Date : 20040729
Dossier : IMM-5779-03
Référence : 2004 CF 1041
Ottawa (Ontario), le 29 juillet 2004
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER
ENTRE :
NITHIYANANTHAN NILANI
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LA JUGE SNIDER
[1] La demanderesse est une Tamoule âgée de 30 ans, citoyenne du Sri Lanka. Elle prétend craindre d'être persécutée par l'armée, la police, les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (les TLET) et les groupes militants tamouls pro-gouvernement.
[2] Dans une décision datée du 11 juin 2003, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger.
[3] La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.
Questions litigieuses
[4] La demanderesse fonde sa demande sur les deux questions suivantes :
1. En concluant que la discrimination qu'aurait sans doute à subir la demanderesse « ne » pouvait « pas constituer de la persécution » , la Commission a-t-elle commis une erreur en appliquant le mauvais critère juridique à la question de savoir si la demanderesse craignait avec raison d'être persécutée?
2. La Commission a-t-elle fourni des motifs insuffisants relativement à cette conclusion en particulier, contrevenant par le fait même aux principes de justice naturelle?
Analyse
Question #1 : La Commission a-t-elle commis une erreur en appliquant le mauvais critère juridique à la question de savoir si la demanderesse craignait avec raison d'être persécutée?
[5] La demanderesse soutient que l'affirmation suivante dans la décision de la Commission montre que la Commission a appliqué le mauvais critère à la question de la persécution :
Nous estimons que la discrimination qu'aura sans doute à subir la demandeure, si elle retourne à Colombo, ne peut pas constituer de la persécution.
[6] Selon la demanderesse, l'utilisation de l'expression « sans doute » montre que la norme de la prépondérance des probabilités a été appliquée à la question de la persécution.
[7] Je ne suis pas d'accord. Il est clair pour le lecteur que l'expression « sans doute » est utilisée pour modifier le terme « discrimination » . Dans le passage contesté, la Commission ne traite pas de la probabilité que la demanderesse fasse l'objet de discrimination équivalant à de la persécution. La Commission traite plutôt du type de discrimination que la demanderesse aura « sans doute » à subir - une simple conclusion de fait tirée suivant la prépondérance des probabilités -, discrimination qui, selon ce qu'elle conclut, « ne peut pas » constituer de la persécution.
[8] De plus, la demanderesse se fonde sur une phrase de la décision. En lisant les lignes qui suivent la phrase en question ainsi que la décision dans son ensemble, je suis convaincue que la Commission a appliqué le bon critère. Elle n'a pas appliqué le mauvais critère et n'a donc pas commis d'erreur susceptible de contrôle.
Question #2 : La Commission a-t-elle fourni des motifs insuffisants relativement à cette conclusion, contrevenant par le fait même aux principes de justice naturelle?
[9] La demanderesse soutient que les motifs sont insuffisants. Plus particulièrement, la demanderesse affirme que la Commission n'a pas fourni d'explication adéquate à l'appui de sa conclusion suivant laquelle la discrimination qu'elle aurait sans doute à subir « ne p[ouvait] pas constituer de la persécution » . Je ne suis pas d'accord.
[10] Dans la section de la décision de la Commission qui est en cause en l'espèce, la Commission examinait la question de savoir si la discrimination qu'aurait sans doute à subir la demanderesse équivalait à de la persécution. Dans l'arrêt Sagharichi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 182 N.R. 398 (C.A.F.), au paragraphe 3, demande d'autorisation de pourvoi rejetée, [1993] S.C.C.A. No. 461, la Cour d'appel fédérale a conclu que la question de savoir si la discrimination équivaut à de la persécution soulève une question de droit et de fait :
Il est vrai que la ligne de démarcation entre la persécution et la discrimination ou le harcèlement est difficile à tracer, d'autant plus que, dans le contexte du droit des réfugiés, il a été conclu que la discrimination peut fort bien être considérée comme équivalant à de la persécution. Il est également vrai que la question de l'existence de la persécution dans les cas de discrimination ou de harcèlement n'est pas simplement une question de fait, mais aussi une question mixte de droit et de fait, et que des notions juridiques sont en cause. Toutefois, il reste que, dans tous les cas, il incombe à la Section du statut de réfugié de tirer sa conclusion dans le contexte factuel particulier, en effectuant une analyse minutieuse de la preuve présentée et en soupesant comme il convient les divers éléments de la preuve, et que l'intervention de cette Cour n'est pas justifiée à moins que la conclusion tirée ne semble arbitraire ou déraisonnable.
[1] La Cour doit donc se demander si la Commission a effectué une analyse minutieuse de la preuve présentée et si la conclusion qu'elle a tirée était arbitraire ou déraisonnable. À mon avis, l'analyse de la Commission était minutieuse et sa conclusion n'était ni arbitraire ni déraisonnable.
[2] Les motifs doivent être suffisants pour permettre à l'intéressé de savoir pourquoi sa demande a été rejetée et de décider s'il y a lieu de demander l'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire (Townsend c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2003), 231 F.T.R. 116, au paragraphe 22; Mendoza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 846 (C.F.) (QL), au paragraphe 4). Il faut y retrouver le raisonnement suivi par le décideur et l'examen des principaux facteurs pertinents (VIA Rail Canada Inc. c. Office national des transports (2000), 193 D.L.R. (4th) 357 (C.A.F.), au paragraphe 22). Enfin, la décision doit être considérée dans son ensemble.
[3] À mon avis, les motifs donnés par la Commission, lorsqu'ils sont considérés dans leur ensemble, sont suffisamment clairs et intelligibles pour permettre à la demanderesse de savoir pourquoi sa demande a été rejetée. Se fondant sur la preuve documentaire dont elle était saisie, la Commission a décrit en détail le traitement que subirait sans doute la demanderesse à son retour à Colombo. Après avoir apprécié cette preuve, la Commission a conclu que ce traitement probable n'équivalait pas à de la persécution. La vulnérabilité particulière de la demanderesse n'a pas d'incidence en l'espèce sur la conclusion tirée par la Commission quant au fondement objectif de sa demande. J'estime que les motifs de la Commission sont suffisants et qu'il n'y a rien qui justifie l'intervention de la Cour.
[4] De plus, je note que la conclusion de la Commission que la demanderesse n'était pas crédible était déterminante quant à l'issue de sa demande, et que la demanderesse n'a contesté aucune des conclusions tirées par la Commission relativement à la crédibilité. Une conclusion relative à la crédibilité est déterminante quant à l'issue d'une demande d'asile (Rahaman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2002), 211 D.L.R. (4th) 455 (C.A.F.); Yassine c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 27 Imm. L.R. (2d) 135 (C.A.F.); Mathiyabaranam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1997), 156 D.L.R. (4th) 301 (C.A.F.); Sheikh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1990), 71 D.L.R. (4th) 604 (C.A.F.)).
[5] Ayant conclu que la demanderesse n'était pas crédible, la Commission n'était pas tenue de procéder à l'exercice inutile consistant à examiner le fondement objectif de la crainte. S'il y avait des erreurs (et je ne crois qu'il y en avait) dans les conclusions de la Commission suivant lesquelles la demande n'avait pas de fondement objectif, ces erreurs étaient sans importance quant à la décision et ne pouvaient donc servir de fondement à une demande d'autorisation (Yassine, précité, aux paragraphes 8 à 11; Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2002), 288 N.R. 48 (C.A.F.), au paragraphe 5).
Conclusion
[6] Pour ces motifs, la demande sera rejetée. Ni l'une ni l'autre des parties n'a proposé une question à certifier. Aucune question ne sera certifiée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La demande est rejetée; et
2. Aucune question de portée générale n'est certifiée.
« Judith A. Snider »
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5779-03
INTITULÉ : NITHIYANANTHAN NILANI
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 26 JUILLET 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LA JUGE SNIDER
DATE DES MOTIFS : LE 29 JUILLET 2004
COMPARUTIONS :
Micheal Crane POUR LA DEMANDERESSE
Greg G. George POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Micheal Crane POUR LA DEMANDERESSE
Avocat
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada