairement à ce que la demanderesse a prétendu, l'agent des visas a bel et bien posé des questions sur les principales fonctions exercées par la demanderesse en qualité de consultante en gestion. En fait, l'affidavit de l'agent des visas montre qu'il a interrogé la demanderesse sur ses fonctions au sein de la société et qu'il lui a donné l'occasion de fournir des éléments de preuve sur son expérience. Le défendeur soutient que cet affidavit devrait être préféré à celui de la demanderesse. L'agent des visas a fondé sa décision sur les notes qu'il avait prises lors de l'entrevue tandis que la demanderesse a fait son affidavit sans l'aide de notes et deux mois après l'entrevue. Il soutient en outre qu'il est bien établi en droit qu'il faut supposer que l'agent des visas a tenu compte de tous les éléments de preuve pertinents dont il disposait. Il fait remarquer que les notes STIDI font état des lettres de recommandation de la demanderesse.
[11] Le défendeur soutient finalement que l'agent des visas n'a pas commis d'erreur en attribuant six points à la demanderesse au chapitre de la personnalité. Il note que pour ce même facteur la demanderesse s'en est elle-même attribué sept. Quoi qu'il en soit, on peut se demander pourquoi l'agent des visas a, de son propre chef, soulevé ici la question de sa « générosité » . Le défendeur allègue que le fait d'attribuer des points d'appréciation pour la personnalité est un pouvoir discrétionnaire et que la Cour ne devrait pas renverser la décision qui n'est pas entachée d'une erreur apparente au vu du dossier ou d'un manquement aux règles d'équité procédurale. Le défendeur s'en remet à Hanna c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (IMM-1908-96, 17 janvier 1997) (C.F. 1re inst.). La jurisprudence invoquée par le défendeur convainc la Cour.
[12] L'attribution de points pour la personnalité constitue une conclusion de fait qui exige d'un agent des visas qu'il évalue, en partie, le type de facteurs intangibles qu'un juge ne percevrait pas aisément lors d'un contrôle judiciaire. Ce n'est par conséquent qu'avec la plus grande prudence que la Cour va renverser de telles décisions. Le fait qu'un agent des visas se soit basé sur une moyenne pour évaluer la personnalité de la demanderesse ne peut être invoqué pour que la Cour intervienne. Cela n'équivaut pas non plus à entraver le pouvoir discrétionnaire de l'agent. Cela montre plutôt un agent des visas qui essaie d'attribuer un nombre de points en tenant compte de ceux attribués aux demandeurs antérieurs, ce qui, à tout le moins, garantirait une certaine constance dans ses décisions.
[13] La demanderesse a allégué que l'agent des visas n'avait pas tenu compte des lettres de recommandation qu'elle a fournies. Les notes STIDI font toutefois une brève référence à ce que ses employeurs pensent de son travail. Dans Chang Wen Hsu c. M.C.I. (IMM-3849-98 (21 avril 1999)), on a confirmé que « en l'absence d'erreur manifeste, il faut supposer que l'agente a tenu compte de tous les éléments de preuve pertinents dont elle disposait. Le fait que ces notes n'indiquent pas expressément qu'elle a examiné tous les documents ne constitue pas en soi une erreur. »
[14] La demanderesse soutient en outre que l'agent des visas ne lui a pas posé de question sur les principales fonctions d'une consultante en gestion. Les notes STIDI de l'agent des visas et son affidavit montrent qu'il a demandé à la demanderesse de décrire l'entreprise de son employeur et le rôle qu'elle y a joué; il lui a également demandé de fournir des détails sur la nature de son travail. Selon les notes STIDI, la demanderesse a répondu que ses fonctions consistaient à conseiller son gestionnaire sur la promotion des ventes et la négociation des contrats. Les conseils donnés étaient de l'ordre suivant : dire à son patron « de faire preuve de prudence, de ne pas se montrer trop pressé et d'effectuer des études avant de prendre des décisions » . L'agent des visas a confirmé dans son affidavit que la demanderesse avait eu largement le temps et l'occasion de fournir des renseignements sur son expérience ou sa demande. Il semble donc que la demanderesse ait eu l'occasion d'expliquer en quoi consistaient ses fonctions ainsi que son expérience de travail; toutefois, l'agent des visas en est venu à la conclusion qu'elle n'avait pas exécuté un nombre suffisant des fonctions décrites au no 1122.1 de la CNP. Étant donné la preuve, cette décision était raisonnable.
[15] La demanderesse conteste également le fait d'avoir obtenu six points au chapitre de la personnalité. Les notes STIDI contiennent l'énoncé suivant : [TRADUCTION] « Ses employeurs l'ont décrite comme quelqu'un de motivé et de capable et j'en suis venu à la même conclusion lors de l'entrevue. » La Cour a statué dans Ahmed c. M.C.I. (IMM-2600-96 (16 janvier 1998)), qu'il n'incombe pas à la Cour « de mettre en question les conclusions de l'agente des visas » . Il n'existe aucun élément de preuve selon lequel l'agent des visas aurait mal évalué la preuve concernant la personnalité de la demanderesse.
[16] La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[17] Aucune des parties ne se voit adjuger de dépens; l'une et l'autre étaient bien représentées.
« F. C. Muldoon »
J.C.F.C.
Vancouver (Colombie-Britannique)
Le 26 janvier 2000
Traduction certifiée conforme
Suzanne Gauthier, LL.L., Trad. a.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Avocats inscrits au dossier
DOSSIER DE LA COUR No : IMM-657-99
INTITULÉ DE LA CAUSE : Xiao Wei Zhang
c.
MCI
LIEU DE L'AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L'AUDIENCE : le 25 janvier 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
PRONONCÉS PAR : LE JUGE MULDOON
EN DATE DU : 26 janvier 2000
ONT COMPARU : M. Dennis Tanack
pour la demanderesse
M. Victor A. Caux
pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER M. Dennis Tanack
Avocat
Vancouver (C.B.)
pour la demanderesse
M. Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
pour le défendeur