Date : 20200407
Dossier : IMM-2379-19
Référence : 2020 CF 493
Montréal (Québec), le 7 avril 2020
En présence de madame la juge St-Louis
ENTRE :
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EZEXUEL SAINT PAUL
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Introduction
[1]
M. Ezexuel Saint Paul demande le contrôle judiciaire de la décision que la Section d’appel des réfugiés (SAR) a rendue le 19 mars 2019, rejetant son appel et confirmant la décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) selon laquelle il n’a ni la qualité de réfugié au sens de la Convention, ni celle d’une personne à protéger.
[2]
La demande de contrôle judiciaire de M. Saint Paul ne vise que la partie de la décision de la SAR qui lui est liée et ne vise donc pas la partie de la décision de la SAR liée à sa conjointe. En bref, et pour les motifs exposés ci-après, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie et le dossier sera retourné à la SAR pour une nouvelle détermination.
II.
Contexte
[3]
M. Saint Paul est citoyen d’Haïti. Le 17 août 2012, il quitte Haïti et, une semaine plus tard, il entre au Brésil où il demeure pendant un peu plus de quatre ans. Le 14 décembre 2016, il quitte le Brésil pour les États-Unis et en juillet 2017, il entre au Canada avec sa conjointe et ils y demandent l’asile. M. Saint Paul fonde sa demande d’asile sur une crainte envers Haïti, où il allègue avoir été attaqué par des bandits parce qu’il est commerçant, et sur une crainte envers le Brésil, où les conditions seraient devenues trop dures et où il allègue avoir été menacé.
[4]
Devant la SPR, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le Ministre), défendeur en l’instance, intervient pour demander l’exclusion de M. Saint Paul, tel que le prévoit l’article 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], alléguant que M. Saint Paul est visé par la section E de l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés (article 1E de la Convention).
[5]
Dans son avis d’intervention, le Ministre souligne que (1) le nom Ezexuel Saint Paul apparait sur la liste des 43 781 ressortissants haïtiens qui se sont vus accorder la résidence permanente au Brésil par l’arrêté ministériel conjoint du ministère de la Justice et du ministère du Travail et des Affaires sociales au Brésil, (Dossier certifié du Tribunal (DCT) aux pp 282–284); (2) ceci permet d’établir une preuve prima facie que M. Saint Paul possède un statut de résident permanent du Brésil; (3) selon la preuve documentaire, les droits et obligations des résidents permanents au Brésil sont essentiellement semblables à ceux des nationaux du pays, incluant les droits en matière de soins de santé, d’éducation et d’emploi; (4) toujours selon la preuve documentaire, les étrangers perdent leur statut de résident permanent au Brésil s’ils s’absentent pour une période de plus de deux ans; et (5) M. Saint Paul aurait quitté le Brésil depuis alors moins de 24 mois. Le Ministre soumet alors qu’il revient donc à M. Saint Paul d’établir qu’il n’a plus ce statut de résident permanent du Brésil ou qu’il craint avec raison d’y être persécuté ou exposé à un risque de préjudice au sens du paragraphe 97(1) de la Loi.
[6]
La SPR, dans sa décision, reprend les allégations des demandeurs, résume les motifs de l’intervention du Ministre et effectue son analyse. La SPR énonce le libellé de l’article 1E de la Convention et ses critères d’application, suivant les principes énoncés par la Cour d’appel fédérale (CAF) dans sa décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c Zeng 2010 CAF 118 [Zeng]. La SPR reprend le paragraphe 28 de la décision Zeng, dont la première phrase constitue la première étape du test à appliquer: « Compte tenu de tous les facteurs pertinents existant à la date de l’audience, le demandeur a-t-il, dans le tiers pays, un statut essentiellement semblable à celui des ressortissants de ce pays? Si la réponse est affirmative, le demandeur est exclu »
.
[7]
La SPR examine les droits dont bénéficient les résidents permanents du Brésil et elle conclut, ultimement, que selon la constitution brésilienne, les résidents permanents ont les mêmes droits que les citoyens Brésiliens sauf quelques restrictions.
[8]
La SPR examine la situation particulière de M. Saint Paul qui affirme détenir une résidence temporaire au Brésil parce sa carte de résidence indique une date d’expiration 10 ans après sa réception. La SPR prend note de ce témoignage, mais, citant la preuve documentaire, conclut que la date d’expiration équivaut plutôt à la date d’expiration de la carte elle-même et non à l’expiration du statut, et que la résidence de M. Saint Paul au Brésil est bien permanente.
[9]
La SPR décide alors d’examiner le risque que M. Saint Paul encoure au Brésil et de ne pas examiner celui qu’il encoure à Haïti, indiquant qu’elle a donc, à cette étape, appliqué l’article 98 de la Loi et exclu M. Saint Paul.
[10]
Cependant, en dépit de cette exclusion, la SPR analyse néanmoins le risque de persécution ou de préjudice, au sens du paragraphe 97(1) de la Loi, advenant le retour de M. Saint Paul au Brésil, son pays de résidence permanente. La SPR conclut à cet égard que M. Saint Paul n’a pas démontré que « les problèmes reliés à son emploi sont une violation importante des droits de la personne ni qu’ils sont liés à un des motifs de la Convention ou qu’il ait [sic] quelconque lien avec l’application de l’article 97(1) »
(DCT à la p 91).
[11]
La SPR conclut que M. Saint Paul ne peut avoir la qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger, car il est visé par l’article 1E de la Convention en raison de sa résidence permanente au Brésil. La SPR reprend ainsi le libellé de l’article 98 de la Loi sans le nommer expressément.
[12]
M. Saint Paul interjette appel de cette décision à la SAR. Il ne conteste alors pas les faits tels que présentés par la SPR, mais il soutient, essentiellement, qu’il existe une possibilité sérieuse de persécution au Brésil, que l’État ne peut le protéger, qu’il n’y a pas de possibilité de refuge interne viable et que sa crainte subjective de retour au Brésil est bien fondée. M. Saint Paul soutient qu’il ne devrait conséquemment pas être exclu par l’application des articles 98 de la Loi et 1E de la Convention, et que sa crainte à l’encontre d’Haïti devrait être examinée. M. Saint Paul conteste enfin la conclusion de la SPR quant à son statut de résident permanent du Brésil, soumettant qu’il n’y détenait qu’une résidence temporaire.
III.
Décision de la SAR
[13]
Dans son analyse, la SAR détermine d’abord que la SPR n’a pas erré en concluant que M. Saint Paul est un résident permanent du Brésil. La SAR note elle aussi que M. Saint Paul fait partie des 43 781 ressortissants haïtiens qui « se sont vus accorder la résidence permanente au Brésil »
et qu’il a au surplus témoigné devant la SPR que sa carte de résidence du Brésil était valide pour dix ans. La SAR se prononce d’accord avec la SPR et conclut que M. Saint Paul est, selon la prépondérance des probabilités, un résident permanent du Brésil.
[14]
La SAR conclut cependant que la SPR a erré dans l’analyse du risque prospectif de M. Saint Paul au Brésil, puisqu’elle n’a pas analysé la preuve documentaire. La SAR substitut ainsi sa propre analyse à celle de la SPR à cet égard et conclut que la preuve documentaire démontre qu’il y a de la discrimination importante envers les personnes de race noire au Brésil, mais ne démontre pas que ces personnes sont persécutées par l’État ou par la population brésilienne. La SAR note aussi que M. Saint Paul n’a pas démontré l’effet cumulatif nécessaire pour que son expérience équivaille à de la persécution. La SAR conclut que M. Saint Paul n’a pas démontré une possibilité sérieuse de persécution en raison de sa race ou qu’il serait à risque pour un des motifs prévus au paragraphe 97(1) de la Loi.
[15]
La SAR n’examine pas si les résidents permanents du Brésil bénéficient des mêmes droits et obligations que ceux attachés à la possession de la nationalité du Brésil et elle ne se prononce pas sur l’exclusion en vertu des articles 98 de la Loi et 1E de la Convention. Cependant, puisque la SAR confirme la décision de la SPR, sauf sur l’analyse du risque prospectif au Brésil, elle entérine donc les conclusions de la SPR sur ces deux sujets.
IV.
Position des parties devant la Cour
A.
Position de M. Saint Paul
[16]
M. Saint Paul soumet que la SAR a erré (1) en concluant qu’il est un résident permanent du Brésil; (2) en confirmant qu’il a les mêmes droits et obligations que les citoyens brésiliens; et (3) en analysant le risque prospectif qu’il encoure au Brésil sans par ailleurs analyser la crainte qu’il invoque à l’encontre de son pays de nationalité, Haïti. Il soumet que la décision est déraisonnable.
[17]
En lien avec le premier argument, M. Saint Paul soumet que la SPR a erré en considérant que la validité de sa carte de résidence correspond à une résidence permanente, puisque cette résidence constitue plutôt une résidence humanitaire qui ne donne pas un droit automatique à la résidence permanente, et que par conséquent, la SPR aurait dû conclure qu’il n’était pas visé par l’article 1E de la Convention. M. Saint Paul soumet aussi que la SAR aurait dû faire sa propre analyse approfondie, complète et indépendante plutôt que répéter les motifs de la SPR (Gabila c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 574 au para 20) et ajoute que la SAR aurait dû vérifier s’il bénéficiait toujours d’un statut de résident permanent au Brésil.
[18]
En lien avec le deuxième argument, M. Saint Paul amalgame l’examen du risque qu’il invoque à l’encontre du pays de résidence permanente et l’examen des droits et obligations dont bénéficient les résidents permanents au Brésil.
[19]
Ainsi, il soumet qu’une preuve abondante dans le cartable de documentation sur Haïti et dans celui sur le Brésil fait foi de la situation de violence, de discrimination et de rejet contre les Haïtiens au Brésil, et permet de conclure qu’ils n’ont pas les mêmes droits que les Brésiliens. Certains passages suggèrent que certains Haïtiens sont traités comme des esclaves, que les normes du travail brésiliennes ne sont pas respectées à l’égard des Haïtiens au Brésil, que les entreprises forcent les Haïtiens à travailler des heures supplémentaires, que les Haïtiens peinent à inscrire leurs enfants à l’école, qu’il existe des problèmes de communications entre le personnel de la santé et les ressortissants haïtiens et que les Haïtiens sont victimes de violence et de xénophobie.
[20]
M. Saint Paul ajoute qu’il ne devrait pas être exclu pour le simple motif qu’il n’a pas démontré l’effet cumulatif nécessaire pour que son expérience équivaille à de la persécution. Il ajoute que les actes discriminatoires peuvent constituer de la persécution dans certains cas (Sagharichi c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 796 (CA), et il cite plusieurs preuves documentaires qui démontrent, selon lui, la discrimination systémique des autorités brésiliennes envers les personnes de couleur, un très haut niveau d’impunité pour les crimes violents, ainsi qu’un système judiciaire surchargé, en proie à la corruption et pratiquement impuissant par rapport au crime organisé.
[21]
En lien avec le troisième argument, M. Saint Paul soumet que la possibilité de retourner au Brésil est une pure conjecture dans le contexte où il a perdu sa résidence par l’écoulement du délai de deux ans et qu’Haïti devient la seule destination possible. Il plaide donc que la SAR a violé les principes de justice naturelle et d’équité procédurale en ne tenant pas compte des faits qui prouvent qu’il est un réfugié ou une personne à protéger, et en ne l’interrogeant pas sur la persécution qu’il subissait en Haïti et les menaces encourues. M. Saint Paul ajoute que, puisque la SAR reconnaît que la SPR a erré dans l’analyse de ses risques prospectifs au Brésil, la SAR admet implicitement qu’il y a de la discrimination pour les Haïtiens au Brésil à cause de leur race et doit entendre la crainte qu’il invoque à l’encontre de son pays de nationalité. Finalement, il ajoute que son témoignage sur les menaces au Brésil ne permet pas de conclure qu’aucun évènement ne pourrait se produire, puisque c’est un fait que les Haïtiens vivent dans l’insécurité au Brésil.
[22]
Lors de l’audience, j’ai discuté avec les parties de la possibilité même pour la SAR, ou la SPR, d’examiner l’allégation de crainte soulevée par M. Saint Paul à l’encontre du Brésil une fois établi qu’il y détient un statut de résident permanent et que ce statut lui confère les mêmes droits que les citoyens brésiliens, compte tenu du libellé des articles 1E de la Convention et 98 de la Loi. J’ai donc demandé aux parties de soumettre des représentations écrites additionnelles à cet égard.
[23]
En réponse à cette demande, M. Saint Paul plaide essentiellement qu’il est raisonnable de vérifier la crainte de persécution dans le pays de résidence du demandeur d’asile avant d’appliquer l’exclusion de l’article 1E de la Convention, interprétation justifiée au regard des objectifs de la mise en place de l’article 1E et par le fait que, selon lui, le régime de protection conféré par l’article 112 de la Loi n’est pas accessible à une personne exclue avant l’expiration d’un délai de 12 mois.
B.
Position du Ministre
[24]
Le Ministre soumet que la norme de contrôle applicable pour les décisions de la SAR concernant les questions de faits et mixtes de faits et de droit, est celle de la décision raisonnable. Il ajoute que la Cour ne doit pas intervenir si la décision de la SAR est intelligible, transparente, justifiable et défendable au regard des faits et du droit.
[25]
En réponse aux arguments de M. Saint Paul, le Ministre soumet d’abord que M. Saint Paul invoque des arguments qui n’ont pas été soulevés devant la SAR et qu’il réfère à des documents qui n’étaient pas devant elle, et que ceux-ci ne peuvent fonder une demande de contrôle judiciaire.
[26]
Le Ministre ajoute que M. Saint Paul est visé par l’article 1E de la Convention et que la SAR ne devait donc pas analyser sa crainte à l’encontre d’Haïti.
[27]
En lien avec le premier argument de M. Saint Paul, le Ministre plaide que le cadre d’analyse de l’exclusion sous les articles 98 de la Loi et 1E de la Convention procède en deux étapes. Tout d’abord, le Ministre doit prouver, prima facie, que le demandeur d’asile est résident permanent dans un pays où il peut jouir des mêmes droits que les nationaux du pays selon l’examen des quatre droits fondamentaux (Shamlou c Canada (Citoyenneté et Immigration) [1995] ACF no 1537). Une fois cette preuve faite, le fardeau revient alors au demandeur de démontrer qu’il a perdu son statut de résident permanent (Zeng) à la date appropriée.
[28]
Le Ministre précise ensuite que (1) il existait bien une preuve prima facie que M. Saint Paul possédait la résidence permanente au Brésil lors de l’audience tenue devant la SPR; (2) M. Saint Paul n’a pas démontré qu’il n’avait pas le statut de résident permanent; et (3) le statut d’une personne doit être déterminé au dernier jour de l’audience devant la SPR.
[29]
Le Ministre convient que l’examen du risque invoqué par un demandeur à l’égard de son pays de résidence doit se faire dans le cadre de l’analyse du statut du demandeur dans son pays de résidence permanente et non par la suite, tel que l’a fait la SAR en entérinant la décision de la SPR à cet égard. Cependant, le Ministre plaide que l’analyse est néanmoins raisonnable et que le fait qu’elle ait été faite suite à l’analyse de la résidence permanente ne cause pas de préjudice.
[30]
En lien avec le deuxième argument de M. Saint Paul, le Ministre répond qu’il est établi que la SAR n’analyse pas la situation du demandeur d’asile dans son pays de citoyenneté lorsque le demandeur est visé par l’article 1E de la Convention (Zeng; Xie c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CAF 250).
[31]
En lien avec le troisième argument de M. Saint Paul, le Ministre souligne qu’aucune représentation n’est faite devant la SAR qu’il a perdu son statut, outre l’argument que sa carte de résidence renouvelable n’est valide que pour 5 ans, et demande le rejet de cet argument.
[32]
En réponse à la demande précitée de la Cour pour des représentations additionnelles, le Ministre précise que l’alinéa 112(2)(b.1) de la Loi indique plutôt que la période d’attente de 12 mois imposée avant le dépôt d’une demande d’Examen des risques avant renvoi ne s’applique pas lorsqu’une demande d’asile est rejetée en raison de l’article 1E de la Convention.
[33]
Le Ministre soumet ensuite que plusieurs décisions récentes de la Cour abordent la question de la considération des risques allégués à l’encontre de son pays de résidence par un demandeur d’asile visé par les mesures d’exclusion prévues aux articles 1E de la Convention et 98 de la Loi. Il se dégage un consensus jurisprudentiel que l’analyse d’un risque allégué par un demandeur à l’encontre de son pays de résidence ne peut pas être faite une fois l’exclusion prévue à l’article 98 de la Loi prononcée, et que cette analyse, si elle est possible, doit être faite avant le prononcé de l’exclusion. Lors de l’audience, le Ministre a aussi convenu que cette analyse ne peut référer aux articles 96 et 97 de la Loi.
[34]
Le Ministre soutient essentiellement qu’une telle analyse peut et doit être faite, même si le texte de la Convention ne la prévoit pas. Le Ministre soumet que cette analyse peut être intégrée à la loi canadienne en l’ajoutant implicitement, et non véritablement au texte de la Convention. Le Ministre s’appuie notamment sur une note d’interprétation du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCNUR) pour soutenir qu’il est approprié d’ajouter au texte de la Convention pour accorder la protection à ceux qui en ont besoin, et de permettre ainsi à la SPR ou la SAR de vérifier si la crainte invoquée par le demandeur d’asile à l’encontre de son pays de résidence est bien fondée avant de conclure à son exclusion (Omar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 458 aux para 24–25; Omorogie c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1255 au para 61).
[35]
Le Ministre note que la Cour s’est questionnée récemment sur la possibilité d’effectuer cette analyse avant de prononcer l’exclusion dans Romelus c Canada (Citoyenne et Immigration), 2019 CF 172 et Jean c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 242, et il soumet que l’approche évolutive de l’arbre vivant (R c NS, 2012 CSC 72 au para 72) proposée dans Constant c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 990 est préférable puisqu’elle favorise une interprétation permettant cette évaluation de risque sans aucun ajout véritable à l’article 1E de la Convention. Le Ministre ajoute que l’évaluation du risque avant le prononcé de l’exclusion est conforme à la jurisprudence internationale.
[36]
Le Ministre soumet que la Cour détient la compétence nécessaire pour ajouter implicitement cette analyse, et s’appuie sur les décisions de la Cour suprême du Canada dans Ezokola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CSC 40 au para 32 et Pushpanathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 RCS au para 57, alors qu’elle a énoncé le principe que l’interprétation des clauses d’exclusion de la Convention doit tenir compte des objets et buts généraux, en rapport avec les droits de la personne exprimés par la Convention. Cette méthode interprétative, selon le Ministre, permettrait d’aller dans la même direction que la note du HCNUR.
[37]
Puisque la jurisprudence récente n’est pas constante et puisque cette question touche directement la compétence de la SPR et la SAR, le Ministre affirme que cette question transcende les intérêts des parties. Il réitère sa demande présentée à la Cour de certifier une question au sens de l’article 74(d) de la Loi, arguant qu’il y a une question grave de portée générale et que la question serait déterminante dans le cas où la Cour renvoie le dossier à la SAR.
V.
Questions en litige
[38]
La Cour doit déterminer si la SAR a erré (1) en confirmant que M. Saint Paul est un résident permanent au Brésil; (2) en examinant l’allégation de risque que M. Saint Paul soulève envers son pays de résidence permanente, en l’instance le Brésil, ayant confirmé que M. Saint Paul est un résident permanent du Brésil et que les résidents permanents du Brésil ont les mêmes droits que les citoyens brésiliens, sauf quelques restrictions; et (3) en n’examinant pas l’allégation de crainte soulevée par M. Saint Paul envers son pays de nationalité, Haïti.
[39]
La Cour n’examinera pas l’argument de M. Saint Paul en lien avec l’analyse de l’équivalence des droits conférés aux résidents permanents et aux citoyens brésiliens puisqu’il ne l’a pas soulevé devant la SAR. En effet, dans le mémoire qu’il a déposé devant la SAR, M. Saint Paul plaide qu’il ne suffit pas de dire que les Haïtiens ont les mêmes droits que les Brésiliens, et qu’il faut plutôt évaluer s’il existe ou non une possibilité sérieuse de persécution au Brésil. Il y ajoute qu’il faut regarder la crainte des demandeurs même s’ils ont les mêmes droits et les mêmes obligations que les Brésiliens en tant que résidents permanents et qu’il faut se demander si le Brésil constitue un abri sûr (DCT aux pp 98–99). La même conclusion s’impose quant à l’argument en lien avec la date à laquelle doit être évalué le statut au Brésil (Décision de la SPR au para 34, Zeng aux para 16, 28, 35; Majebi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 274 au para 9), puisque M. Saint Paul ne l’a pas soulevé devant la SAR. Enfin, la Cour n’examinera pas non plus les dispositions législatives brésiliennes maintenant invoquées par M. Saint Paul puisqu’elles n’étaient pas non plus devant la SAR.
[40]
En bref, la Cour conclut que la SAR n’a pas erré en confirmant que M. Saint Paul est, selon la prépondérance des probabilités, un résident permanent du Brésil et en n’examinant pas la crainte que M. Saint Paul allègue envers Haïti, son pays de nationalité, vu l’exclusion prévue à l’article 98 de la Loi (Zeng; Xie c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CAF 250).
[41]
Cependant, la SAR a erré en examinant la crainte que M. Saint Paul allègue envers le Brésil. Les parties ne m’ont pas convaincue que la Loi permet une telle analyse dès lors qu’il est établi que le demandeur détient une nationalité, qu’il est résident d’un autre pays et que cette résidence lui confère les droits et obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.
[42]
Les parties ne m’ont pas convaincue qu’il est permis, lorsque les prémisses précitées sont établies, d’ajouter (« read-in »
) au texte de la Convention un régime de protection qui n’y est pas prévu. Je constate plutôt que (1) la catégorie de demandeurs d’asile suggérée ne se trouve pas parmi les catégories de demandeurs que le législateur a prévues (paragraphe 95(1) de la Loi); et (2) le législateur a prévu un régime de protection pour les personnes exclues (article 112 de la Loi et Celestin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 97 [Celestin]).
VI.
Analyse
A.
Norme de contrôle
[43]
Je souscris à la position des parties qu’il convient de revoir la décision de la SAR à l’aune de la norme de la décision raisonnable, tel que l’a confirmé la CAF dans Majebi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 274, ajustant Zeng et Hernandez Febles c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 324. Le cadre d’analyse établi dans la décision récente de la Cour suprême du Canada Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] repose sur la présomption voulant que la norme de la décision raisonnable soit la norme applicable chaque fois qu’une cour contrôle une décision administrative, et cette présomption n’est ici pas réfutée (Vavilov aux para 16–17; Celestin para 32).
[44]
La Cour suprême nous enseigne, au paragraphe 83 de sa décision dans Vavilov, que « le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable doit s’intéresser à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision. Le rôle des cours de justice consiste, en pareil cas, à réviser la décision et, en général à tout le moins, à s’abstenir de trancher elles-mêmes la question en litige. Une cour de justice qui applique la norme de contrôle de la décision raisonnable ne se demande donc pas quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur administratif, ne tente pas de prendre en compte l’« éventail » des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo, et ne cherche pas à déterminer la solution « correcte » au problème. Dans l’arrêt Delios c Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, la Cour d’appel fédérale a signalé que « le juge réformateur n’établit pas son propre critère pour ensuite jauger ce qu’a fait l’administrateur » : para 28; voir aussi Ryan, aux para 50-51. La cour de révision n’est plutôt appelée qu’à décider du caractère raisonnable de la décision rendue par le décideur administratif — ce qui inclut à la fois le raisonnement suivi et le résultat obtenu. »
[45]
La Cour suprême ajoute aussi qu’« (..) un résultat par ailleurs raisonnable ne saurait être non plus tenu pour valide s’il repose sur un fondement erroné »
(Vavilov au para 86). Vavilov exige spécifiquement un examen détaillé par la Cour du raisonnement du décideur administratif, ce qui n’était pas nécessaire auparavant (Farrier c Canada (Procureur général), 2020 CAF 25 aux para 9, 12–13, 32).
B.
Statut de résident permanent au Brésil
[46]
Au niveau factuel, il est opportun de rappeler que le Ministre est intervenu devant la SPR et a déposé un extrait de la liste des 43 781 ressortissants haïtiens auxquels la résidence permanente du Brésil a été accordée, sujet à des procédures de nature administrative (DCT à la p 282). Le nom de M. Saint Paul apparait sur cette liste, ce qu’il parait raisonnable de considérer comme une preuve prima facie de son statut de résident permanent du Brésil. M. Saint Paul a ensuite failli à démontrer qu’il n’était pas un résident permanent du Brésil. Il a confirmé, lors de son témoignage devant la SPR, qu’il détenait une carte de résidence valide pour 10 ans « parce qu’il avait une date d’expiration sur sa carte de résidence 10 ans après qu’il l’aurait reçue »
(Décision de la SPR au para 31), ce qui, selon la preuve documentaire, soutient la proposition qu’il est un résident permanent. La conclusion de la SAR d’entériner la conclusion de la SPR selon laquelle M. Saint Paul est un résident permanent du Brésil est raisonnable compte tenu de la preuve devant elle.
C.
Analyse de la crainte envers le Brésil
[47]
La Partie 2 de la Loi traite de la protection des réfugiés et est elle-même divisée en trois sections. La Section 1 traite de « Notions d’asile, de réfugié et de personne à protéger »,
la Section 2 traite de « Réfugiés et personnes à protéger »
et la Section 3 traite de « Examen des risques avant renvoi »
.
[48]
Le paragraphe 95(1) de la Loi indique que l’asile est la protection conférée à une personne qui se trouve dans l’un des trois cas énumérés, soit en bref, (1) un réfugié au sens de la Convention (article 96 de la Loi); (2) une personne à protéger (article 97 de la Loi); et (3) une personne à qui le Ministre accorde la demande de protection (article 112 de la Loi).
[49]
Les articles 96 et 97 de la Loi traitent de la crainte que le demandeur allègue envers tout pays dont il a la nationalité et de la situation d’un demandeur qui n’a pas de nationalité. Tel que le reconnait le Ministre, ces articles ne peuvent pas être invoqués pour examiner la crainte d’un demandeur d’asile envers son pays de résidence dans le cadre de l’analyse sous l’article 1E de la Convention, lorsque ce demandeur a une nationalité. C’est pourtant ce qu’a fait la SAR en l’espèce (Mémoire supplémentaire du défendeur au para 24).
[50]
L’article 98 de la Loi, titré Exclusion par application de la Convention sur les réfugiés, prévoit que « La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger »
.
[51]
L’article 1E de la Convention prévoit quant à lui que « Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays »
.
[52]
Ainsi, par l’effet combiné des articles 1E de la Convention et 98 de la Loi, une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays, ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger au Canada.
[53]
Tel que je l’ai souligné dans la décision Romelus c Canada (Citoyenneté et Immigration) 2019 CF 172 aux para 41 et 42, le libellé de l’article 1E de la Convention, celui de l’article 98 de la Loi et l’interaction de ces deux dispositions ne posent pas problème dans le cas d’une personne visée par l’article 1E de la Convention qui n’invoque qu’une crainte à l’encontre de son pays de nationalité. La personne est alors exclue et la crainte à l’encontre de son pays de nationalité n’est pas examinée, puisque la personne est protégée dans son pays de résidence permanente. La situation se corse lorsqu’un demandeur remplit les conditions pour devenir une « personne visée »
à l’article 1E de la Convention, mais invoque une crainte face à son pays de résidence, ce qui est le cas de M. Saint Paul. Le Ministre soumet que l’analyse de risque dans le pays de résidence doit se faire dans le cadre de l’analyse de la question du statut du demandeur dans son pays de résidence et non par la suite (Mémoire supplémentaire du défendeur au para 67), c’est-à-dire qu’elle doit se faire avant de confirmer que le demandeur est visé par l’article 1E de la Convention, tel que l’a fait la SAR en l’instance.
[54]
La Cour a, dans le passé, traité de cas semblables, et sans en préciser le fondement, a laissé entendre que l’analyse de la crainte à l’égard du pays de résidence permanente devait être faite avant de déclarer qu’une personne est visée par l’article 1E (Omar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 458 aux para 24–25; Omorogie c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1255 au para 61). Le juge Pamel a quant à lui récemment analysé cette question dans la décision Celestin et a conclu, en bref, que cette analyse ne pouvait pas être conduite. Tel que détaillé plus bas, je souscris aux propos et à la position de mon collègue.
[55]
Tel que mentionné précédemment, le Ministre soutient que le tribunal peut et doit analyser la crainte que M. Saint Paul allègue à l’encontre du Brésil, sans référer à l’article 97 de la Loi et suivant un cadre qui lui est propre, avant de le déclarer visé par l’article 1E de la Convention. Il soutient qu’il faut ajouter (« read-in »
) au texte de l’article 1E de la Convention une analyse qui ne s’y trouve pas afin de permettre au tribunal d’analyser la crainte que le demandeur invoque envers son pays de résidence, ce que suggère d’ailleurs une note interprétative du HCNUR. Si cette crainte est justifiée, le demandeur n’est alors pas visé par l’article 1E de la Convention, et il n’est conséquemment pas exclu sous l’article 98.
[56]
Je ne peux me ranger à la position du Ministre. Je suis d’avis que la Loi ne permet pas au tribunal d’examiner la crainte alléguée par M. Saint Paul, citoyen d’Haïti, envers le Brésil, une fois qu’il a été établi qu’il en est un résident permanent et qu’il a, à ce titre, les mêmes droits et obligations que les citoyens du Brésil.
[57]
Je souscris à cet égard à l’analyse étayée par mon collègue monsieur le juge Pamel dans sa décision Celestin. Tel que le souligne en détail mon collègue dans cette décision, tout indique que le législateur a choisi de satisfaire ses obligations en éliminant, pour les personnes exclues, la période d’attente de 12 mois prévue au sous alinéa 112(2)(b.1) de la Loi et en leur accordant donc l’opportunité de recourir aux articles 112 et 113 de la Loi pour demander la protection du ministre selon les paramètres qui y sont prévus. Le texte de la Convention et celui de l’article 98 de la Loi sont clairs et n’incluent pas l’analyse suggérée par le Ministre. Le test énoncé par la CAF dans Zeng ne l’inclut pas non plus. Le paragraphe 95(1) de la Loi prévoit les catégories de personnes qui peuvent demander l’asile et la catégorie suggérée par le Ministre n’y apparait pas. Le Ministre ne m’a pas convaincue qu’il s’agit ici d’interpréter une disposition législative pour l’arrimer avec les obligations internationales du Canada et les objectifs de la Loi. Tout indique qu’il s’agit plutôt ici de se substituer au législateur pour ajouter au texte de la Loi une catégorie de demandeurs d’asile qui n’y est pas prévue. Cette conviction est exacerbée, en l’instance, par la constatation que le législateur a déjà prévu, à l’article 112 de la Loi, un régime de protection accessible aux personnes exclues sous l’article 98 de la Loi.
D.
Crainte envers Haïti
[58]
La SAR, confirmant la décision de la SPR, entérine la conclusion que les résidents permanents du Brésil ont les mêmes droits que les citoyens, que M. Saint Paul est visé par l’article 1E de la Convention et que le risque qu’il allègue à l’encontre d’Haïti, son pays de citoyenneté, ne peut conséquemment pas être examiné. Compte tenu du texte clair de l’article 98 de la Loi, et puisque M. Saint Paul est visé par l’article 1E de la Convention, cette conclusion est raisonnable.
E.
Conclusion
[59]
Par ailleurs, contrairement à la décision de mon collègue le juge Pamel dans la décision Celestin, j’accueillerai la demande de contrôle judiciaire. Le libellé de l’article 1E de la Convention et des articles 95(1), 98 et 112 de la Loi, de même que le premier test établi par la CAF dans Zeng ne permettent pas de conduire l’analyse suggérée dans les circonstances. Le schéma législatif ne soutient pas l’ajout, par le tribunal, d’une analyse aux fins d’examiner la crainte alléguée par M. Saint Paul à l’encontre du Brésil dès lors que les prémisses du test de Zeng sont établies. Au surplus, en l’instance, la SAR a examiné ladite crainte après avoir déclaré M. Saint Paul visé par l’article 1E de la Convention et elle a conduit cette analyse sous l’égide de l’article 97 de la Loi, ce que le Ministre reconnait comme étant incorrect.
[60]
Je conclus que la décision de la SAR
est déraisonnable puisqu’elle repose sur un fondement erroné,
même si le résultat, lui, peut être jugé raisonnable. Je souscris à la position du Ministre qu’il convient de certifier une question en l’instance, semblable à celle certifiée par monsieur le juge Pamel :
Si le décideur conclut que le demandeur d’asile, citoyen d’un pays, a un statut de résident dans un autre pays et que ce statut lui confère des droits semblables à ceux des citoyens de ce pays (une réponse affirmative au premier volet du critère établi dans l’arrêt Zeng), ce décideur doit-il prendre en considération la crainte ou le risque soulevé par le demandeur d'asile envers son pays de résidence avant de l’exclure par l’effet combiné des articles 1E de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés et 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés?
JUGEMENT dans IMM-2379-19
LA COUR STATUE que :
La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
Le dossier est retourné à la SAR pour une nouvelle détermination à la lumière des présents motifs.
La question suivante est certifiée :
Si le décideur conclut que le demandeur d’asile, citoyen d’un pays, a un statut de résident dans un autre pays et que ce statut lui confère des droits semblables à ceux des citoyens de ce pays (une réponse affirmative au premier volet du critère établi dans l’arrêt Zeng), ce décideur doit-il prendre en considération la crainte ou le risque soulevé par le demandeur d'asile envers son pays de résidence avant de l’exclure par l’effet combiné des articles 1E de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés et 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés?
« Martine St-Louis »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-2379-19
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INTITULÉ :
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EZEXUEL SAINT PAUL ET LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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MONTRÉAL (QUÉBEC)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 31 octobre 2019
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE ST-LOUIS
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DATE DES MOTIFS :
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LE 7 avril 2020
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COMPARUTIONS :
Me Walid Ayadi
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Pour le demandeur
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Me Rigers Alliu
Me Patricia Nobl
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Me Walid Ayadi
Montréal (Québec)
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Pour le demandeur
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Procureur général du Canada
Montréal (Québec)
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Pour le défendeur
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