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Date : 20200409

Dossier : T‑23‑19

Référence : 2020 CF 508

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 avril 2020

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

ARTERRA WINES CANADA, INC.

demanderesse

et

DIAGEO NORTH AMERICA, INC.

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  En vertu du paragraphe 56(1) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13) [la LMC], la demanderesse Arterra Wines Canada, Inc. [Arterra ou l’opposante], propriétaire de NAKED GRAPE au Canada, comme indiqué ci‑dessous, interjette appel de la décision du 31 octobre 2018 de la Commission des oppositions des marques de commerce [la COMC] rendue au nom du registraire des marques de commerce [le registraire] : Arterra Wines Canada, Inc. c Diageo North America, Inc., 2018 COMC 134 [la jurisprudence Arterra Wines]. La COMC a rejeté l’opposition d’Arterra à l’égard des demandes de marque de commerce simultanément en instance no 1,561,944 pour NAKED TURTLE [la demande ’944] et no 1,592,265 pour THE NAKED TURTLE Dessin — étiquette de devant [la demande ’265], mais a rejeté la demande de marque de commerce simultanément en instance no 1,592,266 pour THE NAKED TURTLE Dessin — étiquette de dos [la demande ’266]. La demande ’266 n’est pas en cause dans le présent appel.

[2]  Pour les motifs qui suivent, j’accueille l’appel et je rejette la demande ’944 et la demande ’265.

II.  Contexte

[3]  Le 30 janvier 2012, la défenderesse, Diageo North America, Inc. [Diageo] a produit la demande ’944 pour la marque nominale THE NAKED TURTLE sur la base d’un emploi proposé de la marque au Canada, initialement en liaison avec des [traduction] « boissons alcoolisées sauf la vodka et la bière ». Cette demande avait une date de priorité de production conventionnelle établie au 21 décembre 2011. Elle a été modifiée le 21 août 2012 pour redéfinir les produits en tant que [traduction] « rhum et boissons aromatisées au rhum (sauf la vodka et la bière) ». La demande a ensuite été annoncée le 23 janvier 2013 et contestée le 23 juin 2013 par Constellation Brands Canada, Inc. [Constellation Canada ou l’opposante], qui est devenue plus tard Arterra, comme je l’explique plus loin. La demande ’944 a été à nouveau modifiée le 4 juin 2015 afin de redéfinir les produits en tant que [traduction« spiritueux, nommément rhum et boissons aromatisées au rhum (sauf la vodka et la bière) ».

[4]  Le 30 août 2012, Diageo a déposé la demande ’265 pour le dessin‑marque THE NAKED TURTLE Dessin — étiquette de devant, également basée sur l’emploi projeté de la marque au Canada, initialement en liaison avec des [traduction« boissons alcoolisées (sauf la vodka), du rhum et des boissons aromatisées au rhum ». Elle a été modifiée le 7 mai 2013 pour redéfinir les produits en tant que [traduction] « boissons alcoolisées, nommément rhum et boissons aromatisées au rhum ». La demande a ensuite été annoncée le 6 novembre 2013 et contestée par Constellation Canada le 29 novembre 2013. Elle a été modifiée à nouveau le 4 juin 2015 pour redéfinir les produits en tant que [traduction« spiritueux, nommément rhum et boissons aromatisées au rhum ». Cette marque faisant l’objet de la demande est représentée ci‑dessous :

The Naked Turtle Design - front label

[5]  Constellation Canada s’est opposée aux deux demandes en vertu des alinéas 38(2)b) et 12(1)d) [non enregistrable], 38(2)c) et 16(3)a) [sans droit], et 38(2)d) et à l’article 2 [sans caractère distinctif] de la LMC, sur la base du fait que les marques de commerce faisant l’objet des demandes sont source de confusion avec les marques de commerce [déposées] NAKED GRAPE [enregistrement n° LMC659,543 pour les vins, vins panachés, vin de glace], NAKED GRAPE & Dessin de raisin [numéro d’enregistrement LMC720,829 pour les vins] et NAKED GRAPE FIZZ [numéro d’enregistrement LMC795,352 pour le vin]. [Trois motifs d’opposition supplémentaires fondés sur les alinéas 38(2)c) et 16(3)b) [concernant la demande ’944], 38(2)a) et 30e) et 30i) de la LMC ne sont pas en litige devant la Cour.] Les détails des motifs d’opposition résumés par la COMC sont reproduits à l’annexe A des présents motifs. Arterra a poursuivi ces oppositions après qu’un changement de titre a été enregistré pour ces marques de commerce [et d’autres] auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada [OPIC] le 27 juillet 2017, et les déclarations d’opposition ont été modifiées par la suite, avec la permission de la COMC, pour nommer Arterra en tant qu’opposante [avec un changement de titre survenu pour une société à numéro].

[6]  Constellation Canada a produit comme preuve au titre de l’article 41 [du Règlement sur les marques de commerce, DORS / 96‑195, ou le Règlement] l’affidavit de Steven Bolliger, vice‑président principal, Marketing de Constellation Canada, établi sous serment le 7 mars 2014 [demande ‘944] et le 25 juillet 2014 [demande ’265]. Je précise que ces affidavits sont essentiellement similaires et qu’un seul contre‑interrogatoire de M. Bolliger a été effectué, avec la transcription et les réponses subséquentes produites dans les deux oppositions.

[7]  Diageo a produit comme preuve au titre de l’article 42 du Règlement les affidavits de : (i) Scott Schilling, établi sous serment le 8 avril 2015 [demande ’944] et le 21 août 2015 [demande ’265] [le titre de M. Schilling dans le premier affidavit était vice‑président, Spiritueux et innovation de Diageo, tandis que dans son affidavit ultérieur, il a été remplacé par vice‑président principal, Innovation, Amérique du Nord]; (ii) Bruce Wallner, maître sommelier, établi sous serment le 2 avril 2015 [le même affidavit a été produit pour les deux oppositions]; (iii) Peterson Eugenio, chercheur en marque de commerce, établi sous serment le 9 avril 2015 [demande ’944 et demande ’265] et le 10 août 2015 [demande ’265]; et (iv) Dane Penney, spécialiste de la recherche sur les marques de commerce, établi sous serment le 9 avril 2015 [demande ’944 et demande ’265] et le 10 août 2015 [demande ’265]. À l’exception de l’affidavit de M. Wallner, qui est identique dans chaque cas, je précise que les deux affidavits de chacun des autres déposants sont essentiellement similaires. Un seul contre-interrogatoire de chaque déposant a été effectué, les transcriptions et les réponses subséquentes ayant été produites dans les deux oppositions. Diageo a également été autorisé, en vertu de l’article 44 du Règlement, à déposer une copie certifiée de l’enregistrement n° LMC885 729 pour SIMPLY NAKED pour le vin.

[8]  Constellation Canada n’a produit aucune contre‑preuve au titre de l’article 43 du Règlement dans les deux cas, et seule Constellation Canada a produit un plaidoyer écrit. La COMC a entendu les oppositions en même temps le 13 juin 2018; à ce moment‑là, Arterra a été enregistrée comme l’opposante. Comme je l’ai mentionné, la COMC a rejeté les oppositions d’Arterra à la demande ’944 et à la demande ’265 [alors qu’elle a rejeté la demande ’266] le 31 octobre 2018 et a transmis sa décision aux parties le 8 novembre 2018. Par ailleurs, je précise que la COMC a traité séparément deux autres oppositions de Constellation Canada à l’égard de deux demandes connexes simultanément en instance de Diageo : Constellation Brands Canada, Inc. c Diageo North America, Inc., 2018 COMC 133 [la jurisprudence Constellation Brands].

III.  Décision de la COMC visée par l’appel

[9]  La COMC a mentionné le fardeau de preuve initial imposé à un opposant [Arterra] pour appuyer les allégations contenues dans sa déclaration d’opposition : John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 1990 CanLII 11059 (CF), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298. Une fois que les faits sont suffisamment prouvés, on se tourne ensuite vers le fardeau imposé à l’auteur de la demande d’enregistrement [Diageo] de prouver le bien‑fondé de sa cause [c’est‑à‑dire, prouver que la demande ne contrevient pas aux dispositions de la LMC, contrairement à ce que prétend un opposant]. Si une conclusion déterminante ne peut être tirée sur une question, la question doit être tranchée à l’encontre du requérant.

[10]  Ensuite, à titre préliminaire, la COMC a conclu que M. Wallner, maître sommelier, n’avait pas les qualifications requises pour formuler une opinion portant que le public ne risque pas de confondre les marques de commerce en cause, puisqu’il n’est pas un expert en comportement humain [Now Communications Inc c CHUM Ltd (2003), 32 CPR (4th) 168 (COMC), au par. 13]. En outre, l’évaluation par M. Wallner du caractère distinctif inhérent des marques de commerce de l’une ou l’autre des parties n’a pas été jugée pertinente, car il n’a fourni aucune preuve de la compréhension qu’aurait le consommateur ordinaire de vins et de spiritueux du mot anglais « naked » [nu] [c’est‑à‑dire, des vins qui sont naturels, ou des spiritueux purs, non manipulés et généralement non vieillis en fût de chêne], n’a réalisé aucun sondage et a reconnu qu’il aurait une compréhension plus exhaustive de la terminologie que le consommateur. Au lieu de cela, il s’est appuyé sur ses propres conversations et expériences personnelles et professionnelles qui, de l’avis de la COMC, ne correspondaient pas à l’expérience d’achat du consommateur moyen de boissons alcoolisées. Compte tenu de ces préoccupations, la COMC a conclu que l’affidavit de Bruce Wallner n’était pas pertinent, et donc irrecevable : R c Mohan, [1994] 2 RCS 9 (CSC).

[11]  Malgré l’argument de Diageo en appel selon lequel les éléments de preuve de M. Wallner concernant le sens de « naked » [nu] dans l’industrie du vin au Canada sont corroborés par d’autres éléments de preuve et sont donc pertinents, je souscris à la conclusion de la COMC concernant l’affidavit de M. Wallner. À mon avis, l’évaluation de la COMC est conforme aux directives de la Cour suprême du Canada sur la preuve d’expert dans la jurisprudence Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27 [la jurisprudence Masterpiece] aux paragraphes 80 à 99; comme indiqué au paragraphe 92 : « Ils [les juges] doivent faire appel à leur bon sens et ne pas se laisser influencer par leurs « connaissances ou [leur] tempérament particuliers » pour décider s’il y aurait probabilité de confusion chez le consommateur ordinaire ». Par conséquent, j’estime qu’il n’y a aucune raison de modifier cette conclusion de la COMC en appel, que l’on applique la norme de contrôle en appel de la décision correcte ou celle de l’erreur manifeste et dominante examinée plus en détail cidessous.

A.  Conclusions relatives à la demande ’944

[12]  La COMC a mentionné la date de production de la demande [c’est‑à‑dire, le 30 janvier 2012] comme date importante pour évaluer les motifs d’opposition prévus aux alinéas 30e) et 30i) de la LMC. Elle a rejeté ces motifs pour manque de preuves et a précisé qu’il n’y avait aucune allégation de mauvaise foi concernant le motif fondé sur l’alinéa 30i) de la LMC. Je souscris aux conclusions de la COMC concernant ces motifs. Je souligne en outre qu’aucun des nouveaux éléments de preuve des parties, dont il est question ci-dessous, ne porte sur ces motifs et que, par conséquent, ces conclusions ne sont pas non plus remises en cause dans le présent appel.

[13]  La COMC s’est ensuite penchée sur le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la LMC et a pris note de la date de sa décision [c’est‑à‑dire, le 31 octobre 2018] comme date pertinente pour évaluer ce motif : Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF) [la jurisprudence Park Avenue]. La COMC estimait que l’argument le plus solide de l’opposante était celui fondé sur l’enregistrement no LMC659,543 de la marque de commerce NAKED GRAPE, et c’est sur cet enregistrement que la COMC a concentré son analyse relative à la confusion. En d’autres termes, si Arterra n’obtenait pas gain de cause à l’égard de cette marque, elle n’aurait pas gain de cause à l’égard des autres marques.

[14]  Faisant référence au test lié à la confusion énoncé au paragraphe 6(2) de la LMC, la COMC a précisé que les critères énoncés au paragraphe 6(5) de la LMC, y compris toutes les circonstances pertinentes de l’espèce, ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux varie en fonction du contexte propre à chaque affaire; cela dit, la ressemblance entre les marques, est souvent celui qui revêt le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion : Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22 [la jurisprudence Mattel], au paragraphe 54; Masterpiece, précitée, au paragraphe 49. Pour résumer la façon dont le test doit être appliqué, la COMC se réfère à l’extrait suivant de la jurisprudence Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 [la jurisprudence Veuve Clicquot], au paragraphe 20 :

« Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [précédentes] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques. » [caractères gras ajoutés]

[15]  La COMC a conclu que les deux marques de commerce NAKED GRAPE et THE NAKED TURTLE avaient un caractère distinctif inhérent. Un consommateur peut conclure, après réflexion, que le mot NAKED dans le contexte d’une boisson comme le vin ou le rhum suggère qu’il n’a pas été vieilli en fût de chêne. Le consommateur moyen ne portera pas plus qu’une attention désinvolte, cependant, pour observer le sens du mot « naked » comme non vieilli en fût de chêne, à première vue, même lorsqu’il est décrit comme tel sur les étiquettes NAKED GRAPE : Coombe c Mendit Ltd. (1913), 30 RPC 709) [la jurisprudence Coombe] à la p. 717, cité dans la jurisprudence Mattel, précitée. La preuve n’a pas non plus établi que le consommateur ordinaire a été sensibilisé au fait que le mot « naked » [nu] signifie, que le vin n’a pas été vieilli en fût de chêne, [traduction] « par opposition à une conclusion portant que l’opposante emploie un mot osé pour positionner son produit de manière amusante et coquine ». La COMC n’était pas non plus convaincue que des marques de tiers au Canada telles que Chardonaked, Naked Pig Pale Ale et la vodka Skinny Girl Naked ne permettaient pas de conclure que le consommateur ordinaire comprend que le mot « naked » [nu] suggère ou décrit un produit qui n’a pas été vieilli en fût de chêne.

[16]  La COMC a souligné que l’opposante est le plus grand producteur et distributeur de vins au Canada : sa gamme de vins NAKED GRAPE est offerte depuis octobre 2005, et de 2008 à 2013, les ventes annuelles de vins NAKED GRAPE ont oscillé entre 16 millions et 26 millions de dollars au Canada tandis que les dépenses totales en annonces se sont élevées à près de 10 millions de dollars au cours de cette période. La preuve que la marque de commerce NAKED GRAPE a été largement annoncée et employée au Canada pendant une longue période, résumée plus en détail au paragraphe 24 de sa décision, a permis à la COMC de conclure que cette marque était assez bien connue, voire célèbre, au Canada pour le vin : Arterra Wines, précitée, au paragraphe 24. Cependant, les preuves des activités aux ÉtatsUnis de Diageo n’ont conféré à cette marque de commerce aucune notoriété significative au Canada. Bien que la COMC ait précisé la distinction entre une boisson alcoolisée faite à partir de la fermentation de raisins et un spiritueux produit par distillation, elle a néanmoins constaté qu’il existe une possibilité que les voies de commercialisation des parties se recoupent puisqu’il est probable que leurs produits respectifs soient vendus dans les restaurants, les magasins d’alcools et les magasins indépendants, quoique dans des rayons différents.

[17]  La COMC a précisé que, lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, les marques de commerce doivent être considérées dans leur ensemble. Le test qu’il convient d’appliquer est celui du souvenir imparfait qu’un consommateur peut avoir du produit d’un opposant portant sa marque : Veuve Clicquot, , au paragraphe 20. Il faut se demander d’abord si l’un des aspects de la marque de commerce est frappant ou unique : Masterpiece, précitée, au paragraphe 64. Sur cette base, la COMC a conclu que l’aspect le plus frappant de la marque de commerce d’Arterra est le mot NAKED [nu], car le mot GRAPE [raisin] est descriptif des produits associés, tandis que la marque de commerce de Diageo est susceptible d’être perçue comme une expression indissociable. En outre, lorsqu’on les considère dans leur ensemble, la COMC a constaté que les marques étaient plus différentes que semblables sous l’angle de la première impression, malgré qu’elles se ressemblent sur le plan de la présentation et de la prononciation, en raison du fait que le mot NAKED [nu] était entièrement compris dans la marque de commerce THE NAKED TURTLE. La COMC a conclu que NAKED GRAPE suggérait de manière amusante et coquine la nudité, tandis que THE NAKED TURTLE véhiculait l’idée d’une tortue qui ne porte pas de vêtements ou qui est autrement dénudée. En tirant cette conclusion, la COMC était consciente que la première partie d’une marque de commerce est souvent la plus importante : Conde Nast Publications Inc. c Union des éditions modernes, (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 [la jurisprudence Conde Nast], au paragraphe 34.

[18]  La COMC a également tenu compte de plusieurs circonstances. En ce qui concerne les preuves de marques de commerce de tiers contenant le mot « NAKED » [nu] en liaison avec des boissons alcoolisées au Canada, la COMC les a jugées insuffisantes pour remplacer le caractère distinctif acquis de la marque de commerce d’Arterra NAKED GRAPE en l’absence d’informations sur leur vente ou leur annonce. Ni l’utilisation par Diageo de sa marque de commerce aux États‑Unis ni d’autres marques de commerce de tiers aux États‑Unis n’ont été considérées comme des facteurs pertinents. En ce qui concerne la copie certifiée de l’enregistrement no LMC885,729 de la marque SIMPLY NAKED pour le vin, même si elle figurait au nom d’une entité juridique liée à Constellation Canada, mais distincte de celleci, elle aussi était considérée comme un facteur non pertinent en l’absence de preuve de l’utilisation de la marque de commerce au Canada. Bien que cela ne soit pas mentionné dans la décision de la COMC, je précise qu’en tout état de cause, cet enregistrement a été annulé volontairement le 8 septembre 2017. En ce qui concerne la prétendue « famille » de marques de commerce d’Arterra, la COMC a constaté qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour établir une famille de marques de commerce NAKED GRAPE, de sorte qu’il y aurait une probabilité accrue de confusion, en l’absence de chiffres de vente pour NAKED GRAPE FIZZ.

[19]  Enfin, en ce qui concerne les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(3)a), 16(3)b) de la LMC [concernant la demande ’944] et de l’article 2, alors qu’Arterra s’est acquitté de ses fardeaux applicables, la COMC a conclu que la position d’Arterra n’était pas plus solide à la date de production de la demande [la date de priorité de production relative à la demande ’944] ou la date de production de la déclaration d’opposition. Elle est donc parvenue à la même conclusion concernant le risque de confusion qu’en ce qui concerne le motif fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la LMC et a également rejeté ces motifs.

B.  Conclusions relatives à la demande ’265

[20]  Comme pour la demande ’944, la COMC a estimé que l’argument le plus solide d’Arterra était son enregistrement de la marque de commerce NAKED GRAPE. La COMC a conclu que la marque de commerce THE NAKED TURTLE Dessin – étiquette de devant avait un caractère distinctif inhérent, les mots NAKED TURTLE [en haut de l’étiquette] étant la partie la plus frappante de cette marque de commerce. La COMC a également conclu que le dessin de la tortue au centre de l’étiquette ajoutait un caractère distinctif marqué. La COMC n’a pas mentionné la marque de commerce NAKED GRAPE dans son examen des facteurs énoncés à l’alinéa 6(5)a) de la LMC. La COMC est ensuite passée à l’examen du degré de ressemblance entre ces marques de commerce et, estimant que les marques de commerce des parties avaient des impacts visuels très différents, elle a conclu que Diageo s’était acquittée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait aucune probabilité raisonnable de confusion. Comme pour la marque nominale THE NAKED TURTLE, le dessin-‑marque THE NAKED TURTLE Dessin – étiquette de devant a été considéré plus différent que semblable à la marque NAKED GRAPE sous l’angle de la première impression.

IV.  Cadre législatif

[21]  Voir l’annexe B pour les dispositions applicables.

V.  Enjeux

[22]  Cet appel soulève essentiellement deux questions :

Quelle est la norme de contrôle applicable en appel, compte tenu de la production de nouveaux éléments de preuve?

Gardant à l’esprit la norme de contrôle applicable en appel, sous l’angle de la première impression, le « consommateur ordinaire plutôt pressé », qui voit les marques de commerce de Diageo, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de l’une ou l’autre des marques de commerce d’Arterra, serait vraisemblablement confus; c’est‑à‑dire est-il probable que ce consommateur considérerait que Diageo était la même source de boissons alcoolisées [rhum d’une part et vins d’autre part] qu’Arterra? [En paraphrasant la jurisprudence Veuve Clicquot, précitée, au paragraphe 20; Masterpiece, précitée, au paragraphe 41.]

VI.  Preuve des parties

[23]  En appel, Arterra a produit (i) un nouvel affidavit de Steven Bolliger, vice-président principal, Marketing d’Arterra, établi sous serment le 4 février 2019, et (ii) l’affidavit de Jason Williams, enquêteur privé d’Integra Investigation Services Ltd., établi sous serment le 4 février 2019. Diageo a produit les affidavits de (i) William Joynt, propriétaire de William Joynt Investigations Ltd., établi sous serment le 12 mars 2019, et de (ii) Lori-Anne DeBorba, commis aux litiges principale employée par l’avocat de Diageo, établi sous serment le 12 mars 2019. Tous les déposants ont été contre‑interrogés.

[24]  Un résumé des éléments de preuve présentés par les parties, tant devant la COMC qu’en appel devant la Cour, figure à l’annexe C des présents motifs.

VII.  Analyse

A.  La norme de contrôle applicable en appel

[25]  L’audience de la présente affaire a eu lieu un peu plus de deux semaines avant que soit rendue la décision de la Cour suprême du Canada dans la jurisprudence de principe Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [la jurisprudence Vavilov]. J’ai par la suite invité les parties à présenter des observations écrites concernant l’incidence de la jurisprudence Vavilov sur le mécanisme d’appel prévu par la LMC : Vavilov, précitée, au paragraphe 144. Les deux parties ont déposé des observations.

[26]  La jurisprudence Vavilov dit que, lorsqu’il existe un droit d’appel prévu par la loi, la norme de contrôle applicable en appel, selon la loi applicable, s’applique aux appels : Vavilov, précitée, aux paragraphes 36 à 37. Pour reprendre le paragraphe 37 :

Par exemple, lorsqu’une cour de justice entend l’appel d’une décision administrative, elle se prononcera sur des questions de droit, touchant notamment à l’interprétation législative et à la portée de la compétence du décideur, selon la norme de la décision correcte conformément à l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S.  235, par. 8. Si l’appel prévu par la loi porte notamment sur des questions de fait, la norme de contrôle sera celle de l’erreur manifeste et déterminante (applicable également à l’égard des questions mixtes de fait et de droit en l’absence d’un principe juridique facilement isolable) : voir Housen, par. 10, 19 et 26‑37. Évidemment, si le législateur entend prévoir l’application en appel d’une autre norme de contrôle, il lui est toujours loisible d’exprimer son intention en énonçant dans la loi la norme de contrôle applicable.

[27]  Bien que cette question ne soit pas en cause en l’espèce, je remarque que la jurisprudence Vavilov discute de manière relativement approfondie la norme d’examen en matière d’interprétation des lois, d’une manière nuancée et correspondant mieux à un examen solide selon la norme de la décision raisonnable, plutôt que celle de la décision correcte : Vavilov, précitée, aux paragraphes 115 à 124. Dans la jurisprudence Vavilov, la Cour suprême du Canada a également éliminé les « questions de compétence [c’est‑à‑dire, les questions touchant véritablement à la compétence ou de la portée du pouvoir statutaire d’un décideur] comme une catégorie distincte devant faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte » : Vavilov, précitée au paragraphe 65. Rien n’est dit dans la jurisprudence Vavilov sur les implications d’un mécanisme d’appel qui envisage la production de nouvelles preuves, conformément au paragraphe 56(5) de la LMC.

[28]  À mon avis, la jurisprudence Vavilov ne remplace pas nécessairement la jurisprudence antérieure concernant les nouveaux éléments de preuve produits auprès de la Cour fédérale dans le cadre d’un appel d’une décision du registraire, mais nécessite plutôt un ajustement. Plus précisément, à la date de l’audience devant la Cour, les parties étaient essentiellement d’accord pour dire que la norme de contrôle applicable est déterminée au cas par cas, selon l’importance de tout nouvel élément de preuve produit concernant la ou les questions en litige. Si les nouveaux éléments de preuve sont jugés importants pour une question, la Cour doit examiner l’issue de cette question pertinente en procédant à un examen de novo ou en appliquant la norme de la décision correcte : Seara Alimentos Ltda. c Amira Enterprises Inc., 2019 CAF 63 [la jurisprudence Seara], au paragraphe 22; Advance Magazine Publishers, Inc. c Banff Lake Louise Tourism Bureau, 2018 CF 108 [la jurisprudence Advance], aux paragraphes 16 et 22; Brasseries Molson c John Labatt Ltée, [2000] 3 CF 145 (CAF), au paragraphe 51; Spirits International B.V. c BCF S.E.N.C.R.L., 2012 CAF 131 [la jurisprudence Spirits], aux paragraphes 10, 30; Keepsake Inc. c Prestons Ltd (1983), 69 CPR (2d) 50, au paragraphe 46; Dart Industries Inc. c Dart Industries Inc., 2013 CF 97, aux paragraphes 21 et 22. Les parties étaient également d’accord sur le fait que de nouveaux éléments de preuve pourraient répondre aux lacunes dans la preuve perçues par la COMC : Mövenpick Holding AG c Exxon Mobil Corporation, 2011 CF 1397, au paragraphe 54, et 2013 CAF 6; Advance Magazine Publishers Inc. c Farleyco Marketing Inc., 2009 CF 153 [la jurisprudence Farleyco] aux paragraphes 93 à 95, 98, et 2009 CAF 348.

[29]  Toutefois, pour procéder à un examen de novo en vertu du paragraphe 56(5) de la LMC, la preuve nouvelle doit être « suffisamment importante ; [...] une preuve qui simplement complète ou répète la preuve existante ne dépassera pas le seuil requis » : Papiers Scott Limitée c Georgia‑Pacific Consumer Products LP, 2010 CF 478 [la jurisprudence Scott Paper] aux paragraphes 48 et 49. Le critère n’est pas de savoir si les nouveaux éléments de preuve auraient fait changer d’avis la COMC, mais plutôt s’ils auraient eu un effet important sur sa décision : Scott Paper, précitée, au paragraphe 49. À cet égard, la qualité, et non la quantité, est essentielle : Vivat Holdings Ltd. c Levi Strauss & Co., 2005 CF 707, au paragraphe 27. En résumé, « la Cour doit évaluer la qualité, et non la quantité (en tenant compte de leur nature, de leur valeur probante et de leur fiabilité) pour déterminer si les [nouveaux] éléments de preuve supplémentaires ajoutent des éléments importants » et, par conséquent, s’ils auraient sensiblement influé sur la décision de la COMC : Advance, précitée, au paragraphe 16, citant Illico Communication Inc. c Norton Rose S.E.N.C.R.L., 2015 CF 165, au paragraphe 26 [la jurisprudence Illico Communications] et Mcdowell c The Body Shop International PLC, 2017 CF 581, au paragraphe 11.

[30]  Ainsi, lorsque de nouveaux éléments de preuve importants sont produits, la norme de la décision correcte envisagée par le paragraphe 56(5) de la LMC et la jurisprudence applicable permet à la Cour de procéder à une analyse de novo à l’égard des questions pertinentes, sans déférence pour la ou les conclusions du décideur sous‑jacent. En l’absence de nouveaux éléments de preuve importants, cependant, la norme de contrôle en appel de la jurisprudence Housen s’appliquera, par opposition à celle de la décision raisonnable. Si on laisse de côté les questions d’interprétation de lois et de compétence, cela signifie que les questions de droit doivent être évaluées selon la norme de la décision correcte, tandis que les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit [où le principe juridique n’est pas facilement applicable] doivent être examinées afin de déceler toute erreur manifeste et dominante.

[31]  La Cour d’appel fédérale définit et fournit des indications sur la détermination des erreurs manifestes et dominantes dans la jurisprudence Mahjoub c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157 [la jurisprudence Mahjoub], aux paragraphes 61 à 70, cité récemment à l’appui de la décision rendue par le juge Kane dans Pentastar Transport Ltd c FCA US LLC, 2020 CF 367 :

[61]  La norme de l’erreur manifeste et dominante est une norme de contrôle qui commande une grande déférence : arrêts Benhaim c. St‑Germain, 2016 CSC 48, [2016] 2 R.C.S.  352, au paragraphe 38, et H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25, [2005] 1 R.C.S. 401. 401. Lorsque l’on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier. Voir l’arrêt Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, 431 N. R. 286, au paragraphe 46, cité avec l’approbation de la Cour suprême dans l’arrêt St‑Germain, précité.

[62]  Par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente. Bien des choses peuvent être qualifiées de « manifestes ». À titre d’exemples, mentionnons l’illogisme évident dans les motifs (notamment les conclusions de fait qui ne vont pas ensemble), les conclusions tirées sans éléments de preuve admissibles ou éléments de preuve reçus conformément à la doctrine de la connaissance d’office, les conclusions fondées sur des inférences erronées ou une erreur de logique, et le fait de ne pas tirer de conclusions en raison d’une ignorance complète ou quasi complète des éléments de preuve.

[63]  Cependant, même si une erreur est manifeste, le jugement de l’instance inférieure ne doit pas nécessairement être infirmé. L’erreur doit également être dominante.

[64]  Par erreur « dominante », on entend une erreur qui a une incidence déterminante sur l’issue de l’affaire. Il se peut qu’un fait donné n’aurait pas dû être tenu comme avéré parce qu’il n’existe aucun élément de preuve pour l’étayer. Si ce fait manifestement erroné est exclu, mais que la décision tient toujours sans ce fait, l’erreur n’est pas « dominante ». Le jugement du tribunal de première instance demeure.

[65]  Il peut également y avoir des situations où une erreur manifeste en soi n’est pas dominante, mais lorsqu’on la prend en considération avec d’autres erreurs manifestes, la décision ne peut plus être maintenue. Pour ainsi dire, l’arbre est tombé non pas après un seul coup de hache déterminant, mais après plusieurs bons coups.

[66]  Souvent, les personnes qui allèguent une erreur manifeste et dominante soutiennent que le tribunal de première instance a oublié, négligé d’examiner ou mal interprété la preuve ou ne lui a pas accordé suffisamment de poids parce que le tribunal n’a pas mentionné les éléments de preuve dans ses motifs [...] Une non‑mention dans les motifs ne mène pas nécessairement à une conclusion d’erreur manifeste et dominante.

[67]  D’abord, les cours de première instance jouissent d’une présomption réfutable selon laquelle elles ont pris en considération et évalué tous les éléments dont elles disposent : arrêt Housen, au paragraphe 46.

[68]  En outre, lorsqu’une cour d’appel examine une allégation d’erreur manifeste et dominante, elle se concentre souvent sur les motifs du tribunal de première instance. Cependant, ses motifs doivent être examinés en contexte et interprétés en fonction à la fois du dossier de preuve dont il disposait et des observations faites à cet égard : arrêt R. c. R.E.M., 2008 CSC 51, [2008] 3 R.C.S. 3, aux paragraphes 35 et 55. Même si les motifs peuvent ne pas mentionner un sujet donné ou des éléments de preuve particuliers, le dossier de preuves et le contexte peuvent jeter un éclairage sur les raisons pour lesquelles le tribunal de première instance a fait ce qu’il a fait. Ils peuvent également confirmer que, même si un sujet n’est pas mentionné dans les motifs, il était néanmoins à la disposition du tribunal et ce dernier l’a examiné.

[69]  Parfois, les avocats soutiennent que des lacunes dans les motifs du tribunal de première instance indiquent une erreur manifeste et dominante. En examinant ce genre d’observations, les cours d’appel doivent se rappeler certaines réalités de la rédaction de motifs. Il s’agit d’un art imprécis tributaire de jugements difficiles qui ne peuvent pas facilement faire l’objet d’une appréciation rétrospective. [...]

[70]  Souvent, l’erreur manifeste et dominante est mieux définie par une description de ce qu’elle n’est pas. Si une cour d’appel avait carte blanche, elle pourrait pondérer différemment les éléments de preuve et parvenir à un résultat différent. Elle pourrait être portée à tirer des inférences différentes ou à voir des implications factuelles différentes dans les éléments de preuve. Mais ces choses, sans plus, n’équivalent pas à l’erreur manifeste et dominante.

[32]  Compte tenu de ces principes, je dois examiner l’importance des nouveaux éléments de preuve produits par les parties devant la Cour, y compris le contre‑interrogatoire des déposants, et déterminer si les nouveaux éléments de preuve sont suffisamment importants pour qu’ils aient pu avoir un effet important sur la décision de la COMC, et non répondre à la question de savoir s’ils auraient fait changer d’avis la COMC. Par conséquent, je dois évaluer la qualité, la valeur probante et la fiabilité des nouveaux éléments de preuve des parties dans le contexte du dossier et déterminer s’ils auraient complété ou clarifié le dossier d’une manière qui aurait pu influencer les conclusions de la COMC sur une conclusion de fait ou l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire s’ils avaient été accessibles au moment de la décision de la Commission : Seara, précitée, aux paragraphes 23 à 26.

a)  L’affidavit de Jason Williams daté du 4 février 2019

[33]  Monsieur Jason Williams était un enquêteur privé engagé par l’avocat d’Arterra. Son témoignage consistait en des résultats de recherche sur chaque site Web officiel de société des alcools provinciale afin de relever les boissons alcoolisées dont les noms contenaient des noms d’animaux [il a trouvé des centaines de noms de ce type], et en des photographies de 83 produits en vente à la LCBO dont les noms comportaient des noms d’animaux [Régie des alcools de l’Ontario], M. Williams a comparu en personne à Toronto. Arterra a présenté ces éléments de preuve à l’appui de sa position selon laquelle le mot « NAKED » [nu] est susceptible d’être considéré comme la caractéristique la plus frappante des marques des deux parties par les consommateurs ordinaires de boissons alcoolisées sur la base d’une première impression, car les consommateurs ont l’habitude de voir des noms d’animaux sur les étiquettes de boissons alcoolisées, tandis que le mot « NAKED » [nu] se voit peu en dehors des marques d’Arterra. En contre‑interrogatoire, l’avocat de Diageo a cherché à établir qu’un certain nombre de noms d’animaux trouvés par M. Williams comprenaient des noms de lieux ou de régions géographiques [tels que « Hawkes Bay », « Monkey Bay », « Cariboo » et « Horse Heaven Hills »), ou des noms personnels [tels que « Wolf Blass »], ou avaient d’autres connotations [comme « Ironhorse », « Moscow Mule », « Henhouse », « Landshark » et « Cowhorn »]. En dépit de la possibilité [non prouvée] que d’autres connotations puissent s’appliquer à certains des noms, cela n’enlève rien au fait que ces noms de produit contiennent à première vue des noms d’animaux ou des équivalents phonétiques proches de noms d’animaux. En outre, comme il a été souligné lors du témoignage de M. Williams et lors du contre‑interrogatoire, l’utilisation du mot « turtle » [tortue] semble être rare; le témoignage de M. Williams contient des références à « Painted Turtle » et à « Alpha Estate Malagouzia Turtles » parmi les centaines de noms d’animaux qu’il a trouvés. Cela dit, je souscris à l’argument selon lequel M. Williams n’était pas chargé de rechercher spécifiquement des noms de produits et des images comportant des tortues et, par conséquent, il pourrait y avoir d’autres produits de ce type sur le marché.

[34]  En l’absence de tout contexte concernant le témoignage de M. Williams, comme les volumes de ventes, la réputation des boissons alcoolisées portant des étiquettes comportant des noms d’animaux ou la part du marché global des boissons alcoolisées au Canada que représentent ces produits étiquetés, je ne suis pas prête à tirer des conclusions sur ce que le consommateur ordinaire pourrait percevoir lorsqu’il voit à de telles étiquettes sur le marché. Bien qu’elle ne l’ait pas formulé de cette façon, c’est ce qu’Arterra demande à la Cour de faire. Comme l’a précisé Steven Bolliger lors du contre‑interrogatoire sur son troisième affidavit daté du 4 février 2019, [traduction« il y a des dizaines de milliers d’unités de stock de vins au Canada – ou des centaines de milliers d’unités de stock au Canada » [en réponse aux Q277‑ 278, lorsqu’on lui a demandé combien d’autres vins non vieillis en fût de chêne étaient vendus au Canada]. En outre, en affirmant que le mot « naked » [nu] est susceptible d’être considéré comme l’élément le plus frappant des marques de commerce de Diageo en raison d’autres noms d’animaux figurant sur les étiquettes des boissons alcoolisées, on exclut de façon inadmissible la rareté apparente ou la nature frappante du mot « turtle » [tortue] [comme l’a révélé le témoignage de M. Williams, sous réserve du fait que M. Williams n’a pas été chargé de rechercher spécifiquement les noms de produits comportant des tortues] et cela équivaut à disséquer les marques de Diageo : Battle Pharmaceuticals v British Drug Houses Ltd, [1944] Ex CR 239 [la jurisprudence Battle Pharmaceuticals], à la page 251, conf. par [1946], RCS 50. Comme indiqué ci‑dessous, la COMC a également procédé à une dissection non autorisée de la marque de commerce NAKED GRAPE d’Arterra; on ne corrige pas une erreur par une autre.

[35]  À mon avis, la preuve de M. Williams, y compris son contre‑interrogatoire, ne font que renforcer la nécessité pour un organisme de contrôle d’examiner l’intégralité des marques en cause lors de l’évaluation de la probabilité de confusion. La COMC a conclu que les marques des deux parties, NAKED GRAPE et THE NAKED TURTLE, avaient un caractère distinctif inhérent et qu’elle était consciente de la qualité unique que le mot « turtle » [tortue] apportait à la marque proposée par Diageo lors de l’examen du degré de ressemblance entre ces marques. Au bout du compte, je ne suis pas convaincue que ces éléments de preuve auraient influencé l’évaluation de la COMC quant à l’importance relative des mots « naked » [nu] et « turtle » [tortue]. Par conséquent, comme ces éléments de preuve ne font que confirmer les conclusions de la COMC, ils ne sont pas importants à mon avis : Seara, précitée, au paragraphe 24.

b)  L’affidavit de Steven Bolliger daté du 4 février 2019

[36]  Il s’agissait du troisième affidavit, dans le cadre de la présente instance, de Steven Bolliger, vice‑président principal, Marketing d’Arterra, à la date de son affidavit; il est apparu lors du contre‑interrogatoire qu’il a par la suite pris sa retraite. Il est clair que cet affidavit a été offert pour renforcer la « famille » de marques de commerce d’Arterra [en tant que « circonstance » dans l’analyse relative à la confusion] et en particulier, à la suite de la conclusion suivante de la COMC : « Étant donné qu’il n’y a aucun chiffre de ventes pour les vins NAKED GRAPE FIZZ, j’estime que l’opposante n’a pas démontré qu’elle possède une famille de marques de commerce NAKED GRAPE de sorte qu’il y aurait une probabilité accrue de confusion » : Arterra Wines, précitée, au paragraphe 42

[37]  Dans cet affidavit, M. Bollinger a fourni des chiffres de ventes et des exemples de factures pour les produits NAKED GRAPE FIZZ vendus au Canada depuis 2012, indiquant environ 5,27 millions de dollars de ventes depuis lors. Fait à noter, les produits NAKED GRAPE FIZZ sont vendus exclusivement en Ontario depuis 2014 et seul le cépage blanc est offert depuis 2015. M. Bolliger a également fait référence à une quatrième marque de commerce, NAKED GRAPE & Dessin, qui a été enregistrée sous le numéro d’enregistrement LMC999,626 dans les jours qui ont suivi l’audience de la COMC. La famille de marques de commerce alléguée se compose donc des marques de commerce suivantes :

Marque de commerce

No d’enregistrement et date

Biens

NAKED GRAPE [marque nominale]

LMC659,543

2006‑02‑21

Vins; vins panachés; vin de glace

NAKED GRAPE & Dessin de raisin

Naked Grape & Grape Design

LMC720,829

2008‑08‑14

Vins

NAKED GRAPE FIZZ [marque nominale]

LMC795,352

2011‑04‑12

 

Vin

NAKED GRAPE Dessin

NAKED GRAPE Design

 

LMC999,626

2018‑06‑21

Boissons alcoolisées, nommément, vins

[38]  Par ailleurs, je précise qu’Arterra n’a demandé à aucun moment l’autorisation de modifier ses déclarations d’opposition en vertu de l’article 40 du Règlement, afin de réviser le motif fondé sur les alinéas 38(2)b) et 12(1)d) de la LMC pour y inclure l’enregistrement n° LMC999,626. Étant donné que la date pertinente pour évaluer ce motif est la date de la décision du juge, que ce soit la COMC ou la Cour, selon le cas, à mon avis, il aurait été loisible à Arterra d’exercer ce recours. Le fait qu’Arterra a reconnu l’importance de la quatrième marque pour le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la LMC ressort clairement de son mémoire des faits et du droit déposé dans le dossier d’appel.

[39]  En tout état de cause, à la lumière de la conclusion susmentionnée de la COMC concernant NAKED GRAPE FIZZ et de l’absence d’analyse sur la question de savoir si une famille de marques de commerce aurait été constatée si l’utilisation de la marque de commerce NAKED GRAPE FIZZ avait été mise en preuve, je suis d’avis que les preuves de vente présentées auraient pu avoir une incidence importante sur la décision de la COMC. Je dois donc examiner cette question, à savoir la « famille » alléguée de marques de commerce, de novo, et la question de savoir, si elle aurait changé l’issue si elle avait été tranchée en faveur d’Arterra. Pour plusieurs raisons, je ne suis pas convaincue qu’Arterra a établi l’existence d’une famille de marques de commerce avec ses nouveaux éléments de preuve, de sorte que la balance concernant l’analyse relative à la confusion penche en faveur d’Arterra pour ce seul motif.

[40]  À titre préliminaire, je précise que, dans ses déclarations d’opposition et avis de demande, Arterra a allégué qu’elle possède ou a une famille de marques de commerce [déposées] au Canada qui comprennent l’élément NAKED [nu] en liaison avec des boissons alcoolisées sous forme de vin. Le plaidoyer écrit de l’opposante ne contenait aucune discussion sur la question et on ne sait pas ce qu’Arterra a fait valoir au sujet de sa famille présumée de marques de commerce lors de l’audience devant la COMC. Ce que l’on sait, c’est que la COMC a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour établir l’existence d’une famille de marques de commerce NAKED GRAPE. Ces positions ne sont pas nécessairement incohérentes, puisque NAKED GRAPE contient le mot NAKED [nu]. En appel, Arterra a simplement affirmé par écrit que le troisième affidavit de M. Bolliger traitait de la lacune dans la preuve constatée par la COMC [concernant les chiffres de vente de NAKED GRAPE FIZZ], et a demandé à la Cour d’examiner la question de novo et de conclure qu’Arterra a établi l’existence d’une famille de marques de commerce déposées, augmentant ainsi la probabilité de confusion. Cette affirmation est conforme aux observations d’Arterra sur la question à l’audience. Comme Arterra n’a pas d’enregistrement pour le mot NAKED [nu] en soi, mais a un enregistrement pour NAKED GRAPE en soi, ce dernier étant à mon avis la caractéristique commune de sa famille de marques de commerce revendiquée, mon évaluation de novo se concentre sur la question de savoir si Arterra a établi l’existence d’une famille des marques de commerce NAKED GRAPE.

[41]  Une famille de marques de commerce est [traduction« une série de marques qui possèdent toutes les mêmes caractéristiques et appartiennent au même commerçant » : Molnlycke Aktiebolag c Kimberly‑Clark of Canada Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 42 (C F 1re inst.), au paragraphe 25. J’accepte le fait qu’une famille de marques de commerce, si son existence est établie, attire un champ de protection plus large et, dans les bonnes circonstances, peut avoir une incidence sur l’évaluation de la confusion. Pour se prévaloir de la protection plus large accordée à une famille de marques, la partie alléguant l’existence de la famille doit démontrer l’utilisation réelle [c’est‑à‑dire, des chiffres de vente, des campagnes d’annonces et/ou des preuves d’expansion des gammes] de plusieurs produits ayant la ou les caractéristiques communes qui définissent la famille [c’est‑à‑dire, les mots NAKED GRAPE] : Techniquip Ltd. c Canadian Olympic Assn. (1998), 145 FTR 59 (CFPI) [la decision Techniquip], au paragraphe 19, conf. par 250 NR 302 (CAF); London Life Insurance Co. c Manufacturers Life Insurance Co., [1999] ACF no 394, au paragraphe 24; Everex Systems, Inc. c Everdata Computer Inc. (1992), 44 CPR (3d) 175 (CFPI), aux paragraphes 28 à 30; Toys “R” Us (Canada) Ltd v Babies‑R‑Us Inc, 36 ACWS (3d) 1186, aux paragraphes 6 et 7. Cependant, la COMC a conclu précédemment qu’une marque nominale et une version figurative de la marque nominale étaient insuffisantes pour créer une famille : Now Communications, précitée, au paragraphe 35, citant British Columbia Hydro and Power Authority c Union Gas Limited (1998), 85 CPR (3d) 231.

[42]  Dans l’affaire dont nous sommes saisis, Arterra a maintenant mis en évidence l’utilisation d’une marque nominale NAKED GRAPE, de deux versions figuratives de la marque nominale [sans ajouter d’autres mots aux mots NAKED GRAPE, et dans une affaire affichée avec le dessin d’un raisin qui évoque ou décrit graphiquement le mot GRAPE (raisin)], et d’une autre marque nominale qui ajoute le mot FIZZ à NAKED GRAPE. Je précise en outre que la plus récente marque figurative déposée [enregistrement no LMC999,626] est simplement composée de la moitié supérieure de la marque figurative enregistrée antérieurement [enregistrement n° LMC720,829]. À mon avis, les deux marques figuratives enregistrées ne sont que des versions figuratives de la marque nominale NAKED GRAPE. Elles auraient la même sonorité et elles suggèrent les mêmes idées que la marque nominale et ne diffèrent les unes des autres que par des aspects visuels relativement mineurs [à part le dessin d’un raisin qui évoque simplement ou décrit picturalement un raisin]. Cette conclusion est renforcée par les premier et deuxième affidavits de Steven Bolliger, datés du 7 mars 2014 et du 25 juillet 2014 respectivement, qui décrivent la marque, la gamme de vins et la marque de commerce NAKED GRAPE sans aucune distinction en ce qui concerne l’utilisation, les ventes et les annonces ou la promotion. En outre, Arterra a décrit ces marques dans le plaidoyer écrit de l’opposante produit en rapport avec son opposition à la demande ’265 comme étant [traduction« [...] les marques nominales et figuratives NAKED GRAPE enregistrées (les « marques NAKED GRAPE ») [...] ». Arterra a également fait référence à des expressions telles que la marque NAKED GRAPE, les vins NAKED GRAPE, la collection de vins NAKED GRAPE et les produits NAKED GRAPE, sans aucune distinction entre ses marques NAKED GRAPE. En d’autres termes, la marque nominale NAKED GRAPE et les versions figuratives sont « regroupées » dans les premier et deuxième affidavits de M. Bolliger et dans le plaidoyer écrit de l’opposante. Les versions figuratives n’ajoutent pas d’éléments supplémentaires à la famille alléguée, mais appuient plutôt l’utilisation de la marque nominale NAKED GRAPE, dont il existe peu de preuves de son utilisation autrement que sous la forme de sa marque figurative : Pizzaiolo Restaurants inc. c Les Restaurants La Pizzaiolle inc., 2016 CAF 265 [la jurisprudence Pizzaiolo], au paragraphe 26. Nonobstant cette conclusion, je prends note des indications contenues dans la jurisprudence Masterpiece selon lesquelles Arterra a le droit de voir chacune de ses marques examinée séparément dans l’analyse relative à la confusion, comme je l’explique plus en détail ci‑dessous : Masterpiece, précitée, aux paragraphes 43, 45 et 48; Benjamin Moore & Co. Limited c Home Hardware Stores Limited, 2017 CAF 53 [la jurisprudence Benjamin Moore], au paragraphe 32.

[43]  La famille alléguée de marques de commerce se compose donc essentiellement de NAKED GRAPE et NAKED GRAPE FIZZ, mais [traduction« deux [...] marques ne font pas une famille » : U L Canada Inc v Wells Dairy, Inc, 1999 CanLII 19471 (CA COMC). Comme l’a précisé la COMC, une partie qui cherche à s’appuyer sur une famille de marques de commerce doit démontrer l’utilisation de plus d’une ou deux marques au sein de la famille revendiquée; ce principe demeure même si, comme je l’ai précisé, la COMC n’a pas procédé à une analyse pour savoir si l’existence d’une famille aurait été établie même avec les ventes de produits NAKED GRAPE FIZZ. J’aurais pu en juger autrement si Arterra avait mis en preuve l’utilisation de deux autres marques de commerce, NAKED GRAPE SPRITZER MORNING MIMOSA et NAKED GRAPE SPRITZER SUNSET SANGRIA, l’objet de demandes en instance antérieures sur lesquelles Arterra s’appuyait en rapport avec le motif d’opposition fondé sur les alinéas 38(2)c) et 16(3)b) de la LMC. Cependant, cette question n’était plus en litige devant la Cour.

[44]  De plus, bien que les nouveaux éléments de preuve d’Arterra démontrent qu’il y a eu des ventes continues de ses produits NAKED GRAPE FIZZ jusqu’en 2018‑2019, le contre‑interrogatoire de M. Bolliger a mis en évidence que les produits NAKED GRAPE FIZZ ne sont plus produits pour la vente et que les revenus de vente [qui étaient en baisse par rapport aux années précédentes] peuvent avoir découlé uniquement de la vente du stock restant. Dans la meilleure des hypothèses, ces nouveaux éléments de preuve ne font que compléter ou confirmer la conclusion de la COMC selon laquelle la marque de commerce NAKED GRAPE ou la gamme de produits de vin NAKED GRAPE d’Arterra, dont NAKED GRAPE FIZZ fait partie, est bien connue au Canada, voire célèbre : Arterra Wines, précitée, au paragraphe 29. Par conséquent, j’accorde peu ou pas de poids au troisième affidavit de M. Bolliger.

c)  Les affidavits de William Joynt et Lori‑Anne DeBorba datés du 12 mars 2019

[45]  Les affidavits de William Joynt, enquêteur privé, et de Lori‑Anne DeBorba, commis aux litiges principale, datés du 12 mars 2019, montrent ensemble des exemples de produits offerts à la vente au Canada en liaison avec le terme « naked » [nu] ou une variante [telle que « Nakd »], y compris pour (i) les boissons, les aliments et les produits de collation; (ii) les restaurants, cafés et magasins d’aliments naturels; (iii) des livres de cuisine, des recettes et des blogues culinaires. Après avoir examiné les contre‑interrogatoires pertinents, je ne suis pas convaincue que les irrégularités dans la collecte de ces renseignements soient suffisantes pour rendre les affidavits irrecevables. Ces preuves ont été introduites à l’appui du principe reconnu selon lequel, « le registraire, au moment de se demander si deux marques sont susceptibles de créer de la confusion [c’est‑à‑dire, NAKED GRAPE et THE NAKED TURTLE], doit déterminer si l’élément commun aux deux marques [c’est‑à‑dire, NAKED] est également présent dans un certain nombre d’autres marques. En effet, cette situation tend à diminuer le risque de confusion et à permettre de distinguer les marques de commerce comparées grâce à des caractéristiques autres que leur particularité commune » : Techniquip, précitée, au paragraphe 19. Voir aussi Assurant, Inc. c Assurancia, Inc., 2018 CF 121, au paragraphe 65.

[46]  À mon avis, cette nouvelle preuve par affidavit est pertinente pour l’analyse relative à la confusion et, en particulier, le caractère distinctif inhérent des marques respectives des parties. Toutefois, le caractère probant des éléments de preuve dépend de la question de savoir si et dans quelle mesure les produits sont vendus et connus au Canada dans les circuits commerciaux pertinents. Diageo n’a pas démontré, par exemple, que ces produits sont ou pourraient être vendus dans les mêmes magasins que NAKED GRAPE, à savoir dans les magasins d’alcool contrôlés par les provinces ou les magasins Wine Rack d’Arterra. Bien qu’ensemble, ces affidavits démontrent suffisamment l’existence et la disponibilité de ces produits au Canada, sans contexte tel que les ventes globales et le positionnement sur le marché, je ne suis pas disposée à conclure que les preuves démontrent la popularité ou la réputation.

[47]  De plus, bien qu’il ressorte du contre‑interrogatoire de M. Steven Bolliger sur son troisième affidavit [daté du 4 février 2019] qu’Arterra s’est engagée dans des activités promotionnelles visant des aliments ou des collations, comme les croustilles de pommes de terre originales de Miss Vickie et le vin Woodbridge de Robert Mondavi, ce fait ne corrobore pas à mon avis la position de Diageo selon laquelle [traduction« ces catégories de produits sont clairement liées ». Il n’existe pas non plus suffisamment de produits ou de variantes « naked » [nu] de tiers [tels que « nakd »] pour avoir une incidence quelconque sur le caractère distinctif de la marque de commerce NAKED GRAPE d’Arterra. Je précise que la COMC n’était pas disposée à conclure à l’existence d’utilisations limitées de NAKED par des tiers au Canada, pour les boissons alcoolisées, suffisantes pour établir NAKED comme un terme courant dans cette industrie, sans parler de celles prétendument liées [telles que les boissons non alcoolisées, en particulier les smoothies], ni pour avoir un effet réel sur le caractère distinctif acquis de NAKED GRAPE [voir Arterra Wines, précitée, aux par. 34 à 36]. J’estime en outre qu’il est incohérent que, d’une part, Diageo cherche à réduire les industries des boissons [alcoolisées et non alcoolisées], de la nourriture et des livres/recettes/blogues en une seule afin d’argumenter le caractère commun du terme « naked » [nu], tout en affirmant, d’autre part, qu’une distinction devrait être établie entre les « vins » et le « rhum » dans le contexte de l’analyse relative à la confusion. Je considère donc que les affidavits de Joynt et DeBorba ne sont pas suffisamment importants pour influer sur l’évaluation par la COMC du caractère distinctif de la marque de commerce NAKED GRAPE d’Arterra et, par conséquent, je leur attribue peu, voire pas de poids.

[48]  À la suite de mes constatations concernant l’importance relative des nouveaux éléments de preuve soumis par les parties et de la conclusion de novo concernant la famille de marques de commerce revendiquées par Arterra, il me revient ensuite d’examiner si la COMC a commis des erreurs manifestes et dominantes concernant des questions de fait ou des questions mixtes de fait et de droit en déterminant la probabilité de confusion entre les marques de commerce des parties. Comme il a été souligné dans la jurisprudence Mattel, la détermination de la probabilité de confusion suppose des questions mixtes de fait et de droit et de fait : Mattel, précitée, aux paragraphes 32 et 35. À mon avis, il n’y a pas de questions de droit d’importance générale en l’espèce susceptibles d’exiger l’application de la norme de la décision correcte.

Gardant à l’esprit la norme de contrôle applicable en appel de l’erreur manifeste et dominante, sous l’angle de la première impression, le « consommateur ordinaire plutôt pressé », qui voit les marques de commerce de Diageo, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de l’une ou l’autre des marques de commerce d’Arterra, serait vraisemblablement confus; c’est‑à‑dire s’il est probable que ce consommateur considérerait que Diageo était la même source de boissons alcoolisées [rhum d’une part et vins d’autre part] qu’Arterra?

[49]  La norme de l’erreur manifeste et dominante qui s’applique en appel est une norme de contrôle qui appelle le plus haut degré de retenue et qui exige que [traduction] « la Cour commence par les motifs pour déterminer si les erreurs alléguées existent, ce qui nécessite l’examen des motifs dans leur ensemble ainsi que le dossier soumis au décideur » : Pentastar, précitée, au paragraphe 49. Ce faisant, la Cour doit garder à l’esprit que la rédaction d’un jugement ou d’une décision est « un art imprécis tributaire de jugements difficiles qui ne peuvent pas facilement faire l’objet d’une appréciation rétrospective »; elle doit éviter de soupeser à nouveau la preuve : Mahjoub, précitée, aux paragraphes 69 et 70. Il convient de souligner que la préoccupation ultime de l’analyse relative à la confusion est la source des marchandises, par opposition aux marchandises elles‑mêmes [les marchandises n’étant qu’un facteur à prendre en considération pour déterminer la probabilité de confusion].

[50]  À mon avis, la COMC n’a commis aucune erreur manifeste et dominante en formulant la charge de la preuve imposée à un opposant et le fardeau qui incombe au demandeur dans une procédure d’opposition, ni, comme cela a été mentionné ci‑dessus, dans la décision d’irrecevabilité concernant le témoignage de Bruce Wallner, maître sommelier. Cette dernière est renforcée par la propre communication de Diageo selon laquelle les étiquettes d’Arterra pour ses produits NAKED GRAPE désignent le vin comme étant « non vieilli en fût de chêne ». Je souscris à la mise en garde de la Cour suprême du Canada selon laquelle la preuve d’expert « sera carrément inutile si l’expert se livre à une analyse qui éloigne le tribunal de la question hypothétique qui est au cœur de l’analyse [;] [...] ni l’expert, ni le tribunal ne doit considérer chaque partie de [la marque de commerce] séparément des autres éléments [c’est‑à‑dire, « naked » c. NAKED GRAPE] » : Masterpiece, précitée, aux paragraphes 80 et 83.

[51]  Bien que la question ne soit pas en cause dans le présent appel, je conclus également que la COMC n’a commis aucune erreur manifeste et dominante en ce qui concerne son rejet des motifs d’opposition fondés sur les alinéas 30e) et 30i) de la LMC.

[52]  Concernant le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la LMC, à mon avis, la COMC n’a commis aucune erreur manifeste et dominante en formulant le critère de la confusion. Comme je l’ai indiqué ci‑dessus, la COMC a estimé que l’argument le plus solide de l’opposante était la marque de commerce déposée NAKED GRAPE, numéro d’enregistrement LMC659,543, qui était la préoccupation principale de l’analyse relative à la confusion de la COMC; si Arterra n’obtenait pas gain de cause à l’égard de cette marque, elle n’aurait pas gain de cause à l’égard des autres marques. Cette attention particulière est conforme à l’approche adoptée dans la jurisprudence Masterpiece, précitée, au paragraphe 61.

[53]  La COMC a ensuite résumé, comme suit, ses conclusions factuelles sur lesquelles elle a fondé son analyse des facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la LMC; Arterra soutient que ces conclusions ne sont pas en cause et que, par conséquent, on devrait leur accorder une certaine déférence, et je suis de cet avis :

[54]  Arterra a concentré ses observations écrites et orales sur les questions du degré de ressemblance entre les marques de commerce en cause [alinéa 6(5)e) de la LMC] et les circonstances entourant sa famille présumée de marques de commerce [alinéa 6(5) de la LMC]. Ayant réglé cette dernière question, je précise les indications données dans la jurisprudence Masterpiece selon lesquelles « il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5)[;] [...] l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion » : Masterpiece, précitée, au paragraphe 49. Avant de faire cela, j’affirme que, selon moi, la COMC n’a commis aucune erreur manifeste et dominante en arrivant à ses conclusions concernant les questions du caractère distinctif inhérent [alinéa 6(5)a) de la LMC], de la durée d’utilisation [alinéa 6(5)b) de la LMC], de la nature des produits [alinéa 6(5)c) de la LMC] et du commerce [alinéa 6(5)d) de la LMC], tel que cela est résumé aux paragraphes 15 et 16 ci‑dessus, ni en arrivant à ses conclusions concernant les circonstances pertinentes à l’espèce : l’utilisation par Diageo de ses marques de commerce aux États‑Unis; les marques de commerce de tiers comportant le terme « Naked » [nu] aux États‑Unis; l’enregistrement de la marque de commerce n° LMC885 729 pour SIMPLY NAKED, comme cela est résumé au paragraphe 18 ci‑dessus.

[55]  En ce qui concerne la conclusion de la COMC selon laquelle la marque de commerce d’Arterra est bien connue, voire célèbre au Canada, pour le vin, j’ajoute que je ne souscris pas à l’argument de Diageo selon lequel, selon la jurisprudence Veuve Clicquot, une marque célèbre exige une preuve de renommée au Canada qui transcende les produits ou services auxquels la marque est habituellement associée. Le paragraphe particulier invoqué [Veuve Clicquot, précitée, au paragraphe 53] parle du concept de la célébrité d’une marque dans le contexte du recours en matière de « dilution » aux États‑Unis. En déterminant que la COMC n’a commis aucune erreur manifeste ou dominante en concluant que NAKED GRAPE est bien connue, voire célèbre au Canada, pour le vin, je me réfère plutôt à la jurisprudence Mattel, précitée, au paragraphe 30 :

Il ne fait aucun doute que certaines marques célèbres possèdent un pouvoir protéiforme [...], alors que d’autres marques célèbres désignent clairement un produit spécifique. [...] La conclusion de la Commission selon laquelle la notoriété de BARBIE se limite aux poupées et aux accessoires de poupées ne signifie absolument pas que l’aura de BARBIE ne peut transcender ces produits, mais la question de savoir si elle est ou non susceptible de le faire dans le contexte d’une procédure d’opposition relative à des services de restaurant, de traiteur et de banquet est une question de fait qui dépend de « toutes les circonstances de l’espèce » (par. 6(5)). [...] [Caractères gras ajoutés.]

Cela est conforme à une série de décisions où le terme en cause a également été utilisé pour décrire des marques si omniprésentes dans l’industrie que le terme prend un sens secondaire, c’est‑à‑dire qu’il acquiert un caractère distinctif acquis : United Artists Pictures Inc c Pink Panther Beauty Corp, [1998] ACF no 441, au paragraphe 24; Swatch AG (Swatch SA) (Swatch Ltd.) c Hudson Watch Inc., 2018 CF 853, au paragraphe 41; Cartier Inc c Cartier Optical Ltd (1988), 20 CPR (3d) 68 (CFPI). Arterra a fourni des preuves de ventes importantes de vin que la COMC a jugées suffisantes. En l’absence de preuve supplémentaire que ces ventes ne reflètent pas une part de marché importante sur le marché canadien, je m’en remets à la conclusion de la COMC.

[56]  Cependant, lors de l’examen de l’évaluation par la COMC du degré de ressemblance, je suis d’avis que la COMC a commis plusieurs erreurs manifestes qui, d’une manière cumulative, ont un effet prépondérant. La COMC a commencé par souligner que le degré de ressemblance aurait souvent le plus le plus d’incidence dans l’analyse relative à la confusion. Je suis d’avis que la barre a été placée trop haut avec la déclaration suivante du professeur Vaver, laquelle est citée dans la jurisprudence Masterpiece : « [les] autres facteurs [énoncés au paragraphe 6(5) de la LMC] ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires [...] » : Masterpiece, précitée, au paragraphe 49. Je juge cette déclaration problématique pour plusieurs raisons. Elle laisse entendre que ce n’est que dans le cas de marques identiques ou très similaires que, sous l’angle de la première impression, le « consommateur ordinaire plutôt pressé », qui voit les marques de commerce du nouveau venu, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de l’une ou l’autre des marques de commerce du propriétaire, serait vraisemblablement confus, c’est‑à‑dire qu’en l’absence de marques identiques ou très similaires, aucune confusion n’est probable. La probabilité de confusion, cependant, doit être déterminée selon la prépondérance des probabilités, toute incertitude devant être tranchée en faveur du propriétaire. Chaque situation est propre aux faits et au contexte : Veuve Clicquot, précitée, au paragraphe 21, citant Mattel, précitée. De plus, le degré de ressemblance suppose des considérations disjonctives d’apparence, de son ou d’idées suggérées, dont chacune doit être évaluée. En résumé, l’analyse relative à la confusion telle qu’elle est énoncée dans l’article 6 de la LMC, y compris le paragraphe 6(5) de la LMC et la jurisprudence applicable, est beaucoup plus nuancée et, à mon avis, n’aboutit pas nécessairement à la conclusion que les marques en cause ne sont pas « identiques ou très similaires ». Comme il est mentionné plus loin dans la jurisprudence Masterpiece, précitée, au paragraphe 62 :

La ressemblance est définie comme étant le rapport entre des objets de même espèce présentant des éléments identiques [...]. Le mot « degré de ressemblance » à l’al. 6(5)e) de la Loi sous‑entend que ce n’est pas seulement dans les cas où les marques de commerce en cause sont identiques qu’il y a probabilité de confusion : des marques comportant un certain nombre de différences peuvent aussi engendrer une probabilité de confusion. [caractères gras ajoutés]

[57]  La COMC a en outre correctement fait observer que : les marques de commerce doivent être considérées dans leur ensemble. Le critère approprié n’est pas une comparaison côte à côte, mais un vague souvenir dans l’esprit d’un consommateur de la marque de commerce d’un opposant, et l’approche préférable consiste à commencer par déterminer s’il existe un aspect particulièrement unique ou frappant de la marque de commerce : Arterra Wines, précitée, au paragraphe 32, citant Veuve Clicquot, précitée, au paragraphe 20 et Masterpiece, précitée, au paragraphe 64. L’application du critère a cependant échoué à plusieurs égards.

[58]  La COMC a constaté que l’aspect le plus frappant de la marque de commerce de l’opposante était le mot NAKED [nu] [car le mot GRAPE (raisin) est descriptif des produits associés], mais a ensuite conclu que la marque de commerce de la requérante était susceptible d’être perçue comme une expression indissociable. La COMC n’a toutefois fourni aucune explication quant à la raison pour laquelle la totalité de la marque NAKED GRAPE d’Arterra ne serait pas non plus considérée comme une expression indissociable, bien que le mot NAKED [nu] soit considéré comme la caractéristique la plus frappante ou unique de la marque de commerce ou que le mot GRAPE [raisin] soit considéré comme descriptif : Arterra Wines, précitée, au paragraphe 33. Cette conclusion n’a aucun sens, compte tenu de la conclusion de la COMC selon laquelle la marque NAKED GRAPE d’Arterra [pas NAKED en soi] est bien connue, voire célèbre au Canada, pour le vin. Vraisemblablement, le fait que NAKED GRAPE a été largement employée par Arterra, au Canada, pendant une longue période, et le caractère distinctif acquis de la marque [souligné dans la conclusion de la COMC au paragraphe 43], ont joué un rôle important sinon prédominant dans la conclusion que la marque de commerce est bien connue, voire célèbre.

[59]  La COMC a ensuite constaté que, considérées dans leur ensemble, les marques de commerce étaient « plus différentes que semblables sous l’angle de la première impression » : Arterra Wines, précitée, aux paragraphes 33 et 48. Toutefois, il ne s’agit pas du critère de la confusion, et elle suggère davantage une comparaison côte à côte, en comptabilisant les différences et les similitudes plutôt qu’une considération des marques de commerce du point de vue du « consommateur ordinaire plutôt pressé » ayant un vague souvenir. Comme l’a souligné la jurisprudence Veuve Clicquot, le consommateur ordinaire plutôt pressé est celui qui « ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur pas plus que pour examiner de près les vraisemblances et les différences entre les marques » [caractères gras ajoutés] : Veuve Clicquo, précitée, au paragraphe 20.

[60]  La COMC a ensuite expliqué que, bien que les marques des parties se ressemblent quelque peu sur le plan de la présentation et de la prononciation, en raison de l’incorporation de NAKED [nu] [l’élément le plus frappant de la marque de commerce de l’opposante] dans son intégralité dans la marque de commerce de la requérante THE NAKED TURTLE, l’impact de la marque de commerce de la requérante est différente. À mon avis, cette décision équivaut à disséquer de manière inadmissible la marque de commerce NAKED GRAPE d’Arterra, en écartant le mot GRAPE [raisin] [malgré la conclusion selon laquelle la marque de commerce NAKED GRAPE est bien connue, voire célèbre au Canada]. Comme cela est mentionné dans la jurisprudence Masterpiece : « ni l’expert, ni le tribunal [ni la COMC] ne doit considérer chaque partie [de la marque] séparément des autres éléments » : Masterpiece, précitée, au paragraphe 83. Plus important encore, cette position contraste fortement avec la conclusion de la COMC dans la jurisprudence Constellation Brands où, après avoir conclu que le mot NAKED [nu] était l’aspect le plus frappant de la marque de commerce NAKED GRAPE de l’opposante, mais que la marque de commerce MAKE IT NAKED de la requérante serait perçue comme une expression indissociable, la COMC a conclu ce qui suit : « [...] lorsque les marques de commerce des parties sont considérées dans leur ensemble, j’estime qu’elles possèdent un degré de ressemblance considérable sur le plan de la présentation et du son, en raison de l’élément NAKED qu’elles ont en commun » : Constellation Brands, précitée, au paragraphe 26 [et paragraphe 41, concernant la marque de commerce DON’T WORRY DRINK NAKED & Dessin, demande no 1,595,872]. Le mot NAKED [nu] était le dernier mot des marques de commerce faisant l’objet d’une demande rejetée dans la jurisprudence Constellation Brands, contrairement à THE NAKED TURTLE; pourtant, le mot NAKED [nu] est également un « élément commun » et essentiellement le premier élément des marques de commerce en cause dans la jurisprudence Arterra Wines. Toutefois, la COMC n’a fait qu’une simple mention du principe énoncé dans la jurisprudence Conde Nast selon lequel la première partie de la marque de commerce est la plus importante [pour évaluer la probabilité de confusion] : Conde Nast, précitée, au paragraphe 34.

[61]  La COMC a ensuite jugé que les marques de commerce évoquaient des idées différentes, la marque de commerce de l’opposante « suggérant de manière amusante et coquine la nudité, alors que la Marque suggère une tortue qui ne porte pas de vêtements ou qui est autrement dénudée » : Arterra Wines, précitée, au paragraphe 33. Encore une fois, ces conclusions sont incompatibles avec les conclusions tirées dans la jurisprudence Constellation Brands où il a été jugé que les marques des deux parties « ont pour les consommateurs une connotation similaire légèrement osée, suggérant la nudité de manière amusante ou coquine » : Constellation Brands, précitée, aux paragraphes 26 et 41. Le mot TURTLE [tortue] et l’image de la tortue dans le cas de la marque figurative de Diageo THE NAKED TURTLE – étiquette de devant, à mon avis, ajoutent une autre couche à l’impression générale des marques de commerce opposées dans l’affaire dont nous sommes saisis. Je ne vois cependant aucun fondement rationnel pour conclure que le consommateur ordinaire plutôt pressé et n’ayant qu’un vague souvenir imputerait un sens différent au mot NAKED [nu] dans le contexte des marques des deux parties; le contraire semble plus probable. Cela est particulièrement vrai dans le contexte des marques figuratives, où le mot NAKED [nu] est affiché au‑dessus du mot suivant dans les marques des parties, GRAPE [raisin] dans le cas d’Arterra, et TURTLE [tortue] dans le cas de Diageo, donnant ainsi de l’importance, ou soulignant comme essentiellement le premier élément important dans les deux cas, le mot NAKED [nu].

[62]  En outre, les futures présentations possibles d’une marque de commerce à la disposition d’un propriétaire de marque de commerce déposée et d’un propriétaire de marque de commerce faisant l’objet d’une demande doivent être envisagées en ce qui concerne les marques nominales : Masterpiece, précitée, aux paragraphes 55 et 56, 85; Cheah c McDonald’s Corporation, 2013 CF 774, aux paragraphes 3 et 4; Pizzaiolo, précitée, au paragraphe 24. Il incombait donc à la COMC d’examiner adéquatement si la marque de commerce déposée NAKED GRAPE et la marque de commerce THE NAKED TURTLE faisant l’objet de la demande pouvaient être présentées dans un format qui créerait une possibilité de confusion pour le consommateur. La COMC n’a pas fait cela lorsqu’elle a évalué le degré de ressemblance dans deux paragraphes concernant la demande ’944 pour THE NAKED TURTLE et dans un paragraphe concernant la demande ‘265 pour THE NAKED TURTLE Dessin — étiquette de devant. Je ne suis pas d’avis que la décision dans la jurisprudence Domaines Pinnacle Inc. c Constellation Brands Inc., 2016 CAF 302 [la jurisprudence Domaines Pinnacle], aux paragraphes 10 et 11, limite cette portée de l’enquête de la COMC aux présentations qui sont probables sur la base de preuves d’une utilisation antérieure [comme l’utilisation par Diageo de la marque de commerce THE NAKED TURTLE aux États‑Unis]. Dans la jurisprudence Domaines Pinnacle, la Cour a conclu que « [l]a Commission n’avait pas à prendre en considération tous les usages possibles et non indiqués de la marque des intimées, qui ont été qualifiés de faibles par la Commission » [caractères gras ajoutés] : Domaines Pinnacle, précitée, au paragraphe 10. Dans l’affaire dont nous sommes saisis, la COMC a conclu que la marque de commerce d’Arterra NAKED GRAPE était bien connue, voire célèbre au Canada, pour le vin. En outre, malgré la conclusion susmentionnée, la Cour dans la jurisprudence Domaines Pinnacle a néanmoins procédé à l’évaluation de « la portée entière des droits conférés aux intimées par l’enregistrement de leur marque » dans le paragraphe suivant : Domaines Pinnacle, précitée, au paragraphe 11.

[63]  Ni l’enregistrement d’Arterra pour NAKED GRAPE ni la demande de Diageo pour THE NAKED TURTLE ne comporte de restrictions sur la façon dont la marque peut être affichée ou présentée, telles que la taille, la police, le style, la couleur ou le positionnement [un mot au‑dessus de l’autre]. La COMC a donc commis une erreur manifeste en ne considérant pas que si elle était enregistrée, Diageo aurait le droit d’afficher la marque nominale THE NAKED TURTLE avec ou sans dessin d’accompagnement [tel que celui présent dans la marque figurative THE NAKED TURTLE – étiquette de devant] d’une manière similaire à celle utilisée par Arterra ou autrement disponible à Arterra, et NAKED GRAPE, à savoir en mettant l’accent sur le mot NAKED [nu] dans sa valorisation de la marque. En d’autres termes, une marque nominale enregistrée n’empêcherait pas Diageo de mettre l’accent sur le terme « naked » [nu] par rapport aux termes « the » [la] et « turtle » [tortue]. Conformément aux jurisprudences Masterpiece et Pizzaiolo, à mon avis, il incombait à la COMC d’en tenir compte lors de la comparaison de la marque nominale NAKED GRAPE avec la marque nominale THE NAKED TURTLE. Cela s’applique également, bien que dans une moindre mesure, à la marque figurative THE NAKED TURTLE – étiquette de devant. Des modifications limitées sont autorisées pour les marques figuratives [telles que l’agrandissement du mot NAKED (nu) par rapport à THE (la) et TURTLE (tortue), la réduction de la taille du dessin de la tortue allongée, l’élargissement du mot NAKED (nu) dans le contexte de la formulation THE NAKED RUM CO. sur l’étiquette], tant que les modifications préservent l’identité et le caractère reconnaissable et préservent les caractéristiques dominantes de la marque : Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF) [la jurisprudence Promafil], aux paragraphes 34 et 35, 37 et 38. Comme l’a également précisé la Cour d’appel fédérale, [traduction« le droit canadien n’incorpore pas une vision linéaire de l’enregistrement des marques, mais peut tolérer [...] des variations prudentes sans encourir de conséquences négatives dans la mesure où l’on conserve ses caractéristiques dominantes et où les différences sont négligeables au point qu’aucun consommateur averti ne serait induit en erreur » : Promafil, précitée, au paragraphe 37. En ce qui concerne THE NAKED RUM CO. susmentionnée, qui fait partie intégrante de la marque figurative THE NAKED TURTLE – étiquette de devant, je suis d’avis qu’il existe une grande similitude en termes de degré de ressemblance avec NAKED GRAPE, de telle sorte que cela renforce le degré global de ressemblance entre ces deux marques de commerce, en particulier en ce qui concerne les utilisations futures potentielles des marques de commerce.

[64]  À titre de considération supplémentaire, je précise que, bien que pâle à l’heure actuelle, la marque nominative THE NAKED TURTLE – étiquette de devant incorpore dans le coin inférieur droit la marque figurative DON’T WORRY DRINK NAKED & Dessin, qui fait l’objet de la demande rejetée no 1,595,872 : Constellation Brands, précitée, aux paragraphes 43 et 44. On pourrait également lui donner une plus grande importance dans une future apparition de THE NAKED TURTLE – étiquette de devant. Je précise en outre que, en dépit de la présence d’une image de tortue allongée dans THE NAKED TURTLE Dessin — étiquette de dos, la demande ’266 a été refusée en raison des mots bien en vue et prêtant à confusion DON’T WORRY DRINK NAKED : Arterra Wines, précitée, aux paragraphes 52 et 53.

[65]  En somme, je suis d’avis que la COMC a commis les erreurs manifestes suivantes qui, d’une manière cumulative, ont un effet prépondérant :

Par conséquent, étant donné que la Cour a un dossier complet sur lequel fonder une nouvelle décision et afin d’éviter de prolonger la procédure entre ces parties, j’estime qu’il est dans l’intérêt de la justice que la Cour tranche la présente affaire, plutôt que de la renvoyer devant la COMC : Masterpiece, précitée, au paragraphe 103. Il s’agit donc de déterminer à nouveau le degré de ressemblance, puis d’évaluer à nouveau les conclusions de la COMC sur les autres facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la LMC, pour lesquels je n’ai trouvé aucune erreur manifeste et dominante et auxquelles je souscris, pour répondre à l’avant‑dernière question, à la date de ma décision : sous l’angle de la première impression, le « consommateur ordinaire plutôt pressé », qui voit les marques de commerce de Diageo, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de l’une ou l’autre des marques de commerce d’Arterra, serait vraisemblablement confus ; c’est‑à‑dire s’il est probable que ce consommateur considérerait que Diageo était la même source de boissons alcoolisées [rhum d’une part et vins d’autre part] qu’Arterra?

[66]  Je constate qu’il existe une certaine ressemblance entre les marques de commerce nominatives et figuratives d’Arterra, d’une part, et les marques de commerce nominatives et figuratives de Diageo, d’autre part, en raison de l’élément « commun » NAKED [nu], qui est frappant dans les deux marques des parties, et le premier élément significatif. Cela est renforcé par les marques figuratives, où le mot NAKED [nu] apparaît au‑dessus du mot suivant de la marque de chaque partie. Même avec les nouveaux éléments de preuve de Diageo, à mon avis, il n’y a toujours pas suffisamment de preuves pour conclure que le terme « naked » [nu] est si courant dans le circuit commercial applicable, que ce soit l’industrie des boissons alcooliques en termes larges, ou l’industrie des vins plus étroitement, que cela affaiblit la marque en raison de son caractère commun. À mon avis, le mot NAKED [nu] dans toutes les marques en cause transmet une connotation osée de manière amusante et coquine. Le mot véhicule également les idées quelque peu similaires respectivement d’un raisin sans peau et d’une tortue sans carapace ou dénudée. De plus, bien que le terme « turtle » [tortue] et son dessin puissent être uniques dans l’industrie des boissons alcoolisées, à mon avis, cet élément pourrait être diminué stylistiquement, par un formatage, pour mettre encore plus l’accent sur le terme « naked » [nu].

[67]  Je conclus en outre que les marques nominatives et les marques figuratives des parties respectives seraient prononcées comme deux mots – NAKED GRAPE dans le cas d’Arterra et NAKED TURTLE dans le cas de Diageo. Cette dernière est renforcée par la marque figurative THE NAKED TURTLE – étiquette de devant, qui affiche les mots THE NAKED TURTLE en haut, avec le mot THE dans une police beaucoup plus petite et différente que les mots NAKED TURTLE. En d’autres termes, je suis d’avis qu’un consommateur ordinaire plutôt pressé, confronté à la marque figurative de Diageo, percevrait le produit comme du rhum NAKED TURTLE et l’appellerait ainsi. Je souligne également que les marques figuratives des parties respectives, à savoir NAKED GRAPE & Dessin de raisin dans le cas d’Arterra et THE NAKED TURTLE – étiquette de devant dans le cas de Diageo, comportent un dessin arrondi centré sous les mots principaux de chaque marque. En y regardant de plus près, l’une est le dessin d’un raisin tandis que l’autre est une tortue allongée sous des palmiers. Comme l’a fait remarquer la COMC, « le consommateur moyen ne portera qu’une attention désinvolte et n’observera que ce qui lui saute aux yeux » : Arterra Wines, précitée, au paragraphe 28. En parlant du « consommateur mythique » d’intelligence ordinaire achetant « de[s]marchandises ou de[s] services ordinaires de consommation courante », la Cour suprême du Canada dans la jurisprudence Mattel a conclu : « [l]a norme applicable n’est pas celle des personnes [traduction] « qui ne remarquent jamais rien », mais celle des personnes qui ne prêtent rien de plus qu’une [traduction] « attention ordinaire à ce qui leur saute aux yeux » [...]. Or, si ces consommateurs occasionnels ordinaires plutôt pressés sont susceptibles de se méprendre sur l’origine des marchandises ou des services, le critère prévu par la loi [vraisemblablement pour la confusion] est rempli » [caractères gras ajoutés] : Mattel, précitée, au paragraphe 58, citant Coombe, précitée, à la p. 717.

[68]  En fin de compte, j’estime qu’il y a suffisamment de ressemblance entre la marque de commerce d’Arterra NAKED GRAPE, y compris les versions figuratives, et la marque nominale de Diageo, THE NAKED TURTLE, pour conclure que la confusion relative à la source telle qu’envisagée par le paragraphe 6(2) de la LMC est probable. Il ne s’agit pas d’une confusion entre du rhum et du vin, mais plutôt d’un consommateur ordinaire plutôt pressé et n’ayant qu’un vague souvenir du produit NAKED GRAPE d’Arterra, croyant à tort que la source du produit THE NAKED TURTLE est la même que celle du produit NAKED GRAPE.

[69]  Bien que j’ai un doute sur le degré de ressemblance entre NAKED GRAPE et la marque figurative THE NAKED TURTLE – étiquette de devant, je considère l’incertitude et la prépondérance en faveur d’Arterra pour plusieurs raisons, notamment les constatations suivantes : NAKED GRAPE est bien connue, voire célèbre au Canada, pour le vin [le facteur de la durée d’utilisation fondé sur l’alinéa 6(5)b) de la LMC favorise clairement Arterra]; le vin et le rhum font partie d’une même industrie – l’industrie des boissons alcoolisées [les produits appartiennent à la même catégorie générale et les circuits commerciaux applicables peuvent se chevaucher – paragraphe 6(2) et alinéas 6(5)c) et d) de la LMC]; et les présentations futures potentielles des marques de commerce [la portée de l’enregistrement des droits de ses marques bénéficierait à Diageo, y compris la possibilité de mettre l’accent sur le terme « naked » [nu] au‑dessus de tous les autres segments des marques]. Je précise que les marques des deux parties ne sont pas limitées en termes de canaux commerciaux applicables et je suis d’accord avec la COMC concernant le potentiel de chevauchement.

[70]  À la lumière de la conclusion susmentionnée concernant la probabilité de confusion, je suis d’avis que cela a un effet sur les motifs d’opposition prévus au paragraphe 16(3) et à l’article 2 de la LMC. La COMC a bien relevé les dates pertinentes, c’est‑à‑dire pour les motifs fondés sur les alinéas 16(3)a) et b) de la LMC – la date de priorité ou la date de production réputée du 21 décembre 2011 en ce qui concerne la demande ’944 et la date de production du 30 août 2012 concernant la demande ’265, et pour le deuxième motif fondé sur l’article 2 de la LMC – la date de production de la déclaration d’opposition, soit le 25 juin 2013 pour la demande ’944, et le 29 novembre 2013 pour la demande ’265. Compte tenu des données sur les ventes et les annonces fournies par Arterra, telles que résumées au paragraphe 24 de la décision de la COMC, à mon avis, les diverses conclusions de la COMC résumées ci‑dessus, y compris que NAKED GRAPE est bien connue, voire célèbre au Canada pour le vin, ne sont pas affectées par les dates pertinentes applicables à ces motifs. Par conséquent, ma conclusion quant à la probabilité de confusion concernant ces motifs est la même que celle à laquelle je suis parvenue à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la LMC. En d’autres termes, les demandes de Diageo sont également rejetées pour ces motifs.

VIII.  Conclusion

[71]  Je ne suis pas convaincue que Diageo ait rempli son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque raisonnable de confusion. En conséquence, l’appel d’Arterra est accueilli, la décision de la COMC est annulée en ce qui concerne les demandes d’enregistrement de marque de commerce n° 1,561,944 pour THE NAKED TURTLE, et 1,592,265 pour THE NAKED TURTLE Dessin – étiquette de devant; et il est ordonné au registraire de refuser, au titre du paragraphe 38(8) de la LMC, ces demandes d’enregistrement de marque de commerce.

IX.  Dépens

[72]  À la suite de l’audience de la présente affaire le 3 décembre 2019, les parties ont soumis à la Cour leur accord prévoyant que la partie ayant gain de cause se verra attribuer 5000 $, y compris les débours, les frais juridiques et les taxes. Ce montant est donc attribué à Arterra.


JUGEMENT dans le dossier T‑23‑19

LA COUR STATUE que :

« Janet M. Fuhrer »

Traduction certifiée conforme

Ce 5e jour de juin 2020.

Claude Leclerc, traducteur
Annexe A – Détails des motifs d’opposition

LMC659,543

NAKED GRAPE

LMC720,829

NAKED GRAPE & Dessin de raisin

LMC795,352

NAKED GRAPE FIZZ

NAKED GRAPE en liaison avec des vins, des vins panachés et des vins de glace;

NAKED GRAPE et Dessin en liaison avec du vin;

NAKED GRAPE FIZZ en liaison avec du vin.

Demande no 1,499,101 pour NAKED GRAPE SPRITZER MORNING MIMOSA;

Demande no 1,499,100 NAKED GRAPE SPRITZER SUNSET SANGRIA.

[Ce motif ne s’applique qu’à la demande ’944.]


Annexe B – dispositions applicables

[73]  La Cour d’appel fédérale a compétence en matière d’appel :

Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), ch T‑13

[2002‑12‑31 au présent]

Trademarks Act, RSC 1985, c T‑13 [2002‑12‑31 to present]

56 (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l’avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l’expiration des deux mois.

56 (1) An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registrar under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registrar or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months.

[...]

 (5) Lors de l’appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.

 (5) On an appeal under subsection (1), evidence in addition to that adduced before the Registrar may be adduced and the Federal Court may exercise any discretion vested in the Registrar.

57 (1) La Cour fédérale a une compétence initiale exclusive, sur demande du registraire ou de toute personne intéressée, pour ordonner qu’une inscription dans le registre soit biffée ou modifiée, parce que, à la date de cette demande, l’inscription figurant au registre n’exprime ou ne définit pas exactement les droits existants de la personne paraissant être le propriétaire inscrit de la marque.

57 (1) The Federal Court has exclusive original jurisdiction, on the application of the Registrar or of any person interested, to order that any entry in the register be struck out or amended on the ground that at the date of the application the entry as it appears on the register does not accurately express or define the existing rights of the person appearing to be the registered owner of the mark.

« Confusion » et « distinctif » sont des termes définis dans la Loi sur les marques de commerce :

Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), ch T‑13

[2002‑12‑31 au présent]

Trademarks Act, RSC 1985, c T‑13 [2002‑12‑31 to present]

2 créant de la confusion Relativement à une marque de commerce ou un nom commercial, s’entend au sens de l’article 6. (confusing)

2 confusing, when applied as an adjective to a trademark or trade name, means, except in sections 11.13 and 11.21, a trademark or trade name the use of which would cause confusion in the manner and circumstances described in section 6 ; (créant de la confusion)

2 distinctive Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d’autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi. (distinctive)

2 distinctive, in relation to a trademark, describes a trademark that actually distinguishes the goods or services in association with which it is used by its owner from the goods or services of others or that is adapted so to distinguish them; (distinctive)

[74]  La LMC impose des restrictions sur l’enregistrement :

Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), ch T‑13

[2002‑12‑31 au présent]

Trademarks Act, RSC 1985, c T‑13 [2002‑12‑31 to present]

12 (1) Sous réserve de l’article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

12 (1) Subject to section 13, a trade‑mark is registrable if it is not

d) elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée;

(d) confusing with a registered trade‑mark;

[...]

16 (3) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce projetée et enregistrable, a droit, sous réserve des articles 38 et 40, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard des marchandises ou services spécifiés dans la demande, à moins que, à la date de production de la demande, elle n’ait créé de la confusion :

16 (3) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a proposed trade‑mark that is registrable is entitled, subject to sections 38 and 40, to secure its registration in respect of the goods or services specified in the application, unless at the date of filing of the application it was confusing with

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

(a) a trade‑mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

[75]  La LMC décrit l’analyse de la confusion requise :

Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), ch T‑13

[2002‑12‑31 au 2019‑06‑16]

Trademarks Act, RSC 1985, c T‑13 [2002‑12‑31 to 2019‑06‑16]

6 (1) Pour l’application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l’emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

6 (1) For the purposes of this Act, a trade‑mark or trade‑name is confusing with another trade‑mark or trade‑name if the use of the first mentioned trade‑mark or trade‑name would cause confusion with the last mentioned trade‑mark or trade‑name in the manner and circumstances described in this section.

 (2) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 (2) The use of a trade‑mark causes confusion with another trade‑mark if the use of both trade‑marks in the same area would be likely to lead to the inference that the goods or services associated with those trade‑marks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the goods or services are of the same general class.

(3) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec un nom commercial, lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à cette marque et les produits liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à cette marque et les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie.

  (3) The use of a trade‑mark causes confusion with a trade‑name if the use of both the trade‑mark and trade‑name in the same area would be likely to lead to the inference that the goods or services associated with the trade‑mark and those associated with the business carried on under the trade‑name are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the goods or services are of the same general class.

 (4) L’emploi d’un nom commercial crée de la confusion avec une marque de commerce, lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les produits liés à cette marque sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les services liés à cette marque sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale.

 (4) The use of a trade‑name causes confusion with a trade‑mark if the use of both the trade‑name and trade‑mark in the same area would be likely to lead to the inference that the goods or services associated with the business carried on under the trade‑name and those associated with the trade‑mark are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the goods or services are of the same general class.

 (5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

 (5) In determining whether trade‑marks or trade‑names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

(a) the inherent distinctiveness of the trade‑marks or trade‑names and the extent to which they have become known;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

(b) the length of time the trade‑marks or trade‑names have been in use;

c) le genre de produits, services ou entreprises;

(c) the nature of the goods, services or business;

d) la nature du commerce;

(d) the nature of the trade; and

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

(e) the degree of resemblance between the trade‑marks or trade‑names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.


Annexe C – Résumé des éléments de preuve des parties

Preuve soumise à la Commission des oppositions des marques de commerce

[1]  Arterra a produit ce qui suit :

[2]  Diageo a produit ce qui suit :

Nouveaux éléments de preuve en appel

[3]  Arterra a produit ce qui suit :

[4]  Diageo a produit ce qui suit :



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