Date : 20200401
Dossier : IMM-5248-19
Référence : 2020 CF 466
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 1er avril 2020
En présence de madame la juge McVeigh
ENTRE :
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FAVZIYA HAYATULLAH, HAYATULLAH HAMIDULLAH,
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PARISA HAYATULLAH, ARSALAN HAYATULLAH,
ET SADAF HAYATULLAH
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demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1]
La Cour est saisie du contrôle judiciaire d’une décision rendue par un agent d’immigration à l’ambassade du Canada à Ankara, en Turquie [l’agent], rejetant la demande de visa de résident permanent des demandeurs.
[2]
Les demandeurs ont soutenu qu’ils étaient victimes de persécution au Tadjikistan et ont donc sollicité la résidence permanente au Canada en tant que membres de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières. L’agent a conclu que les demandeurs étaient protégés au Tadjikistan, ce qui signifie qu’ils avaient une solution durable à l’extérieur du Canada et qu’ils ne satisfaisaient pas aux conditions énoncées à l’alinéa 139(1)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS 2002/227 [le Règlement].
I.
Question préliminaire
[3]
Le défendeur affirme que les affidavits des demandeurs (datés du 27 octobre 2019 et du 31 janvier 2020) sont inadmissibles. Le défendeur fait observer que ces affidavits n’ont pas été souscrits en présence d’un commissaire ou d’un notaire, et qu’ils ne comprennent pas de formule d’assermentation d’un traducteur. Il affirme également que l’affidavit d’octobre 2019 comprend de nouveaux renseignements au paragraphe 13.
[4]
Les demandeurs reconnaissent les questions soulevées concernant les affidavits, mais ils affirment par contre que [traduction] « les objectifs de fond des exigences ont été atteints et les affidavits devraient tout de même être pris en considération »
, compte tenu des pratiques du Tadjikistan. Les demandeurs ont soutenu que les notaires au Tadjikistan ne suivraient pas les mêmes étapes que les notaires au Canada. Les demandeurs ont souligné le fait que les notaires au Tadjikistan ont plutôt signé et estampillé une page, et l’interprète a également estampillé et signé la dernière page, rendant le manquement purement théorique. Subsidiairement, ils demandent que la Cour se fonde sur les parties du dossier certifié du tribunal [le DCT] qui comprennent des renseignements similaires à ceux des affidavits.
[5]
En réponse à la préoccupation quant au fait qu’il existe de nouveaux éléments de preuve au paragraphe 13, les demandeurs renvoient au DCT pour démontrer que les renseignements au paragraphe 13 ne constituent pas de nouveaux éléments de preuve. Je suis d’accord avec eux, puisque le décideur disposait de ces renseignements. À la suite de la lettre d’équité procédurale, les demandeurs ont répondu dans une lettre datée du 12 décembre 2008 qui a été prise en considération par le décideur. Une partie des nouveaux éléments de preuve allégués se trouve dans cette lettre ou ailleurs dans le DCT.
[6]
Dans cette situation particulière, j’accepterai les affidavits étant donné qu’ils sont aussi conformes qu’ils peuvent l’être dans les circonstances.
II.
Faits
A.
Contexte
[7]
Les demandeurs sont un époux (Hayatullah) et une épouse (Favziya) et trois de leurs cinq enfants. Ils sont mariés depuis 1986. L’épouse est la demanderesse principale et elle est formée en tant qu’ingénieure civile. Les deux filles aînées ne sont pas des demanderesses; elles sont mariées et elles habitent au Japon et au Canada avec leur famille. Depuis l’arrivée de la famille au Tadjikistan en 1995 (Hayatullah) et en 1996 (Favziya), ils habitent à la même adresse dans la capitale, Douchanbe.
[8]
Parmi les jeunes adultes qui sont les demandeurs, la plus âgée, Sadaf, est née en 1994 alors que le couple vivait toujours en Afghanistan et elle avait deux ans quand les demandeurs ont fui l’Afghanistan pour le Tadjikistan. Les deux autres demandeurs inclus dans cette demande, Arsalan (né en 1996) et Parisa (née en 1998), sont tous les deux nés au Tadjikistan. Les demandeurs ont tous des passeports afghans et des permis de résidence renouvelables (5 ans) au Tadjikistan.
[9]
Les demandeurs ont été reconnus comme des « réfugiés »
par le gouvernement tadjik quand ils sont arrivés au Tadjikistan en 1995 et en 1996 et, par conséquent, des certificats de réfugiés leur ont été délivrés. Plus tard, en 1999, ils ont obtenu des permis de résidence (des cartes de style soviétique), et non les livres rouges que détiennent les réfugiés. Les cartes leur donnent le droit d’étudier et de vivre à Douchanbe, ce que les autres cartes ne permettent pas. Ils n’ont eu aucun problème dans le passé concernant le renouvellement, et ils doivent continuer de renouveler leur permis de résidence tous les cinq ans.
[10]
Hayatullah a été commerçant dans une épicerie à Douchanbe, au Tadjikistan, pendant les 25 années qu’ils ont habité dans la ville. Favziya était ingénieure civile, mais n’a pas occupé d’emploi à l’extérieur de la maison depuis leur arrivée au Tadjikistan. Arsalan et Sadaf ont tous les deux obtenu leur diplôme d’une faculté de médecine dentaire à la Tajik State Medical University. Parisa a obtenu son diplôme d’études secondaires et suit un cours d’anglais. La fille au Japon est également une diplômée d’une université au Tadjikistan.
[11]
Les demandeurs ont fait l’objet d’un parrainage privé pour venir au Canada en 2017. Le 28 octobre 2018, les demandeurs ont été interrogés relativement à leur demande de résidence permanente à titre de réfugiés au sens de la Convention. En vertu de l’article 145 du Règlement, la résidence permanente est possible au Canada si un agent conclut qu’un étranger vivant à l’étranger satisfait à la définition de réfugié au sens de la Convention.
B.
Lettre d’équité procédurale et réponse
[12]
Les demandeurs ont reçu une lettre d’équité procédurale datée du 26 novembre 2018 soulevant le fait que, [traduction] « pendant l’interrogatoire, les membres de votre famille ont déclaré à plusieurs reprises que, bien que vous soyez des résidents permanents, vous n’avez pas le droit de chercher du travail. Au contraire, le statut de résident permanent que vous détenez au Tadjikistan vous accorde toute la gamme des droits socio-économiques au Tadjikistan et est similaire au statut de résident permanent au Canada. »
La lettre leur permettait de soumettre des observations supplémentaires.
[13]
Le mois suivant, les demandeurs ont répondu que leurs possibilités d’emplois étaient limitées, que les réfugiés au Tadjikistan n’ont pas le droit d’acheter une propriété, et que les deux enfants avec leurs études en médecine dentaire avaient de la difficulté à trouver du travail en raison de leur statut ainsi qu’en raison d’autres traitements subis de la part des autorités. Cette lettre a été prise en considération par le décideur.
C.
Décision faisant l’objet du contrôle
[14]
Dans une décision datée du 2 juillet 2019, l’agent a informé les demandeurs que leur demande de visa de résident permanent avait été rejetée :
[Traduction]
Vous êtes en mesure de vous prévaloir de la protection au Tadjikistan, là où vous habitez actuellement, étant donné que vous êtes résidents permanents de ce pays. Par conséquent, vous avez une solution durable dans un pays autre que le Canada et vous ne satisfaites pas aux dispositions du paragraphe ci-dessus.
L’agent a informé les demandeurs qu’ils ne satisfaisaient pas aux exigences prévues à l’alinéa 139(1)d) du Règlement qui prévoit qu’un visa de résident permanent est délivré à l’étranger qui a besoin de protection s’il n’existe aucune possibilité raisonnable de solution durable, réalisable dans un délai raisonnable, dans un pays autre que le Canada.
III.
Questions en litige
[15]
Les questions en litige sont les suivantes :
- La conclusion de l’agent selon laquelle les demandeurs avaient une solution durable était‑elle déraisonnable?
- Y a-t-il eu une violation des droits des demandeurs à l’équité procédurale?
IV.
Norme de contrôle
[16]
Les parties conviennent que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable pour la question de la solution durable, et celle de la décision correcte pour la question de l’équité procédurale.
V.
Analyse
A.
La conclusion de l’agent selon laquelle les demandeurs avaient une solution durable était-elle déraisonnable?
[17]
Les demandeurs soutiennent que la conclusion selon laquelle il existait une solution durable au Tadjikistan était déraisonnable. Les demandeurs critiquent plusieurs points tout au long de leur mémoire supplémentaire :
- L’agent a omis de tenir compte des éléments de preuve au sujet du travail des demandeurs, de la capacité d’être propriétaire, et des expériences de harcèlement et de discrimination;
- L’agent s’est concentré de façon inappropriée sur le titre des demandeurs en tant que résidents permanents au Tadjikistan plutôt que sur les droits légaux et de facto qu’il fournit, et n’aurait pas dû remettre en question la façon dont ils se qualifient eux-mêmes en tant que réfugiés;
- L’agent a conclu que Sadaf et Arsalan travaillaient à une clinique dentaire à la suite de l’interrogatoire alors qu’ils faisaient en réalité un stage non rémunéré;
- Les cliniques dentaires sont principalement exploitées par le gouvernement, pour lequel les demandeurs ne sont pas en mesure de travailler;
- L’agent n’a pas examiné la capacité d’ouvrir une entreprise sans intervention de la part de la police et du gouvernement;
- La conclusion selon laquelle leurs conditions de vie n’étaient pas [traduction]
« aussi sombres qu’ils le laissent entendre »
parce qu’ils avaient vécu au même endroit pendant 23 ans était [traduction]« hypothétique »
; - Les parents vieillissent, ce qui aggrave les difficultés auxquelles Sadaf et Arsalan font face pour trouver un emploi rémunéré en tant que dentistes.
[18]
Le défendeur réplique qu’il incombe au demandeur de visa d’établir qu’aucune possibilité raisonnable n’existe de trouver une solution durable (Al-Anbagi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 273, au par. 16). Le défendeur affirme que les demandeurs vivent en toute sécurité et avec dignité au Tadjikistan et qu’il n’existe aucune indication selon laquelle ils ne seront pas en mesure de le faire dans un avenir prévisible, ce qui signifie que les éléments de preuve appuient la conclusion de l’agent selon laquelle il existe une solution durable au Tadjikistan.
[19]
J’estime que l’agent a raisonnablement conclu que les demandeurs avaient une solution durable au Tadjikistan. Les éléments de preuve qui démontrent qu’il était raisonnable de la part de l’agent de conclure que les demandeurs avaient une solution durable étaient les suivants :
- Le père et la mère vivent au Tadjikistan depuis 1995 et 1996, respectivement;
- Les permis renouvelables leur accordent toute la gamme des droits socio-économiques au Tadjikistan et sont similaires au statut de résident permanent au Canada. Les cartes produites portent l’inscription de résident permanent sur les documents en question et sont différentes en ce qui a trait à la forme et aux droits conférés des documents de réfugiés détenus par d’autres Afghans au Tadjikistan. Ils ont seulement à renouveler ces cartes tous les cinq ans alors que les détenteurs de documents de réfugiés doivent le faire tous les ans (page 201 du DCT);
- Les permis ont toujours été renouvelés, et celui du père était le dernier à avoir été renouvelé en 2015 jusqu’en 2020;
- L’argument selon lequel la résidence permanente au Canada est différente de celle qui existe au Tadjikistan étant donné que la résidence permanente au Canada ne comporte pas de corruption, d’intimidation et de harcèlement a été pris en considération par l’agent, mais l’agent a conclu que les demandeurs s’étaient intégrés à la société tadjike et les motifs de l’agent établissent clairement ce fait;
- L’agent a en outre conclu que les difficultés auxquelles font face les demandeurs au Tadjikistan n’atteignaient pas le niveau de la discrimination, et toute preuve extrinsèque du contraire est vague et de nature générale. Malgré le harcèlement allégué, les demandeurs ont eu accès à un emploi et aux études. L’agent a conclu que les demandeurs s’étaient intégrés au Tadjikistan et peuvent [traduction]
« continuer à y vivre sans crainte de refoulement. Les demandeurs vivent, travaillent et étudient au Tadjikistan depuis plus de deux décennies. Les demandeurs ont une solution durable dans un pays autre que le Canada et ils ne satisfont pas aux dispositions de l’alinéa 139(1)d) du Règlement »;
- Le père Hayatullah travaille depuis 1996 et, lors de l’interrogatoire, il a affirmé qu’ils ne pouvaient pas travailler légalement au Tadjikistan, mais les renseignements du HCNUR ont révélé que cela était faux. À la suite de la lettre d’équité procédurale, les demandeurs ont indiqué qu’ils avaient seulement dit qu’ils ne pouvaient pas travailler dans des établissements appartenant au gouvernement et, comme l’indique le HCNUR, ils peuvent travailler dans des entreprises privées. Les demandeurs reconnaissent qu’il existe aussi au Canada des restrictions pour les résidents permanents qui travaillent au gouvernement;
- Tous les enfants des demandeurs se sont prévalus du système d’éducation même si les frais de scolarité étaient plus élevés pour eux;
- Les deux demandeurs les plus âgés ont terminé leurs études à l’université dans une faculté de médecine dentaire et, au moment de l’interrogatoire, l’un d’entre eux travaillait dans une clinique dentaire depuis plus d’un an et l’autre travaillait dans une clinique dentaire depuis quatre mois. Bien qu’ils aient peut-être dû payer des frais de scolarité plus élevés étant donné qu’ils n’étaient pas des citoyens tadjiks et ne soient pas en mesure de travailler au gouvernement, ils sont instruits et ont été en mesure d’obtenir des stages et, surtout, ils peuvent toujours travailler dans des cliniques privées.
- Ils ont le droit de vivre dans la capitale, Douchanbe, contrairement à la plupart des réfugiés qui n’ont pas le droit d’y vivre;
- Le droit de posséder des biens immobiliers ou d’obtenir la citoyenneté ou des passeports tadjiks n’est pas une exigence de l’intégration locale, et les demandeurs détiennent des passeports afghans.
- Le fait que le gouvernement tadjik ne fournit pas ou ne crée pas d’emplois pour les réfugiés et qu’ils doivent subvenir à leurs propres besoins sans les services sociaux n’est pas si différent de la situation au Canada où il serait attendu d’eux qu’ils subviennent à leurs propres besoins. Selon l’USAID, le Tadjikistan est l’un des pays de la Communauté des États indépendants les plus pauvres alors comme l’agent l’a conclu, il [traduction]
« n’est donc pas étonnant qu’ils ne fournissent pas de soutien financier aux réfugiés »
; - Le fait que les demandeurs ont vécu dans la même maison pendant 23 ans était un facteur devant être prise en compte étant donné que l’article 13.2 du manuel OP 5, Sélection et traitement à l’étranger des cas de réfugiés au sens de la Convention outre-frontières et de personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières, comprend
« possède une propriété ou loue un logement »
en tant que considération valable.
[20]
Je ne suis pas d’accord avec les demandeurs pour dire qu’il était déraisonnable de la part de l’agent de conclure que les demandeurs pouvaient travailler, mais pas au gouvernement, ce qui était contraire à ce que les demandeurs ont affirmé au cours de leur interrogatoire, mais qu’ils ont reconnu à la suite de la lettre d’équité procédurale (voir les paragraphes 12 et 13 ci-dessus).
[21]
L’agent n’a pas commis d’erreur dans ses conclusions concernant les deux demandeurs qui sont dentistes. Sans autres éléments de preuve détaillés, l’agent ne pouvait pas savoir ce qui est maintenant allégué concernant le fait que les dentistes ne peuvent pas trouver de travail étant donné que la plupart des cliniques sont publiques et qu’ils travaillent sans rémunération. Les éléments de preuve dont disposait l’agent étaient que les deux demandeurs ont été en mesure d’obtenir leur diplôme d’une université d’État en tant que dentistes, qu’ils ont payé des frais de scolarité plus élevés, qu’ils ont terminé leur stage dans des cliniques et que, bien qu’ils ne puissent pas travailler pour le gouvernement, ils peuvent travailler dans des cliniques privées. Ces éléments de preuve rendent la décision de l’agent raisonnable.
[22]
Tous les éléments de preuves susmentionnés montrent qu’il était raisonnable de la part de l’agent de conclure qu’il existait une solution durable pour les demandeurs, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas satisfait aux exigences d’obtention d’un visa de résident permanent à titre de réfugié au sens de la Convention.
B.
Y a-t-il eu une violation des droits des demandeurs à l’équité procédurale?
[23]
Les demandeurs soutiennent que l’agent les a privés de leurs droits à l’équité procédurale. Les demandeurs affirment que l’agent n’aurait pas dû se fier à un document du HCNUR sur lequel l’agent a affirmé s’être fondé entre l’interrogatoire et la décision sans le porter à l’attention des demandeurs et sans les laisser l’aborder.
[24]
Il a été confirmé à l’audience qu’il ne s’agissait pas nécessairement d’un document, mais plutôt de [traduction] « renseignements »
au sujet du Tadjikistan au lieu de documents précis. Le défendeur a reconnu à l’audience que la référence aux renseignements du HCNUR était vague et aurait même pu comprendre des renseignements verbaux, mais dans le contexte de la décision, il semble plus probable que l’agent faisait simplement référence à des renseignements de source ouverte du HCNUR.
[25]
La question a été soulevée parce que les demandeurs, pendant l’interrogatoire, ont dit [traduction] : « non, nous n’avons pas de permission officielle pour travailler parce que nous ne sommes pas citoyens du Tadjikistan […], nous avons obtenu notre diplôme de l’Université du Tadjikistan, ils ne nous accordent pas la permission de travailler »
(DCT, pages 8 et 9).
[26]
À la suite d’une contradiction entre les éléments de preuve fournis au cours de l’interrogatoire et la conclusion de l’agent selon laquelle il n’était pas vrai que les demandeurs ne pouvaient pas travailler, une lettre d’équité procédurale a été envoyée aux demandeurs. La lettre d’équité procédurale énonce clairement la contradiction et les préoccupations afin que les demandeurs puissent les aborder (voir le paragraphe 12 ci-dessus). La lettre d’équité procédurale a donné l’occasion aux demandeurs de fournir des observations supplémentaires, ce qu’ils ont fait.
[27]
Les notes de l’agent indiquent ce qui suit : [traduction] « Pendant l’interrogatoire, les demandeurs ont affirmé qu’ils ne pouvaient pas travailler légalement au Tadjikistan. Toutefois, par la suite, des renseignements du HCNUR ont prouvé que cela était erroné. »
Dans ses notes, l’agent conclut également que les demandeurs [traduction] « peuvent, tel qu’indiqué par le HCNUR, travailler dans des entreprises privées »
.
[28]
Les demandeurs affirment qu’il est inéquitable sur le plan procédural de la part de l’agent de se fier aux renseignements du HCNUR qui étaient une [traduction] « preuve extrinsèque »
. Selon les demandeurs, l’agent n’a pas respecté son obligation de divulgation en matière d’équité procédurale. Ils soutiennent que le travail était un [traduction] « facteur clé dans l’évaluation de la solution durable par l’agent et, par conséquent, l’omission de l’agent de divulguer le document du HCNUR est un grave manquement à l’équité procédurale ».
[29]
Les renseignements du HCNUR n’étaient pas une preuve extrinsèque étant donné qu’ils sont une source ouverte, et que les renseignements de source ouverte n’ont pas à être communiqués à un demandeur pour qu’un agent puisse s’y fier (Azizian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 379, aux par. 26 à 30). L’agent s’est fié à ces renseignements parce qu’en fait, les demandeurs pouvaient travailler légalement au Tadjikistan dans des entreprises privées, mais pas au gouvernement, et cela a contribué à appuyer l’opinion de l’agent selon laquelle il existait une solution durable étant donné que ce n’était pas différent du Canada.
[30]
De plus, les propres documents de résidence permanente des demandeurs confirment qu’ils peuvent travailler au Tadjikistan, mais pas au gouvernement. Leurs documents énumèrent des restrictions incluant le fait que leur statut [traduction] « ne leur permet pas de posséder ou d’acheter des propriétés, ou de travailler pour des bureaux du gouvernement ou des établissements de santé dans la République du Tadjikistan »
(voir la traduction du document original à la page 28 du second volume du DCT). Par conséquent, l’agent aurait pu avoir des préoccupations légitimes au sujet des déclarations des demandeurs concernant les restrictions strictes concernant le travail dans des entreprises privées même sans se fier aux renseignements du HCNUR pour démontrer l’exagération apparente dans les déclarations des demandeurs au sujet de leur capacité à travailler.
[31]
Quoi qu’il en soit, le fait de se fonder sur les renseignements du HCNUR n’était pas inéquitable pour les demandeurs. Dans la lettre d’équité procédurale, l’agent a clairement énoncé ses préoccupations, à savoir que les demandeurs ont affirmé ne pas pouvoir être embauchés légalement. Dans leur propre lettre de réponse, ils affirment qu’ils peuvent être embauchés, mais pas par le gouvernement; ce fait n’est donc clairement pas une preuve extrinsèque.
[32]
Les préoccupations de l’agent quant à la possibilité que les demandeurs aient des droits qui s’apparentent à ceux d’un résident permanent ont été communiquées aux demandeurs dans la lettre d’équité procédurale, et les demandeurs ont eu l’occasion d’y répondre. Je conclus qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale.
VI.
Conclusion
[33]
Je rejetterai donc la présente demande de contrôle judiciaire.
[34]
Aucune question n’a été présentée en vue d’une certification et l’affaire n’en soulève aucune. Aucune question ne sera certifiée.
JUGEMENT dans le dossier IMM-5248-19
LA COUR STATUE que :
La présente demande est rejetée;
Aucune question n’est certifiée.
« Glennys L. McVeigh »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 4e jour de juin 2020
Isabelle Mathieu, traductrice
Annexe A – Lois pertinentes
Visa et documents
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COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-5248-19
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INTITULÉ :
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FAVZIYA HAYATULLAH, HAYATULLAH HAMIDULLAH, PARISA HAYATULLAH, ARSALAN HAYATULLAH, et SADAF HAYATULLAH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Edmonton (Alberta)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 10 MARS 2020
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE MCVEIGH
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DATE DES MOTIFS :
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LE 1ER AVRIL 2020
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COMPARUTIONS :
Me Allison Purdon
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POUR LES DEMANDEURS
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Me Galina Bining
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
McGuaig Desrochers LLP
Avocats
Edmonton (Alberta)
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POUR LES DEMANDEURS
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Procureur général du Canada
Edmonton (Alberta)
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POUR LE DÉFENDEUR
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