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Date : 20050729

Dossiers : IMM-8484-04

IMM-8485-04

Référence : 2005 CF 1045

ENTRE :

BILESH BANDUKA PANAGALA LIYANAGE

PRIYANKA SHYAMANI PANABOKKA

WATHUDURA ERANDI RANJANA DE SILVA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF LUTFY

[1]         Les présents motifs concernent deux demandes de contrôle judiciaire, déposées par les mêmes demandeurs, qui contestent une décision défavorable en matière d'évaluation des risques avant renvoi (ERAR), rendue en application des articles 112 et suivants de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), dans le dossier numéro IMM-8484-04, et une décision défavorable en matière de considérations humanitaires, rendue en vertu de l'article 25 de la LIPR, dans le dossier IMM-8485-04. Les deux décisions ont été signées le même jour par la même agente d'immigration. Les dossiers n'ont pas été réunis comme le prévoit l'article 105 des Règles des Cours fédérales, mais ils ont été mis au rôle pour audition le 28 juin 2005, l'un immédiatement après l'autre. Les présents motifs vaudront pour les deux instances.

Les faits

[2]         Bilesh Banduka Panagala Liyange et Priyanka Shymani Panabokka sont des ressortissants sri-lankais mariés l'un avec l'autre. C'est le second mariage de Mme Panabokka. La troisième demanderesse, Wathudura Erandi Ranjana de Silva, est née au Sri Lanka du premier mariage de Mme Panabokka. Comme les faits intéressant les présentes instances concernent principalement Mme Panabokka, elle sera, par commodité, désignée sous l'appellation « la demanderesse » tout au long des présents motifs.

[3]         En 1994, la demanderesse a épousé Wathudura Janaki Kumudulal de Silva, fils d'une famille sri-lankaise riche et influente. Ce n'était pas un mariage arrangé. La fille du couple est née en février 1996.

[4]         La famille de Silva était propriétaire d'un certain nombre d'entreprises au Sri Lanka, notamment un atelier de joaillerie, une entreprise de pierres précieuses, une mine de pierres précieuses et une plantation de canneliers.

[5]         La famille de Silva n'a jamais accepté le mariage du fils avec la demanderesse.

[6]         Le 21 juillet 1999, la demanderesse s'est plainte à la police que des membres de la famille de Silva ne cessaient pas de la harceler parce qu'ils étaient mécontents du mariage.

[7]         Le 11 mai 2000, semble-t-il après des pressions familiales incessantes pour qu'il divorce de la demanderesse, M. de Silva s'est suicidé.

[8]         Le 18 mai 2000, la demanderesse déposait une plainte auprès de la police, affirmant que la famille de son mari décédé la menaçait de sévices corporels et de mort pour la forcer à quitter le domicile familial et le village où il était situé. La demanderesse a aussi informé les autorités policières que, en raison desdites menaces, elle avait recruté deux gardiens de sécurité pour qu'ils protègent son domicile.

[9]         Le 20 juillet 2000, la demanderesse déposait auprès des autorités policières une autre plainte dans laquelle elle affirmait que deux membres de la famille avaient vu une personne quitter le domaine familial en courant, semble-t-il après avoir tenté d'accéder au domicile par une fenêtre, en utilisant une échelle.

[10]       Le 27 août 2000, un coroner certifiait que le décès de M. de Silva était dû à un suicide par pendaison.

[11]       En mai 2001, après un procès civil acrimonieux, la cour de district de Galle accordait à la demanderesse l'intégralité des biens de son mari décédé. La demanderesse dit que, tout au long de ce procès, elle a été harcelée, menacée et victime de vandalisme.

[12]       Le 16 octobre 2001, la demanderesse épousait son mari actuel, Bilesh Banduka Panagala Liyanage, un banquier qui s'occupait de gérer la succession de son premier mari.

[13]       Le 6 décembre 2001, alors que la demanderesse et son nouveau mari étaient en voyage en Allemagne, un mandat d'arrêt a été lancé au Sri Lanka contre la demanderesse.

[14]       Le 11 décembre 2001, alors qu'elle était à Vancouver, la demanderesse fut informée par des proches au Sri Lanka qu'un mandat d'arrêt avait été lancé contre elle.

[15]       Le 18 janvier 2002, les demandeurs revendiquaient le statut de réfugié au sens de la Convention en invoquant leurs opinions politiques et leur appartenance à un groupe social.

[16]       Le 20 juin 2002, l'avocat de la famille de la demanderesse écrivait à la soeur de celle-ci à propos du mandat d'arrêt :

[traduction]

[...] Je regrette de vous informer que le mandat en question doit être exécuté et que votre soeur [...] doit comparaître personnellement devant le tribunal pour exercer ses recours.

Je tiens à vous faire savoir qu'il n'existait aucune disposition légale permettant de supprimer le mandat du rôle de quelque autre manière.

[17]       Le 19 septembre 2003, la Section de la protection des réfugiés concluait que les demandeurs n'étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger. Parmi les passages de la décision refusant le statut de réfugié, il y a les suivants :

J'ai trouvé que le témoignage des demandeurs manquait de crédibilité à certains égards, mais je dois dire que j'admets ce témoignage dans ses grandes lignes. J'accepte le fait que la demandeure a été mariée à son défunt mari, que celui-ci venait d'une famille très fortunée et qu'elle a hérité la majeure partie de la succession. Je reconnais qu'ils ont eu un enfant ensemble, Erandi, qui est présente dans la salle d'audience aujourd'hui. Je conviens que la famille de l'ancien mari de la demandeure n'approuvait pas pleinement leur union et qu'elle peut avoir harcelé la demandeure à l'occasion.

[...]

[...] [L]a demandeure a témoigné qu'il avait été délivré sous prétexte qu'elle donnait de l'argent aux TLET. Mais le document en soi n'indique pas quels sont les faits précis dont on accuse la demandeure. Nous n'avons aucune preuve indiquant qu'il y a eu une allégation selon laquelle elle appuyait les TLET.

Lorsqu'elle est arrivée au Canada, la demandeure a dit à l'agent d'immigration qu'elle ignorait ce que TLET voulait dire.

[...]

On a ordonné à la demandeure principale de se présenter en cour le 26 mars 2002, mais de toute évidence, elle ne s'est pas présentée car elle était au Canada. Or, nous ne disposons d'aucun document nous indiquant ce qui s'est produit après le 26 mars 2002. Aucune preuve n'indique que cette accusation avait un lien quelconque avec les TLET ou que d'autres mandats ont été délivrés par la suite, ou encore que des accusations de nature criminelle subsistent contre les demandeurs.

[...]

Enfin, la demandeure ne s'est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de réfuter la présomption de protection de l'État à son égard.

Il ne semble pas que cette décision défavorable a été contestée par demande de contrôle judiciaire.

[18]       Le 26 janvier 2004, le frère de la demanderesse recevait une balle dans la jambe alors qu'il s'occupait de la plantation de canneliers au Sri Lanka. Le dossier contient un formulaire d'admission à l'hôpital, qui mentionne que le frère de la demanderesse a été blessé par balle. Il a subi une chirurgie et a reçu son congé de l'hôpital une semaine après la date de l'incident.

[19]       Le 18 février 2004, selon des allégations faites par l'actuelle belle-mère de la demanderesse, un groupe de personnes ont frappé à sa porte. Ils lui ont demandé où était son fils et ils l'ont menacée. Elle a reconnu, parmi ces personnes, le frère du premier mari de la demanderesse. Le 8 mars 2004, elle a déposé une plainte en ce sens à la police, plainte dans laquelle elle disait aussi que le même individu l'avait menacée à plusieurs reprises au téléphone.

[20]       Le 24 mars 2004, le mari de la soeur de la demanderesse a affirmé que, alors qu'il conduisait son véhicule, sa route avait été bloquée par un autre véhicule et l'une des personnes d'un groupe d'environ six personnes se trouvant dans le second véhicule l'avait agressé. Il a été hospitalisé ce jour-là avec une contusion au côté gauche du visage. Lorsqu'il a déposé sa plainte auprès de la police, il a été en mesure de donner le numéro d'immatriculation de l'autre véhicule.

[21]       Le 11 mars 2004, l'avocat de la famille de la demanderesse confirmait dans une lettre que le mandat d'arrêt était lié à un incident qui relevait de la loi sri-lankaise sur la prévention du terrorisme. L'avocat a confirmé que le mandat était encore en instance et que la preuve à charge avait été semble-t-il fabriquée afin d'établir des présomptions contre la demanderesse. Il concluait sa lettre en lui recommandant de rester au Canada pour éviter d'être mise en détention, car alors elle [traduction] « pourrait être soumise à la torture et à des interrogatoires » .

[22]       Le 17 et le 24 mars 2004, les demandeurs déposaient respectivement leurs demandes fondées sur des considérations humanitaires, en application de l'article 25 de la LIPR, et leurs demandes d'évaluation des risques avant renvoi, en application de l'article 112 de la LIPR.

[23]       Le 10 avril 2004, la demanderesse recevait un courrier électronique de sa famille au Sri Lanka, qui l'informait que le [traduction] « numéro de téléphone de Kapila » avait été trouvé et que, lorsqu'on avait demandé à « Kapila » s'il accepterait d'apporter son aide concernant la vente de la plantation de canneliers, il avait refusé parce qu'il avait [traduction] « peur de ces gens » . Toutefois, il avait ajouté qu'il [traduction] « s'en occuperait à titre privé » et qu'il [traduction] « devait encore faire visiter la plantation de canneliers par d'éventuels acheteurs » .

[24]       Le 27 mai 2004, un homme d'affaires et planteur nommé Kapila Kushan, qui habitait près d'Ambalangoda, est mort étouffé, selon l'édition du 28 mai 2004 du Lankadeepa, un journal du Sri Lanka. La demanderesse allègue que Kapila Kushan est le même « Kapila » que celui dont parle le courrier électronique de sa famille en date du 10 avril 2004.

[25]       Le 27 août 2004, l'agente d'immigration présidait une audience se rapportant à la demande d'évaluation des risques avant renvoi, sans doute tenue en application de l'alinéa 113b) de la LIPR et de l'article 167 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227. L'avocat des demandeurs et un interprète y étaient présents. Le dossier renferme les notes prises par l'agente et par l'avocat.

[26]       Le 29 septembre 2004, les demandeurs étaient informés de la décision défavorable relative à l'évaluation des risques avant renvoi et de la décision défavorable relative aux considérations humanitaires. Les deux décisions ont été rendues le 31 août 2004.

[27]       Le 1er novembre 2004, le juge James Russell rendait une ordonnance sursoyant à l'exécution de la mesure de renvoi prononcée contre les demandeurs, jusqu'à l'issue des deux demandes de contrôle judiciaire dont il s'agit ici.

Analyse

(i) La décision relative à l'évaluation des risques avant renvoi

[28]       L'agente d'immigration a estimé que la demanderesse avait été victime d'une certaine forme de harcèlement de la part de la famille de son premier mari. Elle a aussi admis que le frère et le beau-frère de la demanderesse avaient été les victimes d'actes violents, mais elle a conclu que la preuve ne permettait pas d'affirmer que les actes en question étaient imputables à son ancienne belle-famille.

[29]       L'agente d'immigration s'est demandée si Kapila Kushan, assassiné le 27 mai 2004, était le même « Kapila » que celui mentionné dans le courrier électronique de la famille en date du 10 avril 2004 et, en tout état de cause, elle a estimé que la preuve ne permettait pas d'affirmer que le décès de « Kapila » était imputable à l'ancienne belle-famille de la demanderesse.

[30]       L'agente d'immigration a relevé que le mandat d'arrêt ne renfermait pas le détail des accusations produites contre la demanderesse et que son avocat n'en avait guère dit sur la [traduction] « question terroriste » . Elle a mis sérieusement en doute l'authenticité du mandat d'arrêt.

[31]       Enfin, l'agente d'immigration a conclu que, même si un mandat d'arrêt avait été lancé contre la demanderesse, elle pouvait se prévaloir d'un recours aux tribunaux et d'une protection d'État si elle le souhaitait. À l'appui de cette conclusion, l'agente d'immigration écrivait ce qui suit :

[traduction] Je remarque que l'on signale l'existence d'un climat de corruption et que l'on recourt aux querelles de famille, aux rancunes de voisinage et à l'intimidation pour justifier l'incarcération de gens, le plus souvent en invoquant la législation antiterroriste, même si cette législation ne semble nullement s'appliquer aux circonstances, [...] Certains de ces renseignements s'accordent avec les allégations des demandeurs, mais il semble qu'une protection d'État, même si elle n'est pas parfaite et même si elle est particulièrement problématique, s'offre aux demandeurs étant donné que [la demanderesse] Panabokka s'en est prévalue déjà dans le passé et qu'elle dispose actuellement des services d'un avocat.

[32]       Après un examen attentif des observations écrites et orales des demandeurs, y compris une étude de la jurisprudence invoquée en leur nom durant l'audience, je suis arrivé à la conclusion que la décision relative à l'examen des risques avant renvoi ne renferme aucune erreur susceptible de révision.

[33]       Aucune des conclusions de fait ou inférences tirées par l'agente d'immigration à propos de l'évaluation des risques n'était manifestement déraisonnable : Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 437, au paragraphe 19.

[34]       L'argument des demandeurs, selon lequel l'agente d'immigration n'a pas tenu compte de toute la preuve qu'elle avait devant elle, n'est pas non plus recevable. L'agente a considéré les données dont disposait la Section de la protection des réfugiés lorsqu'elle avait rejeté les demandes d'asile des demandeurs. Elle a aussi examiné les nouveaux éléments de preuve qui sont apparus après le rejet des demandes d'asile. Toutefois, elle a estimé que les éléments de preuve disponibles ne permettaient pas de rattacher ces incidents plus récents à l'ancienne belle-famille de la demanderesse. Elle avait le loisir de tirer cette conclusion. Les demandeurs disent qu'elle a commis une erreur parce qu'elle ne s'est pas prononcée sur l'effet cumulatif de tous les incidents, mais cet argument ne résiste pas à l'examen. L'agente d'immigration n'a pas accepté le lien entre les événements de 2004 et l'ancienne belle-famille. Il n'était pas erroné de sa part d'admettre le harcèlement subi par la demanderesse par suite du rejet de son premier mariage par sa belle-famille, pour conclure ensuite que la preuve ne permettait pas d'établir le rôle de la belle-famille dans les incidents violents de 2004.

[35]     Il était loisible aussi à l'agente d'immigration de conclure, ainsi qu'elle l'a fait, que la lettre la plus récente de l'avocat de la demanderesse concernant le mandat d'arrêt ajoutait des renseignements généraux, mais n'ajoutait aucune donnée nouvelle particulière se rapportant aux présumées accusations de terrorisme.

[36]       En définitive, comme l'a habilement fait valoir l'avocat du défendeur, l'argument des demandeurs est que l'agente d'immigration aurait dû arriver à la conclusion que la totalité de la preuve se rapportant à l'évaluation des risques vaut plus que la somme de ses parties. Ce n'est pas là un argument qui puisse être maintenu.

[37]       Encore une fois, même après un « examen assez poussé » de la décision de l'agente d'immigration, je suis d'avis que l'analyse qu'elle a faite de la question de la protection d'État n'était pas déraisonnable. Selon moi, les demandeurs n'ont pas réfuté, par une preuve claire et convaincante, la présomption selon laquelle, vu les circonstances de cette affaire, une protection d'État leur était accessible.

(ii) La décision relative aux considérations humanitaires

[38]       Dans sa décision relative aux considérations humanitaires, la même agente d'immigration s'est fondée sur l'analyse factuelle qu'elle avait faite dans sa décision relative à l'évaluation des risques avant renvoi, une analyse où elle admettait le présumé harcèlement de la demanderesse par son ancienne belle-famille, où elle disait ses doutes à propos du mandat d'arrêt et où elle exprimait l'avis que la preuve ne permettait pas de rattacher les actes violents de 2004 à la famille de son premier mari.

[39]       De l'avis de l'agente d'immigration, les demandeurs n'allaient pas connaître, à leur retour au Sri Lanka, des difficultés inhabituelles, injustes ou excessives.

[40]       Examinant l'intérêt supérieur de la fille de la demanderesse, Erandi de Silva, l'agente d'immigration n'a pas cru que la famille de son père biologique chercherait à lui nuire. Elle a aussi relevé que la demanderesse et son mari actuel avaient au Sri Lanka des familles élargies qui pouvaient s'occuper d'Erandi.

[41]       Selon moi, l'agente d'immigration pouvait, pour l'analyse de la demande fondée sur des considérations humanitaires, adopter les conclusions factuelles de sa décision relative à l'évaluation des risques avant renvoi. Toutefois, il importait qu'elle soumette lesdites conclusions factuelles au critère des difficultés inhabituelles, injustes ou excessives, un seuil plus faible que le critère des menaces à la vie ou des peines cruelles et inusitées, lequel critère valait pour la décision relative à l'évaluation des risques avant renvoi.

[42]       L'agente d'immigration était sensibilisée à cette distinction dans son analyse des répercussions d'un retour des demandeurs dans leur pays, où ils pourraient être exposés au harcèlement et au ressentiment de la famille de Silva :

[traduction] S'agissant des difficultés inhabituelles, excessives ou injustes que risque de connaître la demanderesse en raison des problèmes vécus antérieurement avec son ancienne belle-famille, je sais et j'admets parfaitement que les querelles familiales peuvent être difficiles et émotionnellement éprouvantes, et je puis comprendre que, après un différend se rapportant aux ennuis financiers de la plantation, la partie perdante puisse avoir du ressentiment envers la partie qui a obtenu gain de cause. Toutefois, je ne crois pas que la situation soit inhabituelle, excessive ou injuste au point de mériter un traitement exceptionnel dans le contexte de la demande fondée sur des considérations humanitaires.

Il m'est impossible de dire ici que la décision de l'agente d'immigration était déraisonnable.

[43]       Toutefois, l'agente d'immigration ne semble pas avoir montré le même soin lorsqu'elle a analysé, au regard du critère des difficultés inhabituelles, injustes ou excessives, l'effet des violences survenues en 2004. Dans le paragraphe de sa décision qui porte sur ces événements et sur le mandat d'arrêt, l'agente d'immigration écrivait ce qui suit :

[traduction] Après examen et évaluation de la recherche existante et des allégations de risque dans un contexte de menaces à la vie et de préservation de la sécurité, je suis d'avis que les conclusions de l'évaluation des risques avant renvoi ont un rapport avec les conclusions du volet « risque » de cette demande fondée sur des considérations humanitaires.

[...]

La décision relative à l'évaluation des risques avant renvoi, qui selon moi est applicable dans le contexte des risques propres à cette demande fondée sur des considérations humanitaires, est que les demandeurs semblent avoir la possibilité d'obtenir une protection d'État, puisqu'ils peuvent recourir au système judiciaire ou s'adresser à un avocat. [Non souligné dans l'original]

[44]       Cette analyse ne dit pas comment l'agente d'immigration a évalué les faits pertinents par rapport au critère des difficultés inhabituelles, excessives ou injustes. À mon avis, elle a commis une erreur lorsqu'elle a rattaché sa décision concernant l'évaluation des risques avant renvoi au [traduction] « contexte des risques propres à cette demande fondée sur des considérations humanitaires » . Elle devait évaluer tous les faits dans le contexte du critère applicable à une demande fondée sur des considérations humanitaires. Elle ne l'a pas fait. Selon moi, c'est là une erreur de droit, qui justifie l'intervention de la Cour.

[45]       Plus exactement, l'agente d'immigration devait non seulement considérer les effets d'un retour des demandeurs au Sri Lanka, où ils seraient exposés au harcèlement de la famille de Silva, mais aussi évaluer l'incidence de leur retour au Sri Lanka, où le frère et le beau-frère de la demanderesse avaient été victimes de crimes violents, et tenir compte de l'éventuelle exécution du mandat d'arrêt - à moins que tout fondement à l'authenticité de ce document ne soit déniée. C'est l'effet cumulatif de ces facteurs qui n'a pas été pris en compte par l'agente d'immigration dans le contexte du critère des difficultés inhabituelles, injustes ou excessives.

[46]       Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire de la décision concernant l'évaluation des risques avant renvoi sera rejetée. Pour la deuxième instance, la demande de contrôle judiciaire de la décision relative aux considérations humanitaires sera accordée et renvoyée pour nouvelle décision à un autre agent d'immigration. Comme cela a été demandé au cours de l'audience, les parties pourront, dans les sept jours suivant la date des présents motifs, proposer que soit certifiée une question grave.

« Allan Lutfy »

Juge en chef

Ottawa (Ontario)

Le 29 juillet 2005

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                                                IMM-8484-04 / IMM-8485-04

INTITULÉ :                                                 BILESH BANDUKA PANAGALA LIYANAGE

                                                                     PRIYANKA SHYAMANI PANABOKKA

                                                                     WATHUDURA ERANDI RANJANA DE SILVA

                                                                     c.

                                                                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                           Vancouver (Colombie-britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                         le 28 juin 2005.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :            LE JUGE EN CHEF LUTFY

DATE DES MOTIFS :                                LE 29 JUILLET 2005

COMPARUTIONS :

Nicole Hainer                                                 POUR LES DEMANDEURS

Scott Nesbitt                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nicole Hainer                                                 POUR LES DEMANDEURS

Elgin, Cannon et Associés

John H. Sims, c.r.                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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